Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 14 décembre 2005 à 21h45
Lutte contre le terrorisme — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul d'entre nous ne peut oublier les images du terrorisme, ces images horribles. Nul ne peut méconnaître, ne peut oublier les milliers de victimes du terrorisme, tous ceux qui sont morts ou qui continuent de souffrir dans leur chair.

On dit et on écrit souvent : « les victimes innocentes ». Innocentes, elles le sont bien sûr, toutes ces victimes. Mais quand bien même seraient-elles coupables, auraient-elles quelque chose à se reprocher, qu'elles relèveraient de la justice des peuples libres et de rien d'autre. En aucun cas de cette barbarie.

On dit que le terrorisme est aveugle. Aveugle, il l'est à coup sûr, puisqu'il suffit d'être là, sur le trottoir, dans la rue, sur le quai du métro, d'être là simplement pour être en danger de mort, pour être la cible, pour être tué. Le terrorisme est aveugle en ce qu'il est le contraire de la civilisation et la négation de toute civilisation possible.

Alors, disons, redisons autant qu'il le faudra, que lutter contre la menace et la réalité du terrorisme est une impérieuse nécessité. Rappelons que cette lutte appelle légitimement le soutien de tous.

Redisons qu'il est nécessaire et légitime que tous les élus du peuple, de la nation et de nos collectivités locales apportent, dans le cadre de leurs compétences et dans le respect du droit, leur concours, tout leur concours, au gouvernement en place, quel qu'il soit, pour lutter contre le terrorisme et pour l'éradiquer.

Mais puisque nous disons cela, que nous le disons clairement, affirmant le sens de la responsabilité qui est le nôtre, disons, avec la même force, qu'il importe au plus haut point que l'action contre le terrorisme soit menée dans le respect de l'État de droit et, plus précisément, que, si des dispositions spécifiques doivent être prises, elles doivent l'être à titre nécessairement temporaire. Ce qui relève de la justice doit continuer à en relever, quitte à ce que celle-ci puisse se mobiliser - ce que chacun comprendra et souhaitera - avec la célérité requise et dans les formes appropriées.

Disons, avec autant de force, que, puisqu'il s'agit de terrorisme, puisqu'il est question des mesures exceptionnelles que la lutte contre celui-ci appelle, il faut absolument éviter l'amalgame avec un certain nombre d'autres questions - j'y reviendrai - car, comme le terrorisme est la pire des choses, nous ne pouvons en aucun cas accepter que la lutte contre celui-ci puisse être, si peu que ce soit, instrumentalisée.

Nous en sommes aujourd'hui - et Robert Badinter en a parlé cet après-midi avec toute la conviction que nous lui connaissons - au septième projet de loi contre le terrorisme.

Rappelons-nous.

Il y a eu la loi du 9 septembre 1986, qui a établi une liste d'incriminations et leur a conféré un statut juridique spécial lorsque leur auteur est animé par un mobile tenant au terrorisme. Il y a eu le nouveau code pénal de 1994, qui a élargi la notion d'acte terroriste et a prévu des sanctions plus lourdes. Il y a eu la loi du 22 juillet 1996, qui a créé une nouvelle infraction terroriste autonome, a mis en oeuvre une procédure d'exception, a introduit la déchéance de la nationalité en cas de condamnation pour un crime ou un délit terroriste et a renforcé la condamnation pour atteinte aux personnes dépositaires de l'autorité publique. Il y a eu la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001, qui a mis en place pour une période limitée - j'insiste sur ce point - toute une série d'instruments juridiques nouveaux permettant de lutter contre le terrorisme. Il y a eu la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure, qui a prolongé ces mesures et en a adopté d'autres. Et il y a eu la loi « Perben II », qui, on s'en souvient, contient toute une série de mesures relatives aux juridictions spécialisées, aux infiltrations, aux interceptions de correspondances et d'images, aux perquisitions et à la garde à vue.

L'arsenal, vous en conviendrez, est déjà considérable. Est-il vraiment indispensable d'ajouter une septième loi en attendant - pourquoi pas ? - la huitième, la neuvième, la dixième ?...

Je ferai observer, alors que l'on proclame constamment l'impérieuse nécessité de prendre les mesures annoncées en urgence, le danger étant ou pouvant toujours être imminent, qu'un nombre significatif de textes d'application des lois que je viens de citer ne sont toujours pas parus, plusieurs années après leur promulgation. Comment expliquez-vous cela, monsieur le ministre ?

Ainsi, les textes d'application de l'article 29 de la loi du 15 novembre 2001 au sujet de la conservation des données détenues par les opérateurs de téléphonie mobile ne sont toujours pas parus.

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