Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 14 avril 2011 à 15h00
Contentieux et procédures juridictionnelles — Demande de renvoi à la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Je ne noircis pas le tableau, monsieur le président de la commission des lois, je fais un constat.

Je vous rappelle simplement que les articles 830 et suivants du code de procédure civile organisent la procédure de conciliation devant les tribunaux d’instance, qu’il convient de conforter, car le taux de réussite de ces procédures est toujours élevé. Pourtant, alors que ces tribunaux ont besoin de moyens, vous les fragilisez.

Concernant l’aménagement des règles relatives à la procédure en matière familiale, je salue de nouveau la sagesse de M. le rapporteur. Il s’agit en effet d’un bel exemple d’un texte d’opportunité élaboré par la haute technocratie, bien loin des réalités du terrain.

Sur la dispense de comparution des époux devant le juge en cas de divorce par consentement mutuel en l’absence d’enfant mineur, M. le rapporteur est fort opportunément intervenu, car la liberté du consentement et la vérification de son exercice sont fondamentales. Pour nous, l’écoute d’un magistrat est indispensable. Nous reviendrons lors de l’examen des amendements sur le barème des honoraires des avocats.

Quant à l’obligation de médiation préalable lors de la saisine du juge aux affaires familiales sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, elle est purement et simplement aberrante, tant sur le fond qu’en ce que concerne ses modalités d’application techniques ou financières. Il n’existe pas un nombre suffisant de médiateurs compétents et formés. Il n’y a pas les moyens de les rémunérer, si ce n’est à la charge du justiciable. L’obligation de passer devant le médiateur avant de saisir le juge est incongrue. En effet, la saisine du juge aux affaires familiales implique qu’il y a urgence à décider, même provisoirement.

Vouloir déjudiciariser à tout prix pour confier des responsabilités aussi graves à des intervenants extérieurs est contraire à l’intérêt de nos concitoyens. Le magistrat ne saurait être remplacé par le travailleur social. M. le rapporteur lui-même a rappelé le nombre d’affaires soumises aux juges aux affaires familiales et celui des mesures judiciaires de médiation.

Un autre sujet important justifie le renvoi de ce texte à la commission : le développement des procédures pénales dites simplifiées. Il faut y avoir été confronté pour se rendre vraiment compte du problème. Le but est toujours le même : pallier le manque de moyens et le délabrement de l’institution par des moyens relevant de ce que l’on peut appeler la justice expéditive.

L’ordonnance pénale, c’est la grande distribution en matière de justice pénale. En 1972, elle concernait une partie du domaine contraventionnel. Depuis 2002, ce virus, dont vous avez permis le développement, a atteint le tissu délictuel, alors qu’il s’agit d’une procédure écrite et non contradictoire. Le rapport Guinchard préconisait de l’appliquer à tous les délits, ce qui est effrayant ! Par l’article 20, vous proposez d’étendre largement le champ de cette procédure, en particulier aux délits de vol, recel, destruction, fuite, et même, ce qui est étonnant par rapport à vos objectifs généraux, au port d’arme de sixième catégorie, avec ticket de réduction de moitié de l’amende encourue. On peut lire, à la page 111 du rapport, qu’une telle disposition est « de nature à réduire davantage l’incitation du prévenu à former opposition ». Est-ce là votre politique pénale ? Certes, si la « pochette surprise pénale », c’est « tout à un euro », même les innocents en redemanderont !

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