Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 14 décembre 2005 à 21h45
Lutte contre le terrorisme — Question préalable

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

...on sait que l'argent sale est l'une des composantes des actes terroristes. Or, si des décisions ont été prises au fil des années à l'échelle internationale pour tenter de s'attaquer au phénomène du blanchiment, ces pas sont timides et sans effet réel. L'argent de tous les trafics continue de circuler impunément d'une place financière à l'autre.

Notre pays doit agir au sein de l'Union européenne et des institutions internationales pour faire prévaloir des réponses fortes et radicales, à la hauteur du défi auquel notre société continue d'être confrontée.

Il est temps de s'attaquer enfin réellement aux paradis fiscaux et judiciaires. Sait-on que, entre 1960 et 2004, le nombre de paradis fiscaux dans le monde est passé de vingt-quatre à soixante ? L'Europe en accepte de fait douze sur son territoire et la France protège Monaco et Andorre.

Ma collègue Eliane Assassi a fait quelques propositions. J'en ajouterai d'autres : l'obligation de transparence, de déclaration des opérations traitées avec les paradis fiscaux et judiciaires et leurs justifications ; une véritable levée, partout, du secret bancaire ; la traçabilité des revenus et des mouvements de fonds, et l'application du principe « publiez ce que vous payez » ; l'interdiction de la prise en compte, par les places boursières, des comptes consolidés de sociétés non contrôlées ; ou encore l'aide à la reconversion économique des centres off-shore...

Coopération, recherche, renseignement, information, sanction du financement des activités terroristes : ce projet de loi est loin de répondre à ces priorités. Je dirai même qu'il ne s'en soucie guère.

Je ne peux m'empêcher de relever un point commun à toutes les lois qui ont eu pour vocation, entre autres objets, de lutter contre le terrorisme : c'est leur caractère fourre-tout. Bien souvent, les textes comprenant des dispositions de lutte contre le terrorisme contenaient également des mesures diverses relatives à la sécurité et à l'immigration, comme c'est le cas du présent projet de loi.

Déjà, en 1996, le projet de loi de lutte contre le terrorisme prévoyait le renforcement de la répression des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou encore de l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'un étranger.

La loi de sécurité quotidienne relève de la même logique, comme celle pour la sécurité intérieure ou encore la loi Perben II. Elles visent toutes un très grand nombre d'infractions n'ayant que très rarement de lien entre elles. Quel est le but d'une telle entreprise politique si ce n'est de corseter petit à petit la société ?

Il est d'autant plus inquiétant de constater que la législation d'exception antiterroriste se mêle à un tel enchevêtrement de mesures disparates qu'une législation d'exception fait toujours peser une menace sur les libertés individuelles.

Aujourd'hui, cette menace est d'autant plus grande que ce texte sera adopté sur fond d'état d'urgence. C'est maintenant au tour des régimes d'exception de s'empiler !

D'amalgame en amalgame, le Gouvernement ne cesse d'attiser les peurs, de désigner des boucs émissaires, de stigmatiser des populations. M. Goujon parle clair en faisant un « paquet cadeau » : délinquance, violence urbaine, terrorisme. Tout y est.

D'empilement en empilement répressif, vous mettez en péril le socle démocratique, comme vous mettez à mal le socle social de notre communauté nationale. Vous jouez avec le feu.

Le courage consiste à refuser cette dérive, à refuser le consensus mortifère. En l'absence d'évaluation transparente des moyens actuels disponibles, en l'absence de définition des circonstances exceptionnelles limitées dans le temps, le projet actuel n'est pas acceptable.

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