Intervention de Richard Yung

Réunion du 13 avril 2011 à 21h45
Immigration intégration et nationalité — Article 37, amendement 96

Photo de Richard YungRichard Yung :

Je profiterai de ma prise de parole sur l’article, monsieur le président, pour présenter l’amendement n° 96.

Cet article 37, qui a moins fait parler de lui que les dispositions concernant la déchéance de nationalité ou les mariages gris, est pourtant au cœur du projet de loi. Il est fondamental !

Il vise à repousser de quarante-huit heures à quatre jours le délai à l’issue duquel l’administration doit saisir le juge des libertés et de la détention, si elle souhaite maintenir un étranger en rétention.

Il tend également à réduire le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention doit se prononcer sur la demande de maintien en rétention.

Nous réaffirmons notre ferme opposition à ces dispositions, étant rappelé que nous avions réussi à convaincre la commission des lois de partager avec nous cette opposition.

M. Gérard Longuet, offrant déjà ses services au Gouvernement, avait échoué, à l’époque, à rétablir cet article. Mais le Gouvernement a trouvé une majorité peut-être plus docile à l’Assemblée nationale et n’a eu aucun mal à restaurer la version initiale de son projet de loi.

C’est ainsi que nous sommes saisis d’un compromis élaboré par le rapporteur et le président de la commission des lois du Sénat.

Sur le fond, ce compromis de dernière minute ne change rien. Si elles étaient adoptées, ces dispositions auraient pour conséquence de faire intervenir le juge administratif avant que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur le maintien en rétention. De nombreux étrangers risqueraient ainsi, pendant un délai de quatre jours, d’être reconduits à la frontière, même s’ils ont fait l’objet d’une procédure irrégulière que le juge judiciaire aurait annulée.

Pour justifier ce choix, il est affirmé que cette solution permettrait d’éviter que le juge des libertés et de la détention ne maintienne en rétention l’étranger sous le coup d’une mesure illégale que le juge administratif va annuler. C’est le principal argument que l’on nous assène s’agissant de ce nouveau dispositif. Il ne nous convainc pas, car l’interpellation est l’événement déclenchant la procédure et conduisant l’étranger en rétention. C’est le cœur du travail du juge des libertés et de la détention, qui la contrôle.

Ces dispositions visent uniquement à rendre inopérante l’intervention du juge judicaire – nous l’avons dit, le Gouvernement n’aime pas les juges –, qui, d’après ce même Gouvernement, serait laxiste et ferait obstacle aux expulsions des migrants en situation illégale.

Elles posent aussi de nombreux problèmes de principe.

Elles sont contraires à l’article 66 de la Constitution, qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu ».

Elles sont contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel considère que le contrôle du juge judiciaire doit intervenir « dans le plus court délai possible » – quatre ou cinq jours, ce n’est pas le délai le plus court possible ! – ou « dans les meilleures délais ».

Ainsi, dans sa décision en date du 9 janvier 1980, le Conseil constitutionnel a jugé que l’exigence de brièveté du délai était satisfaite par un délai de quarante-huit heures, et non par un délai de cinq, six ou sept jours. Il y a donc fort à parier que le Conseil aurait sanctionné le délai de cinq jours. Qu’en sera-t-il de celui de quatre jours ? Nous n’en savons rien, mais nous le saurons puisque, comme vous l’imaginez bien, mes chers collègues, nous interrogerons le Conseil constitutionnel sur ce point.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de confirmer la position que nous avons adoptée en première lecture, en votant notre amendement n° 96.

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