De même, nous sommes unanimes pour dire qu'il importe prioritairement, en cas de malheur, de se pencher sur le sort des victimes, qui ont plus que droit à la solidarité nationale.
Nous sommes unanimes, c'est évident, à condamner des actes terroristes qui sont une tragique régression de l'humanité.
Mais, dans le même temps, nous avons le droit - sinon pourquoi un débat parlementaire ? - de nous poser la question de l'efficacité des mesures qui sont proposées, de veiller à ce qu'elles soient entourées de toutes les garanties - comme il est normal dans une démocratie - et de nous prémunir contre toute dérive ou amalgame qui pourraient porter atteinte aux droits et libertés, même si nous ne faisons pas un procès d'intention au Gouvernement. Nous savons d'ailleurs que le sursaut démocratique est également un moyen de combattre l'horreur du terrorisme.
La lutte contre le terrorisme est aujourd'hui menée sur le plan interne et à l'échelon international. Cela a été dit par d'autres intervenants, tous les gouvernements depuis vingt ans s'en sont préoccupés. L'action de nos services de renseignement, auxquels je rends hommage, a permis de nous prémunir efficacement, depuis l'attentat à la station du RER à Port-Royal en décembre 1996, mais nous savons que nous ne sommes pas à l'abri de nouvelles attaques. Tout a été dit sur la dangerosité des nouvelles formes de terrorisme depuis l'attentat du 11 septembre 2001, et personne ne refusera au Gouvernement le droit d'anticiper sur de telles actions.
Mais nous sommes fondés à nous interroger l'efficacité des mesures qui nous sont proposées. L'on pourrait en discuter interminablement ; il n'y a pas forcément dans cette enceinte de techniciens qui puissent répondre avec sûreté de ces mesures-là. Encore faut-il, au moins, qu'elles ne soient pas payées d'une réduction de nos libertés et qu'elles n'ouvrent pas la voie à des dérives ou à des amalgames qui ne sont d'aucune utilité pour combattre le terrorisme.
On peut discuter à perte de vue de l'utilité de l'extension et de l'exploitation de la vidéosurveillance. Il en faut une, c'est évident !
On peut discuter du stockage des données informatiques et de leur consultation par la police et la gendarmerie. C'est nécessaire, mais dans quelles conditions ?
On peut discuter aussi de l'efficacité des contrôles d'identité plus étendus sur les trains internationaux - là encore, j'y reviendrai brièvement dans un instant -, des traitements automatisés, des données personnelles des voyages internationaux.
Bref, tout cela est discutable et l'on peut aussi se demander si, en fin de compte, une surinformation ne risque pas de constituer un certain handicap pour nos services de renseignement, dont je viens de souligner toute l'efficacité, et si elle ne risque pas de réduire l'intervention proprement humaine.
On connaît des périodes où trop de renseignements, trop de décryptages de bandes conduisent à une situation où les spécialistes sont tout de même noyés sous la matière et perdent de vue l'essentiel.
Il y a donc là matière à réflexion. La commission des lois, malgré l'excellence du rapport de M. Courtois, s'est-elle suffisamment penchée sur ce type de question ?
Mais les risques d'arbitraire et de dérive me semblent bien réels, eux. Des mesures importantes seront prises administrativement. Il y aurait lieu d'en parler longuement. Ils seront évoqués, à l'occasion soit de nos travaux en commission, monsieur le président de la commission des lois, soit de nos discussions en séance publique. Il convient de se poser la question des garanties que pourraient apporter, ou qu'apportent, l'intervention judiciaire ou celle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, si les moyens et la volonté de contrôle existent bien.
Je relèverai : l'exploitation des renseignements fournis par la vidéosurveillance, parfois hors de tout contrôle de la CNIL ; les conditions d'accès des services de renseignement aux fichiers administratifs et aux données recueillies à partir de la vidéosurveillance et des communications électroniques - sous le contrôle de quelle autorité ? - ; le fichage des déplacements ; le relevé photographique des passagers dans les voitures - personnellement, cela ne me gêne pas d'être photographié quand je suis dans ma voiture, mais cela peut en gêner quelques-uns.