Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 13 avril 2011 à 14h30
Immigration intégration et nationalité — Article 30

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président de la commission des lois :

Cher collègue Jacques Mézard, c’est en partie à cause de moi que la commission a modifié sa position sur la question. Nous réfléchissons, nous disposons d’informations nouvelles, notre position peut quelquefois évoluer. Ce n’est pas en restant figé que l’on légifère efficacement !

J’avais déjà fait part de mes doutes. Pour moi, le problème principal provient de l’absence d’unification des juridictions. Il semble que ce ne soit pas possible de modifier cet état de fait, sauf à opérer le bouleversement constitutionnel souhaité par certains. Nous allons peut-être le faire dans un autre domaine, alors vous voyez, mes chers collègues, des ouvertures sont toujours envisageables !

Si l’on supprimait le Conseil d’État, l’affaire sera réglée : les juridictions judiciaires seraient compétentes. Dans certains pays, il n’y a qu’un seul ordre de juridiction. Mais notre organisation, qui est ancienne, ne le permet pas. Il est vrai que la situation est complètement absurde et incompréhensible si l’on n’est pas familier des arcanes de notre organisation juridictionnelle : une juridiction se prononce sur le maintien en rétention, l’autre sur le fond.

Monsieur le ministre, j’ai entendu vos arguments pour passer du délai actuel de deux jours à cinq jours. La tâche des préfectures est dure. Tous ceux qui ont fréquenté les services des étrangers des préfectures savent qu’il est très difficile d’être à la fois respectueux des personnes et de faire appliquer la législation. Il est évident qu’un délai de cinq jours permettrait au tribunal administratif d’être saisi le premier.

Nous devons cependant prêter attention au problème constitutionnel. Nous avions d’ailleurs récemment mis en garde l'Assemblée nationale et le Gouvernement sur le doute constitutionnel qui pesait sur la LOPPSI. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, un délai de sept jours est trop long. En ce qui concerne les zones d’attente, le délai est de quatre jours. Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, qui est une référence, elle a également fixé le délai à quatre jours. On peut m’objecter que les situations ne sont pas identiques, car en l’espèce il est question de la garde à vue. Mais il s’agit également d’une mesure privative de liberté. Vous l’avez indiqué, et j’en conviens parfaitement, les deux ne sont pas de même nature, mais il est tout de même possible d’établir des correspondances.

Évidemment, je comprends que les juridictions administratives soient débordées. Un tribunal administratif que je connais mieux que les autres croule sous ces recours, car sa juridiction englobe Roissy.

Honnêtement, si l’on renforce les moyens des juridictions administratives, elles pourront faire face, même en quatre jours, et sans disparités.

Je connais le sentiment du vice-président du Conseil d’État, qui a souligné les difficultés que rencontreraient les juridictions administratives pour statuer en quatre jours. Le juge administratif devrait pouvoir intervenir avant que le juge judiciaire ne traite de la question de la liberté : certes, mais sans courir de risque constitutionnel !

Dès le départ, j’ai fait part de mes doutes à ce sujet. C’est pourquoi, après avoir réfléchi de longues semaines à la suite de la première lecture du texte dans notre assemblée, j’ai décidé de proposer à la commission, qui m’a suivi dans sa majorité, un délai de quatre jours, qui me paraît garantir une plus grande efficacité.

Comme je l’ai dit, je ne suis absolument pas hostile à l’inversion, monsieur le ministre. Mais il me semble que notre solution est raisonnable, et qu’elle nous permettra peut-être d’éviter une censure du Conseil constitutionnel.

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