Je suis un peu étonné de la demande de suppression de l’alinéa 14. Ce n’est pas une question de « complexité » ; il s’agit d’un enjeu financier fondamental.
Savez-vous qui est le premier distributeur de bananes en Europe ? C’est Jersey. Par quel artifice est-ce possible ? C’est tout simplement parce que le groupe irlandais Fyffes, grand négociant de fruits, a domicilié en pleine campagne, dans la petite commune de Saint John, une entreprise servant uniquement de boîte aux lettres.
Jersey, comme vous le savez, est la plus grande des îles anglo-normandes, d’une superficie de seulement 118 kilomètres carrés, comptant moins de 100 000 habitants, mais dont 50 % des salariés travaillent dans l’industrie financière.
Trois groupes américains – Chiquita Brands International, Dole Food Company et Del Monte Foods – sont les spécialistes mondiaux de la banane.
La banane est le fruit le plus consommé dans le monde. Ainsi, à Saint-Hélier, la capitale de Jersey, les traders achètent et revendent les bananes en provenance, principalement, d’Amérique centrale.
La banane effectue deux voyages : un premier, physique, dans un cargo, depuis les plantations du Costa Rica par exemple, en direction du marché européen – l’Allemagne, avec ses 80 millions d’habitants, en est le premier consommateur sur le vieux continent –, et un second, purement virtuel, dans le circuit informatisé des factures et de la spéculation sur les prix, qui chemine par les îles Caïmans pour l’assurance, par les Bahamas pour le droit de la marque, par l’île de Man pour la facturation et par Jersey pour les frais financiers. La banane, qui coûtait 15 centimes au Costa Rica, est ainsi vendue 1 euro, par exemple, à Berlin. Et quasiment 85 % de son prix a échappé à l’impôt.
Voilà ce que sont les prix de transfert ! C’est un enjeu fondamental. Certains parlent d’« optimisation fiscale » ; moi, j’appelle cela de l’évasion légale !