Intervention de Catherine Colonna

Réunion du 14 décembre 2005 à 15h00
Préalable au conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 — Débat sur une déclaration du gouvernement

Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, comme le Premier ministre l'a indiqué hier, dans son intervention devant l'Assemblée nationale, et ainsi que l'a rappelé le ministre des affaires étrangères voilà un instant, le Conseil européen de cette semaine est d'une importance capitale pour l'Europe. Vos différentes interventions montrent de façon plus qu'éloquente que vous partagez cette analyse.

Avant de répondre aux questions que vous avez posées, permettez-moi de vous dire, à mon tour, l'importance de notre débat d'aujourd'hui, qui s'inscrit dans le cadre de l'association étroite de la représentation nationale aux processus de décision européens que le Gouvernement a entendu promouvoir, conformément au souhait du Président de la République.

Philippe Douste-Blazy vous a rappelé les décisions prises. Moi-même, je m'en réjouis. Elles sont importantes pour notre débat démocratique. Je vous rejoins sur ce point, monsieur Bret.

Je remercie aussi de leur intérêt ceux d'entre vous avec lesquels nous avons effectué un premier déplacement à Bruxelles voilà quinze jours. Poursuivons !

La représentation nationale doit prendre toute sa part dans la construction européenne, et je veux vous redire avec force que le Gouvernement a besoin de votre soutien. Je remercie d'ailleurs les différents orateurs de la qualité de leur intervention.

Revenons sur les questions à l'ordre du jour du Conseil européen, objet du présent débat.

J'aborderai tout d'abord le point concernant les perspectives financières. Vous l'avez tous dit, il s'agit de l'enjeu majeur de ce Conseil européen.

L'Europe politique que nous appelons de nos voeux, l'Europe forte et solidaire, passe aujourd'hui d'abord par un budget, car un budget exprime nos choix.

Comme vous le savez, l'enjeu de ces négociations concernant la période 2007-2013 est bien le financement de l'Europe élargie.

Nous avons besoin d'un budget qui permette de respecter les accords déjà passés, par exemple sur le financement de la politique agricole commune jusqu'en 2013 - nous y tenons tous, le président Serge Vinçon et les autres intervenants l'ont souligné -, un budget qui permette aussi de lancer des politiques nouvelles ou des projets nouveaux - recherche, compétitivité -, de répondre aux préoccupations concrètes de nos concitoyens - sécurité, citoyenneté, justice -, d'assurer le rattrapage économique et social des nouveaux États membres.

Cela signifiera, concrètement, que la contribution de la France au budget augmentera. Nous le savons, et nous sommes prêts à l'assumer, si c'est pour un bon budget correspondant à notre vision de l'Europe. C'est pourquoi nous avions accepté le « paquet Junker ». Un bon budget, c'est un excellent investissement dans l'avenir, dans la stabilité et la prospérité du continent européen. Mais nous devons partager équitablement le coût de cet investissement.

Or les dernières propositions britanniques que nous avons reçues, voilà quelques heures, ne répondent pas à ces exigences, comme vous l'a dit Philippe Douste-Blazy.

Je vous confirme notre grande préoccupation. Les modifications apportées s'apparentent à un simple démarchage à l'intention de quelques-uns pour essayer d'emporter leur adhésion. D'ailleurs, je dis « démarchage », mais je pourrais dire « marchandage ». Ce n'est pas ainsi que l'on aboutira à un accord, et ce n'est pas non plus ainsi que l'on fera l'Europe.

En ce qui concerne le chèque britannique, qui est la clé de la négociation, la présidence ne fait aucun mouvement, tant sur le mécanisme lui-même que sur son montant. Ainsi, ses propositions sont identiques aux précédentes, qui ne constituaient pas une base de négociation, de l'avis général.

Je veux rappeler pourquoi le maintien du chèque en l'état n'est pas acceptable.

D'abord, plus rien ne le justifie aujourd'hui ! Le Royaume-Uni, qui était, en 1984, l'un des pays les plus pauvres de la Communauté - le huitième sur dix -, est aujourd'hui l'un des plus riches - le troisième sur vingt-cinq. La PAC représentait alors 70 % du budget européen ; elle n'en représentera plus que 33 % en 2013. Les arguments de 1984 ne tiennent donc plus.

Ensuite, si rien ne change et si le mécanisme du chèque n'est pas modifié, son montant ne cessera de croître. En effet, comme le chèque correspond à un pourcentage du budget, à chaque fois que ce dernier augmente, le chèque augmente aussi mécaniquement. Ainsi, avec les propositions britanniques, il atteindrait plus de 50 milliards d'euros sur la période 2007-2013, ce qui correspond quasiment au montant prévu pour le budget européen de la recherche dans les dernières propositions.

Si les règles actuelles du calcul du chèque étaient maintenues, le Royaume-Uni serait exonéré de sa juste part dans le financement de l'élargissement. C'est pourquoi la France n'a eu de cesse de rappeler qu'une réforme du mécanisme du chèque britannique était essentielle, de façon à ce qu'au moins le Royaume-Uni prenne sa juste part dans le financement de l'élargissement, ce qui est l'intérêt de tous, et pas seulement celui de notre pays.

Et cette réforme doit être durable : nous ne devons pas avoir à renégocier ce principe simple de solidarité financière à chaque nouvel élargissement.

Pour conclure sur les perspectives financières, disons les choses simplement et clairement : dans le futur budget de l'Union européenne, le Royaume-Uni doit prendre sa juste part des dépenses d'élargissement, comme tous les autres États membres. Aujourd'hui, tel n'est pas le cas, et nous le regrettons : le calcul actuel du chèque britannique ne conduit pas le Royaume-Uni à participer équitablement au financement de l'élargissement.

Dans la proposition révisée, le calcul du chèque est inchangé. Dès lors, le Royaume-Uni ne paierait qu'un tiers des dépenses qui lui incombent pour financer l'intégration des nouveaux États membres, alors que tous ses partenaires en assumeraient 100 %. Est-ce normal ? Est-ce justifiable ?

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