Monsieur le rapporteur, l’amendement que vous nous soumettez pose de nombreux problèmes. Je veux croire que votre intention est de protéger la République, qui pourrait, selon une lecture rapide de notre texte, être assimilée au régime de Vichy. Toutefois, pour ce faire, vous effacez ce qu’ont subi les personnes homosexuelles en France au cours de cette période, ce qu’a très bien évoqué il y a un instant notre collègue Jean-Gérard Paumier.
Il n’est pas dans mon habitude de citer le président Chirac. Il me semble pourtant, puisqu’il est question de la distinction entre Vichy et la République, que le Président de la République a accompli le 16 juillet 1995 un acte important quant à la reconnaissance de la déportation des Juifs. Nous avons l’occasion de faire un geste similaire.
Aussi désagréable que ce soit, c’est un fait que certaines politiques ont connu une grande continuité entre Vichy et la IVe République. Ainsi des mesures de criminalisation des femmes qui avortaient : sous Vichy, elles étaient passibles de la peine de mort ; cette sentence a été supprimée sous la IVe République, mais la politique a perduré et s’est même intensifiée. En effet, ces femmes ont continué d’être poursuivies après 1946 ; pire encore, toutes les structures mises en place pour les identifier sous Vichy ont été renforcées ! Ce constat est désagréable à entendre, mais certaines politiques moralistes visant à pénaliser les droits sexuels et reproductifs des femmes et des homosexuels ont connu une certaine continuité.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, c’est vous-même qui souhaitez introduire dans le texte la notion de « responsabilité ». Celle-ci ne figure pas dans la rédaction initiale de la proposition de loi, où on lit simplement : « la République française reconnaît et regrette ». Par ce glissement, vous excluez les homosexuels qui ont souffert et ont été déportés sous le régime de Vichy.