Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 4 août 1982, une loi adoptée sur l’initiative du député Raymond Forni et soutenue par le garde des sceaux Robert Badinter venait abroger le délit d’homosexualité né quarante ans plus tôt, sous le régime de Vichy.
À l’époque, le garde des sceaux avait déclaré justement devant les députés : « Il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels. » La rapporteure du texte, Gisèle Halimi, en introduction aux débats, rappelait quant à elle : « S’il est un choix individuel par essence et devant échapper à toute codification, c’est bien celui de la sexualité. Il ne peut pas y avoir de “morale sexuelle” de tous qui s’impose à la “morale sexuelle” de chacun. […] Nous ne saurions maintenir dans notre droit un texte discriminatoire qui méconnaît une réalité sociale et humaine importante et qui […] ne peut trouver dans la société d’aujourd’hui aucune justification. »
Pendant quarante ans, en effet, certaines relations homosexuelles ont été punies d’amendes et de peines d’emprisonnement. Outre la dépénalisation et la fin du délit d’outrage, le texte de 1982 a mis un terme à la discrimination qui existait en matière de majorité sexuelle entre les personnes hétérosexuelles et homosexuelles ; en effet, les relations sexuelles entre hommes étaient auparavant interdites jusqu’à 21 ans, contre 15 ans pour les relations hétérosexuelles. On mit ainsi fin à une injustice. Ce fut un soulagement après des décennies de stigmatisation où la sanction judiciaire se doublait souvent d’une réprobation morale et familiale.
Il nous faut saluer la mobilisation dans ce combat du sénateur radical Henri Caillavet, disparu au début de cette année.
Je veux aussi apporter mon soutien à toutes celles et tous ceux qui souffrent encore de ne pas se sentir libres de dire et de vivre librement leur orientation sexuelle.
Dans son dernier rapport annuel, SOS homophobie lançait l’alerte, en constatant une hausse sensible des agressions physiques contre les personnes LGBT : une telle agression se produirait tous les deux jours. Alors que des personnalités politiques ont tenu, encore récemment, des propos inacceptables et consternants, il est plus que jamais nécessaire que nous restions mobilisés.
La proposition de loi dont nous débattons cet après-midi, déposée par M. Bourgi, a été cosignée par des membres de notre assemblée siégeant sur toutes les travées de cet hémicycle. Elle vise, plus de quarante ans plus tard, à reconnaître cette discrimination et à apporter réparation aux personnes qui ont été condamnées pour homosexualité.
Les membres du groupe RDPI voteront en faveur de ce texte.
Vous souhaitez, mon cher collègue, que la France reconnaisse sa responsabilité dans la politique de criminalisation et de discrimination des personnes homosexuelles, comme d’autres pays l’ont déjà fait : l’Espagne il y a seize ans, le Canada et Allemagne plus récemment, en 2017, l’Autriche cette année.
Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur : le législateur s’est fourvoyé en soumettant l’homosexualité à la loi pénale.
Au regard de difficultés juridiques qui tiennent, d’une part, au système de réparation proposé et, d’autre part, à l’infraction pénale créée, laquelle vise à réprimer la négation, la minoration ou la banalisation outrancière de la déportation des homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’une telle infraction existe déjà dans le droit actuel, il nous est proposé d’adopter un dispositif consensuel. Nous soutenons cette démarche collective.
Quarante ans durant, des hommes ont été traités comme des criminels et condamnés à vivre clandestinement leurs relations, alors même que notre pays avait été précurseur, à l’échelle mondiale, en instaurant une première dépénalisation en 1791.
En 2022, auprès du magazine Têtu, Élisabeth Borne s’est engagée : « Nous devons avancer pour réparer ce qui peut l’être. » C’est ce que nous nous apprêtons à faire.
En conclusion, je veux saluer l’action de la diplomatie française en faveur de la dépénalisation de l’homosexualité dans le monde. Elle fait de la protection des droits des personnes LBGT+ une priorité, alors que soixante-neuf pays criminalisent encore l’homosexualité et que onze d’entre eux prévoient la peine de mort parmi les sanctions applicables.
« On ne doit pourtant jamais être coupable de qui on est » : je reprends les propos tenus par un homme dans le reportage « Homosexualité : les derniers condamnés ». Aujourd’hui, le Sénat sera au rendez-vous.