Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 22 novembre 2023 à 15h00
Référendum d'initiative partagée — Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi constitutionnelle a trait à une procédure, celle du référendum d’initiative partagée, qui a été créée récemment, mais qui n’a jamais abouti à ce jour.

Comme cela a été rappelé, de nombreuses conditions et interprétations jurisprudentielles du Conseil constitutionnel expliquent cette situation.

La présente proposition de loi a pour objet d’y remédier et de rendre effectif cet outil d’exercice de la souveraineté nationale.

Ce texte ne sera évidemment pas adopté, étant entendu que le Sénat a déjà rejeté des mesures aussi peu problématiques que l’extension du droit de pétition exercé via la saisine du Conseil économique, social et environnemental (Cese), ou que la désignation de membres des conventions citoyennes par tirage au sort.

Le présent texte comporte cinq modifications des critères actuels, ceux-ci s’étant avérés trop restrictifs.

Sur l’élargissement du champ d’un tel référendum, tout d’abord, notre groupe reste très prudent, pour des motifs divers : possible déficience de délibération, d’échange des points de vue, ou d’expertise ; risques réels liés à des manipulations ; décisions discriminatoires en fonction du contexte et de l’état de la société ; enfin, expression favorisée du populisme.

Pour autant, ce que proposent en la matière les auteurs de ce texte est une façon de répondre à l’interprétation trop stricte que fait le Conseil constitutionnel du champ du référendum.

Nos collègues souhaitent notamment supprimer de l’article 11 de la Constitution le terme : « réformes ». Il est vrai que les référendums d’initiative partagée doivent se concentrer sur des changements importants pour les citoyens, mais cette notion de « réforme » a bel et bien fait l’objet d’interprétations diverses, notamment quant à la nécessité pour le texte concerné de modifier substantiellement le droit existant, ce qui empêche de prévenir de la sorte une éventuelle évolution de ce droit.

Il est ensuite prévu d’abaisser les seuils de signatures requis, tant du côté des parlementaires que du côté des citoyens. Nous soutenons cette démarche, en particulier celle qui consiste à abaisser le nombre de soutiens citoyens requis. Tant l’exemple de certains pays voisins que l’ambition de rendre effective et rapide la mise en œuvre d’un tel référendum nous y incitent.

Les auteurs de ce texte souhaitent par ailleurs introduire à l’article 11 une nouvelle exigence de rejet exprès par le Parlement de la proposition de loi concernée si celui-ci veut empêcher qu’elle soit soumise au référendum. Notre assemblée s’est souvent élevée, à juste titre, contre l’impossibilité dans laquelle elle est de se prononcer de manière expresse sur les textes de ratification d’accords internationaux – je pense en particulier à la ratification de l’Accord économique et commercial global (Ceta). Cette modification est essentielle ; ainsi, la responsabilité du Parlement serait dorénavant clairement engagée.

Il est enfin proposé une élaboration partagée du texte : une initiative pourrait émaner des citoyens, puis être reprise par le Parlement, ce qui corrigerait à juste titre l’asymétrie actuelle.

Notre société va mal, la démocratie représentative souffre de bien des manières ; le ressenti légitime, par nos concitoyens, d’un déficit, voire d’une défaillance de la démocratie ne fait que s’amplifier.

Membres de la chambre des territoires, nous le savons bien : de plus en plus de Français, mais aussi d’élus locaux, se sentent trop éloignés des discussions et des décisions qui affectent leur quotidien.

Nous avons souvent pu défendre dans cet hémicycle le rôle essentiel du local, le besoin d’une différenciation. Nous n’adhérons pas à une vision concurrentielle de l’exercice de la souveraineté : le Parlement, dans sa légitimité, n’est que l’une des formes d’exercice de la souveraineté nationale – une forme essentielle, certes, mais qui n’est pas et ne doit pas être la seule.

Il est donc grand temps d’agir ! De nouveaux modes d’expression citoyenne doivent être expérimentés. Certains l’ont déjà été, d’ailleurs, à l’échelle des territoires et en particulier des communes.

Alors, amplifions ce mouvement en rendant possibles, dans le cadre de la loi, de nombreuses nouvelles expérimentations !

Nous jugeons nécessaire de mener une réflexion en vue d’un surcroît de démocratie participative et de démocratie directe, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale.

Nous pensons que le référendum doit pouvoir être utilisé selon un juste équilibre préservant la cohésion nationale et écartant le risque d’une remise en cause d’acquis majeurs et essentiels.

Nous estimons que toute modification des modalités du référendum doit prévenir les conflits de délibération qui pourraient émerger entre deux expressions de la souveraineté, l’une directe, via le référendum par exemple, l’autre parlementaire.

Mais les trop grands écarts entre les aspirations des élus et celles des citoyens nécessitent qu’un moyen correctif soit inscrit dans notre Constitution.

À mon tour de citer un homme de droite – après Jacques Chirac, Michel Debré – : « La seule souveraineté, c’est le peuple, et le Président de la République fait appel à lui en cas de conflit. » Nous l’avons bien vu, l’appel à la souveraineté du peuple via la dissolution et la tenue de nouvelles élections est un instrument trop peu employé, pour des raisons évidemment très politiciennes. Le référendum pourrait, à cet égard, se révéler l’outil idoine, moins soumis au bon vouloir d’une seule personne, fût-elle le Président de la République.

Aussi notre groupe soutiendra-t-il cette proposition de loi constitutionnelle.

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