Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite d’avoir proposé ce débat consacré à la situation des finances publiques locales, qui ouvre l’examen du projet de loi de finances pour l’année prochaine, comme l’an dernier et comme le prévoit désormais la loi organique.
Cet exercice est nécessaire dans un contexte particulièrement incertain pour les collectivités territoriales, comme d’ailleurs pour le budget de l’État.
En 2023 et 2024, le ralentissement de l’activité économique devrait limiter la progression globale des recettes des collectivités territoriales, certaines recettes importantes connaissant même une diminution en valeur absolue.
Ainsi, selon les prévisions du projet de loi de finances pour 2024, les recettes nettes de TVA, toutes administrations publiques confondues, progresseraient de 4 % en 2023, soit un niveau inférieur à celui de l’inflation.
Les recettes de TICPE des régions et des départements pourraient également diminuer sous l’effet de moindres consommations de carburants, dans un contexte de prix toujours élevés des produits pétroliers et de la fin des mesures d’aide de l’État sur le prix des carburants à la pompe.
Les recettes de DMTO chuteraient de 20 % à 30 % en 2023. Cette tendance pourrait encore s’aggraver en 2024. Ainsi, la Cour des comptes chiffrait les suppléments de recettes à 4, 8 milliards d’euros en 2022, mais elle annonce pour 2023 une baisse de 2, 6 milliards et elle prévoit –2, 9 milliards en 2024. Autrement dit, le tableau n’est pas si bon que cela : il a été bon en 2022, il n’est pas bon en 2023, et il le sera encore moins en 2024 !
En effet, les collectivités font face en 2023 – et cette tendance se poursuivra, voire s’accentuera en 2024 – à des hausses notables de leurs charges de fonctionnement.
Je pense naturellement à l’impact de l’inflation sur les dépenses d’achats de biens et services. Je pense également à la hausse, par ailleurs parfaitement légitime, des dépenses de personnel, qui représente une ponction très lourde sur les budgets des collectivités.
J’évoquerai enfin la hausse des charges des départements confrontés à des dépenses sociales de plus en plus importantes. Le vieillissement de la population expose en particulier les départements à une augmentation durable des dépenses pour l’autonomie, sans compter les dépenses liées au revenu de solidarité active (RSA), fortement liées à la conjoncture.
De surcroît, les collectivités vont devoir faire face à des dépenses d’investissement d’ampleur : transition écologique, adaptation et modernisation des transports nécessiteront des financements importants et prolongés.
Je rappelle à ce titre que les collectivités détiennent un patrimoine bâti de plus de 225 000 bâtiments pour une surface totale d’environ 280 millions de mètres carrés contre 100 000 bâtiments et 49 millions de mètres carrés pour l’État. Les investissements à réaliser sont donc colossaux !
Le PLF 2024, comme le précédent, prévoit certaines mesures d’accompagnement comme le fonds vert, le fonds de reconstruction ou encore une nouvelle hausse de la DGF. Pour autant, seront-elles suffisantes ? J’en doute, et l’examen du PLF permettra de faire des propositions complémentaires.
L’enjeu est de permettre aux collectivités de fournir des services publics de proximité de qualité aux citoyens, de faire face aux changements climatiques, d’accompagner les citoyens les plus fragiles.
Est-ce nécessaire de rappeler que les transferts financiers de l’État aux collectivités ont pour objectif de permettre à celles-ci d’assumer des compétences répondant aux attentes de nos concitoyens ? Est-ce nécessaire de rappeler que, pour assumer ces compétences, les collectivités n’ont quasiment plus de ressources fiscales propres ? Vous en avez convenu, monsieur le ministre…
Or, sans recettes fiscales propres, il est particulièrement important pour les élus d’avoir une visibilité pluriannuelle sur les ressources dont ils peuvent disposer pour bâtir le budget de leur collectivité. Les élus ne peuvent pas, chaque année, attendre la présentation du PLF pour connaître l’évolution de leurs ressources de l’année suivante ; il n’est plus possible de fonctionner ainsi. Ce n’est pas responsabilisant : les élus doivent pouvoir se projeter sur l’ensemble de leur mandat.
La Cour des comptes a mis en exergue, dans son dernier rapport sur les finances publiques locales, l’ensemble des éléments que je viens d’exposer. Il faut repenser le financement des collectivités territoriales. Il faut donner aux élus une visibilité de moyen terme et une prévisibilité des ressources pour ne pas décourager l’investissement.
Il faut aussi, et ce point est indispensable, mettre en adéquation les ressources des collectivités avec leurs missions et leurs compétences. Le défi est de taille. Cela n’a pas été fait depuis trop longtemps et il faut remettre l’ouvrage sur le métier. En tout cas, le succès ne sera possible que par l’écoute, le dialogue et une confiance retrouvée entre l’État et les élus locaux.