Pas de garanties quant à l'enregistrement, l'utilisation, la destination, la consultation et la conservation des images. Il en est de même pour la consultation croisée des différents fichiers par des agents de police administrative, pouvant donner lieu à la constitution de superfichiers.
Ce projet de loi institue une réquisition administrative, permettant de transmettre les données de connexion conservées par les opérateurs de communication et fournisseurs de services électroniques. Cette réquisition administrative s'oppose de manière frontale à la réquisition judiciaire.
L'aggravation proposée des peines encourues pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » constitue de toute évidence une mesure de pur affichage. En effet, nul n'ignore que les infractions terroristes sont déjà particulièrement et lourdement réprimées et font l'objet d'un régime procédural d'exception.
Cette proposition d'aggravation du dispositif pénal ne nous paraît donc pas nécessaire. Il en va de même pour la prolongation de la garde à vue.
S'il s'agit de rechercher des preuves supplémentaires, on sait que la détention provisoire est d'usage presque systématique en la matière et que sa durée est particulièrement longue. Sa prolongation devrait donc permettre de prévenir un crime imminent, objectif qui ne sera pas atteint avec quelques heures de garde à vue de plus ; en revanche, elle ouvre la voie à d'autres prolongations dont les délais ne connaîtront plus de limites...
Plus grave, ce projet de loi est porteur de confusions, d'amalgames, de mélanges. Mélanges volontaires, pour créer des peurs et des rejets supplémentaires. En effet, plusieurs dispositions nous le prouvent, ce projet de loi mélange lutte contre le terrorisme et lutte contre l'immigration. Cet amalgame est délibéré et entretenu. Il exprime la volonté profonde de criminaliser toujours plus l'immigration.
En juxtaposant des dispositions ayant pour but de combattre le terrorisme et d'autres tendant à lutter contre l'immigration clandestine, ce texte conforte les pires fantasmes qui font de chaque immigré clandestin un terroriste en puissance.
Et que dire de l'élargissement des conditions de déchéance de la nationalité ? En plus d'être totalement inefficace face au terrorisme, cette disposition contribue à la même logique répressive, et non préventive, stigmatise davantage encore une partie de la population dont l'attachement à la France est sans cesse mis en doute.
Je vous rappelle que, lors des auditions de la commission des lois, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris en charge de la section antiterroriste a indiqué que, sur les 100 à 150 personnes aujourd'hui détenues ou inculpées, la grande majorité sont françaises. Or, je pense qu'en France il n'y a pas de distinction entre Français d'origine, Français musulmans, Français convertis ; il n'y a que des Français tout court !
Enfin, puisque nous sommes dans le domaine des fantasmes, je terminerai par le dernier fantasme à la mode, qui circule en ce moment, celui d'un prosélytisme islamique ou islamiste faisant fureur au sein de nos prisons.
Chers collègues, j'ai visité de nombreuses prisons. Samedi dernier encore, je visitais la prison de la Santé. Je peux vous dire que le plus grand danger qui guette les prisonniers n'est pas de se jeter dans les bras d'individus instrumentalisant la religion et exploitant les discriminations et les injustices. Le plus grand danger auquel sont confrontés ces détenus, c'est que le Gouvernement tente de les convaincre qu'ils ne sont pas humains.
En l'absence de personnel spécialisé, de moyens matériels adéquats, c'est leur dignité qu'on leur enlève, c'est la révolte qu'on sème. À force de les faire vivre dans les pires conditions, indignes de notre République, à force d'humiliations, ces personnes « craquent ». Ne nous étonnons pas qu'elles aillent ensuite se réfugier auprès de « fous dangereux » pour trouver protection ou défense. On les aura un peu poussées au désespoir !
Donnons avant tout respect, dignité et moyens pour des conditions de vie décentes dans les prisons, avant d'ériger un cas particulier en généralité et de déguiser des faussetés en vérités, justifiant le système du tout-répressif.
Je conclurai en une phrase : s'il est primordial de lutter contre le terrorisme, n'oublions jamais que notre démocratie ne peut pas se construire au détriment des droits fondamentaux et des libertés publiques qui doivent être garantis par la lisibilité et l'accessibilité de la loi pour tous les citoyens.