Dans ce contexte, comment trouver les recettes nécessaires pour relever les défis qui nous attendent ? Comment financer la transition écologique quand nos ressources sont à ce point amputées par les remboursements ?
Ce constat, messieurs les ministres, et sa répétition depuis cinq ans témoignent de votre impuissance coupable, de votre incapacité à agir.
Vous avez beau multiplier les déclarations optimistes, comme autant de paravents censés masquer vos faiblesses, vos paroles sont contredites par vos propres chiffres.
Vos comptes ne sont pas tenus et cette situation est évidemment dommageable pour la France.
Bien sûr, vous enchaînez les belles formules. J’en ai encore entendu un certain nombre à l’instant : « revues de dépenses », « 16 milliards d’euros d’économies », « prélèvements dans la trésorerie des opérateurs », « stabilisation de l’emploi public », « poursuite du désendettement du pays », etc. Vous parlez beaucoup, mais vous faites si peu !
À ce stade, les revues de dépenses n’ont accouché d’aucune économie dans le présent texte. Vous ne cessez d’en parler, mais elles sont invisibles.
Vous avez annoncé 16 milliards d’euros d’économies : on ne les voit nulle part. La seule chose qui baisse, ce sont des dépenses de crise : la crise étant passée, par définition, elles disparaissent…
Vous avez annoncé au moins 1 milliard d’euros de prélèvements sur les 2, 5 milliards d’euros de trésorerie excédentaire des opérateurs. Où sont-ils ? Quels sont ces opérateurs ? Vous n’avez pas su nous répondre.
Vous avez annoncé et même fait adopter par le 49.3, dans votre loi de programmation des finances publiques, la stabilité des emplois de l’État. J’ai vérifié les chiffres : en 2024, vous créerez encore 8 273 équivalents temps plein (ETP). Depuis 2017, la masse salariale de l’État a progressé de 10 % en volume.
Je le dis et je le répète : vous parlez beaucoup, mais faites bien peu. Or, faute de vouloir regarder la vérité en face, vous vous interdisez de trouver les solutions aux problèmes de notre pays.
Je pense, par exemple, à la situation dramatique du logement : vous l’avez évoquée vous aussi, mais nous ne formulons pas le même diagnostic.
Dans ce secteur, tous les indicateurs sont aujourd’hui au rouge, et c’est d’autant plus grave que les problèmes sont d’ordre structurel. Chacun en convient : les dispositions du projet de loi de finances que vous présentez ne sont pas à la hauteur de la crise que connaît le logement, secteur pourtant très important, et même décisif, pour notre économie.
Certes, les prévisions économiques sur lesquelles vous vous fondez vous aident à vous voiler la face. Vous prévoyez ainsi une croissance de 1, 4 % en 2024, quand le consensus des économistes converge plutôt vers 0, 8 %. L’hypothèse que vous retenez est vraiment très optimiste et ce constat ne peut que renforcer nos doutes.
À l’évidence, vous sous-estimez les effets de la politique monétaire. Je rappelle que la Banque centrale européenne (BCE) a procédé, en quatorze mois, à une augmentation de 450 points de base de ses taux d’intérêt directeurs. C’est le plus sévère durcissement de sa politique jamais observé dans l’histoire.
Or, en règle générale, les politiques monétaires produisent un effet retard de l’ordre d’une année. Le plein effet de ces restrictions monétaires risque donc se faire sentir d’ici à la fin de l’année 2024, alors que vous feignez de croire qu’il est déjà majoritairement derrière nous. Je voudrais bien qu’il en soit ainsi, mais cela ne me semble pas très crédible.
Vous anticipez également des créations d’emplois en 2024, quand d’autres, comme la Banque de France, que l’on ne saurait suspecter d’être excessivement pessimiste ou optimiste, prévoient des destructions d’emplois, voire une remontée du chômage. Conjuguée à la hausse des taux, cette perspective rend de fait peu probables vos hypothèses relatives à l’investissement et à la consommation des ménages.
Lors de son audition au Sénat, le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) l’a lui-même reconnu : les hypothèses sur lesquelles se fonde la prévision du Gouvernement sont absolument toutes favorables, sans exception.
Monsieur le ministre de l’économie, un tel choix ne me paraît guère raisonnable. J’ai d’ailleurs relevé les bémols que vous venez d’ajouter, en insistant notamment sur l’instabilité du contexte international.
Si ces hypothèses de croissance vous aident à embellir la réalité, les chiffres sont et restent têtus.
Votre problème majeur, c’est la dépense publique, dont la dérive donne aujourd’hui le vertige.
À rebours de vos discours, les dépenses de l’État continueront d’augmenter, en 2024, de près de 6 milliards d’euros, hors mesures de crise. C’est proprement irresponsable.
En 2024, la plupart des missions du budget général voient leurs crédits augmenter ; sept d’entre elles grossissent même de plus de 1 milliard d’euros chacune. À cet égard, la Commission européenne a lancé un signal d’alerte il y a quelques jours. De telles mises en garde ne nous honorent pas.
Messieurs les ministres, si vous voulez que la France retrouve les premières places, il va falloir faire beaucoup d’efforts. Il va falloir travailler pour redresser nos comptes publics.
Travailler, c’est précisément ce que nous avons fait, ici, au Sénat. Nous ne nous sommes pas contentés de déplorer une situation inquiétante et de formuler des critiques : nous avançons des propositions.
Vous parlez de faire des économies ? Nous vous prenons au mot et nous vous proposons un certain nombre de mesures.
Notre commission des finances a voté plus de 5 milliards d’euros d’économies sur de nombreuses politiques publiques : réduction des effectifs des opérateurs, meilleur ciblage de l’apprentissage, fin des surbudgétisations qui font croire aux gestionnaires publics que l’argent continue de couler à flots, réforme de l’aide médicale de l’État (AME), réforme de l’audiovisuel public, révision du bouclier électricité, etc.
Certaines de ces pistes sont sans cesse évoquées par votre majorité, qui, malheureusement, laisse tout en plan. Nous, nous vous proposons d’agir.
Voilà désormais trois ans que vous parlez de la fin du « quoi qu’il en coûte » et, « en même temps », vous proposez encore à la représentation nationale, dans ce projet de loi de finances, une baisse d’impôts non ciblée de 10 milliards d’euros sur les tarifs de l’électricité. Une telle mesure est insoutenable pour les finances publiques, d’autant qu’elle est indifférenciée, quel que soit le revenu des ménages. Nous vous demandons de cibler cette aide pour la réserver aux foyers à bas revenus et aux classes moyennes.
Vous parlez de bien gérer l’argent public et, « en même temps », vous proposez dans votre texte – écoutez bien, mes chers collègues – d’exonérer les fédérations sportives olympiques de tous les impôts : leurs salariés seraient même exonérés d’impôt sur le revenu pendant cinq ans. Comment pouvez-vous parler de bonne gestion de l’argent public en assumant une telle mesure devant les Français ?