Nous discutons à nouveau, en deuxième lecture, du titre de séjour accordé à un étranger malade. Pour défendre cet amendement, je voudrais formuler plusieurs observations liminaires, notamment rappeler des éléments du contexte.
Jusqu’en avril 2010, la jurisprudence du Conseil d’État imposait seulement à l’administration de vérifier l’existence dans le pays d’origine de structures médicales susceptibles de permettre à l’étranger de recevoir un traitement approprié, sans tenir compte de sa capacité à y accéder effectivement.
Dans deux arrêts rendus le 7 avril 2010, le Conseil d’État a fait évoluer cette jurisprudence. Il a considéré qu’il appartenait au préfet, non seulement de vérifier qu’un refus de séjour ou un éloignement forcé n’induirait pas de conséquences d’une exceptionnelle gravité sur l’état de santé de l’intéressé, mais également de s’assurer que l’étranger serait effectivement en mesure d’accéder aux soins requis dans son pays.
L’article 17 ter du projet de loi avait donc pour objet de revenir à la situation du droit antérieure aux deux arrêts rendus par le Conseil d’État. En effet, les magistrats administratifs et les juges en particulier s’interrogeaient sur leur capacité à apprécier concrètement les conditions de l’accès effectif aux soins dans un pays donné pour pouvoir fonder la décision de renvoi d’un étranger malade dans son pays d’origine.
Cet article a été supprimé en première lecture par le Sénat, d’abord en commission des lois, puis en séance publique. Réintroduit en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, il a été de nouveau rejeté par la commission des lois du Sénat.
L’amendement que je soutiens vise à atteindre un double objectif.
Il a pour objet, d’une part, de rappeler le principe qui était en vigueur avant 2010, principe dont on peut aisément comprendre le sens et l’intérêt pour nous, mais dont l’application suscite des inquiétudes. Bien évidemment, nous sommes tous d’accord pour considérer, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, qu’il n’est pas normal de renvoyer un étranger gravement malade dans son pays d’origine s’il ne peut y être soigné.
Dans le cadre de la discussion parlementaire, nous nous sommes donc efforcés de trouver une rédaction qui garantisse à la fois le principe en vigueur jusqu’en 2010 et la santé des étrangers gravement malades. Dans la pratique, le ministère de la santé édicte régulièrement des circulaires précisant les circonstances dans lesquelles un titre de séjour est accordé à un étranger atteint d’une grave maladie ; sont particulièrement concernées les personnes atteintes du sida.
L’amendement a d’autre part pour objet de permettre, dans certains cas, la prise en compte de circonstances particulières tenant à la situation du demandeur : il serait explicitement prévu que l'autorité administrative puisse prendre en compte des considérations humanitaires exceptionnelles pour l'attribution du titre, après avoir recueilli l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé.
Une telle rédaction introduit dans la loi l’intention claire du législateur de se prémunir contre toute déviance possible en matière de refus de titre de séjour à un étranger gravement malade.
J’ajoute que le dispositif proposé ne trahit nullement le secret médical, puisque la décision finale revient au médecin.
Par cet amendement, il est simplement question de remplir ce double objectif et de le traduire clairement dans la loi, afin d’éviter toute ambiguïté. Tel était mon souci, en tant que rapporteur et en tant parlementaire. Comme tout le monde, je le dis clairement, je suis convaincu qu’il est hors de question pour la France de renvoyer un étranger gravement malade dans son pays si l’on sait qu’il ne pourra pas s’y soigner.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai déposé cet amendement, au nom de la commission des lois.