L’alinéa 5 de l’article 41 est le fruit du vote d’un amendement du Gouvernement adopté en première lecture par le Sénat.
Il s’agit de mettre en place un régime dérogatoire de rétention administrative au-delà de la période maximale de quarante-cinq jours inscrite dans le projet de loi pour les étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire français pour des actes de terrorisme ou qui font l’objet d’une mesure d’expulsion pour « un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées ».
En première lecture, nous avions déjà demandé la suppression de cette disposition. Nous réitérons aujourd'hui notre demande, d’autant que, lors des débats, la réponse du ministre avait été laconique.
Si cette mesure était définitivement adoptée, elle permettrait de maintenir en rétention administrative, et ce jusqu’à dix-huit mois, des personnes étrangères qui, même si elles ont entièrement purgé leur peine, sont frappées d’une peine supplémentaire, c’est-à-dire d’une interdiction du territoire français ou d’un arrêté d’expulsion. Le juge des libertés et de la détention se prononcerait une première fois pour prolonger la rétention d’un mois, puis plusieurs fois jusqu’à six mois. Si, dans ce laps de temps, les autorités n’ont pas été en mesure d’expulser la personne, soit en raison de « l’obstruction volontaire » imputable à l’étranger, soit du fait de retards dans l’obtention des documents de voyage nécessaires, le juge pourra alors décider de prolonger la rétention de douze mois supplémentaires.
Nous sommes totalement opposés à une telle mesure.
Tout d’abord, cette nouvelle rétention administrative servirait dans les cas où il y aurait toutes raisons de croire que l’assignation à résidence ne permettrait pas un « contrôle suffisant » de la personne. Le Gouvernement n’a pas démontré en quoi le système des assignations à résidence, bien qu’il soit loin d’être satisfaisant sur le plan des garanties procédurales, ne constituerait pas, dans ce cas d’espèce, une alternative valable. Pourquoi proposer une telle mesure, alors que le Gouvernement lui-même vient d’introduire dans la LOPPSI un dispositif répondant à la même finalité et permettant de soumettre au bracelet électronique certains étrangers condamnés pour terrorisme, mais non expulsables ?
Par ailleurs, le placement d’une telle personne dans un cadre de rétention des migrants, jusqu’à une durée de dix-huit mois, entrerait en infraction avec le droit à la liberté inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme.
Le Gouvernement affirme en effet que cette mesure est nécessaire non seulement lorsque la personne n’a pas de documents de voyage, mais aussi dans les cas où la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné à la France de surseoir à une expulsion pendant qu’elle examine la requête d’un individu, ainsi que dans ceux où l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d’asile ont conclu que l’intéressé risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements à son retour, tout en refusant à cette personne le statut de réfugié.
Mais alors, dans cette hypothèse, l’enfermement de cette personne jusqu’à dix-huit mois serait contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Les personnes visées ont certes commis des faits graves, mais elles ont été punies et ont purgé leur peine.
Autre point préoccupant, porter plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ou encore tenter de se protéger du retour en raison d’un risque de torture peut conduire à une privation de liberté de dix-huit mois. Cela va dissuader plus d’un étranger qui va y réfléchir à deux fois avant d’exercer ses droits.
De surcroît, il faut tout de même rappeler que la seule finalité de la rétention administrative est d’organiser le départ d’un étranger et qu’elle ne peut être ordonnée que le temps strictement nécessaire à la mise en œuvre de ce dernier.