Monsieur Badinter, permettez-moi de rappeler quelle était la conclusion de mon intervention liminaire.
J’indiquais que le projet de loi contenait des mesures très intéressantes et allait dans le sens d’une clarification et d’une amélioration du fonctionnement de notre justice. J’y mettais néanmoins une double condition : que l’on veille à sauvegarder l’équilibre entre les mesures proposées et les moyens consacrés à leur mise en œuvre – c’est un des points que vous venez d’aborder – et que l’on s’attache à ce que la simplification des procédures juridictionnelles ne se traduise pas par une banalisation de certaines d’entre elles, banalisation qui entraînerait un amoindrissement de leur impact – votre intervention allait également dans ce sens.
La commission des lois partage donc votre préoccupation, monsieur Badinter, et c’est dans cet esprit qu’elle a examiné le projet de loi.
La commission a tout fait pour éviter que le développement des procédures simplifiées de jugement ne dépasse les limites de l’acceptable, nous entraînant ainsi sur des terrains sur lesquels l’équilibre des parties et des intérêts en jeu n’aurait pas été sauvegardé. Vous pouvez donc être rassuré, mon cher collègue, par les travaux de la commission.
Je vous rappelle par ailleurs que, voilà quelques années – vous étiez alors membre de la commission des lois –, une mission d’information tout à fait pluraliste a été constituée pour évaluer la mise en œuvre des procédures simplifiées, notamment l’ordonnance pénale et la CRPC.
À l’issue des travaux de la mission, nous avons établi un constat similaire à celui que je peux faire en qualité de rapporteur pour avis d’un certain nombre de programmes de la mission « Justice », dans les différentes juridictions au sein desquelles je me rends tout au long de l’année : les chefs de juridiction ne fixent pas de limite pour justifier l’usage de la procédure simplifiée ou de la procédure traditionnelle. Le recours à la procédure simplifiée est déterminé par la nature du contentieux, mais aussi par la compréhension des parties en présence et par leur réceptivité à la mise en œuvre de cette procédure.
M. Badinter a insisté sur la très grande place du parquet dans le déroulement des procédures. Je précise que, lors de la CRPC, le parquet propose certes la peine, mais celle-ci doit être homologuée par un juge du siège.
La commission est attentive au respect des limites que je viens de rappeler. Elle a d’ailleurs adopté un certain nombre d’amendements allant dans ce sens lors de ses travaux, et nous pourrons revenir sur ces sujets au cours de la discussion.
Nous pouvons considérer, me semble-t-il, que la commission partage votre préoccupation. Elle veille à ce que les procédures nouvelles, qui permettent d’apporter des réponses pénales, en plus grand nombre et plus rapidement, à certaines affaires aujourd’hui traitées avec lenteur, ne nuisent pas à l’équilibre et à la sérénité nécessaires à la justice pénale.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.