La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Mathieu Darnaud.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024 (projet n° 127, rapport général n° 128, avis n° 129 à 134).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, cher Thomas Cazenave, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord, de saluer la présence dans cet hémicycle de Raphaël Zahiri, qui m’accompagne dans le cadre de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées.
Vous savez à quel point nous sommes sensibles – le Gouvernement et l’ensemble de la majorité –, comme du reste vous tous, je le pense, mesdames, messieurs les sénateurs, à la question de l’insertion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail.
Je le dis à Raphaël et, à travers lui, à toutes les personnes porteuses d’un handicap : vous avez – et vous devez avoir – toute votre place dans notre société. Vous pouvez compter sur notre engagement total en la matière.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’exprime devant vous aujourd’hui sur le projet de loi de finances pour 2024, dans une période économique complexe.
Chacun voit que la conjoncture internationale ralentit.
Chacun voit que plusieurs de nos partenaires, y compris les plus proches, connaissent un ralentissement de leur croissance et que certains sont même confrontés à la récession.
Chacun mesure également que, même si elle reflue, l’inflation continue de pénaliser nos compatriotes, en particulier les plus modestes, malgré les mesures prises ces derniers mois et le début d’un ralentissement des prix.
Chacun voit que des inquiétudes fortes sont nées de la situation au Proche-Orient et de la persistance de la guerre en Ukraine.
Dans cette période difficile, je veux redire ma confiance dans la capacité de l’économie française à tenir bon et dégager des perspectives positives pour l’avenir.
Tout d’abord, nous avons de la croissance, ce qui n’est pas le cas partout en Europe ni dans la zone euro. Nous aurons 1 % de croissance en 2023, comme je m’y étais engagé. En outre, la Commission européenne vient de réévaluer le taux de croissance de la France pour 2024 à 1, 2 %, son estimation étant proche de celle du Gouvernement de 1, 4 %.
Ensuite, l’inflation reflue en France et dans la zone euro. Nous sommes donc en train de gagner la bataille contre l’inflation en un peu moins de deux ans, alors que dans les années 1970, dans une situation similaire, nous avions mis dix ans à sortir de la crise inflationniste.
L’emploi marque certes le pas, mais des perspectives de créations d’emplois dynamiques subsistent pour les années qui viennent, des projets industriels d’intérêt national majeur devant encore être mis en œuvre.
J’ai donc l’absolue conviction que si nous prenons les bonnes décisions dans les mois à venir, si nous poursuivons les transformations indispensables de notre modèle économique et social afin d’inciter davantage au retour à l’emploi, la France réussira dans les prochaines décennies.
Encore faut-il tenir une ligne très claire et très ferme, tout d’abord sur les comptes publics.
Ce projet de loi de finances garantit un déficit public de 4, 4 % pour 2024, objectif que Thomas Cazenave et moi tiendrons. Nous avons toujours tenu nos objectifs en matière de déficit, sauf pendant la période exceptionnelle du covid-19. Je tiens donc à ce que notre parole conserve la même crédibilité pour les années qui viennent.
Nous tiendrons ces 4, 4 % et la réduction des dépenses publiques qui l’accompagne, tout d’abord en sortant des boucliers tarifaires sur l’électricité et sur le gaz.
Je le rappelle, nous continuons à payer aujourd’hui plus de 30 % de la facture d’électricité des ménages. Nous continuons donc de protéger nos compatriotes contre l’augmentation des prix de l’électricité.
Toutefois, dès lors que la situation revient à la normale, il me paraît légitime d’abandonner progressivement les dispositifs de soutien, aussi bien pour les entreprises que pour les ménages. Nous avons ainsi mis fin au bouclier tarifaire sur le gaz ; nous ferons de même, d’ici au 1er janvier 2025, pour le bouclier tarifaire sur l’électricité.
L’excellent rapporteur général, Jean-François Husson, a proposé d’accélérer la sortie du bouclier tarifaire sur l’électricité. Je le remercie d’avoir fait cette proposition, qui me semble bonne, utile, intéressante et justifiée.
Nous sommes prêts à le faire, à condition que la hausse du prix de l’électricité pour les ménages soit limitée à 10 % en février 2024 et de l’expliquer très clairement à nos concitoyens. J’en ai pris l’engagement auprès d’eux et j’aime tenir mes engagements.
J’ajoute que nous ferons aussi des économies en matière de politique de l’emploi et en supprimant des dispositifs à destination des entreprises.
Ensuite, nous respecterons l’objectif de réduction de la dépense publique grâce aux revues de dépenses voulues par la Première ministre et mises en œuvre depuis plusieurs mois.
Nous avons déjà engagé certaines de ces revues. Elles nous permettront de dégager, à terme, 2 milliards d’euros d’économies sur le dispositif Pinel et sur le prêt à taux zéro (PTZ), ainsi que plusieurs centaines de millions d’euros sur les politiques de l’emploi.
Enfin, nous parviendrons à atteindre cet objectif en réalisant les économies supplémentaires proposées par les parlementaires. Les députés ont fait des propositions, les sénateurs peuvent évidemment à leur tour suggérer de nouvelles économies, comme l’a fait le rapporteur général. Je leur prêterai toujours une oreille attentive.
À cet égard, je salue le travail réalisé par la majorité à l’Assemblée nationale, notamment par l’autre excellent rapporteur général, Jean-René Cazeneuve, qui a permis de dégager 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires par rapport à la copie du Gouvernement, notamment grâce au gel des allégements de charges sur les salaires compris entre 2, 5 et 3, 5 Smic et à la reconduction de la contribution sur la rente inframarginale (Crim).
Je veux qu’il n’y ait aucun doute : le temps des économies est venu.
Nous tiendrons l’objectif de 4, 4 % de déficit public en 2024, je m’y engage, de même que nous tiendrons celui de revenir sous les 3 % de déficit public en 2027. Nous le devons à nos compatriotes ; nous le devons également à nos partenaires européens. Nous devons inscrire le sérieux budgétaire dans la durée, avec calme, clarté et détermination.
Nous poursuivrons donc les revues de dépenses. Toutes les dépenses publiques seront soumises à évaluation.
Nous commencerons par cibler une dizaine de secteurs d’ici à la fin de l’année 2023. Toutefois, d’ici au printemps 2024, trois revues de dépenses auront lieu – une première revue, annoncée par la Première ministre, est déjà en cours, une deuxième sera lancée en début d’année prochaine et une troisième, au début du printemps – afin d’examiner plus d’une quarantaine de programmes de dépenses publiques.
Il s’agira d’identifier là où l’argent public est utile et efficace – dans ce cas, la dépense doit être conservée – et là où, en revanche, il est mal employé et ne donne pas les résultats attendus – la dépense doit alors être réduite. C’est tout simplement faire preuve de responsabilité.
Au-delà des revues de dépenses publiques, il est indispensable d’engager une réflexion globale sur les missions de l’État, sur le périmètre de l’action publique, sur nos choix fondamentaux de politique sociale et sur l’enchevêtrement des compétences.
Sur ce sujet, une mission a été confiée au député Éric Woerth, …
… qui sera auditionné par le Haut Conseil des finances publiques locales sur ses propositions visant à simplifier la vie des collectivités locales et, plus globalement, l’organisation de la gouvernance.
Ce sera l’un des grands enjeux de 2024.
Notre stratégie de réduction de la dépense publique peut donc se résumer ainsi : mettre fin aux dispositifs exceptionnels liés au covid-19, engager des revues de dépenses publiques, interroger plus globalement la structure de l’État et l’organisation administrative de la France afin d’aller vers plus de simplification et plus d’efficacité.
Pour rétablir les comptes publics, il nous faut aussi tenir une ligne très claire et très ferme sur notre stratégie économique et donc sur la croissance.
En effet, le plus important pour réduire la dette et accélérer le désendettement de la France, c’est d’avoir de la croissance, laquelle permet de créer des emplois et de la richesse pour nos compatriotes.
Je refuse l’austérité, car elle n’a jamais permis de rétablir les comptes publics, en tout cas pas de manière constructive. Je crois à la responsabilité, ainsi qu’au soutien à la croissance et à l’activité.
Nous maintiendrons donc la politique de l’offre, qui a fait le succès de notre politique économique et rendu la France attractive pour les investisseurs étrangers ces sept dernières années.
Grâce à cette politique, je le répète, nous avons créé 2 millions d’emplois, dont 100 000 emplois industriels, ouvert 300 usines, relancé des filières industrielles, comme celle des batteries électriques, et fait de la France le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe.
Cette détermination à poursuivre la politique de l’offre se lit d’ailleurs dans le projet de loi de finances pour 2024 au travers de la baisse de 1 milliard d’euros des impôts de production, qui doit nous conduire à supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dans les meilleurs délais possible.
Dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons, la seule baisse d’impôts majeure prévue en 2024 dans le présent projet de loi de finances est à destination des petites et moyennes entreprises (PME), du monde industriel et des entreprises. On ne peut exprimer plus clairement notre détermination à tenir notre ligne économique et notre politique de l’offre.
Par ailleurs, nous renforcerons cette politique de l’offre dans les prochains mois en réalisant un effort massif afin de simplifier la vie des entreprises. J’en appelle à toutes les sénatrices et à tous les sénateurs : toutes les propositions de simplification de la vie des entreprises, en particulier des plus petites d’entre elles, seront les bienvenues.
Simplifier les règles, simplifier les normes, simplifier les contraintes pour permettre à nos entrepreneurs de tout simplement se concentrer sur la création de valeur et la création d’emplois : c’est la clé absolue du succès de notre politique économique.
Nous devons ensuite continuer à viser aussi, dans les trois prochaines années, le plein emploi.
J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, mais je le répète devant la représentation nationale : la France bute, depuis cinq décennies – un demi-siècle ! –, sur le taux de chômage de 7 %. Quand cela va mal, le taux de chômage atteint 10 % en France, et quand cela va bien, il s’établit à 7 %. Nous naviguons entre ces 7 % et 10 %, sans jamais être parvenus, depuis un demi-siècle, au plein emploi, soit un taux de chômage de 5 %, ce qui est la règle pour d’autres grands pays développés, comme l’Allemagne ou les États-Unis.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un taux de chômage de 7 %. Le plein emploi, c’est 5 % ! C’est l’objectif qui a été fixé par le Président de la République, c’est l’objectif qui doit être atteint.
Cela étant, je vous le dis avec franchise : selon moi, nous n’atteindrons pas un taux de chômage de 5 % à modèle social constant.
Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.
Dans le fond, la gigantesque hypocrisie française, c’est d’avoir construit un modèle social où le plein emploi serait atteint avec un taux de chômage de 7 %, non de 5 %.
Je souhaite donc que nous nous donnions collectivement les moyens d’atteindre réellement le plein emploi et de garantir à chaque Français, quel que soit son âge, quelle que soit son origine, quelle que soit sa formation, qu’il trouvera facilement un travail et qu’il n’aura pas à s’inquiéter pour son avenir ou celui de ses enfants.
Pour cela, il faut ouvrir des chantiers et poursuivre, résolument, sur la voie de la transformation de notre modèle économique et social.
Le premier chantier est celui de l’assurance chômage.
La première des discriminations à l’emploi, c’est l’âge. En effet, quand vous avez plus de 55 ans, on vous ferme les portes.
Cette discrimination est invisible, tacite, sournoise, mais elle est réelle.
Avec toutes sortes de prétextes, de contournements et d’explications plus ou moins fallacieuses, une entreprise vous ferme les portes à partir de 55 ans, considérant que vous coûtez trop cher et que vous feriez mieux de prendre votre retraite.
Voilà la réalité inavouable du modèle social français ! Voilà une réalité à laquelle je ne me résignerai jamais, car je considère, approchant moi-même de cet âge, qu’à 55 ans et bien au-delà, on a des compétences, un savoir-faire, une expérience et une histoire à partager, qui sont précieux pour l’économie française et pour les entreprises.
Toutefois, il est évident qu’une durée d’indemnisation du chômage de vingt-sept mois pour les plus de 55 ans, contre dix-huit mois pour nos autres compatriotes, est une assez faible incitation à reprendre un emploi. Là encore, de manière hypocrite ou déguisée, on transforme l’assurance chômage en retraite.
Je refuse de continuer à valider ce modèle, car je considère qu’il prive l’économie française de compétences qui lui seraient précieuses.
Ces règles doivent donc être modifiées. Aussi, je suis favorable à l’alignement de la durée d’indemnisation du chômage des plus de 55 ans sur celle des autres chômeurs.
Je souhaite que les entreprises arrêtent d’expliquer aux seniors qu’ils coûtent trop cher et qu’elles prennent toutes leurs responsabilités en accordant aux plus de 55 ans la place qui leur revient.
Peut-être devons-nous pour cela travailler ensemble sur d’autres dispositifs, qui, en plus de l’index seniors, permettraient d’inciter les entreprises à les garder et à les maintenir en activité.
Je vous le dis avec beaucoup de force, de gravité et de détermination : une société qui se prive des compétences des plus de 55 ans est une société hypocrite, qui n’a pas compris les évolutions attendues par tous ceux qui ont de l’envie, des compétences et de l’énergie à faire valoir et à partager.
Le deuxième chantier est celui du logement.
Sur ce sujet également, regardons les choses en face et arrêtons avec l’hypocrisie de notre modèle social ! Nombreux sont les jeunes qui ne peuvent pas démarrer dans la vie active et accepter une offre d’emploi aux Herbiers, un coin cher à Bruno Retailleau, faute, tout simplement, de logements disponibles et accessibles. Les entreprises recherchent pourtant désespérément des compétences.
Il faut donc construire plus vite et mieux. Pour cela, nous avons besoin de mesures fortes.
Pour ma part, je suis prêt à étudier toutes les propositions qui nous permettront de construire plus rapidement, en particulier dans les zones tendues.
Ce travail passera par une simplification massive et par un échange très approfondi entre les maires et le Gouvernement pour déterminer à qui doit revenir la responsabilité de cette construction, et des financements qui vont avec, afin de nous assurer d’aller plus vite.
Monsieur le président Retailleau, je sais que vous et votre groupe avez des idées.
Je serais très heureux que nous puissions les partager. D’autres groupes sont également les bienvenus.
Le troisième chantier est celui de la productivité.
Cessons une fois encore de nous mentir à nous-mêmes, comme nous le faisons au sujet du modèle social, de l’assurance chômage ou du logement.
La productivité européenne est en berne, et c’est un drame économique. Elle est en berne parce que l’Europe n’œuvre pas assez pour l’accroître.
Elle est en berne parce que l’Europe n’a pas encore créé l’union des marchés de capitaux pour laquelle je me bats depuis cinq ans. Or une telle union nous permettrait de lever les fonds nécessaires pour innover plus vite et davantage.
Si nous ne créons pas, dans les trois ans qui viennent, l’union des marchés de capitaux, il n’existera pas d’intelligence artificielle européenne. L’intelligence artificielle sera entièrement aux mains des Américains et des grandes entreprises privées américaines.
Pour gagner en productivité, il faut gagner en innovation. Pour gagner en innovation, il faut gagner en moyens de financement. C’est un chantier majeur pour lequel je veux continuer à me battre : plus d’argent pour l’innovation et plus d’innovation pour la productivité.
L’innovation doit aussi être partagée par tous. Chacun doit pouvoir y avoir accès, quelle que soit son origine, quel que soit le territoire où l’on vit, quel que soit son sexe.
Comment notre Nation peut-elle se résigner à compter aujourd’hui moins d’ingénieurs femmes qu’elle en avait voilà vingt ans ? Comment traiter ce sujet afin de faire en sorte que plus de jeunes femmes s’engagent dans une carrière scientifique et deviennent ingénieurs ?
J’avais proposé la mise en œuvre de quotas dans les classes préparatoires pour les jeunes femmes. Je persiste et je signe : s’il faut passer par l’établissement de quotas pour avoir plus de jeunes femmes ingénieurs, alors faisons-le !
Ne nous résignons jamais à ne compter que 20 % de femmes ingénieurs en moyenne.
Tout notre système est organisé pour que ce soit des hommes qui s’orientent vers les sciences et les métiers d’ingénieurs.
C’est en travaillant à cette innovation pour tous que la France redeviendra une grande Nation d’innovation, qu’elle gagnera en productivité et en prospérité.
Le quatrième chantier est celui de la réindustrialisation.
Je le répète, notre ambition est de redevenir une grande nation de production et la première économie décarbonée en Europe à l’horizon 2040.
L’hypocrisie et les mensonges ont, là encore, fait des ravages. À force de promettre aux Français des lendemains qui chantent, en mettant en œuvre une politique de production uniquement centrée sur la consommation et le consommateur, en redistribuant des richesses qui n’avaient pas été créées, nous avons appauvri la France au cours des décennies passées.
En redevenant une Nation de production, avec des usines, des exploitations agricoles et des produits à forte valeur ajoutée, nous aurons des salariés mieux payés, mieux formés et mieux qualifiés, plus de prospérité à partager et un modèle social qui tient.
Aucun modèle social généreux n’est possible sans production de masse. Aucun modèle social ne tiendra à l’avenir si la France ne redevient pas une grande Nation de production industrielle et agricole. C’est une priorité absolue !
Là aussi, nous avons marqué des points. La politique fiscale que nous avons menée – l’abaissement des impôts sur les sociétés, la suppression de certains impôts de production, la simplification pour les entreprises industrielles, le vote de la loi relative à l’industrie verte, le crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV) – doit nous permettre de gagner cette bataille de la production – des usines, des ouvriers, des ingénieurs –, qui nous permettra demain de financer, non pas à crédit, mais sainement notre modèle social et la solidarité qui va avec.
Pour cela, nous devons nous saisir de l’opportunité historique que nous offre la transition climatique.
À cet égard, la loi relative à l’industrie verte, qui a été largement adoptée, notamment dans cette enceinte, doit nous permettre d’atteindre cet objectif. Elle permettra notamment de réduire les délais d’installation d’usines, de faciliter l’accès au foncier, de mieux flécher les investissements pour produire des éoliennes, des panneaux solaires, des batteries électriques et des pompes à chaleur.
Si nous voulons gagner la bataille de la production, de la relocalisation industrielle et des usines, il faut non seulement investir massivement dans la formation, dans l’innovation et dans l’ouverture de ces usines, mais aussi nous doter des mêmes instruments de protection que ceux dont disposent la Chine et les États-Unis.
Je suis favorable à ce que nous livrions, tous ensemble, la bataille pour le contenu européen dans les règles européennes. L’octroi d’aides, par exemple à la création de batteries solaires et à l’ouverture de champs éoliens offshore, devrait être assorti d’une obligation de contenu européen, à hauteur de 60 % ou 70 %, comme cela se pratique en Chine ou aux États-Unis.
Si nous ne respectons pas les mêmes règles que ces pays et si nous ne créons pas une règle du contenu européen, il y a fort à parier que le marché européen deviendra un supermarché pour les puissances étrangères, mais qu’il ne nous permettra pas de développer notre propre capacité industrielle.
Je suis donc favorable, je le redis, à des règles de contenu européen dans la législation européenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout cela suppose – je le répète – des comptes publics bien tenus, le retour à l’équilibre de nos comptes et l’accélération du désendettement. C’est exactement ce à quoi Thomas Cazenave, le ministre délégué chargé des comptes publics, et moi-même nous engageons.
Monsieur le président, monsieur le ministre, cher Bruno Le Maire, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je dois tout d’abord vous dire ma joie d’avoir aujourd’hui à mes côtés un commissaire du Gouvernement pour qui c’est une première, M. Santiago Forestier. Il partage nos travaux dans le cadre de la sixième édition de la Journée pour l’inclusion des personnes en situation de handicap, DuoDay 2023. Comme Bruno Le Maire l’a indiqué, notre combat pour une société plus inclusive passe aussi par de telles initiatives. En 2022, le Duoday a permis à près de 35 000 personnes en situation de handicap d’amorcer un parcours d’insertion.
Je suis heureux, comme Bruno Le Maire, de vous présenter le projet de loi de finances pour 2024.
Nous avons récemment débattu du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Hier, vous avez voté les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.
Vous ne serez pas surpris, le projet de loi de finances pour 2024 s’inscrit dans la même trajectoire et porte la même ambition que les textes financiers que j’ai déjà présentés et défendus devant vous.
Notre vision est cohérente et claire. Nous souhaitons maîtriser nos finances publiques. Nous souhaitons poursuivre notre soutien à l’emploi et à l’activité. Nous souhaitons investir dans l’avenir.
En ce qui concerne la maîtrise des finances publiques, tout d’abord, le projet de loi de finances pour 2024 confirme la trajectoire que nous avons inscrite dans le projet de loi de programmation. En 2018, nous avions réduit le déficit public, qui était repassé sous la barre des 3 %. Cela nous a permis de dégager les marges de manœuvre nécessaires pour protéger massivement les Français.
Pendant la crise sanitaire, je tiens à le rappeler, nous avons protégé les emplois avec la mise en place du chômage partiel ; nous avons protégé les entreprises avec le fonds de solidarité ; nous avons protégé les ménages les plus en difficulté avec l’aide exceptionnelle de solidarité.
Face à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie, l’État a pris en charge une grande part des augmentations pesant sur les ménages, sur les entreprises et sur les collectivités grâce au bouclier tarifaire, à l’amortisseur et aux dispositifs de soutien ciblés. Face à la hausse des prix, nous avons continué à soutenir les Français avec la revalorisation des prestations sociales, la prime exceptionnelle de rentrée ou encore la remise carburant.
Ces aides ont permis à notre économie de tenir bon. Notre taux de chômage est historiquement bas. Notre croissance, de 1 %, est solide, supérieure à la moyenne européenne. Les entreprises ont continué de se développer et de produire.
Comme Bruno Le Maire l’a souligné, nous sommes également en train de gagner la bataille de l’inflation.
Grâce à ce choix de la protection, mais aussi et surtout aux réformes structurelles que nous avons menées, nous sommes en train de sortir de ces crises. Néanmoins, cette politique a eu un coût, que nous payons au prix fort du fait de l’augmentation des taux d’intérêt, qui alourdit la charge de la dette.
Il nous faut donc acter la fin du « quoi qu’il en coûte », sans renoncer aux investissements et aux politiques prioritaires. Tel est le sens du projet de loi de finances pour 2024.
La trajectoire que nous nous sommes fixée prévoit un déficit public de 4, 4 % pour 2024. C’est une nouvelle étape importante, qui doit nous permettre de repasser sous la barre des 3 % en 2027.
Nous atteindrons cet objectif, car nous ferons des économies. Les dépenses de l’État baisseront en 2024 : 14 milliards d’euros seront économisés grâce à la sortie des dispositifs de crise, 350 millions d’euros le seront également sur la politique de l’emploi grâce à la réduction du chômage, 500 millions d’euros seront encore économisés en améliorant l’efficience de la politique de formation professionnelle et de l’apprentissage.
Ces économies sont ciblées. Effectuer un grand coup de rabot – comme je l’entends dire parfois – dans les dépenses de l’État aurait un effet contre-productif sur notre croissance. J’en ai la conviction. Notre action doit donc être précise et progressive.
Nous atteindrons cet objectif sans augmenter les impôts. C’est notre ligne directrice depuis 2017. Cette politique fonctionne et nous permet d’atteindre les résultats économiques que nous avons aujourd’hui. Nous ne changerons pas de cap, car nous obtenons des résultats !
Pour l’année 2024, nous continuerons de produire davantage. Selon nos prévisions, notre croissance devrait s’établir à 1, 4 %. Certains prévisionnistes jugeaient ce taux optimiste. Aujourd’hui, l’OCDE comme la Commission européenne confirment des prévisions comprises entre 1, 3 % et 1, 2 % de croissance.
Certains nous accusent aussi de faire porter l’effort sur les collectivités. Cessons d’opposer l’État et les collectivités territoriales ! Nous portons ensemble les services publics. Je rappelle que les concours financiers de l’État s’élèveront à près de 55 milliards d’euros en 2024. La dotation globale de fonctionnement (DGF) augmentera de nouveau de 220 millions d’euros, après la hausse de 2023 qui était la première en treize ans.
Pour investir, les élus ont besoin de visibilité et de clarté. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé hier son intention de réformer la dotation globale de fonctionnement et saisi le Comité des finances locales (CFL) de cette mission.
Pour renforcer les capacités d’investissement des collectivités, nous étendons le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux dépenses d’aménagement. Cela répond à une demande des élus locaux et représente un effort de 250 millions d’euros.
Nos collectivités territoriales bénéficieront aussi de l’effort inédit accompli en faveur de la transition écologique : le fonds vert est pérennisé à hauteur de 2, 5 milliards d’euros, dont 500 millions d’euros pour la rénovation des écoles, comme annoncé par le Président de la République.
Il faut accélérer le verdissement de toutes nos dépenses publiques, qu’elles relèvent de l’État, des collectivités territoriales ou des opérateurs. À cette fin, nous devons nous doter d’une boussole commune.
Cette boussole, ce sont les budgets verts, qui, à la suite des débats de l’Assemblée nationale, seront généralisés pour les plus grandes collectivités territoriales.
Je suis favorable à cette avancée. Lesdits budgets n’ont pas pour but de complexifier la vie des élus ; ils doivent au contraire leur permettre de valoriser la part de leurs crédits consacrée à la transition écologique. Je précise que la même logique doit s’appliquer à la dette, dont la part verte doit être valorisée par les élus.
Ce budget est résolument tourné vers l’avenir. Il assure ainsi la traduction des diverses lois de programmation adoptées par le Parlement, qu’elles concernent nos armées, notre sécurité ou notre justice.
Le contexte international nous le rappelle aujourd’hui plus que jamais : il est essentiel que nous disposions d’une armée de premier ordre. Conformément à nos engagements, le budget de nos armées augmentera de 3, 3 milliards d’euros en vertu du projet de loi de finances pour 2024. Ces crédits supplémentaires nous permettront d’assurer l’aide de la France à l’Ukraine ou encore de renforcer nos équipements militaires.
Le budget du ministère de l’intérieur augmentera lui aussi, à hauteur de 1 milliard d’euros. Le recrutement d’agents supplémentaires au service de notre sécurité est indispensable. Grâce à ce budget, nous investirons également dans l’amélioration de l’accueil des victimes de violences.
Conformément à la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, nous augmentons le budget de la Chancellerie de 500 millions d’euros. Cet effort doit permettre, en 2024, le recrutement de près de 2 000 fonctionnaires, dont plus de 300 magistrats et plus de 300 greffiers. Afin de garantir l’effectivité des peines, nous renforçons aussi les moyens de l’administration pénitentiaire, au sein de laquelle près de 450 agents seront recrutés.
En parallèle, nous investissons massivement dans l’éducation nationale. Il n’est pas d’investissement plus rentable que l’éducation de nos enfants. La hausse historique de ce budget doit permettre de revaloriser les professeurs, conformément aux engagements du Gouvernement.
En outre, notre investissement pour l’avenir consiste à soutenir massivement la transition écologique. Nous avons deux dettes : la dette financière, bien sûr, et la dette écologique. Chaque investissement que nous repoussons en la matière nous coûtera plus cher demain.
Le projet de loi de finances pour 2024 consacre ainsi un investissement inédit à la transition écologique. Il mobilise 10 milliards d’euros supplémentaires pour assurer la rénovation thermique des logements et des bâtiments publics, décarboner nos transports, accompagner le nouveau modèle agricole, créer une industrie verte et transformer notre modèle énergétique.
Ces dépenses vertes vont aussi permettre d’accompagner les ménages. Les Français ont besoin d’investir dans la transition écologique, que ce soit pour passer à la voiture électrique ou pour isoler leur logement. En les aidant, nous relevons un enjeu, non seulement climatique, mais aussi économique et social.
Sans cet investissement supplémentaire, nous ne tiendrons pas nos objectifs climatiques.
Ce projet de loi de finances marque, enfin, une étape décisive dans la lutte contre la fraude.
La maîtrise des dépenses publiques doit être un effort non seulement partagé, mais juste.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous demandons des efforts pour maîtriser nos comptes ; en contrepartie, nous devons tout mettre en œuvre pour lutter contre les fraudes.
M. Michel Canévet acquiesce.
C’est un enjeu de cohésion sociale, c’est un enjeu de justice et de consentement à l’impôt.
Plusieurs mesures de ce projet de loi de finances nous permettront d’être beaucoup plus efficaces en la matière.
Je pense tout d’abord au renforcement des effectifs dédiés à la lutte contre la fraude : avec 250 agents supplémentaires dès l’année prochaine, nous nous donnons les moyens de nos ambitions.
Je pense ensuite à l’arsenal législatif mis à disposition de ces services. Nous le renforçons, notamment en créant une sanction administrative générale pour lutter contre tous les types de fraudes aux aides publiques.
À l’Assemblée nationale, les débats ont permis d’enrichir largement ce texte. Au total, 515 amendements ont été repris, issus de la majorité comme des oppositions.
Derrière ce chiffre, supérieur à celui de l’année dernière, il y a une méthode et un engagement : le dialogue.
Les dialogues de Bercy nous ont permis de partager nos différents points de vue sur ce budget. Dans ce cadre, nous avons bien sûr exprimé nos divergences, mais nous avons également relevé des sujets de préoccupation communs, sur lesquels nous pouvons travailler ensemble.
La première lecture à l’Assemblée nationale a permis d’adopter des mesures très concrètes.
Je reviendrai sur quelques-unes d’entre elles.
Sur l’initiative de vos collègues députés, nous avons ainsi accepté de prolonger en 2024 la contribution sur les rentes inframarginales. Ce faisant, nous pourrons continuer de capter les profits exceptionnels des énergéticiens.
De même, afin de donner de plus grandes marges de manœuvre et davantage d’autonomie fiscale aux collectivités territoriales, nous avons soutenu la décorrélation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Cette mesure va dans le sens des nouvelles relations que nous souhaitons bâtir avec les collectivités territoriales. Elle répond, du reste, à une attente exprimée par de nombreux élus.
Nous avons également souhaité renforcer le soutien de l’État aux collectivités d’outre-mer. Au total, les crédits de la mission concernée augmentent de 90 millions d’euros. Entre autres mesures, nous avons soutenu une aide exceptionnelle pour le financement des infrastructures du quotidien, ainsi que des fonds dédiés à l’assistance technique qui permettra de réaliser ces projets.
Pour la collectivité de Mayotte, nous avons retenu un fonds dédié à l’eau. L’accès à une eau de qualité doit être garanti partout sur le territoire : c’est une priorité.
Je vous rappelle d’ailleurs qu’hier soir nous avons adopté définitivement le projet de loi de finances de fin de gestion, qui, sur l’initiative des élus du groupe RDPI, accorde 113 millions d’euros supplémentaires à la collectivité de Mayotte.
Lors de nos débats des prochains jours, c’est la même méthode que j’entends appliquer.
Je conclus, monsieur le président.
Nous sommes et resterons ouverts aux propositions venant des sénateurs de tous les groupes, …
… dans un esprit de dialogue.
Cela étant, nous ne saurions perdre de vue la nécessité absolue de redresser nos comptes publics. Aussi, nous ne renoncerons pas à la maîtrise de nos prélèvements obligatoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai confiance dans le sérieux qui guide toujours vos travaux et qui nous permettra d’aboutir, j’en suis certain, à une version enrichie, mais équilibrée, du présent texte, qui ne dégrade pas notre trajectoire.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Sénat engage aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale après une nouvelle utilisation de l’article 49, alinéa 3, de notre Constitution.
Avant tout, je tiens à formuler quelques observations de méthode, car, en la matière, les choix retenus par le Gouvernement sont problématiques à plusieurs égards.
Messieurs les ministres, personne ne conteste évidemment le 49.3 en tant que tel ; mais vous avez choisi d’en faire usage à l’Assemblée nationale, non pas pour clore une discussion parlementaire en proposant une solution de compromis, non pas après avoir écouté les uns et les autres et arbitré entre leurs propositions, mais avant même l’examen de tout amendement de la première partie du projet de loi de finances pour 2024.
J’y insiste : aucun amendement sur la première partie n’a été discuté en séance publique par nos collègues députés. Quant au débat sur la seconde partie, il a été tout simplement tronqué.
On aurait pu croire que, dans ces conditions, c’est le texte de 60 articles que vous aviez déposé à l’Assemblée nationale qui serait soumis au Sénat : pas du tout ! Votre copie est passée de 60 à 235 articles : le projet de loi de finances a quadruplé de volume sans aucun débat devant nos collègues députés. C’est la grande inflation !
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Ce sont donc 175 articles nouveaux qui arrivent au Sénat sans avoir jamais été examinés par le Conseil d’État, sans avoir fait l’objet de la moindre étude d’impact, pour lesquels nous ne disposons d’aucune évaluation préalable…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … et qui n’ont même pas été discutés en séance publique à l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Vous ne pouvez pas faire n’importe quoi en vous abritant derrière le 49.3. Les rencontres baptisées « dialogues de Bercy » ne sauraient remplacer le débat parlementaire, que vous prenez soin d’éviter. Vous organisez la démocratie à l’envers et je le regrette.
Applaudissements sur les mêmes travées. – M. Thomas Dossus applaudit également.
Messieurs les ministres, vous êtes ici au Sénat et, pour notre part, nous vous proposons de débattre. D’ailleurs, ici, il n’y a pas de 49.3 ! Je vous invite aussi à bien vous saisir de nos propositions et à mieux en tenir compte que l’an dernier.
Venons-en au budget prévu pour l’année 2024. J’ai repris mes notes de l’an passé et, je vous l’assure, je pourrais vous dire la même chose aujourd’hui au mot près : on a l’impression que le temps s’est figé.
M. le président de la commission des finances sourit.
Je déclarais alors : « Le budget de l’État présente des niveaux de dépenses et de déficit que le Gouvernement ne parvient plus, voire ne cherche même plus à faire redescendre des sommets atteints depuis 2020. » J’ajoutais : « Des mesures d’économies devraient être engagées dès 2023 », ou encore : « La trajectoire des dépenses n’annonce ainsi aucune inflexion pour les années à venir » : bis repetita.
Vous n’agissez pas. Est-ce par manque de courage ? Par manque d’audace ? Êtes-vous en panne d’idées, en manque de solutions ? Vous nous le direz peut-être…
Nous arrivons en 2024 et que s’est-il passé depuis un an ? Rien ! Les mêmes constats s’imposent.
L’année prochaine, si j’en crois les chiffres fournis par le Gouvernement lui-même, le déficit public devrait atteindre 4, 4 % du PIB. Encore s’agit-il – j’y reviendrai – d’une estimation optimiste : si la croissance est plus faible que prévu, les recettes publiques le seront évidemment aussi.
Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), la France affichera en 2024 le deuxième déficit public le plus élevé de la zone euro.
Alors que les autres pays profitent de la sortie de crise pour se désendetter, vous laissez dériver encore et toujours la dette française : ces mauvais résultats, ce sont les vôtres.
L’endettement public se maintiendrait autour de 110 % du PIB, en hausse de près de 12 points par rapport à 2017. Là encore, la France devrait désormais figurer sur le podium des pays les plus endettés de la zone euro en 2024, derrière la Grèce et l’Italie. Une telle position est peu enviable, reconnaissez-le.
La France n’a pourtant pas été soumise à des chocs économiques plus violents que ses partenaires européens.
Et, de grâce, ne nous faites pas le coup des collectivités territoriales, …
En effet, on nous l’a souvent dit !
Je rappelle que les budgets de nos collectivités territoriales sont presque tous à l’équilibre : ils ne présentent qu’un léger déficit, limité à 0, 3 % du PIB, soit quinze fois moins que celui de l’État. Vous nous épargnerez donc ces considérations.
Le déficit budgétaire de l’État devrait s’élever à 144, 5 milliards d’euros en 2024, soit 45, 7 % des ressources nettes sur le périmètre du budget général.
Vous connaissez ce triste constat : en 2024, la France entrera dans sa cinquantième année de déficit budgétaire consécutive. Mais je note que, depuis cinq ans, nous avons changé d’ère : nous vivons désormais une époque de déficits extrêmes, comparables à ces froids extrêmes qui paralysent l’économie autant que les organismes.
La crise sanitaire semble avoir établi un nouveau socle de déficit, de l’ordre de 150 milliards d’euros par an. Il y a cinq ans, c’est-à-dire avant l’épidémie de covid-19, le déficit s’élevait à 90 milliards d’euros et il nous préoccupait déjà.
Vous ne cessez d’annoncer la sortie du « quoi qu’il en coûte » ; mais ce sont autant d’annonces sans lendemain, qui ont abouti à l’accumulation d’un surcroît de déficit de 400 milliards d’euros en cinq ans. Telle est la triste réalité des chiffres.
Cette accumulation de déficits a une conséquence simple et directe lorsqu’on ne dispose pas de recettes exceptionnelles : l’accroissement de la dette et de sa charge.
Selon vos propres chiffres, la charge de la dette bondirait ainsi de 48 milliards d’euros en 2023 à 84 milliards d’euros en 2027, ce qui représente très exactement une augmentation de 75 %. Cette hausse considérable est particulièrement préoccupante.
Ainsi, en 2027, nous devrons trouver 36 milliards d’euros de plus qu’en 2024 ; et, dès 2026, les engagements financiers seront de loin le premier poste de dépenses de l’État, pour un montant égal aux budgets cumulés des armées et des forces de sécurité – c’est dire.
Dans ce contexte, comment trouver les recettes nécessaires pour relever les défis qui nous attendent ? Comment financer la transition écologique quand nos ressources sont à ce point amputées par les remboursements ?
Ce constat, messieurs les ministres, et sa répétition depuis cinq ans témoignent de votre impuissance coupable, de votre incapacité à agir.
Vous avez beau multiplier les déclarations optimistes, comme autant de paravents censés masquer vos faiblesses, vos paroles sont contredites par vos propres chiffres.
Vos comptes ne sont pas tenus et cette situation est évidemment dommageable pour la France.
Bien sûr, vous enchaînez les belles formules. J’en ai encore entendu un certain nombre à l’instant : « revues de dépenses », « 16 milliards d’euros d’économies », « prélèvements dans la trésorerie des opérateurs », « stabilisation de l’emploi public », « poursuite du désendettement du pays », etc. Vous parlez beaucoup, mais vous faites si peu !
À ce stade, les revues de dépenses n’ont accouché d’aucune économie dans le présent texte. Vous ne cessez d’en parler, mais elles sont invisibles.
Vous avez annoncé 16 milliards d’euros d’économies : on ne les voit nulle part. La seule chose qui baisse, ce sont des dépenses de crise : la crise étant passée, par définition, elles disparaissent…
Vous avez annoncé au moins 1 milliard d’euros de prélèvements sur les 2, 5 milliards d’euros de trésorerie excédentaire des opérateurs. Où sont-ils ? Quels sont ces opérateurs ? Vous n’avez pas su nous répondre.
Vous avez annoncé et même fait adopter par le 49.3, dans votre loi de programmation des finances publiques, la stabilité des emplois de l’État. J’ai vérifié les chiffres : en 2024, vous créerez encore 8 273 équivalents temps plein (ETP). Depuis 2017, la masse salariale de l’État a progressé de 10 % en volume.
Je le dis et je le répète : vous parlez beaucoup, mais faites bien peu. Or, faute de vouloir regarder la vérité en face, vous vous interdisez de trouver les solutions aux problèmes de notre pays.
Je pense, par exemple, à la situation dramatique du logement : vous l’avez évoquée vous aussi, mais nous ne formulons pas le même diagnostic.
Dans ce secteur, tous les indicateurs sont aujourd’hui au rouge, et c’est d’autant plus grave que les problèmes sont d’ordre structurel. Chacun en convient : les dispositions du projet de loi de finances que vous présentez ne sont pas à la hauteur de la crise que connaît le logement, secteur pourtant très important, et même décisif, pour notre économie.
Certes, les prévisions économiques sur lesquelles vous vous fondez vous aident à vous voiler la face. Vous prévoyez ainsi une croissance de 1, 4 % en 2024, quand le consensus des économistes converge plutôt vers 0, 8 %. L’hypothèse que vous retenez est vraiment très optimiste et ce constat ne peut que renforcer nos doutes.
À l’évidence, vous sous-estimez les effets de la politique monétaire. Je rappelle que la Banque centrale européenne (BCE) a procédé, en quatorze mois, à une augmentation de 450 points de base de ses taux d’intérêt directeurs. C’est le plus sévère durcissement de sa politique jamais observé dans l’histoire.
Or, en règle générale, les politiques monétaires produisent un effet retard de l’ordre d’une année. Le plein effet de ces restrictions monétaires risque donc se faire sentir d’ici à la fin de l’année 2024, alors que vous feignez de croire qu’il est déjà majoritairement derrière nous. Je voudrais bien qu’il en soit ainsi, mais cela ne me semble pas très crédible.
Vous anticipez également des créations d’emplois en 2024, quand d’autres, comme la Banque de France, que l’on ne saurait suspecter d’être excessivement pessimiste ou optimiste, prévoient des destructions d’emplois, voire une remontée du chômage. Conjuguée à la hausse des taux, cette perspective rend de fait peu probables vos hypothèses relatives à l’investissement et à la consommation des ménages.
Lors de son audition au Sénat, le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) l’a lui-même reconnu : les hypothèses sur lesquelles se fonde la prévision du Gouvernement sont absolument toutes favorables, sans exception.
Monsieur le ministre de l’économie, un tel choix ne me paraît guère raisonnable. J’ai d’ailleurs relevé les bémols que vous venez d’ajouter, en insistant notamment sur l’instabilité du contexte international.
Si ces hypothèses de croissance vous aident à embellir la réalité, les chiffres sont et restent têtus.
Votre problème majeur, c’est la dépense publique, dont la dérive donne aujourd’hui le vertige.
À rebours de vos discours, les dépenses de l’État continueront d’augmenter, en 2024, de près de 6 milliards d’euros, hors mesures de crise. C’est proprement irresponsable.
En 2024, la plupart des missions du budget général voient leurs crédits augmenter ; sept d’entre elles grossissent même de plus de 1 milliard d’euros chacune. À cet égard, la Commission européenne a lancé un signal d’alerte il y a quelques jours. De telles mises en garde ne nous honorent pas.
Messieurs les ministres, si vous voulez que la France retrouve les premières places, il va falloir faire beaucoup d’efforts. Il va falloir travailler pour redresser nos comptes publics.
Travailler, c’est précisément ce que nous avons fait, ici, au Sénat. Nous ne nous sommes pas contentés de déplorer une situation inquiétante et de formuler des critiques : nous avançons des propositions.
Vous parlez de faire des économies ? Nous vous prenons au mot et nous vous proposons un certain nombre de mesures.
Notre commission des finances a voté plus de 5 milliards d’euros d’économies sur de nombreuses politiques publiques : réduction des effectifs des opérateurs, meilleur ciblage de l’apprentissage, fin des surbudgétisations qui font croire aux gestionnaires publics que l’argent continue de couler à flots, réforme de l’aide médicale de l’État (AME), réforme de l’audiovisuel public, révision du bouclier électricité, etc.
Certaines de ces pistes sont sans cesse évoquées par votre majorité, qui, malheureusement, laisse tout en plan. Nous, nous vous proposons d’agir.
Voilà désormais trois ans que vous parlez de la fin du « quoi qu’il en coûte » et, « en même temps », vous proposez encore à la représentation nationale, dans ce projet de loi de finances, une baisse d’impôts non ciblée de 10 milliards d’euros sur les tarifs de l’électricité. Une telle mesure est insoutenable pour les finances publiques, d’autant qu’elle est indifférenciée, quel que soit le revenu des ménages. Nous vous demandons de cibler cette aide pour la réserver aux foyers à bas revenus et aux classes moyennes.
Vous parlez de bien gérer l’argent public et, « en même temps », vous proposez dans votre texte – écoutez bien, mes chers collègues – d’exonérer les fédérations sportives olympiques de tous les impôts : leurs salariés seraient même exonérés d’impôt sur le revenu pendant cinq ans. Comment pouvez-vous parler de bonne gestion de l’argent public en assumant une telle mesure devant les Français ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus applaudit également.
Nous proposerons de supprimer cette disposition. Si j’en crois les quelques échanges auxquels elle a donné lieu en commission des finances, je crains que vos oreilles ne sifflent…
M. le ministre délégué sourit.
Enfin, le Président de la République annonce qu’il financera le Centre national de la musique (CNM), mais, « en même temps », le Gouvernement ne fait rien ; il ne propose rien. Nous, nous proposons un financement et un avenir pour le CNM.
Messiers les ministres, il est quinze heures passées : l’heure du réveil a sonné !
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Le « quoi qu’il en coûte » vous a anesthésiés. Il est devenu un fardeau dont vous n’arrivez pas à vous défaire.
Le « quoi qu’il en coûte » signe, en réalité, votre incapacité à tenir certaines de vos promesses, comme la suppression de la CVAE.
Le « quoi qu’il en coûte » met en cause votre crédibilité politique, faisant craindre aux ménages et aux chefs d’entreprise des hausses d’impôt prochaines, lesquelles semblent déjà se dessiner en filigrane.
Mes chers collègues, la commission des finances vous proposera un certain nombre de mesures pour mener à bien le redressement de notre pays en rétablissant les comptes publics. La France et les Français en ont grand besoin.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous engageons aujourd’hui l’examen en séance publique du projet de loi de finances pour 2024.
En ma qualité de président de la commission des finances, je rappelle que, depuis plus d’un mois déjà, M. le rapporteur général et l’ensemble des rapporteurs spéciaux procèdent à l’analyse de ce nouveau budget, recettes et dépenses confondues.
Je remercie d’ailleurs tous les membres de la commission de leurs travaux riches et approfondis ; ils ont permis de dresser des constats, de formuler des propositions et d’établir des avis sur l’ensemble des missions, budgets annexes et comptes spéciaux qui composent le budget de l’État. Nous avons ainsi passé ensemble trente-sept heures en commission depuis le début d’octobre dernier !
À l’instar des commissions saisies pour avis et de leurs rapporteurs, que je salue, nous avons conduit un nombre considérable d’auditions.
Dès lors, messieurs les ministres, à l’heure où s’ouvre l’examen du projet de loi de finances en séance publique, nous sommes en mesure de vous dire clairement ce que nous inspire votre texte.
Comme l’an dernier, nos débats viennent après une séquence un peu particulière : compte tenu de l’utilisation du 49.3 à l’Assemblée nationale, très peu de dispositions du projet de loi de finances ont été débattues. Mme la Première ministre a même déclenché cette procédure avant l’examen du premier article de la première partie…
Cette situation ne vous a pas pour autant empêchés – peut-être vous a-t-elle même facilité la tâche – d’insérer 115 articles additionnels en première partie, puis 60 autres en seconde partie. M. le rapporteur général l’a déjà souligné : le nombre d’articles a quadruplé, passant de 60 à 235.
Nous aurons l’occasion de revenir sur tous les dispositifs prévus dans ce projet de loi de finances et de les discuter. Aussi, je saisirai l’occasion de cette discussion générale pour développer certaines idées qui me tiennent à cœur et qui, à mon sens, méritent d’être rappelées.
Une fois n’est pas coutume, je parlerai d’abord de dépenses publiques.
En effet, la dépense publique, monsieur le rapporteur général, n’est pas un gros mot. À cet égard, je m’efforcerai de combattre certaines facilités un peu lassantes, comme celle qui consiste à retenir systématiquement l’indicateur de la dépense publique rapportée au PIB.
Après avoir atteint 61, 4 % du PIB en 2020, en raison de la crise sanitaire, la dépense publique représenterait 55, 8 % du PIB en 2023 et 55, 4 % du PIB en 2024. Ainsi exprimée, elle paraît très élevée et la diminution de ce ratio est systématiquement interprétée comme une bonne nouvelle.
Monsieur le ministre, vous le disiez vous-même en ouvrant cette discussion générale : « Ne soyons pas hypocrites. » Cette observation vaut pour tous.
Ces chiffres ne signifient en aucun cas, comme on nous l’explique pourtant sans arrêt, que le public capterait 55 % du PIB. Certains éléments de cet indicateur, comme la consommation et l’investissement public, sont effectivement des parts du PIB, mais d’autres non ; les divers transferts sociaux sont ainsi d’une tout autre nature.
Prendre le PIB, qui est une somme de valeurs ajoutées, comme point de comparaison avec des montants qui n’ont rien à voir avec ces dernières, c’est semer la plus grande confusion dans les esprits. Si l’on créait un tel indicateur pour les dépenses privées, ces dernières dépasseraient 200 % du PIB !
Que nous dit le chiffre élevé obtenu par ce mode de calcul très imparfait ? Tout simplement que nous avons collectivement choisi, et ce depuis longtemps, de socialiser une grande partie des dépenses des ménages.
Les Américains n’ont pas fait le même choix : leur dépense publique représente l’équivalent de 45 % du PIB ; mais – vous le savez – l’essentiel de leurs dépenses de santé sont privées. Elles ne sont donc pas incluses dans cet indicateur, alors qu’elles représentent 18 % du PIB aux États-Unis, contre 12 % en France.
M. Bernard Jomier acquiesce.
Si notre pays désocialisait les dépenses de santé, il rejoindrait le niveau américain ; mais, sauf erreur de ma part, personne ici n’exprime un tel souhait.
M. Vincent Éblé le confirme.
De même, si l’on compare la France à l’Allemagne, dont le niveau de dépenses publiques approche les 50 % du PIB, on constate que l’écart tient essentiellement à des dépenses plus élevées en France pour la protection sociale. En 2021, ce poste représentait 34 points de PIB en France contre 29, 5 en Allemagne.
Au total, la France est une économie de marché où la puissance publique assume une redistribution élargie permettant de réduire fortement les différences de revenus entre ménages pauvres et aisés. L’Insee nous le rappelle dans une note récente : cette politique générale de redistribution resserre l’écart de dix-huit à trois ; et c’est bien elle qui tient la société française aujourd’hui.
Certains le déplorent ; pour ma part, je m’en réjouis. Il me paraît essentiel de préserver ce système, tout en essayant bien sûr de faire toujours mieux.
Cependant, je ne méconnais évidemment pas la nécessité d’assurer un meilleur équilibre de nos finances publiques.
La charge de la dette progresse, sous l’effet notamment de la hausse des taux : personne ne peut le nier. On ne saurait encore moins s’en réjouir.
Or, messieurs les ministres, je ne parviens décidément pas à comprendre votre entêtement à réduire les recettes de l’État en période de crise.
FMI, Haut Conseil des finances publiques, Cour des comptes ou encore Banque de France : tous vous disent et vous répètent que l’heure n’est pas à la réduction des prélèvements obligatoires.
J’étais certes, comme vous, convaincu de la nécessité de réduire l’impôt sur les sociétés, dont le taux a été abaissé de 33 % à 25 % ; mais je ne vous suis plus depuis longtemps.
Au fil des années, vous avez supprimé non seulement l’impôt sur la fortune, mais aussi la taxe d’habitation, y compris pour les plus riches, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et même la contribution à l’audiovisuel public.
Une cinquantaine de milliards d’euros se sont évaporés chaque année depuis 2017, ceux-là mêmes que vous recherchez désespérément aujourd’hui afin de ramener notre déficit en dessous des 3 % du PIB en 2027.
Messieurs les ministres, je vous rappelle que, en 2018 – vous vous en souvenez, monsieur Le Maire, vous étiez alors ministre –, grâce à la politique menée par vos prédécesseurs, la France n’était plus soumise à une procédure pour déficit excessif, car nous vous avions laissé un déficit de 3 % en 2017. Malheureusement, si l’on en croit les services de la Commission, la France est de nouveau sous la menace d’une telle procédure en 2024. Très belle réussite !
Tout cela pour quel résultat ? Une hausse de l’épargne des ménages les plus aisés, quand vous aimeriez que la consommation redémarre, et une augmentation des résultats des entreprises, que ces dernières utilisent malheureusement davantage pour racheter des actions que pour investir dans leur outil productif.
N’aurait-il pas été plus utile que l’État conserve ces moyens pour soutenir les Français et les entreprises, comme vous l’avez fait durant la pandémie, en limitant l’appel à l’endettement ? Je crains que la réponse ne soit dans la question.
Le projet de loi de finances pour 2024 est à peu près en ligne avec la loi de programmation et le programme de stabilité ; en 2025, nous savons que l’exercice sera bien plus compliqué : il ne reste quasiment plus de reliquat du plan de relance et la revue de dépenses n’a produit que des résultats décevants. Je rappelle que le groupe de députés chargé de trouver des solutions n’est même pas parvenu à identifier 1 milliard d’euros d’économie.
J’ai bien peur que, malgré vos propos, il ne faille rapidement trouver des recettes nouvelles et remettre en cause les nombreuses lois de programmation que le Gouvernement nous a soumises. Je ne vois pas bien comment on pourrait résoudre autrement l’équation alors que ces textes visent à augmenter les dépenses.
Le retour sur terre ne fait que commencer, messieurs les ministres. Pour conclure, permettez-moi de vous donner un conseil amical : attachez bien vos ceintures !
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – MM. Bruno Belin et Marc Laménie applaudissent également.
Nous passons à la discussion de la motion n° I-1666 tendant à opposer la question préalable.
Je suis saisi, par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d’une motion n° I-1666.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 127, 2023-2024).
La parole est à M. Éric Bocquet, pour la motion.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons donc le débat sur le projet de budget pour l’année 2024. Alors que nous allons beaucoup parler de chiffres au cours des prochaines semaines – cela paraît logique –, nous faisons pour notre part le choix aujourd’hui de consacrer le temps de parole qui nous est alloué pour défendre cette motion à la vie des gens, au quotidien de nos concitoyens, à qui ce budget devrait apporter des réponses concrètes et efficaces.
Le mardi 14 novembre, le Secours catholique a publié son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France, dont les données sont absolument saisissantes : après la crise du covid, plus de 550 000 personnes ont basculé dans la pauvreté ; depuis, l’inflation galopante et la hausse des prix des denrées alimentaires ont encore aggravé la situation. Le taux de pauvreté atteint désormais 14, 5 %, en progression de 0, 9 point.
À ce moment du débat, nous souhaitons évoquer le cas concret de Chantal, dont l’histoire est relatée dans un article du journal Le Monde daté du jeudi 16 novembre dernier.
Âgée de 60 ans, Chantal raconte son existence. Elle fait partie des millions de personnes aidées chaque jour par les bénévoles du Secours catholique, du Secours populaire, des banques alimentaires, des Restos du cœur ou encore des épiceries solidaires.
Il s’agit pour nous non pas de sombrer dans le populisme ou dans la démagogie, mais bien de rendre compte de la réalité quotidienne de millions de nos concitoyens.
Quand Chantal a payé ses frais fixes, il lui reste 17 euros par jour pour vivre. Elle ne se plaint pas : « Je me dis toujours qu’il y a pire que moi », confie-t-elle. Comme 95 % des personnes aidées par le Secours catholique, elle se situe en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian, soit à environ 1 210 euros par mois.
Son parcours de vie est un peu chaotique : séparation d’avec son mari, cancer du sein. Après un licenciement et plusieurs années d’incapacité, elle a pu reprendre un emploi, à la condition de faire peu d’heures. Elle s’accorde quinze jours de congé par an, car cela signifie perdre une partie de ses 1 200 euros mensuels obtenus en cumulant pension d’invalidité, salaire, indemnité au titre de son assurance prévoyance et aide personnalisée au logement.
Chantal, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille, reconnaît effectuer quelques heures de travail au black : « si je les déclarais, ma pension diminuerait », indique-t-elle. Son avenir l’inquiète aussi. Si elle prend sa retraite à 62 ans, sa pension ne dépassera pas 826 euros par mois : « Tant que je peux, je travaille. » Chaque sortie et chaque rentrée d’argent sont notées dans un carnet.
Examinons dans le détail les chiffres d’une vie précaire.
Chantal doit assumer 682 euros de frais fixes chaque mois : 242 euros de loyer pour son logement social, une fois déduite l’aide personnalisée au logement, 109 euros d’électricité, 77 euros de mutuelle, 52 euros d’assurance de sa voiture, 30 euros d’internet… Il lui reste 17 euros par jour pour assumer toutes les autres dépenses.
Elle attend les promotions, fait durer ses dix steaks hachés surgelés tout le mois ; elle a renoncé au poisson et aux fruits. Avec les quelques dizaines d’euros gagnés au noir, elle s’offre du tabac à rouler et des parties de loto le dimanche – l’on s’étonne parfois, mes chers collègues, de la fréquentation en hausse des lotos organisés par les associations dans nos communes.
Elle continue de verser les 21 euros mensuels de son assurance décès : « Comme ça, mes enfants ne paieront pas », dit-elle. En revanche, elle n’a pas les moyens de se payer un dentier, alors que les treize dents qui lui restent – conséquence de la chimiothérapie – la font atrocement souffrir. Elle se bourre de Doliprane bien au-delà des doses autorisées, mais Chantal est résiliente et force l’admiration. « Je ne suis pas à plaindre quand même : j’ai un toit et je suis entourée. »
Il y a quelque temps, sa voiturette sans permis est tombée en panne ; l’association l’a aidée à payer les réparations, d’autant qu’elle a perdu deux semaines de salaire, faute de pouvoir se rendre chez son employeur.
Chantal sait qu’elle n’a pas droit à l’erreur : « Une fois, j’ai fait ma déclaration pour la pension d’invalidité deux jours trop tard. Je n’ai rien touché pendant trois mois. » Aujourd’hui, elle a rejoint les bénévoles de la permanence alimentaire.
Je veux saluer la journaliste du Monde qui a écrit ce récit : Mme Claire Ané. Cette histoire singulière évoque d’autres cas, ils sont nombreux et nous en connaissons tous ; elle illustre parfaitement ce qu’est dans notre société une vie précaire.
Le pacte des solidarités présenté par le Gouvernement a fait réagir les associations de lutte contre la pauvreté : celles-ci dénoncent un manque d’ambition et déplorent l’absence de dispositions fortes pour lutter efficacement contre la pauvreté. Elles y voient un simple catalogue de mesures, dont beaucoup étaient déjà connues, assorties d’une petite rallonge budgétaire – heureusement ! – pour couvrir les besoins des associations alimentaires.
Malgré ce contexte de difficultés aggravées pour une très grande partie de la population, vous confirmez votre volonté de réduire la dépense publique à tout prix et vous persistez dans vos choix dogmatiques en refusant d’agir sur la fiscalité des plus aisés de notre pays, alors que les dividendes explosent. Ces options réduisent les capacités de l’État à agir pour répondre aux grands défis de notre temps.
À l’autre pôle de notre société, le paysage est très différent : quand notre témoin, Chantal, totalise 682 euros de frais fixes par mois, l’homme le plus riche du monde, notre compatriote Bernard Arnault, consomme 657 litres de gasoil par heure avec son mégayacht, lequel bénéficie, fort heureusement, d’une TVA à 0 % grâce aux contrats de transport internationaux.
Votre prédécesseur, monsieur le ministre, répétait à l’envi que la France n’était pas un paradis fiscal pour les plus riches. Même le magazine Challenges contestait cette affirmation dans son numéro annuel de juillet établissant le classement des 500 premières fortunes professionnelles de notre pays.
Pour la quasi-totalité de la population, le système fiscal français est progressif : le taux d’imposition augmente avec les revenus. En revanche, pour le sommet de la pyramide, à partir des 0, 1 % les plus riches, il devient dégressif, chutant à 26 % pour les 0, 000 2 % les plus fortunés, soit les 75 milliardaires identifiés.
L’essentiel des revenus de ces derniers provient des profits de leurs entreprises, taxés à un taux plus faible que celui de l’impôt sur le revenu. S’ils avaient été taxés à ce dernier taux, ces 75 milliardaires auraient payé 59 % d’impôt.
M. Jean Pisani-Ferry, inspirateur du programme économique du candidat Emmanuel Macron en 2017, prône la taxation du patrimoine des plus aisés pour financer notamment la lutte contre le changement climatique.
Monsieur Le Maire, vous semblez avoir enfin compris ce que sont les superprofits ; nous vous encourageons à progresser encore en décidant enfin de les taxer à la bonne hauteur.
Cette motion visant à opposer la question préalable doit également être entendue comme un appel à mener un combat résolu et déterminé à la recherche de recettes nouvelles, alors que vous ne vous intéressez qu’aux économies dans la dépense publique.
Deux rapports récents soulignent le manque de volonté politique pour lutter contre l’évasion fiscale.
Le premier, issu de l’Assemblée nationale, revient notamment sur les moyens humains nécessaires et relève la suppression de 2 500 emplois dans le contrôle fiscal entre 2013 et 2021.
Demandez aussi des comptes à nos partenaires européens, au Luxembourg, notamment, qui héberge 55 000 sociétés offshore, ou encore à Chypre, qui accueille volontiers, au sein de l’Union européenne, l’argent sale des oligarques russes en leur offrant avantages fiscaux, tolérance judiciaire et visas dorés.
Dans le second rapport, la Cour des comptes s’interroge sur l’efficacité de l’action de plus en plus importante de l’intelligence artificielle. Elle livre également une charge contre les indicateurs censés mesurer l’efficacité du contrôle fiscal, mais qui présentent « l’inconvénient de ne pas faire de lien entre modalités de ciblage, motifs de programmation et résultats ».
Messieurs les ministres, en matière de lutte contre l’évasion fiscale, il est grand temps de chausser les bottes de sept lieues !
Sur le sujet des recettes, la Cour des comptes a rendu un autre rapport fort intéressant en juillet dernier sur le pilotage et l’évaluation des dépenses fiscales, plus communément appelées niches fiscales.
On dénombre dans notre pays pas moins de 465 dispositifs fiscaux visant à réduire l’impôt, dont le coût total dépasse les 94 milliards d’euros. La Cour des comptes indique : « Leur concentration sur l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et la TVA (90 % du montant des dépenses fiscales) affecte fortement le rendement de ces derniers, contribue à l’érosion des bases fiscales et fragilise la trajectoire de consolidation des finances publiques. »
En conclusion, la Cour indique : « Les programmes d’évaluation fixés par les dernières lois de programmation des finances publiques n’ont pas été respectés. Ainsi, aucune évaluation sur les onze prévues dans le programme de travail pour 2022 n’a été réalisée. Certains dispositifs, y compris à fort enjeu, n’ont en outre pas fait l’objet d’évaluation depuis dix ans. » On pourrait probablement inclure dans ces dispositifs le pacte Dutreil.
Certaines niches ont sans doute leur utilité, pour d’autres, il y a matière à investigation. Messieurs les ministres, quelles suites le Gouvernement entend-il donner à ce rapport, riche en propositions de recettes nouvelles ?
Notre motion tendant à opposer la question préalable vise à faire surgir dans nos débats l’état réel de notre société. Elle est aussi un appel à explorer des pistes nouvelles de recettes fiscales, qui pourraient nous éviter un recours massif à l’aggravation de la dette publique.
Le PLF 2024 doit, selon les mots de Bruno Le Maire, dégager 16 milliards d’euros d’économies « afin de permettre à la France d’entamer le processus de désendettement ».
Monsieur le ministre, qui peut sérieusement croire à cette fable, alors que vous avez d’ores et déjà décidé d’emprunter 285 milliards d’euros l’an prochain et que le total de notre dette a dépassé les 3 000 milliards d’euros ?
Non, décidément, ce projet de budget ne s’attaque pas radicalement aux grands maux de notre société.
M. Pascal Savoldelli et Mme Nathalie Goulet applaudissent.
Y a-t-il un orateur contre la motion ?…
Quel est l’avis de la commission ?
Cher collègue, une bonne partie des dix minutes de votre intervention, soit une bonne moitié, a été l’occasion d’évoquer la « vraie vie » de certains de nos concitoyens. Vous avez à juste titre indiqué que chacun d’entre nous pourrait évoquer des situations similaires. Dans un second temps, vous avez replacé cet exemple dans une perspective plus large et ainsi contribué à notre débat.
Après vous avoir entendu, toutefois, je me réjouis que le Sénat ait choisi de débattre. Si votre motion était adoptée, le débat serait clos et ce projet de loi de finances ne ferait l’objet d’aucune discussion au Parlement. Nous ne pouvons nous permettre de prendre un tel risque pour notre démocratie.
Messieurs les ministres, ici, nous aimons travailler et nous travaillons sérieusement, même si nous ne partageons pas toutes vos positions – c’est le propre du débat public. Aussi, nous vous demandons de retenir plus de propositions du Sénat que cela ne fut le cas l’année dernière ; à défaut, la démocratie en sortirait diminuée et nous serions tous perdants. Le pouvoir exécutif national serait affaibli et la voix du Parlement ne serait pas entendue. Nous ne pouvons pas, je le répète, nous permettre de prendre un tel risque.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur la motion du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je comprends l’argument du rapporteur général : si nous votions cette motion de procédure, il n’y aurait aucun débat sur le projet de loi de finances.
Cependant, de quel débat parlons-nous ? Nous faisons face à un niveau d’endettement record de 285 milliards d’euros et à un déficit de 145 milliards d’euros. Nous acceptons cet état de fait, mais nous allons débattre d’un projet de loi de finances auquel 175 articles ont été ajoutés, sans véritable discussion, le texte ayant été adopté après recours au 49.3.
Il est, certes, de tradition au Sénat de respecter le travail de l’Assemblée nationale, mais quoi que nous décidions ici, le texte sera finalement adopté à l’Assemblée nationale, avec 175 articles supplémentaires, sans débat, grâce à l’article 49.3. Notre motion n’est donc pas un mouvement d’humeur ou une opposition de principe : simplement, les dés sont pipés.
Le rapporteur général a évoqué à juste titre l’examen au Sénat des précédents projets de loi de finances. À la fin, il n’est pas resté grand-chose de nos débats et des amendements que nous avions adoptés.
C’est parce que nous ne disposons pas au Sénat des moyens de censure de l’Assemblée nationale que nous avons déposé cette motion, afin de marquer un coup d’arrêt.
Je mets aux voix la motion n° I-1666, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances pour 2024.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 66 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Didier Rambaud.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les jeux Olympiques et les jeux Paralympiques ont leurs épreuves de marathon ; au Sénat, nous avons le nôtre : le marathon budgétaire. Cette année, les sentiers s’annoncent escarpés et le parcours quelque peu rallongé.
Dans un contexte d’inflation, pas uniquement législative, alors que le taux de croissance pour 2024 est estimé à 1, 4 %, les recettes de l’État pourraient connaître une hausse de 14 milliards d’euros par rapport à 2023. Cela témoigne d’un certain dynamisme et d’une bonne résistance de l’économie française face aux crises. Cette situation est non pas le fruit du hasard, mais bien la conséquence de décisions politiques prises depuis plus de cinq ans.
Ce dynamisme se poursuivra en 2024.
Avec une économie en essor, l’imposition minimale à l’impôt sur les sociétés rapportera 1, 5 milliard d’euros par an à partir de 2026 et permettra de limiter la concurrence fiscale internationale. Il s’agit d’une victoire décisive pour la réindustrialisation de la France, grâce à l’engagement du Gouvernement.
Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé ce matin à la radio : ce budget représente la fin d’une époque, celle du « quoi qu’il en coûte ». S’il marque indéniablement une étape décisive dans la réduction du déficit, il n’en demeure pas moins que ses dépenses en font un projet résolument engagé pour le financement des services publics prioritaires, pour la transition écologique et, surtout, pour nos collectivités.
Nous le constatons tous : nos concitoyens ont des attentes fortes en matière de services publics.
Ce projet de loi de finances prévoit 3, 3 milliards d’euros de plus pour l’armée, une augmentation de 5 % du budget de la justice et le recrutement de plus de 7 000 agents publics supplémentaires, dont 3 000 pour accompagner les élèves en situation de handicap, 1 900 dans les tribunaux et 2 600 dans la police.
Ce texte prévoit surtout 3, 9 milliards d’euros en plus pour un secteur qui me tient à cœur en tant que fils d’instituteur : l’éducation nationale.
Face aux multiples difficultés, à commencer par le problème d’attractivité du métier d’enseignant, le projet de loi de finances pour 2024 permet de concrétiser la revalorisation historique de la rémunération des enseignants, mise en œuvre dès la rentrée scolaire 2023.
Cet effort inédit et sans condition se traduit par une augmentation de 100 euros net mensuels pour tous les enseignants, par une rémunération minimale de 2 100 euros en début de carrière, par la réforme du lycée professionnel ou encore par la hausse de la valeur du point d’indice de la fonction publique décidée par le Gouvernement en juillet dernier, dont les effets se feront ressentir en 2024.
L’année prochaine marquera donc une hausse historique de ce budget de 3, 9 milliards d’euros, soit 6, 5 % de plus par rapport à cette année, au service de la jeunesse de notre pays.
Mes chers collègues, Antoine de Saint-Exupéry l’écrivait avec sa limpidité singulière : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » Face à l’urgence du dérèglement climatique, notre pays doit montrer l’exemple en agissant davantage, ce qui nécessite des moyens financiers supplémentaires.
En cohérence avec Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, qui estiment les besoins d’investissements à 60 milliards d’euros d’ici à 2030 dans leur rapport intitulé Les incidences économiques de l ’ action pour le climat, le Gouvernement fait sa part en consacrant un effort inédit de 7 milliards d’euros supplémentaires à la planification écologique, pour la seule année 2024.
Ces crédits supplémentaires permettront de financer, entre autres, la rénovation des logements et des bâtiments de l’État, des investissements dans le réseau ferroviaire, le développement de haies, les moyens dédiés au renouvellement forestier, le fonds vert, dont une partie sera consacrée au recyclage des friches.
N’oublions pas l’une des mesures fiscales les plus importantes de la première partie de ce PLF : la création du crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte. Cet outil, qui est attendu depuis l’examen de la loi relative à l’industrie verte, devrait permettre environ 23 milliards d’euros d’investissements et créer plus de 40 000 emplois directs sur le territoire national d’ici à 2030.
La planification écologique est en cours. Affirmer que rien n’est fait en ce sens relève, dans le meilleur des cas, de la mauvaise foi, dans le pire, d’un inquiétant déni de réalité.
Alors que notre institution est souvent surnommée la chambre des territoires et que le congrès des maires de France touche à sa fin, je dirai à présent un mot sur la situation financière des collectivités territoriales.
Si ce projet de budget marque la fin du « quoi qu’il en coûte », il ne signifie pas pour autant la fin de l’accompagnement de nos collectivités. Après avoir connu en 2023 sa première hausse depuis douze ans, la dotation globale de fonctionnement augmentera de nouveau de 220 millions d’euros.
L’assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée a été élargie aux dépenses d’aménagement de terrains des collectivités territoriales. Le Gouvernement répond ainsi favorablement à une demande forte des élus locaux en consentant un effort supplémentaire bienvenu de 250 millions d’euros.
Enfin, mes chers collègues, la France doit avoir un budget, mais le Sénat peut l’affiner. C’est pourquoi, au nom du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, je défendrai plusieurs amendements concernant des sujets essentiels, notamment le dispositif de soutien à l’aide alimentaire.
Nous élargirons le dispositif de soutien aux éleveurs bovins. Nous proposerons d’abaisser le prélèvement sur les fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie (CCI) pour préserver leurs ressources ; de renforcer le dispositif d’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales ; d’élargir le taux réduit de TVA et la créance d’impôt sur les sociétés pour le logement locatif intermédiaire ; de réduire, enfin, le taux de TVA à 5, 5 % sur les préservatifs masculins et féminins.
Mes chers collègues, nous sommes prêts pour un débat enrichissant, respectueux et sans langue de bois. À ce sujet, j’ai en particulier à l’esprit la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises : on ne saurait à la fois regretter devant les chefs d’entreprise que celle-ci soit trop lente, et, devant les élus locaux, la déplorer !
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’examen du deuxième projet de loi de finances de cette législature, sans que plane au-dessus de nous la menace de débats avortés par le recours au 49.3, ce dont je me félicite.
Ce projet de budget constitue un exercice vertigineux d’équilibriste, tant il mêle de problématiques presque antagonistes. Sa construction fait ressortir un « trilemme » entre transition écologique, cohésion sociale et austérité budgétaire.
Ce triangle d’incompatibilités démontre trois choses, tout d’abord que votre volonté chronique de baisser les impôts entre en collision avec celle de réduire le déficit public ; ensuite, que les investissements verts proposés sont loin de répondre aux objectifs de décarbonation ; enfin, que les baisses de dépenses publiques, à travers plusieurs pistes d’économies, fragilisent notre modèle social, en particulier pour les classes populaires.
Ce budget est aussi celui de tous les renoncements. L’année 2023 a été marquée par des débats de fonds structurels dans notre société : quelle place donner à l’héritage dans la lutte contre les inégalités de patrimoine ? Comment taxer de manière plus équitable les multinationales ? Comment lutter de manière plus efficiente contre la fraude fiscale ?
À nos questions hebdomadaires au Gouvernement, une même phrase nous a sempiternellement été répondue : « Nous traiterons ces sujets dans le prochain budget à l’automne. » Nous y sommes, et la déception est à la hauteur de l’espérance que vos plans de communication avaient suscitée !
Il est des renoncements qui sonnent comme des aveux, et que nous partageons avec vous : il en va ainsi de la suppression totale prévue dès cette année de la CVAE, finalement décalée à la fin du quinquennat, en 2027. Ce renoncement est la preuve que votre obstination dogmatique à baisser les impôts de production s’arrête net face au mur des réalités budgétaires ; il est symptomatique de la contradiction qui vous anime en la matière.
Disons-le franchement : soit l’on considère que cette suppression est nécessaire, car il s’agit d’un outil de relance économique, comme vous nous le répétez depuis six ans, et, dans ce cas, il ne faut pas perdre de temps.
Soit cette suppression est inutile et inefficace, et l’on peut donc attendre quatre années de plus.
Force est de constater que le choix qui est le vôtre fait office d’aveu, monsieur le ministre, car si, avec cette suppression, vous commencez à esquisser un début de prise de conscience de l’inanité de votre politique de l’offre, d’autres, rapport après rapport, se chargent de vous l’indiquer frontalement.
De France Stratégie à la Cour des comptes, tous aboutissent aux mêmes conclusions : maintenir l’impôt sur la fortune (ISF) aurait rapporté 6, 3 milliards d’euros en 2022.
Si nous ne contestons pas que les entreprises sont là pour créer de la richesse, nous sommes au regret de vous rappeler que l’État est là pour créer de la justice, monsieur le ministre.
Cet argent pourrait financer de grands chantiers, car il n’en manque pas ! Nous estimons par exemple que la bifurcation écologique pour atteindre l’objectif de neutralité carbone devrait être au cœur du budget.
Les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, que le Président de la République a lui-même nommés, estiment qu’un investissement public à hauteur de 34 milliards d’euros est nécessaire. Au regard d’un tel montant, les 7 milliards d’euros supplémentaires que vous proposez d’allouer à la transition écologique dans ce budget semblent bien dérisoires.
Pour notre part, nous souhaitons contribuer à la recherche de financements. Nous vous proposerons donc d’émettre un avis favorable sur notre amendement visant à instaurer un ISF vert, comme le préconise d’ailleurs le rapport que je viens d’évoquer.
Votre incapacité à résoudre ce triangle d’incompatibilités vous pousse à l’improvisation constante. Vous aviez prévu 16 milliards d’euros d’économies, mais, au dernier moment, vous avez demandé aux oppositions et à votre majorité parlementaire relative de trouver 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires.
Improvisation toujours, quand, à la défaveur d’une hausse des prix des carburants, la Première ministre a annoncé, sans avoir mené la moindre concertation, que les distributeurs vendraient le carburant à perte. Les enseignes ont beau se livrer à une virulente guerre des prix, leurs patrons ont opposé une fin de non-recevoir à la Première ministre.
Marques d ’ approbation.
Le besoin en financement est colossal, et nous devons nous donner les moyens de trouver des recettes supplémentaires.
À cet égard, qu’en est-il de la lutte contre l’évasion fiscale ? Malgré un vaste plan antifraude annoncé en grande pompe avant l’été, les mesures sont loin d’être à la hauteur des enjeux. Cette cause devrait être prioritaire et donc massivement dotée de moyens humains, matériels et financiers, car elle recèle de colossales recettes potentielles.
Nous défendrons des amendements en ce sens, car la politique fiscale visant à faire contribuer tout le monde à la hauteur de ses facultés contributives n’est pas votre mantra, monsieur le ministre.
L’exemple quasi caricatural en est votre volonté d’exonérer d’impôts les fédérations sportives. Alors que la Fédération internationale de football association (Fifa) a réalisé un chiffre d’affaires record de 7, 6 milliards de dollars et qu’elle dispose de moyens substantiels, il ne paraît pas justifié qu’elle bénéficie d’une telle exemption.
Le Gouvernement ayant souhaité « responsabiliser les oppositions dans la construction du budget » en leur demandant de trouver 1 milliard d’euros d’économies, le groupe socialiste du Sénat tient à vous aider, monsieur le ministre, à trouver, non pas des économies, mais des recettes supplémentaires. Pour ce faire, nous avons besoin de vous.
Nous vous invitons donc à émettre des avis favorables sur les amendements de notre groupe visant à instaurer un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 40 %, un ISF vert, une taxation des superprofits… La liste est si longue que je ne peux pas être exhaustif.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’opposera à ce projet de budget, que nous jugeons inique, car il fait peser les efforts exclusivement sur les classes moyennes tout en favorisant les plus aisés de notre pays.
Seul un budget empreint de justice fiscale et sociale pourrait emporter notre vote. En l’état, nous en sommes très loin.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Selon le dossier de presse du Gouvernement, le projet de loi de finances pour 2024 répond aux défis de demain. Il met l’accent sur la lutte contre l’inflation, la protection du pouvoir d’achat des Français, la baisse du déficit public et les investissements pour préparer l’avenir, tout particulièrement la transition écologique.
Or c’est bien connu, monsieur le ministre : qui trop embrasse, mal étreint.
Non, ce PLF ne permet pas de faire face à l’urgence écologique.
La forte baisse des dépenses défavorables en 2024 s’explique uniquement par l’extinction progressive des dispositifs de soutien aux consommateurs. Moins de 7 % des dépenses de ce projet de budget soutiennent la transition écologique de notre pays.
Les trois quarts des dépenses sont considérées comme neutres, ce qui, au regard du poids des transferts sociaux et des charges de personnel dans le budget de l’État, est tout à fait logique. Si l’État était moins omnipotent dans la vie des Français, la part des dépenses « évaluables » serait nécessairement plus élevée.
Une part aussi faible de dépenses « notables » suscite des interrogations sur la portée opérationnelle du rapport sur l’impact gouvernemental du budget de l’État, dit budget vert. D’ailleurs personne, ni l’administration ni les parlementaires, ne se réfère jamais à ce document.
Surtout, le Gouvernement oublie de l’actualiser dans le cadre de la loi de règlement. En 2021 comme en 2022, et bientôt en 2023, les dépenses vertes exécutées sont nettement inférieures à celles qui ont été votées.
Je n’en donnerai qu’un exemple : MaPrimeRénov’. Le projet de loi de fin de gestion pour 2023, qui a été définitivement adopté hier, a annulé 0, 4 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1 milliard d’euros de crédits de paiement alloués à ce dispositif.
M. Christian Bilhac acquiesce.
Ce budget vert cache l’absence d’un cadre de financement pluriannuel qui permettrait de faire converger la trajectoire environnementale et la trajectoire des finances publiques. Les investissements que l’État, les ménages et les entreprises devront financer étant considérables, ils doivent être anticipés.
Les cinquante sites industriels les plus émetteurs de CO2 nécessiteront par exemple des investissements dont le montant s’établit entre 50 milliards et 70 milliards d’euros. Les collectivités devront pour leur part débourser 80 milliards d’euros en 2030, contre 55 milliards d’euros aujourd’hui.
Nous ne pouvons donc que saluer l’introduction, au cours de la navette parlementaire, d’un article dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) obligeant le Gouvernement à transmettre chaque année une stratégie pluriannuelle fixant les financements de la transition écologique et de la politique énergétique.
Il importe qu’une telle réflexion soit menée, car la transition énergétique aura des conséquences significatives sur nos équilibres financiers.
Prenons l’exemple du financement de la politique de l’eau. La sobriété a entraîné une baisse de 10 % de la consommation sur une année, mais, dans le même temps, les recettes ont reculé dans la même proportion. Or le besoin d’investissements pour adapter nos réseaux au changement climatique est estimé à près de 3 milliards d’euros pendant cinq ans.
Ce projet de loi de finances n’apporte, hélas ! aucune réponse.
Pour reprendre les mots du rapporteur général, l’article 49 undecies s’apparente – pardon de le dire, monsieur le ministre – à un simple coup de peinture.
La possibilité désormais offerte aux collectivités de joindre un « état des engagements financiers concourant à la transition écologique » à leur budget primitif ne changera rien ni au coût ni au poids de la dette sur leurs finances. Du reste, rien aujourd’hui n’interdit que les rapports budgétaires contiennent des graphiques permettant d’illustrer l’endettement des collectivités.
L’action des collectivités est d’autant plus difficile que le Gouvernement continue d’allouer des financements par à-coups. La communication sur la flexibilité du fonds vert et son adaptation aux réalités locales se heurte aux faits : les crédits pour 2024 sont en effet massivement réorientés, à hauteur de 500 millions d’euros, vers la rénovation du bâti scolaire, les dossiers devant de plus être déposés dans un délai très bref.
Dans ce contexte, pourquoi ne pas mettre en place, à l’instar de ce qui existe pour la politique du tourisme, une fiscalité affectée avec une obligation de budget dédié ? Comme chaque année, le Sénat vous fera des propositions en ce sens, monsieur le ministre.
Plus généralement, notre système de financement marche sur la tête. Près de 2 milliards d’euros d’aides de l’État visant à titre principal la transition écologique des entreprises ont été versées par cinq opérateurs au travers de 340 dispositifs différents. Ces aides ont été créées par stratification progressive, sans réelle réflexion sur la cohérence d’ensemble.
Alors que l’inspection générale des finances appelle dans son rapport en tout premier lieu à une discipline d’évaluation, demain, deux ministres dévoileront une plateforme dédiée à un accès simplifié des entreprises à ces aides, avant toute réflexion sur le fond.
Il est pourtant urgent d’agir pour la décarbonation de notre économie. À défaut, notre système financier pourrait en pâtir demain.
En effet, comme le souligne la Banque de France dans une note, les fonds d’investissement et, par là même les compagnies d’assurances, sont fortement exposés au risque associé au changement climatique, en particulier aux risques climatiques de transition.
Pour notre groupe, l’écologie ne doit pas rimer avec la décroissance. Nous estimons que l’écologie doit coïncider avec une meilleure croissance et une véritable souveraineté industrielle. Or non, ce PLF ne garantit pas la souveraineté de la France dans tous les domaines.
En la matière, nous commençons à peine à réagir. Les modalités d’attribution du bonus automobile évoluent certes en 2024 – je regrette que le ministre Bruno Le Maire ne soit plus présent pour m’entendre
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Cette année, une part très significative des 1, 9 milliard d’euros consacrés à ce bonus a contribué à soutenir l’industrie chinoise.
MM. André Reichardt et Stéphane Sautarel acquiescent.
Je pourrais poursuivre avec d’autres exemples. Entre 2015 et 2020, les importations de pompes à chaleur chinoises ont augmenté de 17 % par an dans l’Union européenne. Quant aux pompes à chaleur assemblées en France, elles sont produites avec des composants électroniques et des matières premières très largement importées d’Asie. MaPrimeRenov’ et les certificats d’économies d’énergie (C2E) ont financé en 2022 près de 1, 4 milliard d’euros d’équipements et de matériaux de rénovation énergétique importés.
Comme certains, monsieur le ministre, j’estime que la communication gouvernementale sur le Black Friday aurait dû inciter les consommateurs à acheter français et à acheter durable plutôt qu’à ne pas acheter.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.
La part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée totale a baissé de près d’un tiers en vingt ans.
Mais la réindustrialisation ne doit pas se faire à tout prix. Les observations de la Cour des comptes sur le volet relatif à la relocalisation de l’industrie du plan France Relance sont sévères. La juridiction relève en effet que les objectifs pluriannuels de l’instrument ont nui à la qualité du ciblage des subventions, sur lesquelles repose pourtant l’efficacité de la politique de réindustrialisation.
Si la souveraineté est industrielle, elle est aussi financière. À cet égard, de grands défis nous attendent. À la fin de l’année 2022, 47 % de la dette publique française était détenue par des étrangers, contre 39 % pour l’ensemble des principaux pays émetteurs de la zone euro et contre 23 % aux États-Unis. Comment cette part évoluera-t-elle à la suite du désengagement progressif de la Banque de France, qui détient aujourd’hui 709 milliards d’euros d’encours de dette ?
Au cours des prochaines années, la France va entrer dans un cycle infernal : il lui faudra refinancer à hauteur de plus de 200 milliards d’euros par an, en 2025 et en 2026, des dettes arrivant à échéance.
Selon les estimations de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), la part du coût de la dette dans le déficit budgétaire, qui s’établissait à 13 % en 2019, s’élèvera à 50 % en 2027.
Compte tenu de cette estimation de la charge de la dette en 2027, l’urgence devrait être de parvenir à l’équilibre primaire des comptes le plus vite possible en agissant prioritairement sur les dépenses.
Alors que le Gouvernement a peiné à trouver des économies pour 2024, appelant les parlementaires à proposer 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires, il faudra trouver 12 milliards d’euros en 2025 pour tenir la trajectoire de réduction du déficit public.
J’ai cru comprendre que le Gouvernement plaçait beaucoup d’espoir dans les revues de dépenses publiques. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le ministre, que j’ai réalisé un bref état des lieux de la première version de ce document et de ses résultats très mitigés lors de la discussion générale de la LPFP.
Au regard des échos que j’ai eus de la réunion qui s’est tenue mardi matin sur le sujet, je crains que la deuxième version ne soit pas meilleure.
Avec votre collègue Bruno Le Maire, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué avoir trouvé une recette miracle, la vente des bijoux de famille. C’est, hélas ! un fusil à un coup.
Le levier des recettes fiscales ne pouvant pas être actionné sans détruire notre compétitivité, il ne reste qu’un seul levier, celui des économies. Tout au long de la discussion de ce PLF, nous aurons l’occasion de vous démontrer que la trajectoire des finances publiques votée par le Sénat dans la LPFP n’était pas irréaliste et qu’il est possible de réaliser plus de 5 milliards d’euros d’économies dès 2024.
À la clarté des enjeux, la communication budgétaire préfère souvent, hélas ! l’obscurité des mesures relatives.
Vous parlez en points de PIB. Cette grandeur permet certes d’entretenir le flou, mais elle n’est pas pratiquée par les Français, qui lui préfèrent le mètre, le kilo et l’euro.
C’est du reste une grandeur absurde, comme Vincent Delahaye le rappelait en début de semaine : 30 % du PIB n’est rien d’autre que de la dépense publique.
Il faut toutefois reconnaître que tout passe mieux en points de PIB. Le déficit s’améliore, passant de 4, 9 % à 4, 4 %, alors qu’il est stable en euros – de 150 milliards d’euros à 150 milliards d’euros…
Le taux de prélèvements obligatoires passe de 44 % en 2023 à 44, 4 % en 2027. Ce petit chiffre après la virgule cache pourtant une hausse de 10 %, soit des milliards d’euros supplémentaires !
La charge de la dette passera de 1, 3 % du PIB en 2023 à 2, 6 % en 2027. Cette hausse en apparence minime dissimule pourtant une multiplication par plus de deux de cette charge, portant son coût de 37 à 84 milliards d’euros.
Quand les ménages parlent en euros, monsieur le ministre, le Gouvernement, lui, parle en points de PIB, ce qui lui permet de ne pas dire que ses dépenses seront de 30 % supérieures à ses recettes.
Cette fragilité de nos finances nous rend moins forts pour discuter sur la scène européenne de la réforme du pacte de stabilité et de croissance.
Les critères, pourtant plus souples, proposés par la Commission européenne feraient très certainement consensus parmi les États membres, s’il n’y avait pas les cancres que sont l’Italie et la France.
Notre souveraineté repose aussi sur notre image auprès de nos partenaires européens.
Si ce projet de loi de finances comprend des mesures immédiates de soutien des Français face à l’inflation, nous remarquons que celles-ci sont encore empreintes de la philosophie du « quoi qu’il en coûte ».
L’objectif de souveraineté nous impose pourtant d’adopter sans faillir le mantra du « combien ça coûte ». Telle est la raison de la révision du dispositif de soutien des particuliers face au niveau des prix de l’électricité, visant à cibler celui-ci pour partie sur les ménages les plus modestes. C’est beaucoup moins populaire que l’arrosage tous azimuts, mais c’est beaucoup plus respectueux des générations futures.
Non, ce PLF ne soutient pas les Français, monsieur le ministre.
Les récentes discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale illustrent à quel point les générations futures sont les grandes oubliées de la politique, peut-être parce que ce ne sont pas celles qui seront appelées aux urnes dans quelques mois.
Ce sont pourtant ces générations qui devront financer la charge de la dette. Ce sont elles aussi qui auront à porter le vieillissement de la population. Selon l’iFRAP, le seul coût des allocations versées pour soutenir financièrement les personnes âgées qui perdront en autonomie pourrait dépasser 10 milliards d’euros à l’horizon 2040, soit une hausse de 80 % par rapport à 2020. Les finances des départements n’y suffiront pas.
Par les enjeux financiers qu’elle emporte, la loi de programmation relative au grand âge est une urgence, au même titre qu’une loi de financement de la transition écologique. Je n’ose rappeler qu’il s’agissait d’une promesse de campagne du président Macron en 2017.
Six ans ont passé, et la situation est désormais catastrophique. Les deux plus grandes entreprises cotées du secteur de la dépendance ont eu besoin d’un plan de sauvetage. La majorité des 2 000 établissements privés membres du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) finiront l’année en perte. Et quelque 100 millions d’euros ont dû être débloqués en urgence cet été.
La ministre Aurore Berger reconnaît elle-même qu’il faut se poser des questions sur le financement à plus long terme de la branche autonomie.
La part de la contribution sociale généralisée (CSG) désormais attribuée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), à hauteur de 0, 15 point, servait jusqu’à présent au remboursement de la dette de la sécurité sociale via la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Celle-ci, je le reconnais, est censée disparaître en 2033, mais la persistance des déficits conduit à s’interroger sur sa prolongation et donc, sur son financement.
Selon le FMI, le coût de la lutte contre le réchauffement climatique, de l’effort supplémentaire de défense, rendu nécessaire par l’accroissement des tensions géopolitiques et du vieillissement démographique, pourrait atteindre 7, 5 % du PIB pour les pays de l’OCDE.
Ces enjeux qui sont devant nous appellent à davantage de rigueur dans la gestion des deniers publics.
Pour conclure, je citerai Napoléon, qui fait actuellement la une de nombreux journaux : « Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non pas les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. […] L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain. »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, méditons ces paroles à l’aune de notre dette.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que l’intervention de M. le ministre Bruno Le Maire, qui a depuis déserté cet hémicycle, ressemblait au discours de campagne d’un candidat qui aurait oublié qu’il était au pouvoir depuis six ans.
« Parfois, les gens ne veulent pas entendre la vérité parce qu’ils ne veulent pas que leurs illusions soient détruites », disait Nietzsche. C’est bien un budget d’illusion que vous présentez au Sénat, monsieur le ministre.
Bilan de votre politique et de celle de vos prédécesseurs, qui siègent largement sur ces travées, la France affiche un triste bilan, la dette dépassant les 3 000 milliards d’euros.
Pour faire passer la pilule, vous fondez votre projet sur une croissance illusoire, reconnue unanimement comme optimiste, pour ne pas dire fantaisiste, par les plus hautes instances macroéconomiques du pays.
Notre pays a atteint un taux record de prélèvements obligatoires et d’impôts qui, selon Eurostat, représentent 47 % du produit intérieur brut. La France détient le triste record du pays européen le plus imposé, après le Danemark.
Les Français consentent encore à l’impôt et souhaitent participer à l’effort national, mais peuvent-ils espérer un retour sur investissement ? Malheureusement, la réponse est non.
Les Français assistent chaque jour au délitement du service public et subissent la pression délirante d’une administration – la vôtre, monsieur le ministre –, tatillonne et procédurière : toujours moins de services publics et une complexité administrative croissante pour faire avancer le moindre projet.
L’hôpital et les soignants sont à bout de souffle. Plus d’un tiers des Français, qui refusent d’ailleurs de plus en plus souvent de se soigner, vivent dans des déserts médicaux.
Nos territoires d’outre-mer sont abandonnés, particulièrement Mayotte, où l’accès à l’eau est une difficulté de tous les jours et la sécurité de nos concitoyens mahorais une préoccupation de chaque instant.
Des enseignants, notre école républicaine, pilier de notre État, ou encore le pacte républicain, qui représente nos valeurs intemporelles de liberté, d’égalité et de fraternité, sont remis en cause par un fondamentalisme islamique qui gangrène notre vivre ensemble.
L’immigration non contrôlée met à rude épreuve nos ressources et notre capacité d’assimilation. Nous devons lier nos valeurs d’humanité à l’harmonie de notre Nation.
Alors que la situation financière de la France est sensiblement dégradée, ce qui suscite des interrogations sur sa soutenabilité à moyen terme, vous camouflez à coups de 49.3 la gravité de l’état de nos comptes publics. Vous êtes dans l’autosatisfaction permanente, monsieur le ministre.
Vous voulez jouer les bons élèves de l’Union européenne, Union à laquelle les Français ont donné en 2023 plus de 24 milliards d’euros. Sur ce montant sans cesse croissant, vous présentez – quel hasard ! – une baisse de 3 milliards d’euros de cette dîme bruxelloise, écran de fumée électoraliste de la Macronie pour éviter un désastre électoral le 9 juin prochain. C’est pourtant peine perdue.
Les Français ne sont pas dupes. Ils ont l’espoir, avec Marine Le Pen, d’une alternance prochaine.
Il faudra vous y habituer !
D’année en année et de déficit en déficit, celle-ci s’impose comme une nécessité toujours plus urgente.
Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances, les sénateurs du Rassemblement national proposeront et soutiendront tous les amendements de bon sens visant à faire payer ceux qui le doivent, et surtout, à rendre leur argent aux Français.
Nous proposerons notamment la baisse urgente de la TVA sur l’énergie et sur les produits de première nécessité, pour enfin desserrer l’étau qui pèse sur nos compatriotes les plus modestes.
Nous agirons aussi pour augmenter le pouvoir d’achat, en proposant notamment la mesure vitale qu’est le gel des cotisations patronales, en échange d’une augmentation de 10 % des salaires.
Enfin, la natalité, pilier central de toute prospérité, sera défendue et encouragée par le rétablissement de l’universalité des allocations familiales, honteusement spoliées par la gauche aux familles françaises.
Protestations sur les travées du groupe SER.
Conscient de la situation dégradée de nos finances publiques, le Rassemblement national vous proposera également des mesures pour faire rentrer dans nos caisses cet argent qui manque tant.
Nous défendrons ainsi la taxation du patrimoine immatériel et des superprofits. Le capital, qui a toutes les faveurs du Gouvernement, doit aussi contribuer à l’effort national, monsieur le ministre.
Nous demanderons en outre que la honteuse contribution financière au profit de l’Union européenne soit diminuée.
Monsieur le ministre, la chambre haute ne peut pas être muselée comme l’a été l’Assemblée nationale par le 49.3, seul nombre qui semble avoir grâce à vos yeux ! Dans cette chambre, cet article ne peut pas être « dégainé ».
Nous appelons tous les sénateurs à entendre nos propositions et à soutenir celles qui vont dans le bon sens. L’intérêt national doit transcender les petits intérêts électoraux comme les calculs d’écuries politiques discréditées.
M. Joshua Hochart. Redonnons espoir et espérance au peuple de France en dépassant nos divergences partisanes, mes chers collègues.
M. Aymeric Durox applaudit.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre qui reste
Sourires.
Il est effectivement difficile de convaincre les Français, singulièrement certains sénateurs, qu’ils ne vivent pas en enfer.
Qu’est-ce que l’enfer d’un point de vue budgétaire, mes chers collègues ?
L’enfer, c’est quand les prélèvements obligatoires atteignent des niveaux confiscatoires. C’est quand la dette explose. C’est quand l’inflation s’emballe. C’est quand les services publics ne fonctionnent plus, alors même qu’ils n’ont jamais bénéficié de moyens financiers aussi importants. C’est quand le pays semble au bord de l’implosion. C’est ça, l’enfer.
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Au contraire, qu’est-ce que le paradis d’un point de vue budgétaire ?
Le paradis, c’est quand les impôts sont suffisamment bas pour permettre aux gens de vivre dignement de leur travail et aux entreprises d’être compétitives et innovantes. C’est quand les services publics se modernisent. C’est quand les comptes sont maîtrisés et que la signature de l’État inspire confiance.
Sylvain Tesson a-t-il raison, mes chers collègues ? À mon avis, c’est fort probable.
Il n’est bien sûr pas difficile de trouver des éléments prouvant que la France est effectivement un enfer budgétaire – notre collègue Lavarde en a cité abondamment. C’est du reste peut-être l’opinion qui domine chez nos concitoyens et chez certains d’entre vous, mes chers collègues.
Avec plus de 3 000 milliards d’euros de dette publique, un déficit chronique, une balance commerciale structurellement déficitaire, un taux d’inflation supérieur au taux de croissance, une dépense publique représentant 55 % du PIB, un taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés du monde, des services publics sous tension, un taux de chômage qui pourrait repartir à la hausse, il y a de quoi dresser un tableau alarmant.
Mais la France semble aussi, sur le plan budgétaire, un paradis sur terre. Pour s’en convaincre, le plus simple est sans doute de s’intéresser à ce que les étrangers pensent de notre pays.
Selon le prix Nobel d’économie Paul Krugman, la France est le pays qui a le mieux géré la crise. Alors que l’économie peine à redémarrer outre-Rhin, Der Spiegel estime que la France, c’est l’Allemagne en mieux.
La France, c’est le pays qui attire en Europe le plus d’investissements étrangers. Les notations restent excellentes. Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas depuis un demi-siècle. L’inflation reflue, doucement certes, mais elle reflue, en passant de 4, 9 % cette année à 2, 6 % l’an prochain.
Mes chers collègues, je n’irai pas plus loin dans l’exégèse de Sylvain Tesson. L’important n’est pas là, me semble-t-il. Au-delà du tableau que chacun pourra dresser aujourd’hui, il importe de déterminer le cap que nous souhaitons fixer pour la suite.
L’exercice est difficile, car les nuages s’amoncellent au-dessus de notre avenir. J’identifie au moins trois types de menaces.
La première, qui est aussi la plus évidente, est la menace sécuritaire. Elle s’affirme à l’extérieur de nos frontières, mais aussi à l’intérieur.
Partout dans le monde, les attaques contre les démocraties redoublent. En France, l’explosion de la délinquance inquiète jusque dans nos campagnes.
Nous faisons aussi face à la menace du déclassement économique et à celle du délitement social.
Ces trois menaces, sécuritaire, économique et sociale, sont bien évidemment liées. C’est pourquoi nous devons y apporter une réponse claire et cohérente.
À mon sens, la solution tient en trois mots : un État, non pas omnipotent, chère Christine Lavarde, mais fort. Notre objectif doit donc être de renforcer l’État. Je crois, mes chers collègues, que le budget pour 2024 y contribue.
Un État fort est d’abord et surtout un État puissant dans l’exercice de ses missions régaliennes : justice, forces de l’ordre, forces armées. Sur ces trois volets, les moyens mobilisés augmentent considérablement. C’est une excellente nouvelle.
Ces augmentations s’inscrivent dans les trajectoires définies par les trois lois de programmation que nous avons votées, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
Au-delà de ces trois fonctions régaliennes clés, le PLF contient plusieurs mesures de lutte contre la fraude fiscale. Elles sont bienvenues.
L’État doit être fort, fort avec tous les citoyens et pas seulement avec les faibles, ou alors il n’y a plus de justice.
Notre groupe vous proposera d’ailleurs d’affermir ces mesures, par exemple en rendant automatique l’application de la peine complémentaire en cas de fraude fiscale aggravée.
Tout ce qui renforce l’État dans ses missions régaliennes est bienvenu. A contrario, mes chers collègues, tout ce qui l’empêche est malvenu.
C’est pourquoi notre groupe reste fidèle à sa ligne budgétaire. Il faut continuer à mettre de l’ordre dans nos comptes. Un État en déficit chronique, dont les recettes représentent à peine plus de la moitié des dépenses, ne peut pas être l’État fort que nous appelons de nos vœux.
Le rapporteur général a annoncé plusieurs milliards d’euros d’économies. C’est ambitieux. Le groupe Les Indépendants partage cet objectif et y prendra toute sa part.
Sur les crédits de la mission « Travail et emploi », dont je suis rapporteur avec Ghislaine Senée, nous vous proposerons en effet de faire 1 milliard d’euros d’économies sur les 5 milliards d’euros que propose la commission des finances. Ce n’est certes pas suffisant au regard des 144 milliards d’euros de déficit public, mais c’est un début.
Notre groupe vous proposera d’autres mesures d’économie dès la première partie de ce PLF.
Il est toutefois des dépenses qui peuvent rapporter gros, monsieur le ministre, mes chers collègues. Pour répondre à la menace de déclassement économique, l’État doit se faire stratège. Il doit indiquer par des orientations claires les secteurs stratégiques dans lesquels nous devons investir massivement pour préparer notre avenir.
À cet égard, notre groupe a soutenu toutes les initiatives prises par le Gouvernement pour accélérer la réindustrialisation du pays. Nous continuerons de le faire et nous serons force de propositions en la matière.
Fidèles à la position que nous avons défendue dans le passé, nous nous interrogeons cette année encore sur le report de la suppression de la CVAE.
Monsieur le ministre, le plus difficile avait été fait, à savoir garantir aux collectivités locales une ressource pérenne et dynamique. Nous craignons que, en revenant sur le calendrier, vous ne brouilliez une stratégie qui avait le mérite de la clarté.
Au même titre que le crédit d’impôt en faveur des investissements dans l’industrie verte ou le plan d’épargne avenir climat, toutes les dépenses qui accélèrent la réindustrialisation de notre pays permettront un retour sur investissement rapide et massif. Nous améliorerons notre bilan carbone global, nous rétablirons notre balance commerciale et nous continuerons à créer de l’emploi et à innover.
Surtout, nos territoires en profiteront pleinement. Miser sur la réindustrialisation, c’est leur offrir, notamment aux plus ruraux d’entre eux, des perspectives nouvelles.
C’est leur faire une promesse d’attractivité et de compétitivité. Là se trouve la réponse à la menace de désagrégation sociale.
Miser sur les territoires, c’est renforcer la cohésion sociale de notre pays. Pour cela, vous avez, monsieur le ministre, des alliés que vous auriez tort de négliger, car ils seront toujours au rendez-vous lorsque les solutions fonctionnent sur le terrain : il s’agit des collectivités locales.
Leur message est clair. Elles veulent des politiques frappées au coin du bon sens, ainsi qu’une relation de confiance avec l’État. Le Congrès des maires leur offre, comme chaque année, une caisse de résonance en pleine séquence budgétaire.
Aussi, l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement, à hauteur de 220 millions d’euros, est une excellente nouvelle pour les élus locaux. Après la crise sanitaire et le pic inflationniste, une stagnation de leurs moyens aurait été malvenue.
Plusieurs autres mesures devront renforcer leur relation de confiance avec l’État. Je pense notamment à la redéfinition des zones de revitalisation rurale (ZRR), dont nous aurons l’occasion de débattre longuement, ainsi qu’à la rétrocession aux collectivités territoriales des amendes prélevées dans les zones à faibles émissions (ZFE), ou encore au renforcement du pacte de stabilité au profit des communes nouvelles.
Sur tous ces sujets, mes chers collègues, je ne doute pas que le Sénat sera force de propositions. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires aborde sereinement ce projet de loi de finances pour 2024. Il le fait muni d’une boussole dont l’orientation est très claire : un État fort sur ses missions régaliennes, qui agit en confiance avec les collectivités locales.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Marc Laménie applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste souhaite aider le Gouvernement à équilibrer ce budget et lui propose pour cela de renflouer les caisses grâce à la lutte contre la fraude fiscale.
Les chiffres sont astronomiques, puisqu’il manque entre 80 milliards et 120 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Le groupe Union Centriste a fait de ce sujet un axe fort de sa réflexion.
Je salue tout d’abord les dispositions des articles 19, 20 et 21 et ne manque pas d’éprouver une sorte de tendresse – si j’ose le dire ainsi – pour les dispositions de l’article 22 relatif aux prix de transfert.
Durant l’examen de ce PLF, nous aurons l’occasion de vous faire des propositions non seulement en première partie, mais aussi dans le cadre de l’examen des différentes missions.
Dans son rapport de novembre 2023 sur la détection de la fraude fiscale des particuliers, la Cour des comptes écrit que « de manière regrettable et persistante, la France ne dispose à ce jour d’aucune estimation statistique de la fraude fiscale ». J’ajouterai que cette absence d’outil d’évaluation est anormale.
Certes, sur l’excellente initiative de Gabriel Attal, vous avez réuni un groupe de travail sur le sujet, mais il n’existe toujours pas d’instance permanente pour cette évaluation. Et pendant ce temps, les voleurs courent toujours.
Monsieur le ministre, chacun sait pourtant qu’un fraudeur heureux est un fraudeur qui revient.
Le document de politique transversale (DPT) qui nous a été remis, autrement appelé « orange budgétaire », ne remplit pas intégralement son rôle. Par exemple, l’explication des crédits du programme 156 reste insuffisante.
De plus, le document ne mentionne pas les différents acteurs et services qui concourent à la lutte contre l’évasion fiscale en étant financés par d’autres programmes, alors que cela correspond précisément à la fonction technique qui lui revient.
Il omet, par exemple, de citer le service Tracfin, qui dépend du programme 218, « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », ou encore la brigade nationale de la répression de la délinquance fiscale (BNRDF) qui relève du programme 176, « Police nationale » de la mission « Sécurités ». Le budget du parquet national financier (PNF) qui est porté par le programme 166, « Justice judiciaire » de la mission « Justice » ne figure pas non plus dans le DPT.
Il est important de pouvoir disposer d’un document de politique transversale, mais s’il est incomplet, cela rend sa consultation peu opérante.
J’en viens à présent à deux sujets de fond. Premièrement, on estime que, entre 2000 et 2020, le montant de la fraude à l’arbitrage des dividendes représentait 150 milliards d’euros à l’échelle mondiale et 33 milliards d’euros à l’échelle nationale.
Le groupe Union Centriste vous proposera un amendement qui, même s’il a été rejeté à plusieurs reprises au cours des années précédentes, n’en reste pas moins nécessaire. J’espère que la vague de perquisitions lancée par le PNF au printemps dernier, dans le cadre du scandale dit « CumCum », vous motivera. Gabriel Attal, qui exerçait précédemment vos fonctions, monsieur le ministre, annonçait des redressements à hauteur de 2, 5 milliards d’euros.
Deuxièmement, nous devons mener une lutte en bonne et due forme contre la délinquance financière et les paradis fiscaux, ainsi qu’un travail de fond sur les conventions fiscales internationales.
En la matière, tout scandale est suivi d’une annonce. Ainsi, Nicolas Sarkozy de lancer à Deauville : « Les paradis fiscaux, c’est fini ! ». Force est de constater qu’ils ne se sont jamais aussi bien portés.
Preuve en est, la Suisse, malgré ses promesses, mais aussi le Luxembourg et les ports francs aux portes de l’Europe et en Europe, le Liechtenstein, Jersey, ou bien encore nos amis de Dubaï, qui brassent des milliards en roubles ou en euros : aucun de ces États ne figure sur la liste noire des juridictions fiscales non coopératives établie par l’Union européenne.
Quant à la liste grise de celles qui font l’objet d’un suivi attentif par l’Union européenne, elle n’est guère plus satisfaisante : on y retrouve des pays amis comme l’Arménie et Israël, mais Dubaï n’apparaît nulle part, non plus que la Grande-Bretagne post-Brexit.
Monsieur le ministre, les règles qui permettent de sortir de la liste des territoires non coopératifs n’ont rien de sérieux. Il suffit de signer une convention et peu importe qu’elle soit suivie d’actes ou pas. Dans un autre domaine, chacun s’accorde à dire : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. » Il faudrait appliquer le même raisonnement en matière de coopération fiscale.
Laissez-moi vous donner un exemple. L’oligarque, que nous appellerons M. T., s’est acheté un Falcon 2000 pour 28 millions de dollars – une paille ! Il l’a revendu pour acheter un Falcon 900 LX à 38 millions de dollars – une paille ! Puis, il a fini par acheter un Falcon 7X pour 48 millions de dollars – toujours une paille ! Ces appareils, produits par Dassault, ont été livrés à l’aéroport du Bourget sans que M. T. paie la moindre TVA, ces achats ayant été effectués par des sociétés-écrans enregistrées dans l’île de Man.
En achetant ces avions, M. T. a fraudé la TVA à hauteur de 18, 5 millions d’euros, ce qui représente beaucoup d’argent.
La prolifération des jets privés est synonyme de fraude fiscale. Il en est de même pour les yachts, grâce au fameux procédé dit « leasing maltais », et tout cela a lieu au nez à la barbe des contribuables européens.
Saisissons-nous régulièrement de ces sujets pour en débattre au lieu de nous contenter d’avaliser sans pouvoir les amender les conventions fiscales dont l’entrée en vigueur est soumise à notre autorisation.
Par exemple, en octobre dernier, nous avons examiné le projet de loi autorisant l’approbation de conventions fiscales avec le Danemark et la Grèce. Or, Éric Bocquet a fort bien démontré que, en dépit de leur apparence anodine, ces conventions ouvraient, en réalité, des avantages nombreux pour les plus gros acteurs du trafic maritime.
Monsieur le ministre, j’aurais encore beaucoup à vous dire, notamment sur les conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP), qui constituent un dispositif insupportable.
J’aurais aussi mille questions à vous poser sur les enquêteurs européens, sur la formation de l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux, sur la création d’une mission budgétaire sur la fraude et l’évasion fiscales, ainsi que sur l’installation d’un ministre – ou plutôt d’une ministre – chargé de la lutte contre les fraudes aux finances publiques.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, GEST, SER et CRCE-K.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, je dirai quelques mots sur le contexte politique, encore une fois très particulier, dans lequel nous examinons ce projet de loi de finances pour 2024.
C’est après un énième recours du Gouvernement au 49.3, intervenu très tôt dans le cours des débats à l’Assemblée nationale, que le projet de loi de finances pour 2024 nous parvient. Le texte fera donc ici l’objet de son premier véritable examen démocratique dans une chambre parlementaire.
Nous nous apprêtons à travailler pendant trois semaines sur ce texte, à faire des propositions et à confronter nos visions de l’avenir non seulement de nos finances publiques, mais aussi de notre pays.
Toutefois, personne n’est dupe. Le Gouvernement, incapable de construire un compromis autour de sa vision budgétaire, fera une nouvelle fois usage du 49.3 à l’Assemblée nationale, balayant au passage les fruits de notre travail. L’esprit Shadok n’est pas mort et ainsi va le débat parlementaire dans notre pays.
Une formule suffit à résumer le mot d’ordre du Gouvernement : « À l’Assemblée nationale, taisez-vous ; au Sénat, cause toujours ! »
Pourtant, les débats qui commencent aujourd’hui sont cruciaux. Les crises auxquelles notre pays doit faire face se nourrissent les unes des autres, qu’elles soient de nature écologique, sociale ou institutionnelle. Monsieur le ministre, vos œillères et votre dogmatisme budgétaire les renforcent et fragilisent notre contrat social, faisant le lit des profiteurs de haines et entretenant l’anxiété face à l’avenir.
Oui, ce projet de budget traduit une insouciance, notamment sur la question climatique, alors même que notre pays est durement frappé par le chaos des phénomènes climatiques. Dans le Pas-de-Calais, la décrue des cours d’eau est à peine amorcée, laissant tout juste entrevoir un retour à la normale lointain, après plus de deux semaines de crues historiques, et nous peinons encore à mesurer les conséquences financières de la catastrophe. Certaines familles ont tout perdu et ne savent pas si elles seront indemnisées. Certains agriculteurs voient leur exploitation et leurs récoltes menacées ou détruites. Certaines entreprises ont dû fermer, leur outil productif ayant été réduit à néant.
Cette catastrophe s’inscrit dans un contexte d’accélération des phénomènes climatiques extrêmes. Or ce sont les populations les plus précaires et ceux qui, parmi les Français, sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre, qui sont le plus durement frappés par ces catastrophes, qui n’ont rien de naturelles. Ce qui se passe en ce moment concrétise parfaitement ce que les économistes et les experts du climat disent depuis plus de vingt ans : « Plus nous tardons à engager des changements, plus les coûts exploseront. »
Par conséquent, nous devons, en responsabilité, inscrire l’avenir de notre pays, donc son budget, dans une double obligation. D’une part, il faut engager notre économie dans le virage de la décarbonation et de la sobriété, conformément aux engagements de la France en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. D’autre part, nous devons adapter la France, son outil productif, son modèle agricole, ses villes et ses villages pour faire face à l’accélération des catastrophes et au nouveau régime climatique dans lequel nous entrons.
Le mur d’investissement qui découle de cette double obligation, non seulement pour l’État, mais aussi pour les collectivités territoriales, est colossal.
Le rapport que Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz ont rendu à la Première ministre a le mérite de poser les ordres de grandeur. Pour amorcer la transition de notre pays dans le respect de nos engagements, « l’ensemble des investissements supplémentaires, tous secteurs confondus, s’élèverait à environ 66 milliards d’euros par an à l’horizon 2030, soit 2, 3 points de PIB ».
Pour ce qui est de la part publique de ces investissements, les auteurs du rapport préconisent de « recourir pour partie à l’emprunt et à une taxation provisoire des plus hauts patrimoines financiers ».
Le ministre Le Maire a balayé ces deux propositions et l’ensemble de ce rapport dans un geste d’insouciance climatique qui frise le déni. Concentré sur un retour à la normale de la rigueur budgétaire, il est resté sourd à ces suggestions, fragilisant une nouvelle fois la parole de la France sur la scène de la diplomatie climatique, mais aussi notre contrat social, qui fait peser l’effort sur les plus fragiles, quand les plus gros pollueurs sont préservés.
Le besoin de recettes nouvelles et celui de repenser la répartition de l’effort entre les plus gros pollueurs et ceux qui n’en ont pas les moyens reste l’impensé majeur de ce projet de budget.
La crise sociale à laquelle doit faire face notre pays reste forte. L’inflation se maintient à un niveau élevé, avec un taux proche de 5 %. Le Gouvernement table sur une baisse de ce taux à 2, 6 %, l’année prochaine, tout en reconnaissant que ce scénario est incertain et que les aléas sont élevés. Dans le même temps, l’évolution des salaires reste en moyenne inférieure à l’inflation, ce qui signifie que les Français s’appauvrissent.
Mais, là encore, la tendance n’est pas homogène et votre dogmatisme budgétaire accélère la dynamique qui oppose les grands gagnants aux grands perdants.
En effet, durant les dernières années, le Gouvernement s’est attaqué avec constance à nos amortisseurs sociaux. Les minima sociaux sont stables ou augmentent trop peu, vos mauvais coups contre l’assurance chômage ou les retraites se poursuivent, l’État a abandonné la lutte contre l’extrême pauvreté et le résultat est dramatique.
De nombreux étudiants ne mangent pas à leur faim. Des milliers de personnes, dont des enfants, dorment toujours dans la rue, malgré les promesses qu’on leur avait faites. Même les foyers des classes moyennes sont fragilisés par votre refus de lutter de manière affirmée contre l’inflation, notamment des prix alimentaires.
Pour faire face aux conséquences sociales de votre politique économique, nos collectivités locales, notamment les communes et les départements, sont au front pour tenir tous les bouts d’une société qui se tend et se fracture.
Certes, la dotation globale de fonctionnement augmente de 0, 8 %, mais alors que le taux d’inflation est de 5 % et que les missions des collectivités sont toujours plus variées et complexes, le compte n’y est pas.
Nous sommes à un moment charnière de notre histoire et ce projet de loi de finances pour 2024 devrait pouvoir enfin mettre en œuvre un changement de paradigme. Disons-le clairement, nous en sommes très loin. Avec ce Gouvernement, année après année, le processus reste le même : un discours volontariste, des annonces chocs, une bonne dose d’autosatisfaction – nous avons encore pu le constater aujourd’hui – et, pour finir, une traduction budgétaire décevante et des résultats en dessous de nos obligations.
Pourtant, au-delà d’une obligation de moyens, la situation exige une obligation de résultat. Or ils ne sont pas là. La faute en revient à un dogme, une loi d’airain pour ce Gouvernement : toujours moins d’impôts pour les plus aisés, quel que soit le résultat, et pas de dette supplémentaire.
Cette idéologie est profondément incompatible avec le respect de nos engagements climatiques, la préservation de notre modèle social et la mobilisation des leviers institutionnels pour y parvenir.
Monsieur le ministre, vous vous refusez obstinément à trouver de nouvelles recettes. Pourtant, les sources de financement ou d’économies sont là. Ainsi, les entreprises reçoivent plus de 150 milliards d’euros d’aides directes ou indirectes, souvent de manière non conditionnelle. En outre, le patrimoine des Français ultrariches ne cesse de s’accumuler et de se concentrer, année après année, entretenu par vos réformes.
Que reste-t-il donc à un Gouvernement qui refuse de se donner les moyens d’agir, sinon de l’austérité, du saupoudrage et beaucoup de communication ?
Vous l’aurez compris, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires regrette votre manque d’ambition et vous proposera un ensemble cohérent d’amendements pour un projet de loi de finances réaliste au regard des enjeux de notre époque. Il le fera sur les trois volets que j’ai mentionnés, écologique, social et institutionnel.
Tout d’abord, sur le volet écologique, nous vous proposerons de supprimer un certain nombre de niches fiscales anti-écologiques ou de procéder à un rééquilibrage fiscal entre les comportements ultra-polluants et ceux qui sont plus vertueux.
Ainsi, nous vous proposerons de renforcer les capacités d’investir des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) dans l’ensemble de nos territoires et pas uniquement en Île-de-France.
Nous souhaitons muscler considérablement le crédit d’impôt en faveur de l’industrie verte pour qu’il remplisse ses objectifs.
En matière de rénovation énergétique, nous adapterons les moyens à l’ampleur des enjeux, non seulement pour le patrimoine immobilier de l’État et des collectivités territoriales, mais aussi pour le dispositif MaPrimeRenov’.
Ensuite, sur le volet social, nous favoriserons l’égalité et la solidarité, en privilégiant la redistribution. Les mesures ne manquent pas, qu’il s’agisse de l’ISF climatique, de la contribution sur les hauts revenus et sur le patrimoine ou de l’élargissement de la taxe sur les transactions financières, pour rééquilibrer les inégalités et développer des politiques transversales ambitieuses ayant pour objectif un changement de modèle.
Nous proposerons un panel de mesures en faveur du logement, principale source de préoccupation financière pour des millions de Français. Il s’agira de lutter contre l’habitat indigne, de prévoir la taxation des compléments de loyer et de mettre en œuvre des mesures structurantes en faveur de la construction de logements sociaux.
Enfin, sur le volet institutionnel, nous renforcerons la République des territoires, c’est-à-dire que nous donnerons aux collectivités territoriales les moyens et la possibilité d’agir. Pour cela, il faudra préserver leurs finances et les doter d’une fiscalité orientée vers la transition écologique.
Nous proposerons ainsi de revaloriser la DGF, de compenser réellement la hausse du point d’indice des fonctionnaires ou encore d’adapter la dotation aux départements pour qu’ils puissent revaloriser le revenu de solidarité active (RSA) et faire face au ralentissement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
La situation est urgente. Nous le savons, les collectivités territoriales sont souvent l’échelon charnière pour agir face aux catastrophes climatiques dues à l’activité humaine. Les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) doivent, dès à présent, voir leurs ressources fortement augmenter, puisque la sécurité civile sera en première ligne face aux conséquences de notre inaction collective.
Pour conclure, vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous abordons l’examen de ce projet de loi de finances de manière extrêmement critique. Nous restons toutefois convaincus que cet exercice budgétaire peut et doit être l’occasion de tracer les contours d’un avenir souhaitable et atteignable.
L’époque ne demande rien de moins que des mesures exceptionnelles. À quelques jours de l’ouverture de la COP28, le secrétaire général de l’ONU a été clair : « Les dirigeants doivent redoubler d’efforts de façon spectaculaire, avec des ambitions records, des actions records, et des réductions des émissions records. » Faisons de ce PLF celui de l’ambition climatique record. Il est encore temps !
Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. Éric Bocquet applaudit également.
M. Pascal Savoldelli . Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ou plutôt devrais-je m’adresser au seul ministre Cazenave en le félicitant d’avoir respecté son périmètre de responsabilités lors de son intervention, à savoir celui d’un ministre délégué chargé des comptes publics. En revanche, l’intervention de votre collègue Le Maire était insupportable – et ce n’est pas la première fois – car c’est un candidat permanent. Voilà qui est dit.
M. Éric Bocquet s ’ en amuse.
Nous avions proposé de rejeter le budget d’un bloc. Vous décidez qu’il nous faut en débattre, dont acte. Nous y sommes prêts. Nous présentons devant le Sénat un budget d’initiative citoyenne, constitué de 200 propositions.
Mais comment appréhender la discussion d’un projet de budget non financé ? Alors que le déficit s’élève à 145 milliards d’euros et l’endettement à 280 milliards d’euros, nous atteignons des niveaux records. Il faut donc parler de dépendance aux marchés financiers.
De fait, la bulle créée par les intérêts de cette dette entraîne une fragilité de l’État. Il n’est pas seulement question de l’appréciation des agences de notation ou des injonctions de l’Union européenne, pour qui le niveau de nos dépenses ne sera jamais trop bas. Cette dernière a fixé à 2, 3 % la limite pour la croissance des dépenses primaires nettes quand vous prévoyez que celle-ci atteindra 2, 6 %. Dans les deux cas, l’inflation sera supérieure. Les dépenses publiques diminueront donc en volume. C’est factuel.
La Commission européenne menace d’engager contre la France une procédure pour déficit excessif. Que répondrez-vous ? Le Gouvernement continuera-t-il de discréditer l’impôt et les cotisations ? L’imperceptible croissance pourra-t-elle réduire mécaniquement les déficits ?
La crédibilité économique et financière de la France, ses principes républicains aussi, comme l’égalité, sont menacés par ces décisions budgétaires.
Pour rester un bon élève de l’Europe, la France met fin au bouclier énergétique. Celui-ci coûtant trop cher à l’État, on voudrait nous faire croire que l’énergie serait devenue bon marché. En réalité, ce n’est pas le constat que font les Français.
Dans sa déclinaison française, le bouclier énergétique a représenté un coût net de 32 milliards d’euros. Monsieur le ministre, vous avez limité la hausse des prix de l’énergie, mais vous savez bien qu’un rattrapage est en cours. Cette année, les prix ont augmenté de 15 % en février et de 10 % en août et ils devraient encore augmenter de 10 % au mois de février prochain, et ce alors que les usagers sont censés être protégés par le bouclier énergétique.
Selon votre collègue Agnès Pannier-Runacher, un tiers de la facture serait pris en charge par l’État. Toutefois, à ma connaissance, les salaires et les pensions n’augmentent pas d’autant !
Nous sommes donc face à une appropriation budgétaire par les marchés financiers et par l’Union européenne, qui reste assise sur une logique de comptabilité. Cela pèse en plus de la pratique gouvernementale d’un 49.3 solitaire sur ce budget.
Quand l’Assemblée nationale perd sa voix, c’est la démocratie qui est aphone. L’intervention citoyenne est ignorée, voire réprimée.
Monsieur le ministre, la menace d’un shutdown à l’américaine en cas de rejet du budget est un argument qui n’est ni sérieux sur le fond ni respectueux sur la forme.
L’article 47 de la Constitution est clair, qui prévoit dans son troisième alinéa : « Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance. » Permettez-moi donc de vous rappeler, si besoin en était, que la Constitution ne commence pas à l’article 49, alinéa 3.
Une partie de nos concitoyens ne mange plus à sa faim. Pour subvenir à leurs besoins primaires, ils doivent piocher dans leurs petites économies. Ils veulent se nourrir, se loger et se chauffer. La dernière étude de l’Insee montre ainsi que 500 000 personnes ont basculé dans la pauvreté, alors que celle-ci se fait plus intense et incisive.
Témoignant de cette réalité, les associations d’aide alimentaire menacent et s’indignent « de devoir trier les pauvres ».
Dans un autre registre, on a constaté, le mois dernier, une décollecte record depuis 2009 sur les livrets d’épargne réglementés, à hauteur de 4, 4 milliards d’euros.
Quant aux prix de l’alimentation, ils poursuivent leur ascension vertigineuse, en augmentation de 21, 3 % entre août 2021 et août 2023. Pourtant, le ministre et candidat permanent Le Maire affirme que « la crise inflationniste est derrière nous ». C’est absolument indigne !
En effet, nous savons désormais, grâce à des analyses étayées, que plus d’un tiers de la hausse des prix alimentaires provient de la dynamique des coûts salariaux, le reste s’expliquant entre autres par les marges des entreprises agroalimentaires.
Toutefois, M. Le Maire, dont chacun a pu remarquer l’absence au banc des ministres, persiste à expliquer « qu’il n’y a pas eu de profiteurs de l’inflation dans l’alimentaire ». Je vous laisse juges…
Le chômage augmente. L’illusion du plein emploi à coups de boutoir sur la démocratie sociale, sur les travailleuses et les travailleurs, porte un bilan sombre. La croissance, dont le taux augmentera de 1 % en 2023 à 1, 4 % en 2024, ne permettra pas de résorber le chômage. Elle créera de l’intérim, faute de mieux, du RSA – les présidents des conseils départementaux apprécieront – et de la misère, y compris pour les retraités, car l’augmentation du montant des pensions ne suffira pas face à l’inflation.
En voulant poursuivre le démantèlement de notre modèle social, à travers notamment le dispositif de l’assurance chômage, le Gouvernement met en danger la cohésion nationale. La boussole perd donc le nord, quel que soit le cap fixé, financier, économique ou social.
Une politique de l’offre soutient non pas l’économie, mais l’accumulation primitive de capital. Nous risquons une paralysie de l’économie sous la double conjonction de l’inflation et de l’augmentation du coût de l’accès au capital. Si nous ne relançons pas la demande, donc la satisfaction des besoins, en prélevant sur la spéculation, toute politique est vaine dans un tel contexte.
Il faut reconnaître toutefois que le Gouvernement, qui subit la pression de la démocratie sociale et qui est bien forcé de constater l’impasse de ses choix politiques, a concédé quelques prélèvements sur certaines richesses. Des organismes sérieux préconisaient depuis longtemps ce type de mesures, qui correspond – vous le savez, monsieur le ministre – à une aspiration forte de nos concitoyens. Je rappelle toutefois que c’est grâce à la gauche du Parlement que vous avez pu procéder à de telles ouvertures et certainement pas grâce à l’extrême droite.
La transposition de l’accord sur l’imposition mondiale sur les multinationales est intéressante. Toutefois, monsieur le ministre, est-il bien sérieux de fixer le seuil à 15 % ? Et combien y aura-t-il d’exemptions ou de motifs de non-imposition ? Il faudra vraiment être un gros poisson pour être pris dans vos filets. Cette « révolution fiscale », comme certains la qualifiaient, s’apparente à une adaptation du moins-disant fiscal.
Nous défendrons plusieurs amendements sur l’article 4 qui viseront à donner toute sa force à cet accord historique, car si nous en restons là, c’est notre modèle de société qui risque d’être menacé.
Après de multiples tergiversations, le Gouvernement consent à taxer les concessionnaires d’autoroutes et les grands aéroports. Depuis 2004, les parlementaires communistes demandent la nationalisation de ces équipements déjà payés par le contribuable, afin d’aller chercher les bénéfices des concessionnaires, qui représentent entre 30 milliards et 35 milliards d’euros.
En réalité, votre mesure ne permettra d’en récupérer qu’une petite partie, car vous fixez un seuil de rentabilité supérieur à 10 % avant de pouvoir prélever le moindre euro. Certes, l’entreprise Vinci menace d’attaquer l’État, mais affirmons-le haut et fort : les lois qui doivent primer sont celles de la République et pas celles des grands actionnaires. À travers la représentation nationale, le peuple fait la loi sans céder au chantage.
Ce budget sera marqué par la suppression de la CVAE, certes échelonnée, mais bel et bien réelle. Toutefois, si les entreprises peuvent continuer de payer cette contribution pendant quatre ans de plus, c’est qu’il ne devait pas être si urgent de la supprimer.
Monsieur le ministre, vous nous parlez de stabilité fiscale, mais je regrette que vous n’en appliquiez pas les principes. Renoncez à cette césure entre l’activité économique et les territoires, qui sont liés par l’impôt.
En somme, il n’y a que quelques éclaircies dans un ciel bien sombre. Vous tenez le cap envers et contre tout, envers et contre tous.
Nous irons plus loin que le Gouvernement dans la lutte contre la fraude fiscale. En effet, nous proposerons d’interdire toute forme de justice négociée qui permet aux fraudeurs de s’en tirer avec une amende en lieu et place d’une condamnation pénale.
Ainsi, lorsque nous avons rencontré les représentants de l’entreprise Google pour leur présenter notre proposition, ils nous ont confirmé que l’entreprise avait pu, en toute légalité, négocier de payer 1 milliard d’euros au lieu de 8 milliards d’euros. Personne d’autre n’a droit à ce genre de faveur.
Monsieur le ministre, où sont passées les entreprises dans vos mesures contre la fraude fiscale ? Les avez-vous oubliées ? Nous défendrons la sanction d’indignité fiscale pour celles qui commettent des délits fiscaux.
Nous proposerons donc un contre-budget d’initiative citoyenne, dont le déficit sera significativement réduit. Si l’on veut faire preuve de responsabilité, il faut aller chercher les profits indus, les rachats d’actions et les versements de dividendes par milliards d’euros.
Face à la concentration des richesses, nous proposons de supprimer les niches fiscales. Le simulacre de discussion que vous avez lancé sur le sujet, pour aboutir à une économie de 1 milliard d’euros, n’aura trompé personne.
Face à la pauvreté, nous proposons de bloquer les prix. Chacun prendra ses responsabilités.
Face à la crise du logement, nous proposons la relance de la construction dans le parc social grâce au rétablissement du taux de TVA à 5, 5 %. Là encore, chacun prendra ses responsabilités.
Face à la crise des services publics locaux, nous proposons de consacrer le principe de la liberté des communes dans la fixation de leur imposition. De nouveau, chacun prendra ses responsabilités.
Notre budget d’initiative citoyenne est juste socialement et réalisable. Les 200 propositions qui le composent sont le réceptacle du travail que les députés ont réalisé, même s’ils ont été empêchés par le 49.3. Elles font aussi écho aux alertes qu’a lancées l’opinion publique au cours des derniers mois.
Donner la parole à la Nation tout entière, voilà ce que nous proposerons dans cet hémicycle.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.
M. le président. Mes chers collègues, nous saluons la présence dans nos tribunes des maires et des élus de Nouvelle-Calédonie.
Applaudissements.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Raphaël Daubet.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est impossible d’aborder ce budget sans dire qu’il s’agit en réalité d’un exercice d’équilibriste.
Monsieur le ministre, je dois reconnaître que vous n’avez pas manqué de souplesse pour exécuter ce grand écart entre des exigences contradictoires : d’un côté, réduire le déficit budgétaire et l’endettement de notre pays, de l’autre, soutenir le pouvoir d’achat des Français et investir dans la transition écologique ou le régalien.
Pour le dire autrement, puisqu’il faut poser le cadre de cet exercice budgétaire, reconnaissons avec lucidité que, d’une certaine façon, nous sommes confrontés à la quadrature du cercle.
Il en résulte un budget que je crois pouvoir résumer en trois mots : inquiétant, engagé, mais subi.
Si j’évoque un budget inquiétant, c’est parce que l’on a envie de vous suivre, monsieur le ministre, mais qu’en même temps on n’est pas sûr d’avoir confiance dans les hypothèses sur lesquelles il se fonde.
Vos hypothèses sont jugées trop optimistes par tous les experts : vous vous appuyez sur une croissance à 1, 4 % du PIB, un reflux marqué de l’inflation, qui chuterait à 2, 6 %, une baisse des dépenses de l’État, alors que ce n’est jamais arrivé depuis 2015, une amélioration du solde budgétaire à hauteur de 27, 6 milliards d’euros, un déficit public qui passerait de 4, 9 % à 4, 4 % du PIB, une hausse de la consommation et de l’investissement des ménages, malgré des taux d’intérêt élevés et alors que de nombreux Français se tournent en priorité vers l’épargne.
Certes, vos prévisions macroéconomiques pour 2023 se sont révélées justes – je pense notamment à la croissance. Certes, les bons résultats économiques obtenus jusqu’à présent en termes d’emploi et d’activité ont débouché sur un réel dynamisme des recettes fiscales. Certes, la nouvelle démarche des revues de dépenses devrait être un outil de bonne gestion, avec, à la clé, sûrement des économies et des gains d’efficience.
Mais ce budget s’apparente à une architecture complexe, qui reposerait sur une poutre dont on mesure mal la résistance. J’espère que nos débats viendront étayer cette impression et apporteront des réponses concrètes à nos inquiétudes.
Il s’agit également, pour le groupe du RDSE, d’un budget qui se veut engagé. Je dis bien « qui se veut » parce que, si la volonté du Gouvernement de soutenir le pouvoir d’achat, d’accélérer la transition écologique et d’investir dans les fonctions régaliennes est louable, il n’en demeure pas moins que les marges de manœuvre sont limitées et que les mesures réelles ne seront à l’évidence pas à la hauteur des effets d’annonce.
Ainsi, l’indemnité carburant pour les plus modestes n’est qu’une mesure purement symbolique : 100 euros par an quand vous faites vingt ou trente kilomètres par jour pour vous rendre au travail, c’est une somme dérisoire.
Il convient d’aborder avec prudence la question des transports dans le monde rural. L’abandon des énergies fossiles et la transformation de nos habitudes doivent faire l’objet d’un accompagnement des pouvoirs publics, y compris à destination des classes moyennes. Attention aux bonnes idées vertes qui déclenchent des colères noires et finissent sur des ronds-points jaunes.
Sourires.
De la même façon, écarter nombre de communes du prêt à taux zéro est une erreur funeste. Une fois de plus, ce sont les territoires ruraux qui sont oubliés. Justifier cette mesure par la maîtrise de l’artificialisation des sols ne peut que faire bondir les élus locaux, englués dans la coûteuse et interminable élaboration de plans locaux d’urbanisme intercommunaux qui sont déjà censés viser cet objectif.
On nous dit que ces territoires ne sont pas en tension. Mais bien sûr qu’ils le sont ! Seulement, les tensions sont bien différentes : dans ces secteurs, combien d’entreprises, parfois des fleurons de notre industrie, peinent à honorer leurs carnets de commandes, faute de main-d’œuvre ? Sans compter que l’enjeu démographique et celui du vieillissement menacent nos services publics, nos écoles, nos commerces…
En revanche, l’indexation des prestations sociales et des retraites sur l’inflation, de même que la lutte contre la fraude fiscale, sont évidemment d’excellentes mesures.
Le groupe du RDSE salue aussi l’effort en faveur des collectivités locales même si, à notre avis, il reste très insuffisant au regard des besoins.
Les communes et communautés de communes font face à un défi majeur. Alors qu’elles doivent s’engager dans une nouvelle ère à travers leurs investissements sur le terrain, qu’elles sont les seuls maîtres d’ouvrage de la transformation du pays, de la rénovation des infrastructures sportives, des écoles, des monuments, qui sont parfois à bout de souffle, du remplacement des réseaux en fin de vie, qu’elles ont la charge de concrétiser la transition dans les territoires, elles sont confrontées, dans le même temps, à un affaiblissement de leurs marges de manœuvre en raison du relèvement du point d’indice de la fonction publique territoriale et des effets de l’inflation.
L’augmentation de 220 millions d’euros de la DGF, tant attendue, est bienvenue, mais largement insuffisante.
Sur le papier, l’engagement pour la transition écologique est remarquable : 10 milliards d’euros. Mais là encore, les résultats seront-ils au rendez-vous des prévisions ?
Cette semaine, 800 millions d’euros de crédits non consommés dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov’ ont été annulés pour 2023. Et pourtant, on décide d’augmenter ces mêmes crédits de 1, 6 milliard d’euros pour 2024. Est-ce pertinent ? Nos dispositifs sont si complexes et exigeants qu’ils détournent finalement les Français de la rénovation énergétique au lieu de les encourager à l’entamer sérieusement.
En définitive, nous nous retrouverons, en fin d’année 2024, à réaffecter des sommes colossales à de tout autres actions.
En revanche, la bascule vers la fiscalité verte et le crédit d’impôt en faveur de l’industrie verte auront sans doute des effets concrets sur l’accélération de la transition écologique.
Le groupe du RDSE appelle à la prudence s’agissant de la généralisation des budgets verts. Certes, la valorisation des projets vertueux est souhaitable, mais prenons garde à la tentation de coter la vertu des actions municipales dans des tableurs Excel.
Quelle interprétation les institutions et la population feront-elles à terme de ces données ?
M. Raphaël Daubet. Le groupe du RDSE salue également l’effort en faveur de l’école de la République, qui traverse une crise d’identité très profonde, alors même qu’elle doit contribuer à l’émancipation de nos enfants, au retour de l’ordre républicain, à la lutte contre les communautarismes et apporter une solution aux problématiques d’intégration. Rien que cela !
M. Christian Bilhac applaudit.
J’attire encore une fois votre attention sur l’enjeu majeur que constituent la recherche et l’enseignement supérieur. Il faut plus encore pour préparer l’avenir.
En outre, ce budget consacre des augmentations de crédits pour soutenir les fonctions régaliennes : défense, intérieur, justice. Il s’agit de choix stratégiques qui correspondent, pour nous, à une saine décision du Gouvernement.
J’en terminerai par là, in cauda venenum ! Ce budget est un budget subi, autrement dit un budget qui s’inscrit dans la continuité, ou pis, dans la continuation. C’est le budget d’un pays qui peine visiblement à se réformer, qui ne parvient pas à remettre en cause son organisation administrative.
À la lecture de ce projet de loi de finances pour 2024, on ne peut pas ne pas s’interroger sur la pesanteur de l’héritage, des habitudes et du conservatisme dans nos politiques publiques, sur le poids de la dépense publique et l’obésité d’une partie de nos administrations qui grèvent le déficit public.
Quelle rationalisation administrative nous propose-t-on ? Ce projet n’est pas lisible. Il est grand temps que la simplification, que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, se concrétise.
On observe en outre que les prévisions en termes d’embauches, dont certaines sont bien sûr utiles et attendues – mais d’autres moins –, sont en contradiction avec la loi de programmation des finances publiques. On s’appuie, pour investir, sur un tas d’opérateurs et d’agences, qui coûtent cher en fonctionnement et qui ne sont, au fond, que des interfaces entre l’État et les territoires.
L’ambition du plan France 2030 et le cap clair et volontariste de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 impliquent des investissements massifs et rapides, des courroies de transmission raccourcies et un délestage courageux de tout ce qui pèse inutilement sur l’organisation de notre pays.
Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. le rapporteur général applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en complément des propos de mon collègue Didier Rambaud, je souhaiterais livrer le point de vue de notre groupe sur les crédits alloués aux territoires d’outre-mer.
Je tiens à saluer l’effort du Gouvernement en direction de nos territoires, qui souffrent d’un retard important par rapport à l’Hexagone.
Les crédits destinés à ces territoires doivent faire l’objet d’un décompte global, toutes missions confondues, et non d’une prise en compte dans la seule mission « Outre-mer ».
En ce qui concerne ladite mission, les crédits sont notoirement en hausse, au-delà du rythme de l’inflation.
Je tiens plus particulièrement à saluer l’augmentation des compensations des exonérations de cotisations sociales, qui atteignent 123 millions d’euros, et la hausse des moyens visant à garantir la continuité territoriale, qui s’élèvent à 23 millions d’euros et qui contribueront notamment à pallier l’augmentation du coût des billets d’avion.
J’ajoute que le montant des crédits destinés à soutenir le logement sera historiquement élevé : il s’établira à 291 millions d’euros, en hausse de plus de 20 % par rapport à l’an dernier.
Bien entendu, on pourrait estimer, au regard de la situation concrète de nos territoires, qui cumulent les indicateurs de chômage et de pauvreté les plus préoccupants de la République, qu’il en faudrait encore plus. Et je partage ce constat.
Toutefois, il faut reconnaître que nos territoires ne sont pas oubliés par le Gouvernement, monsieur le ministre. J’en veux pour preuve les deux aides exceptionnelles votées cette semaine dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 : 50 millions d’euros de crédits pour l’aide à l’enfance accordés au conseil départemental de Mayotte et 63 millions d’euros pour combattre la crise de l’eau dans cet archipel.
Notre groupe défendra bien évidemment, au cours de la discussion budgétaire, un certain nombre d’amendements tendant à compléter les dispositions figurant dans ce projet de loi de finances.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous entamons l’examen de ce projet de budget, nous apprenons que, selon le programme des Nations unies pour l’environnement, notre planète serait sur une trajectoire de réchauffement, au regard des engagements pris, de près de 3 degrés Celsius d’ici à la fin du siècle. C’est un scénario catastrophe…
En tant que parlementaire, il nous incombe d’agir résolument. Dans le contexte de ce projet de loi de finances, chaque mission, chaque programme, chaque action revêt une importance particulière, car chaque tonne de CO2 évitée compte.
À l’Assemblée nationale, en recourant à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement décide finalement de tout, tout seul. Nous, membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, restons fermement convaincus qu’il faut maintenir un débat parlementaire exigeant sur la place accordée à la transition écologique dans ce texte. Nous continuerons de défendre un modèle de société plus durable, centré sur une nouvelle relation au vivant et ne laissant personne de côté.
La transition écologique doit être à la fois ambitieuse et juste. Le caractère social de cette transition est la condition sine qua non de sa réussite.
À cet égard, nous refusons catégoriquement les politiques publiques qui accablent les ménages les plus précaires. Alors que l’empreinte carbone des ménages les plus riches est la plus élevée, ce sont pourtant les revenus des ménages les plus modestes qui sont les plus pénalisés par la transition écologique. C’est la raison pour laquelle il est impératif de favoriser une répartition plus équitable des responsabilités.
Vous admettrez, mes chers collègues, que, de ce point de vue, le Gouvernement n’est pas au rendez-vous.
Le projet de budget proposé met l’accent sur le désendettement et la réduction des impôts. Alors que dans le rapport que leur a commandé Mme la Première ministre, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz préconisent des investissements publics supplémentaires de l’ordre de 34 milliards d’euros par an d’ici à 2030 pour réussir la transition énergétique, le Gouvernement ne prévoit que 10 milliards d’euros, dont 7 milliards d’euros pour le ministère de la transition écologique.
Un budget de 10 milliards d’euros au lieu de 34 milliards : comment pourrons-nous élaborer une transition écologique ambitieuse et juste avec des moyens aussi limités ?
Parallèlement, il faut s’attendre à ce que les recettes issues des taxes sur les énergies fossiles diminuent progressivement dans les années à venir et à ce que le ralentissement de la croissance – que nous voyons poindre – entraîne une perte de recettes fiscales et sociales pour l’État.
Nous en appelons par conséquent à un sursaut politique exceptionnel. Si le Gouvernement manque d’idées, qu’il prête une oreille attentive aux propositions que le groupe socialiste formulera au travers de ses amendements au cours de l’examen de ce projet de loi de finances.
Car, oui, nous entendons prendre l’argent là où il se trouve, en créant de nouvelles recettes indispensables pour relever ces défis. Nous prônons également une politique franche d’aides directes et des efforts de redistribution, qui placent les ménages modestes au centre de nos préoccupations.
Nous entendons aussi construire une société beaucoup plus sobre grâce au développement d’une économie de la réparation, qui créera des emplois verts, favorisera la réparation durable des produits et stimulera l’activité économique, tout en réduisant notre empreinte écologique.
France Stratégie l’affirme : la sobriété est le moyen le plus sûr d’économiser de l’argent public en permettant, par exemple, le développement du covoiturage, des transports en commun et du vélo. Demain, les infrastructures de mobilité douce devront faire l’objet d’un accompagnement plus intensif.
Nous entendons enfin réduire les inégalités territoriales. Pour ce faire, nous continuons de défendre un grand plan ferroviaire permettant la reconnexion des territoires ruraux et le désengorgement des zones urbaines denses.
En faisant de la réindustrialisation un levier, nous aspirons à transformer en profondeur notre paysage économique, afin de recréer des bassins d’emploi au cœur de nos territoires et de revitaliser nos villes. Cette démarche, associée à la transition vers une industrie décarbonée, constitue une aventure collective dont nous avons grand besoin.
Par ailleurs, nous pensons que les collectivités territoriales doivent être considérées comme des accélérateurs de la transition. Pour garantir ce rôle moteur et éviter l’inertie dans la mise en œuvre concrète des politiques climatiques, il est impératif de garantir leurs capacités financières – ma collègue Isabelle Briquet y reviendra.
Selon l’Institut de l’économie pour le climat, il est temps de briser les tabous de l’endettement des collectivités et du soutien insuffisant de l’État à leur égard. Il est essentiel de mieux cerner le mur de dépenses climatiques des collectivités, de les intégrer dans une stratégie pluriannuelle et de renforcer leur dialogue avec l’État pour éviter une transition qui aggraverait les disparités sociales et territoriales.
En ce sens, nous regrettons que le fonds vert proposé par le Gouvernement reste insuffisant. Pour une transition réussie, il est indispensable de prévoir un budget plus important.
En conclusion, mes chers collègues, je concède volontiers que la transition écologique a un coût, mais reconnaissons également que l’inaction se révélera encore bien plus coûteuse sur le long terme. Trouver les moyens de financer cette transition est une nécessité, mais ne sera pas suffisant. Il faudra aussi avoir le courage d’interdire et de réguler pour limiter les atteintes à l’environnement.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances constitue un rendez-vous majeur de la vie démocratique de notre pays, qui doit fixer le cap d’une politique.
Les élus locaux le savent parfaitement quand ils présentent leur budget, nos dirigeants nationaux semblent au contraire l’avoir parfois oublié. Un budget traduit une orientation politique, une volonté, un chemin qui, s’il est balisé par notre système institutionnel, est surtout soumis à la sanction des citoyens.
Ainsi, ce projet de loi de finances, comme celui de l’année passée, interroge d’abord notre démocratie. Adopté par le Gouvernement avec le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, le texte ne permet plus qu’un débat limité, même s’il sort augmenté de 175 articles.
Si cette situation est juridiquement et constitutionnellement licite, elle est démocratiquement contestable. Heureusement, le bicamérisme contribue à ce que le débat de fond ait lieu ici, au Sénat, même si le Gouvernement ne retient trop souvent qu’une faible part des travaux que nous réalisons. Ce fut largement le cas il y a un an avec le projet de loi de finances pour 2023. Ne préjugeons pas, monsieur le ministre, de ce qu’il en sera pour 2024, et espérons.
M. le ministre délégué acquiesce.
J’en viens maintenant au fond, à ce que signifient les chiffres qui nous sont soumis.
Le projet de loi de finances pour 2024 célèbre cinquante ans de déficits publics. Et de quelle manière, si je puis dire, tant l’ampleur du déficit semble déraisonnable !
La Commission européenne vient encore de signaler à la France qu’elle était parmi les derniers élèves de la classe.
Le présent projet loi de finances nous livre un « déficit extrême », comme le dit notre rapporteur général, en raison de la hausse des taux d’intérêt que nous subissons et de la charge de la dette qui est en train d’exploser sous le triple effet de l’inflation, de l’augmentation des taux d’intérêt et, surtout, de l’accroissement de la dette elle-même.
Pis encore, en 2024, l’État prévoit d’émettre une dette record de 285 milliards d’euros. Notre addiction à la dépense publique, à la dette souscrite pour fonctionner, et non pour investir, reste bien réelle. Cela risque de très mal se terminer pour tous les Français. Je veux ici, une nouvelle fois, vous alerter, les alerter.
Rappelons quelques caractéristiques fondamentales de la copie que vous nous présentez pour 2024.
Il s’agit d’un projet de loi de finances triplement inquiétant, qui continue à précipiter notre pays dans les abîmes.
D’abord, on ne peut que constater l’optimisme des prévisions macroéconomiques : une hypothèse de croissance très favorable, supérieure à toutes celles qui ont été émises par les organismes économiques, et des indicateurs pour lesquels on retient toujours le meilleur scénario. Cette posture met en cause la sincérité même de ce budget, qui pourrait se dégrader davantage compte tenu du resserrement de la politique monétaire et d’incertitudes grandissantes au niveau géopolitique.
Ce projet de loi de finances se caractérise par un déficit public, qui est le deuxième plus élevé de la zone euro – 4, 4 % du PIB – et qui représente 45, 7 % des ressources de l’État. La France reste en outre le troisième pays le plus endetté de la zone euro – 109, 7 points du PIB –, avec une dette en hausse de près de 12 points depuis 2017, quand la dette de l’Allemagne se situe à peine au-dessus des 60 points.
La charge de la dette – 84 milliards d’euros – sera le premier poste budgétaire de l’État en 2027. Elle atteindra déjà 56 milliards d’euros dès 2024. Et encore, on peut raisonnablement considérer que l’ensemble de ses facteurs d’évolution pourraient la faire grimper encore davantage.
Rappelons que le stock de la dette publique française dépasse désormais les 3 000 milliards d’euros : chacun doit s’imprégner de ce montant. Même la Grèce rembourse sa dette par anticipation ; la France, elle, la laisse gonfler, au point que même l’économiste Olivier Blanchard s’en inquiète désormais.
Enfin, ce projet de loi de finances acte des dépenses publiques toujours en augmentation : celles-ci représenteront 100 milliards d’euros en deux ans, malgré le retrait des mesures prises pour faire face à la crise.
Je profite de cette occasion pour rappeler que seul l’État est responsable du déséquilibre des comptes publics, puisque les collectivités sont tenues de voter leur budget à l’équilibre et que les dépenses sociales pèsent bien moins.
Le maintien de la dérive toxique du « quoi qu’il en coûte » et la hausse constante des dépenses de l’État – + 22, 3 % depuis 2017 – se confirment dans presque tous les ministères.
Ce qui est peut-être encore plus frappant dans ce projet de loi de finances, c’est la création de 8 500 emplois publics supplémentaires, sans qu’une réelle réflexion de fond ait été engagée sur nos politiques publiques. Nous devrions nous interroger sur cette problématique au vu de l’efficacité de nos services publics dans tous les secteurs.
Ce manque de réflexion avait été largement dénoncé dans les hôpitaux publics durant l’épisode le plus aigu de la crise de la covid-19, mais il semble également souvent valable dans l’éducation nationale, sans parler des agences et des autorités indépendantes que le Gouvernement a multipliées au cours de ces dernières années.
Pour réduire le déficit et limiter le recours à l’emprunt, deux voies peuvent être empruntées.
Pour ma part, je considère que le niveau de nos prélèvements obligatoires – 45, 6 % –, le plus élevé de l’OCDE après le Danemark, nous interdit d’accroître la pression fiscale ; par ailleurs, l’absence de réformes structurelles ne nous permet pas encore de diminuer nos ressources fiscales.
Aussi, nous vous proposerons plusieurs pistes d’économies pour plus de 5 milliards d’euros, et ce afin de respecter la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques que nous avons votée au Sénat.
Je me concentrerai sur trois d’entre elles.
Tout d’abord, je proposerai des amendements visant à réduire la dépense fiscale, c’est-à-dire les niches fiscales, dont le montant cumulé atteint près de 200 milliards d’euros lorsqu’on y intègre les niches sociales. Et vous ne cessez d’en ajouter, monsieur le ministre, alors que la Cour des comptes s’interroge sur leur efficacité.
Il convient aussi d’être attentif aux effectifs publics qui créent durablement de la dépense publique. Il faut s’engager vers une réduction draconienne des effectifs de l’administration « administrante », cette administration qui gère, contrôle, édicte des normes, mais qui ne produit pas de service public, afin de tendre vers un rapport 80-20 : 80 % de la masse salariale devant les élèves, les patients, les citoyens à protéger, et 20 % au plus pour gérer les services.
La dernière piste d’économies consiste à réaliser une revue drastique et volontariste de nos dépenses publiques, loin de toute politique de rabot, en commençant par les dérives nées de l’agencification de la sphère publique et de la multiplication des doublons administratifs dus en partie à une décentralisation ou à une déconcentration non aboutie.
À cet égard, la liberté et la lisibilité de l’action doivent être retrouvées, et un nouvel équilibre entre l’État et des collectivités autonomes et responsables peut et doit être rapidement établi. J’aurai l’occasion d’y revenir au cours du débat.
Continuer à rogner l’autofinancement des collectivités constituerait une faute. Après le logement social, ne faites pas tomber les collectivités, les départements, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les infrastructures de mobilité.
Ces quelques pistes – et nous vous en proposerons d’autres – nous donneraient une boussole ; elles permettraient de tendre vers une sphère publique plus libre, plus responsable, plus efficace, plus pragmatique, plus proche, engagée dans les transitions et la souveraineté, une sphère publique telle que les Français sont en droit de l’attendre.
C’est un cap qui protège, mais aussi qui autorise et qui permet d’espérer.
Pour finir, j’évoquerai un motif de satisfaction, l’article 7 portant réforme des zones de revitalisation rurale. La mise en place de zones France ruralités revitalisation (FRR), un dispositif amendé de manière concertée et partagée, doit contribuer à répondre à l’attente de nos territoires ruraux. Il s’agit d’un message d’espoir pour lequel le Sénat a toujours œuvré. Si vous savez y répondre, en intégrant avec pragmatisme, c’est-à-dire avec efficacité, les amendements attendus, nous saurons vous accompagner et saluer cette action.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général et M. Jean-Michel Arnaud applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la position du groupe Union Centriste en matière budgétaire est claire : réduire le poids de la dépense publique et davantage actionner le levier des recettes fiscales en vue de réduire les déficits, mais aussi d’atteindre la justice fiscale.
Évidemment, la voie est étroite entre la nécessité de réduire notre déficit et celle tout aussi impérative de répondre aux besoins du pays dans des domaines essentiels où tant reste à faire : la santé, l’éducation, la justice, le grand âge, la lutte contre le réchauffement climatique, la défense, la sécurité.
Ne nous y trompons pas, nous ne répondrons pas durablement aux besoins du pays si nous continuons à laisser filer la dette et les déficits.
Monsieur le ministre, votre projet de loi de finances tente d’aboutir à ce difficile équilibre : la prévision de déficit est ramenée à 4, 4 % en 2024, mais des crédits supplémentaires sont prévus dans des domaines où ils sont absolument nécessaires.
Notre groupe considère cependant que, pour tenir cette ligne de crête, nous devons agir davantage sur le levier des recettes.
Nous pensons que, au moment où beaucoup d’efforts sont demandés à nos concitoyens, le budget de la France doit se distinguer par davantage de justice fiscale et par l’exigence d’une plus grande solidarité de la part des plus fortunés.
Nous proposerons donc une série de mesures concernant, par exemple, l’exit tax, pour éviter que certains détenteurs d’entreprises échappent à l’impôt en se délocalisant à l’étranger, parfois seulement deux ans après avoir bénéficié d’aides publiques massives ; les programmes de rachats d’actions, qui ont explosé ces trois dernières années ; les superprofits ; la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), afin que les bénéficiaires de superdividendes contribuent davantage à la restauration des grands équilibres budgétaires ; la rationalisation de plusieurs niches fiscales dans un double objectif de préservation de nos ressources et d’égalité devant l’impôt – Michel Canévet aura l’occasion de vous détailler ce point – ; le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, chère à notre collègue Nathalie Goulet ; le report de la suppression de la deuxième part de CVAE.
Au total, nous proposerons près de 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires.
Par ailleurs, vos prévisions reposent sur des données macroéconomiques parfois considérées comme incertaines. Mais comment pourrait-il en être autrement dans un contexte international aussi instable ? Certains les jugeront peut-être trop optimistes. Mais serait-il opportun pour notre pays d’afficher des prévisions macroéconomiques pessimistes ? Je ne le crois pas.
Au sujet des collectivités locales, nous savons bien que derrière les moyennes mises en avant, parfois flatteuses, se cachent en réalité de fortes disparités. C’est pourquoi notre groupe défendra non pas une augmentation uniforme de la DGF, mais une hausse ciblée sur les collectivités les plus fragiles. C’est d’ailleurs le choix que le Gouvernement a fait en circonscrivant les 220 millions de hausse de la DGF sur la péréquation communale et intercommunale, ce que nous approuvons.
Cependant, alors que la hausse de la DGF était de 320 millions d’euros en 2023, elle ne sera plus que de 220 millions d’euros pour 2024, soit une chute de 100 millions d’euros au seul détriment de la dotation de solidarité rurale (DSR), dont la hausse est réduite de moitié.
Nous proposerons donc de corriger cette injustice, en rétablissant le montant de la hausse de la DSR au niveau de 2023.
Par ailleurs, je tiens à saluer la réforme de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales que vous proposez. Les crédits seront plus que doublés et portés à 100 millions d’euros en 2024, les critères d’éligibilité seront étendus à toutes les aires protégées et les superficies concernées seront réellement prises en compte.
Il s’agit là d’avancées importantes, réclamées depuis longtemps par le monde rural, désireux que les services qu’il rend à notre société soient mieux reconnus. D’autres marches resteront toutefois à gravir dans les prochaines années pour progresser encore vers cette reconnaissance.
Nous approuvons également la réintégration des dépenses d’aménagement de terrains des collectivités territoriales dans le périmètre des dépenses éligibles au FCTVA, ainsi que la reconduction du fonds vert, dont les crédits sont portés à 2, 5 milliards d’euros. Enfin, la décorrélation des taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires est une bonne mesure, qui doit cependant être assouplie, car trop restrictive.
Par ailleurs, je m’associe pleinement aux propos de notre collègue Raphaël Daubet sur la nécessité de rétablir le prêt à taux zéro dans les zones B2 et C, c’est-à-dire dans les zones rurales.
Enfin, nous nous réjouissons du maintien des zones de revitalisation rurale, devenues des zones France ruralités revitalisation, annoncé dans le plan France Ruralités et concrétisé dans ce projet de loi de finances. Ce dispositif essentiel pour les territoires ruraux était régulièrement menacé de disparition ; il est enfin pérennisé.
Toutefois, monsieur le ministre, nous n’approuvons pas certains des critères qui ont été retenus, comme la référence au trente-cinquième centile du revenu médian, qui exclut injustement de très nombreuses communes aujourd’hui bénéficiaires, ou encore l’exclusion du dispositif des reprises d’activité.
Comme l’a indiqué mon collègue Stéphane Sautarel, il appartient désormais au Sénat, dans le cadre du présent projet de loi de finances, d’aboutir à un projet calibré pour répondre aux besoins de nos territoires ruraux les plus fragiles. Notre groupe contribuera à ce projet.
Monsieur le ministre, vous le voyez, le groupe Union Centriste aborde l’examen de ce projet de budget de manière positive, en ayant pour seule volonté de trouver les meilleures solutions pour notre pays et pour ses territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Maryse Carrère, ainsi que MM. Emmanuel Capus et Marc Laménie applaudissent également.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2024 s’inscrit à l’évidence dans le droit fil des budgets précédents et traduit un ancrage profond dans une perspective néolibérale.
M. le ministre délégué le conteste.
Certes, quelques mesures sont prises pour lutter contre l’inflation. Elles ne sauraient cependant suffire à éviter la précarisation d’une part toujours plus importante de notre société ni réduire la fracture territoriale.
Dans un contexte économique et social dégradé, l’État a toujours pu compter sur les collectivités territoriales. Ces dernières doivent, elles aussi, pouvoir compter sur l’État.
Depuis 2017, le Gouvernement n’a cessé de souffler le chaud et le froid. Alors que les collectivités territoriales portent 70 % de l’investissement public en France, leur rôle est sans cesse sous-estimé et leur gestion remise en question.
Il convient de le rappeler : les élus locaux ne sont pas responsables de notre dette et de nos déficits publics. La dette des collectivités territoriales ne représente que 8 % de la dette publique totale, ce qui rend d’autant plus questionnable la contrainte budgétaire imposée par l’État.
Pourquoi cette méfiance envers nos collectivités locales et les élus locaux ? Rien ne la justifie. Pourtant, il semble que du côté de Bercy, il y ait méfiance. Contraindre les dépenses à un rythme inférieur à celui de l’inflation, c’est ce que j’appelle de la méfiance.
La mesure des 0, 5 %, cette règle d’airain, est tout aussi dure que les contrats de Cahors. Elle peut être perçue comme une externalisation de la rigueur budgétaire sur le dos des collectivités, les obligeant à adopter des politiques d’austérité.
La baisse des impôts de production, la suppression de la taxe d’habitation et d’autres réformes fiscales coupent les élus locaux de l’indispensable lien avec leur territoire.
Le processus de mitage fiscal engagé par le Gouvernement depuis 2017 transforme progressivement les impôts locaux en compensations et dotations. En conséquence, les collectivités locales sont éloignées de la gestion de leurs propres ressources et ne conservent qu’une marge de manœuvre réduite. Le projet de loi de finances pour 2024 s’inscrit parfaitement dans cette logique en plafonnant la progression des dépenses de fonctionnement, ce qui réduit la liberté d’action des collectivités.
Les 220 millions d’euros supplémentaires de DGF accordés pour 2024 représentent moins de 1 % de l’inflation, alors qu’une indexation sur l’inflation aurait conduit à une augmentation comprise entre 1 milliard d’euros et 1, 3 milliard d’euros.
Cette situation met en lumière le déséquilibre entre les attentes et les ressources disponibles pour les élus locaux. Ces derniers dénoncent d’ailleurs, à raison, une attaque contre l’autonomie financière des collectivités.
Le groupe socialiste du Sénat défendra par voie d’amendement l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, afin de rétablir une certaine équité financière.
Au total, nous pouvons estimer que ce PLF pour 2024 entraîne, pour les collectivités territoriales, une perte de ressources de plus de 2, 2 milliards d’euros.
Cette perte résulte de divers facteurs, dont la fin des dispositifs de protection contre la hausse des prix de l’énergie, la ponction de 67 millions d’euros sur diverses dotations et l’absence de compensation de la revalorisation, amplement justifiée, de 1, 5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique.
Ces chiffres mettent en évidence la nécessité de reconsidérer la trajectoire budgétaire actuelle, afin de préserver la capacité des collectivités à répondre aux besoins de leurs territoires.
Monsieur le ministre, le panier fiscal des collectivités est aujourd’hui quasiment nationalisé. En 2023, celles-ci devraient percevoir 53 milliards d’euros de fraction de TVA, soit près du quart de la TVA nette. Que se passera-t-il lorsque les recettes de TVA seront moins dynamiques ?
M. le ministre délégué lève les bras au ciel.
Le cas se présentera dès 2024. J’imagine mal l’exécutif accorder alors un pouvoir de taux sur la TVA aux collectivités.
La question de l’impact des taux de TVA sur les finances locales mérite un débat. Avec le transfert croissant des recettes de TVA aux collectivités locales, ces dernières financent de plus en plus fréquemment, de facto et sans avoir leur mot à dire, des décisions de politique économique sectorielle prises par l’État. Les élus dépendent de ce fait des fluctuations et des orientations de la politique fiscale du Gouvernement.
Imaginez seulement – c’est une pure supposition !– que le Gouvernement décide de diminuer le taux de TVA sur les activités des poneys-club et des établissements équestres. §Les conséquences de ce choix assez particulier pèseraient sur les finances de l’État et sur celles des collectivités.
L’année 2024 s’annonce compliquée, du fait du ralentissement des recettes de TVA ou de la hausse des dépenses, en particulier sociales, des départements. Les élus locaux seront confrontés à des choix difficiles pour équilibrer leurs budgets et maintenir les services essentiels à la population.
Dès lors, de quelles marges de manœuvre les collectivités disposeront-elles, dans un contexte de besoins d’investissements accrus, pour honorer les engagements en matière de transition écologique ? Soyez toutefois assuré, monsieur le ministre, qu’elles y prendront tout de même toute leur part.
Il est urgent de rétablir une véritable autonomie financière et de reconnaître le rôle clé des collectivités dans le développement de nos territoires.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canévet applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Tout le temps passé sur l’administratif, c’est du temps qu’on vous fait perdre. » Ces mots, je dirai même cette consigne, sont ceux du Président de la République. Il les a prononcés voilà deux jours, lors du lancement du programme ETIncelles, qui doit faire rayonner nos PME.
Ayant fait de cette question le fil rouge de mon mandat de président de la délégation sénatoriale aux entreprises, je souscris à 100 % à son constat et à son appel : contre la charge administrative, menons la lutte !
Pourtant, en préparant l’examen de ce texte, je me suis demandé comment lire ce projet de budget pour 2024 tant il est dépourvu de mesures visant à simplifier la vie de nos entrepreneurs.
Sa lecture m’a laissé dubitatif également s’agissant de l’amélioration de l’efficacité des politiques et de la dépense publiques.
Je suis frappé au plus haut point par l’absence de vision de long terme pour notre économie et par le défaut de cap clair pour nos entreprises, comme en témoigne le report de la suppression de la CVAE, qui a pourtant été votée par le Parlement il y a seulement un an.
Je comprends l’impératif qui est le vôtre, monsieur le ministre, au regard de l’état des finances publiques de notre pays. Mais quand le Gouvernement tiendra-t-il compte de l’ardente obligation de stabilité, législative et fiscale, pour les entreprises ?
M. Didier Rambaud proteste.
La délégation sénatoriale aux entreprises plaide pour une meilleure prise en compte des difficultés et des défis de nos entreprises dans la fabrique de la loi.
Parmi ces difficultés figurent bien sûr l’instabilité législative que je viens d’évoquer, mais aussi, nous le savons tous, le niveau de nos impôts de production. Ils sont en effet quatre fois plus élevés qu’en Allemagne et deux fois plus hauts que la moyenne de la zone euro !
Il y a surtout, comme l’a admis devant nous cette semaine le chef de l’État, ce handicap français, sur lequel nous pouvons agir sans jamais le faire : la complexité administrative, qui représente pour nos entreprises une charge de 60 milliards d’euros par an, soit 3 % du PIB.
Alors que le Gouvernement lançait en grande pompe vendredi dernier les Rencontres de la simplification, je découvre dans ce projet de loi – et ce n’est qu’un exemple – l’augmentation du nombre d’entreprises concernées par l’obligation dite de documentation.
Cette mesure est proposée sans étude d’impact, son seul objectif étant – cela vaut son pesant de cacahouètes ! – de faciliter la mission de contrôle de l’administration fiscale en matière de prix de transfert. Comment a-t-on pu en arriver à pareille inversion des priorités ? Si notre pays se soucie dorénavant davantage de faciliter la tâche des services administratifs que d’aider nos entreprises à créer de la valeur, c’est que la situation est grave !
Concrètement, une telle mesure revient à demander à des milliers d’entreprises de débourser des centaines de milliers d’euros pour produire une documentation qui, dans 99 % des cas, ne sera pas lue par l’administration fiscale. Je rappelle au passage que cette dernière peut déjà solliciter des informations complémentaires au cas par cas.
Comment expliquer une telle méfiance à l’égard de nos entreprises ? Cette présomption de culpabilité de votre administration à l’égard des entreprises est injustifiable, monsieur le ministre !
Enfin, vous le savez, je serai particulièrement attentif à la conservation de l’équilibre actuel du pacte Dutreil. Ce dispositif est essentiel à la pérennité de notre tissu économique, constitué à plus de 50 % d’entreprises familiales. La moitié d’entre elles seront en situation de transmission d’ici à 2030, un dirigeant sur quatre étant âgé de plus de 60 ans. Il faut anticiper et encourager la transmission. À défaut, nous favoriserons les rachats d’entreprises françaises par des fonds étrangers ou, pis, leur fermeture pure et simple.
Toucher au pacte Dutreil serait tout simplement un non-sens économique et politique. La délégation aux entreprises plaide de longue date pour renforcer et développer son utilisation. Je suis d’ailleurs heureux de voir que les députés de votre majorité ont repris à leur compte notre proposition de relever le seuil de l’abattement fiscal en cas de reprise par des salariés.
M. le ministre délégué acquiesce.
En conclusion, je vous appelle, monsieur le ministre, à entendre les messages : celui du Président de la République, bien sûr, mais aussi ceux que nous porterons au cours de ce débat budgétaire.
Je vous invite à mieux prendre en compte l’effet réel de vos propositions sur les entreprises françaises et à remettre ce projet de budget pour 2024 en cohérence avec nos grands objectifs économiques.
Ne renoncez pas à combattre cette inflation – celle des obligations administratives – contre laquelle Montesquieu prévenait déjà par une formule que je vous invite à méditer
M. le ministre délégué s ’ en amuse.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Bernard Delcros a exposé la ligne du groupe Union Centriste : elle est constructive, mais exigeante. Tout au long de l’examen de ce projet de loi de finances, nous nous y tiendrons, tant il est nécessaire de rétablir les finances de notre pays.
Donnons d’abord crédit au Gouvernement sur la question de la croissance. Ce dernier avait affiché un objectif de 1 % pour 2023 et le pari sera tenu.
Pour 2024, le taux de 1, 4 % est ambitieux, mais il est bon d’avoir de l’ambition pour l’économie française. Nous partageons donc totalement cet objectif.
Cela étant, il nous faut dès à présent nous rendre compte de l’état réel de nos finances publiques.
Mardi dernier, nous avons examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Pour rappel, le déficit de la sécurité sociale s’élève, pour 2023, à 8, 8 milliards d’euros. Il atteindra 10, 7 milliards d’euros en 2024 et 17, 5 milliards d’euros en 2027.
C’est dire l’effort que nous devrons faire pour que nos finances de protection sociale retrouvent un équilibre ! Et malgré l’ampleur de ce déficit, nous percevons toujours de nombreuses insatisfactions de la part de l’ensemble des acteurs du secteur.
Pour ce qui concerne l’État, la situation en 2024 sera particulièrement grave, d’abord, parce que nous aurons à emprunter 285 milliards d’euros sur les marchés financiers, soit un montant tout à fait colossal, ensuite parce que le déficit public – près de 172 milliards d’euros cette année – restera, selon les prévisions, de 145 milliards d’euros l’année prochaine. C’est dire, là encore, le chemin qui reste à parcourir – M. le rapporteur général a largement développé ce point – pour revenir à l’indispensable équilibre des finances publiques.
Cette semaine, la Commission européenne nous a placés dans la « bande des quatre », avec la Belgique, la Croatie et la Finlande. Nous sommes les quatre pays de l’Union européenne – nous sommes le plus grand d’entre eux – dont la croissance des dépenses est la plus importante. Cela n’est pas acceptable.
Nous sommes encore, avec la Belgique, Malte et la Slovaquie, dans la bande des quatre pays dont le déficit par rapport au PIB est le plus important. Cela non plus n’est pas acceptable.
Il nous faut d’autant plus restaurer l’équilibre de nos finances publiques qu’un certain nombre de signaux doivent nous alerter.
Le taux de chômage, d’abord, connaît une légère remontée. Certes, la réforme engagée par le Gouvernement autour de France Travail – nous la soutenons – doit apporter un certain nombre de réponses, mais nous devons aller plus loin, car le retour à l’emploi de nos concitoyens doit demeurer un objectif impératif.
Par ailleurs, Pascal Savoldelli et d’autres collègues ont rappelé combien la pauvreté dans notre pays nous préoccupe. Une part croissante de la population vit sous le seuil de pauvreté et les associations caritatives nous alertent régulièrement sur l’augmentation des besoins.
Cela doit nous conduire, me semble-t-il, à mieux flécher les actions de solidarité publique vers ceux qui en ont véritablement besoin. Cessons les mesures généralisées et mettons en place, au sein de chaque politique publique, des mesures ciblées sur les populations les plus en difficulté.
La situation du logement est également très préoccupante. Sans logement, il n’y a pas d’intégration dans la société, pas plus qu’il n’y a d’insertion professionnelle ou de vie sociale.
Nous le constatons tous, les indicateurs relatifs à la production ou à la vente de logements sont au rouge et les perspectives pour 2024 ne sont pas bonnes. Nous devons donc conduire une politique volontariste.
Certes, nous comprenons la position du Gouvernement, qui entend réduire les dépenses fiscales liées au logement. Nous partageons, nous aussi, l’idée que le dispositif Pinel représente pour l’État une charge trop lourde qu’il faut alléger.
Il est néanmoins souhaitable de favoriser l’accession à la propriété, notamment des primo-accédants, sur l’ensemble du territoire national et pas simplement dans les zones tendues.
Cet enjeu nous semble tout à fait crucial. Si nous voulons, demain, réduire le parc locatif et favoriser la mobilité en son sein, il est nécessaire que ceux qui le souhaitent puissent accéder à la propriété.
Dans cette perspective, le prêt à taux zéro est un outil intéressant, car il est financé par des recettes de TVA qui permettent d’améliorer la situation budgétaire de notre pays. N’hésitons pas à y consacrer quelques moyens, le retour sur investissement sera tout à fait intéressant.
Monsieur le ministre, nous devons aussi – Bernard Delcros nous y a invités – remettre de l’ordre dans les niches fiscales.
L’exercice est difficile et mécontentera à coup sûr leurs bénéficiaires. Affichons néanmoins la volonté de les réduire et de ne retenir que les plus essentielles.
Voilà les quelques considérations qui témoignent de la manière dont le groupe Union Centriste engage l’examen de ce projet de loi de finances.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.
Merci à chacune et chacun d’entre vous de vos interventions et de vos questions, auxquelles je m’efforcerai de répondre de la manière la plus complète.
Je commencerai par répondre à M. le rapporteur général.
Notre trajectoire, monsieur le rapporteur général, est crédible. Nous avons restauré la crédibilité de nos finances publiques.
Nous avons ramené le déficit public sous la barre des 3 % du PIB, mais c’était avant les trois crises que nous avons rencontrées.
Nous avons sorti la France de la procédure pour déficit excessif et réduit le déficit public – je le rappelle – à 2, 3 % en 2018.
Je le redis également, car l’information est passée relativement inaperçue : alors que nous avions anticipé pour cette année un déficit à 5 %, nous serons à 4, 9 %, malgré les difficultés et les récessions qu’ont connues nos partenaires européens.
Notre croissance a tenu. Je réaffirme donc notre objectif de 4, 4 % de déficit. Le plus important à l’égard des Français et de nos partenaires est de tenir nos engagements.
Je préfère une trajectoire moins agressive, mais crédible, à une trajectoire par trop volontariste sur le papier, mais inatteignable. Voilà ce qu’est le sens des responsabilités.
Monsieur le rapporteur général, ne regrettons pas la politique du « quoi qu’il en coûte » au moment de la crise.
Je sens dans vos propos une remise en cause de cette politique.
Si nous avons aujourd’hui 1 % de croissance, c’est parce que nous avons protégé le pays. Quand je vois que nos partenaires allemands sont entrés en récession, je me dis, au contraire, que nous devons nous féliciter d’avoir mené cette politique.
Plus que l’attention portée à la dépense, les meilleurs alliés du redressement des finances publiques ont toujours été la croissance et l’emploi. Cela nous aurait coûté beaucoup plus cher de réparer un tissu économique abîmé et de résoudre une crise sociale si nous avions laissé le chômage s’emballer, si nous avions laissé un certain nombre d’entreprises partir au tapis.
Assumons que cette stratégie était la bonne. Elle a d’ailleurs été reconnue comme telle par la plupart des économistes.
Maintenant que nous avons fait ce constat et que les crises, énergétique et du covid-19, sont – je l’espère – derrière nous, nous devons à présent redresser nos finances publiques.
Tous les observateurs ont reconnu la crédibilité de notre démarche.
Monsieur le président Raynal, vous dites que la dépense publique n’est pas taboue. Vous avez raison et je pense que cette idée est très largement partagée quand je regarde notre modèle social. De la même façon d’ailleurs, le terme « économies » ne doit pas être tabou. Comme vous, nous sommes très attachés à notre modèle social. Toutefois, il n’y a pas de modèle social pérenne sans modèle social financé. §Nous devons donc restaurer nos marges de manœuvre et réduire nos déficits publics.
Monsieur Rambaud, je vous remercie d’avoir mis en avant l’investissement colossal en faveur de la transition écologique que représente le projet de budget pour 2024.
Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.
Je réponds également par anticipation à Christine Lavarde : il s’agit du budget le plus vert de notre histoire.
M. le rapporteur général s ’ exclame.
Certes, nous pouvons sans doute aller beaucoup plus loin et ce débat est légitime.
Monsieur Cozic, je reviendrai plus tard sur le rapport de Jean Pisani-Ferry et de Selma Mahfouz.
Vous pointez les prétendues insuffisances de notre politique en matière de lutte contre la fraude et contre l’évasion fiscale.
M. Thierry Cozic s ’ exclame.
Vous pourriez dire, tout de même, que tout cela va dans le bon sens !
La DGFiP comptera, d’ici à 2027, 1 500 personnes supplémentaires qui seront affectées au contrôle fiscal. Cela ne va-t-il pas dans le bon sens ?
Les caisses de sécurité sociale compteront également mille personnes de plus, la lutte contre la fraude sociale étant aussi l’une de nos priorités.
Vous auriez pu dire aussi, monsieur Cozic, que l’instauration d’un taux minimum de 15 % d’impôt sur les sociétés est une manière de s’assurer qu’aucune multinationale n’échappe à l’impôt sur les sociétés.
C’est une conquête majeure, une initiative franco-allemande de 2018, qui trouve pour la première fois sa traduction dans un texte national. Il s’agit d’une sacrée avancée, même si nous devons aller plus loin.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous devons certes aller plus loin pour resserrer les mailles du filet, mais tout de même !
M. Rémi Féraud s ’ exclame.
Madame la sénatrice Lavarde, vous n’avez pas été tendre.
Sourires.
Sur les budgets verts, je ne partage pas votre analyse. Je les défends avec ferveur, y compris au sein de l’État. Nous devons en effet en faire un outil de pilotage. Nous augmentons les dépenses dites vertes de plus de 7 milliards d’euros. Certaines dépenses sont, il est vrai, difficiles à classer et vous avez raison de soulever ces difficultés.
Pour autant, il faut aller plus loin. Nous vous proposerons d’étendre les budgets verts aux opérateurs, dans un format négocié avec des associations d’élus.
Nous nous donnerons ainsi une boussole commune avec les collectivités territoriales, non pas sur l’ensemble des dépenses, mais sur les dépenses d’investissement : quelle est la part des investissements des collectivités territoriales qui participent à la transition écologique ?
L’objectif n’est pas de classer les collectivités ou de conditionner telle ou telle aide. Nous avons la transition écologique en partage, il faut bien que nous ayons quelques boussoles communes. Les budgets verts en font partie.
Mme Christine Lavarde s ’ exclame.
En outre vous auriez pu souligner – peut-être l’avez-vous fait d’ailleurs
Mme Christine Lavarde acquiesce.
Je partage complètement votre analyse sur le versement des aides aux entreprises. Nous avons d’ailleurs lancé à cet effet une revue de dépenses, la première de celles qu’a lancées la Première ministre.
Je m’interroge par exemple sur le fait que des aides du fonds de solidarité sont mises en œuvre par la DGFiP, quand d’autres le sont par l’Agence de services et de paiement (ASP). On le voit : notre champ est complètement éclaté. Nous devons le rationaliser, afin de faire des économies, de mieux lutter contre les erreurs et contre la fraude.
Enfin, aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n’a jamais remis en question comme vous le faites l’idée d’exprimer le déficit public en pourcentage du PIB.
Mme Christine Lavarde et M. Stéphane Sautarel sourient.
Il n’est pas choquant de rapporter les dépenses à une richesse. Il me semble que le parti auquel vous appartenez n’a jamais souhaité casser ainsi le thermomètre.
On peut discuter du caractère insuffisamment ambitieux ou non de notre trajectoire, …
… mais pas remettre en cause ce thermomètre, qui est communément admis. Il a probablement des faiblesses, mais tous les partis politiques s’y retrouvent, me semble-t-il.
La fin de votre intervention souligne la difficulté de redresser les finances publiques. Alors que vous nous enjoignez d’aller plus loin et plaidez pour une politique plus volontariste, vous concluez votre intervention sur la loi tant attendue de programmation sur le grand âge. Vous nous enjoignez d’engager des dépenses supplémentaires !
Vous dites aussi qu’il faut aider davantage les départements…
C’est dans votre dossier de presse ! C’est vous qui dites que vous protégez les Français !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je ne vous fais aucun reproche, madame la sénatrice. J’essaie simplement de vous faire toucher du doigt le fait que nous faisons face, parfois, à des injonctions contradictoires dont vous pourriez, vous aussi, être les victimes.
Mme Christine Lavarde et M. Laurent Somon protestent.
Monsieur le sénateur Capus, je partage naturellement la position du groupe Les Indépendants – République et Territoires sur les questions régaliennes, sur lesquelles vous avez beaucoup insisté.
Le projet de budget qui vous est soumis donne la priorité à ces questions.
Des moyens importants sont alloués à la police et à la justice, au travers notamment du recrutement de greffiers et magistrats.
Vous avez insisté sur la confiance entre l’État et les collectivités, qui doit en effet être continuellement cultivée.
Nous sommes prêts à avancer sur deux sujets que vous avez évoqués : sur les ZRR, d’une part ; sur les communes nouvelles, d’autre part. Ces dernières constituent un très bon dispositif. Aucune commune ayant choisi d’entrer dans un tel mécanisme ne doit se trouver pénalisée, à un moment ou à un autre : voilà qui enverrait un signal contradictoire. Il faut plutôt qu’on les soutienne. Il est très courageux pour des élus de s’engager dans ce type de dispositif. Il ne faut pas qu’ils aient le sentiment d’y avoir perdu. J’espère que nous parviendrons à améliorer le texte sur ces deux sujets au cours de nos échanges.
J’ai bien noté les propositions de Nathalie Goulet sur la fraude. Je lui proposerai de s’associer à la poursuite de nos travaux.
Monsieur le sénateur Dossus, permettez-moi de revenir sur l’excellent rapport de Jean Pisani-Ferry et de Selma Mahfouz, que tout le monde ne cesse de nous opposer, au motif que notre budget n’y serait pas conforme… Ce n’est pas du tout le cas ! Le projet de budget 2024 est parfaitement en ligne avec ce rapport.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pourquoi ? Les auteurs de ce rapport estiment, après avoir réalisé un travail extrêmement fin, à environ 30 milliards d’euros par an le besoin d’investissements publics pour réaliser la transition climatique. Regardons dans le détail : la part attendue de l’État s’élève entre 7 et 10 milliards d’euros, selon que l’on raisonne en crédits de paiement ou en autorisations d’engagement. La part attendue des collectivités territoriales, qui réalisent 70 % de l’investissement public civil, – elles ont d’ailleurs envie d’investir dans cette thématique, c’est leur compétence – représente plus de deux tiers de l’effort. Si j’ajoute les dépenses de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les certificats d’économies d’énergie (C2E), la copie que nous vous soumettons avec ce projet de loi de finances pour 2024 est parfaitement en ligne avec les recommandations de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz.
M. Thomas Dossus proteste.
Nous avons un rendez-vous, comme je le disais à l’instant à Christine Lavarde, celui de la stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique.
Celle-ci nous permettra de préciser les ordres de grandeur. Elle correspond d’ailleurs, je pense, à une attente des écologistes qui a été fortement exprimée lors des dialogues de Bercy, auxquels votre groupe a participé, et lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
Monsieur Savoldelli, en ce qui concerne le shutdown à la française, j’indique, puisque certains orateurs ont critiqué l’emploi de l’article 49.3 à l’Assemblée nationale, que notre responsabilité est de doter le pays d’un budget. Je ne reprocherai jamais aux oppositions de ne pas le voter.
Non, non, pas du tout.
Mais comment faire, avec une majorité relative, sans recourir au 49.3 ? Le risque est de ne pas avoir de budget.
À vous entendre, il n’y aurait aucun problème, il suffirait d’appliquer l’article 47 de la Constitution. Mais ce n’est que repousser le problème… Si le budget est pris par voie d’ordonnance, alors autant dire adieu aux dépenses pour financer la transition écologique et aux grands investissements ! En effet, comme certains d’entre vous l’ont dit, les collectivités ont besoin de visibilité : ce ne sera pas le cas si le budget est mis en œuvre par douzièmes…
De plus, en tout état de cause, si le Gouvernement en est réduit à mettre en vigueur les dispositions du budget par ordonnance, il faudra que celle-ci soit ratifiée par le Parlement. Or, les mêmes causes produisant les mêmes effets, celle-ci ne sera pas ratifiée, faute de majorité. Votre problème est immense…
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je termine ma réponse, monsieur Savoldelli, mais je sens un peu de mauvaise foi…
M. Pascal Savoldelli proteste.
Rires.
Je reprends mon propos. Le problème demeure, la situation est bloquée, car l’ordonnance ne peut pas être ratifiée. Nous revenons donc au point de départ : il faut un budget et, pour cela, il faut passer par le 49.3.
En revanche, je suis très satisfait de la manière dont l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 s’est déroulé. On a discuté, y compris avec les oppositions : celles-ci ont défini les conditions dans lesquelles elles pourraient s’abstenir.
Mais ces groupes sont-ils capables de faire de même lors de l’examen d’un projet de loi de finances ? Peuvent-ils indiquer les conditions dans lesquelles ils peuvent s’abstenir, afin de laisser une chance à un budget d’être voté ?
Voilà un sacré engagement ! Il faut être ouvert à la discussion. Pour ma part, j’y suis tout à fait disposé. Mais je ne sais pas si les groupes d’opposition sont prêts, d’un point de vue politique, à nous dire qu’ils sont d’accord pour discuter et qu’ils s’abstiendront sur le budget. Voilà qui serait une première ! Mais ma porte est ouverte…
Enfin, monsieur Savoldelli, l’instauration d’un taux minimal de l’impôt sur les sociétés constitue une avancée historique, qu’il convient de saluer. Les mailles du filet vont se resserrer progressivement au fil du temps.
Monsieur Daubet, j’ai déjà répondu sur la généralisation des budgets verts.
Notre budget est-il celui d’un pays qui peine à revoir son organisation administrative ? Le Président de la République a confié une mission à Éric Woerth sur le sujet…
Et aussi à Catherine Vautrin et à Boris Ravignon, c’est le grand bazar…
Il est chargé d’une réflexion sur l’empilement des structures de l’État, des collectivités territoriales, etc. Nous devons aussi évaluer combien coûte cet empilement. Les Français ont besoin de le savoir, parce que c’est leur argent.
Merci, monsieur Omar Oili, de souligner les aides exceptionnelles que le Gouvernement met en place pour Mayotte. La situation dans ce département l’exige. Nous sommes à ses côtés.
Mme Florence Blatrix Contat, il ne faut pas oublier le fonds vert qui sera doté de 2, 5 milliards d’euros. J’entends que cela peut vous paraître insuffisant, mais un tel fond n’existait pas jusqu’à présent. L’effort en matière de soutien à l’investissement des collectivités n’a jamais été aussi important, j’y insiste. Certes, on pourrait souhaiter qu’il le soit encore plus.
Toutefois, en tant que ministre des comptes publics, je me dois de vous rappeler que nous avons un déficit et que la question de la soutenabilité de notre modèle est posée. La charge de la dette représentera plus de 75 milliards d’euros en 2027 : tous les euros qui y seront consacrés ne peuvent pas être investis dans nos politiques publiques. Nous avons dû trouver un équilibre.
Cela étant, nous n’avons absolument pas renoncé à notre ambition en matière de transition écologique, bien au contraire : la déclinaison de notre stratégie à travers les COP territoriales, animées par Christophe Béchu, en témoigne.
Monsieur le sénateur Sautarel, j’ai déjà répondu sur l’emploi de l’article 49.3 de la Constitution, je n’y reviens pas.
J’en viens aux prévisions de croissance. Le FMI estime que la croissance de la France s’élèvera à 1, 3 % du PIB l’an prochain ; pour la Commission européenne, elle devrait être de 1, 2 %. Nous maintenons notre prévision de 1, 4 %, en dépit des incertitudes liées à la situation internationale, que vous connaissez aussi bien que nous.
Je vous rejoins totalement sur la nécessité de travailler sur les doublons, sur les coresponsabilités. C’est la raison pour laquelle j’ai cité le travail en cours sur ce sujet. Celui-ci me semble indispensable. Là encore, nous sommes ouverts aux propositions. Nous le sommes également sur le nouveau zonage des ZRR : certains d’entre vous ont fait des propositions à cet égard et je suis convaincu que nous trouverons un accord – c’est mon souhait en tout cas.
Vous m’avez aussi interrogé sur la création de 8 500 emplois publics supplémentaires : 2 700 sont destinés à la sécurité intérieure, 2 000 à la justice. Est-ce trop ? Il s’agit de la traduction de lois de programmation que vous avez votées. Nous renforçons aussi l’éducation nationale et la transition écologique. En contrepartie, nous devons identifier, c’est important, les secteurs où faire des économies d’ETP.
Je ne vous comprends pas. Je parle de policiers, de magistrats, de greffiers : ce n’est pas l’administration administrante !
Monsieur le sénateur Delcros, attention aux impôts ! Selon les données que vient de publier Eurostat il y a quelques semaines, la France est le pays d’Europe qui a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé ! Personne ne nous dépasse…
Utiliser la piste fiscale pose deux problèmes, de pouvoir d’achat et d’attractivité du territoire.
M. Thierry Cozic le conteste.
J’entends vos inquiétudes sur la DGF. La Première ministre vient d’annoncer, il y a quelques heures, que la DGF serait augmentée de 100 millions d’euros : son montant sera donc non pas de 220 millions d’euros, mais de 320 millions d’euros. J’espère que cette annonce permettra, monsieur le sénateur, de répondre à vos interrogations et à vos attentes.
Madame Briquet, les élus locaux ne sont pas responsables du déficit de l’État, c’est vrai, mais nous sommes tous comptables du redressement des finances publiques. Nous en partageons tous la responsabilité.
J’indique en outre, pour vous rassurer, que les concours financiers aux collectivités territoriales augmenteront de 1 milliard d’euros.
Monsieur Rietmann, vous avez raison sur la simplification. Sur la CVAE, j’avoue ne plus comprendre le positionnement du groupe Les Républicains : souhaite-t-il la supprimer ? Souhaite-t-il maintenir un lien fiscal entre l’activité économique et les territoires ? C’est difficile à lire, il faut bien le dire…
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains .
Le contrôle des prix de transfert est très important si l’on veut lutter contre la fraude. Lorsque les entreprises fabriquent des prix de transferts, elles doivent pouvoir les décrire. Nous demandons simplement que l’administration fiscale ait connaissance de ces informations. Cette obligation nous semble donc tout à fait accessible. Nous parlons d’entreprises qui ont des filiales à l’étranger, pas de la TPE du coin…
Monsieur Canévet, le travail est la clé pour générer des recettes, pour redresser les finances publiques. Toutes nos réformes doivent être orientées en ce sens.
M. Pascal Savoldelli proteste.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes afin que la commission des finances puisse se réunir et examiner l’amendement que le Gouvernement a déposé sur l’article liminaire.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures douze, est reprise à dix-huit heures trente.
Le nombre d’amendements déposés cette année sur la première partie du projet de loi de finances s’élève à 2 259, soit 500 de plus que l’année dernière, où un record avait déjà été atteint.
Je rappelle que nous devons respecter les exigences constitutionnelles prévues pour l’examen du budget. Ce nombre d’amendements record nous impose donc de revoir l’organisation de nos travaux. Il ne paraît ainsi plus possible de ne pas siéger le dimanche 26 novembre.
La commission demande en conséquence l’ouverture de la séance dimanche, l’après-midi, le soir et la nuit.
Ainsi, nous siégerons demain soir jusqu’à minuit et demi, puis samedi à partir de neuf heures trente, quatorze heures trente, le soir et la nuit jusqu’à environ deux heures du matin, voire plus tard, en fonction de l’avancée de nos travaux. Nous reprendrions l’examen du texte dimanche à quatorze heures, jusqu’à une heure trente du matin lundi.
J’espère que M. le ministre sera heureux de passer autant de temps avec nous !
Sourires.
L’ouverture de dix heures de séance dimanche ne nous dispensera pas, pour autant, de devoir conserver un rythme soutenu de discussion des amendements en séance, afin que nous puissions achever l’examen de la première partie du projet de loi de finances jeudi prochain – nous n’avons pas le choix à cet égard.
Alors que 1 035 amendements avaient été déposés sur le projet de loi de finances 2019, soit une hausse significative par rapport aux 617 amendements déposés en 2018, mon prédécesseur Vincent Éblé avait parlé d’une « inflation substantielle ». Cette année, le nombre d’amendements ayant doublé, je n’ai plus de mots !
Sourires.
Je vous indique que j’ai demandé aux chefs de file des différents groupes politiques de réfléchir en interne à la meilleure manière de traiter cette situation afin que nous puissions ne pas perdre trop de temps, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits de chaque sénateur.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous confirme que c’est avec plaisir que je participerai aux travaux du Sénat dimanche !
Sourires.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous passons à la discussion de l’article liminaire.
Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, les prévisions de solde par sous-secteur, la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques, les prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations pour l’année 2024, les prévisions pour 2024 de ces mêmes agrégats du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ainsi que les données d’exécution pour l’année 2022 et les prévisions d’exécution pour l’année 2023 de ces mêmes agrégats, s’établissent comme suit :
En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire
Loi de finances pour 2024
PLPFP 2023-2027
Ensemble des administrations publiques
Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)
Solde conjoncturel (2)
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)
Solde effectif (1 + 2 + 3)
Dette au sens de Maastricht
Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt)
Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire
Dépense publique (hors crédits d’impôt)
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)
Évolution de la dépense publique hors crédits d’impôt en volume (en %) *
Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) **
Administrations publiques centrales
Solde
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)
Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***
Administrations publiques locales
Solde
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)
Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***
Administrations de sécurité sociale
Solde
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)
Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***
* À champ constant.
** Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
*** À champ constant, hors transferts entre administrations publiques.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-2183, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire
Loi de finances pour 2024
PLPFP 2023-2027
Ensemble des administrations publiques
Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)
Solde conjoncturel (2)
Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)
Solde effectif (1 + 2 + 3)
Dette au sens de Maastricht
Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt)
Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire
Dépense publique (hors crédits d’impôt)
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)
Évolution de la dépense publique hors crédits d’impôt en volume (en %) *
Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) **
Administrations publiques centrales
Solde
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)
Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***
Administrations publiques locales
Solde
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)
Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***
Administrations de sécurité sociale
Solde
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)
Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***
* À champ constant.
** Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
*** À champ constant, hors transferts entre administrations publiques.
La parole est à M. le ministre délégué.
Cet amendement vise à mettre à jour les prévisions sous-jacentes au projet de loi de finances pour 2024, en ce qui concerne le déficit et les grands agrégats de finances publiques présentés dans l’article liminaire.
La mise à jour résulte de la coordination avec les différents textes financiers en discussion au Parlement : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 et le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, que l’Assemblée nationale et le Sénat ont définitivement adopté hier.
Il est important de souligner que les prévisions de solde public restent inchangées, pour 2023 comme pour 2024 : le solde s’établirait respectivement à –4, 9 % et à –4, 4 % du PIB, conformément à la trajectoire adoptée dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Pour 2023, l’amendement prend en compte le résultat des discussions du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.
Pour 2024, certains éléments dégradent le solde public : je pense à l’impact de l’accord national interprofessionnel 2023-2026 pour l’Agirc-Arrco, qui réduit le solde public de 2024 de 1 milliard d’euros. À l’inverse, la mesure de gel des barèmes des allègements généraux de cotisations sociales, introduite par voie d’amendement dans le PLFSS lors de son examen à l’Assemblée nationale, permet d’améliorer le solde public de 500 millions d’euros.
Au total, la prévision de solde public pour 2024 s’établirait toujours à –4, 4 % du PIB. Elle reste donc, j’y insiste, inchangée par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale, et conforme aux orientations définies dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
L’amendement n° I-1896, présenté par MM. Bilhac et Daubet, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau, douzième ligne
Rédiger ainsi cette ligne :
Dépense publique (hors CI, en Md€)
La parole est à M. Christian Bilhac.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article liminaire est adopté.
Nous passons à la discussion des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Nous allons tout d’abord examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2024, l’article 33, relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, il nous revient d’examiner l’évaluation du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne présentée dans le projet de loi de finances. Il s’agit d’un exercice complexe, dans la mesure où le montant inscrit dans le projet de loi de finances est seulement prévisionnel.
Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget européen pour 2024 ont touché ces derniers jours à leur fin. Le 11 novembre dernier, ces deux institutions se sont accordées sur un montant de 189 milliards d’euros en crédits d’engagement et de 143 milliards d’euros en crédits de paiement.
Le 20 novembre, le Conseil a adopté ce compromis et le Parlement européen a fait de même hier. Comme il est d’usage, le Gouvernement devrait déposer prochainement un amendement prenant en compte le montant du budget européen pour déterminer la contribution française. Je regrette, pour la clarté de nos débats, que nous ne disposions pas aujourd’hui d’une évaluation révisée du prélèvement sur recettes.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer quand sera déposé cet amendement ? Pourriez-vous d’ores et déjà nous indiquer quel serait le montant révisé de l’évaluation du prélèvement sur recettes ?
En tout état de cause et dans l’attente de cette actualisation, l’article 33 du projet de loi de finances évalue le montant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne à 21, 61 milliards d’euros.
Ce montant représente une diminution de près de 2, 287 milliards par rapport à la prévision actualisée pour 2023. À mon sens, cette baisse relative, qui s’explique par des facteurs conjoncturels, ne saurait refléter une stabilisation ou un ralentissement de la contribution française à moyen terme. Le montant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne s’élèverait en effet en moyenne à 26, 9 milliards d’euros sur la période 2023-2027.
Je souligne toutefois que l’évaluation du prélèvement sur recettes et de la contribution française au budget de l’Union pour les années à venir pourrait être affectée par les négociations en cours sur la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027.
La Commission européenne a ainsi présenté, en juin 2023, ses propositions pour renforcer le budget pluriannuel de l’Union à hauteur de 66 milliards d’euros. Celles-ci prévoient notamment la mise en place d’une plateforme européenne des technologies stratégiques. La Commission recommande également la mise en place d’une facilité pour l’Ukraine, à hauteur de 50 milliards d’euros, sans que l’on sache qui en apportera la garantie.
Certains États membres plus frugaux ont d’ores et déjà fait part de leur réticence à une telle augmentation du budget de long terme de l’Union.
Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser la position de la France dans les négociations sur la révision du cadre financier pluriannuel ? À quelle date espérez-vous parvenir à un accord ? Comment cette révision devrait-elle affecter le montant de la contribution française au budget de l’Union ?
La révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel devrait également s’accompagner de l’adoption de nouvelles ressources propres.
La Commission européenne a formulé des propositions actualisées en ce sens. Je ne peux pas, toutefois, m’empêcher de m’interroger, mes chers collègues, sur le montant des recettes tirées de ces nouvelles ressources. En effet, il n’est pas certain qu’elles soient suffisantes pour couvrir les besoins de financement du remboursement du plan de relance et de ses intérêts, d’une part, et du Fonds social pour le climat, d’autre part.
Or je rappelle que l’engagement financier de la France au titre de Next Generation EU est de l’ordre de 75 milliards d’euros. Un défaut d’adoption de ces nouvelles ressources signifierait ainsi un surcroît de 2, 5 milliards d’euros annuels pour la contribution française au budget de l’Union. Par ailleurs, cette évaluation ne tient pas compte des différentes garanties que la France serait susceptible d’accorder au soutien à l’Ukraine en application des articles 46 à 48 du présent projet de loi de finances.
Il serait ainsi opportun, madame la ministre, au vu des engagements pris par la France, de disposer d’une évaluation précise des montants que notre pays serait susceptible d’être appelé à verser à l’Union européenne à moyen terme, au-delà du seul prélèvement sur recettes.
Pour terminer, je tenais à interroger le Gouvernement sur l’état d’avancement des versements du plan de relance européen. Pour rappel, la France a déposé une deuxième demande de paiement le 31 juillet 2023 pour un montant de 10, 3 milliards d’euros. La Commission a publié un projet de décision de validation le 17 novembre.
Madame la ministre, à quelle date pensez-vous que la France pourrait percevoir ce nouveau versement ?
En guise de conclusion, mes chers collègues, la commission des finances avait proposé, lors de son examen de l’article 33, le 31 octobre, de l’adopter sans modification. Telle est la position que je vous recommande de suivre aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de Jean-François Rapin, qui se trouve actuellement en Allemagne.
Nous sommes confrontés à un paradoxe : la contribution de la France au titre du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne va diminuer l’année prochaine ; pourtant, dans le même temps, nous savons que le budget de l’Union va fortement monter en puissance au cours des années à venir. Financer les transitions écologique et numérique ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine, dans un contexte de forte inflation et de taux d’intérêt élevés et avec le devoir de rembourser l’emprunt européen levé au sortir de la pandémie : tout cela impose que la trajectoire du budget européen soit à la hausse.
À mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) 2020-2027, la Commission européenne propose déjà de rallonger celui-ci de 66 milliards d’euros et, même si, parallèlement, elle met sur la table de nouvelles ressources propres, force est de constater que le compte n’y est pas.
Ce nouveau train de ressources propres n’a en réalité qu’un seul wagon : la création d’une ressource statistique temporaire fondée sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Surtout, cette ressource propre n’en est pas une : il s’agit plutôt d’une nouvelle forme de contribution nationale, à l’image de la ressource assise sur le revenu national brut (RNB) ou de la contribution plastique.
Or il y a urgence : sans nouvelles ressources propres, les dépenses supplémentaires de l’Union alourdiront mécaniquement les contributions des États membres. Selon la Cour des comptes, en l’absence de nouvelles ressources propres, la contribution de la France augmenterait ainsi de 2, 5 milliards d’euros par an pendant trente ans à partir de 2028 et, attention, ce n’est qu’une projection à Union européenne constante, mais il est peu probable qu’elle reste à vingt-sept si longtemps !
En effet, nous ne pouvons ignorer qu’un élargissement à neuf nouveaux États membres augmenterait le budget européen de plus de 20 %. Madame la secrétaire d’État, quel en serait l’impact pour la contribution française ? Comment la France envisage-t-elle durablement le financement du projet européen et où en sont les négociations sur les ressources propres ?
Par ailleurs, s’il nous faut voir loin, nous devons aussi veiller dès aujourd’hui au bon usage du budget européen. Or, sur ce sujet, la Cour des comptes européenne s’est récemment montrée très critique : en 2023, pour la quatrième année consécutive, elle a émis une opinion défavorable sur la légalité et la régularité des dépenses de l’Union de l’exercice précédent. Elle estime ainsi le taux d’erreur des paiements à 4, 2 % des dépenses.
À propos du plan de relance et de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), elle a émis une opinion avec réserves, soulignant que onze des treize subventions versées aux États membres dans ce cadre présentaient des problèmes de régularité.
Lutter contre ces irrégularités s’impose avant même d’envisager de nouvelles hausses, d’autant qu’elles se répètent d’année en année. Comment expliquer ces trop nombreuses irrégularités ? Serait-ce la trop grande complexité des règles d’attribution des aides européennes ? Madame la secrétaire d’État, que propose le Gouvernement sur ce sujet ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de souligner l’importance de la participation française au budget de l’Union européenne. En tant que deuxième contributeur net, la France assume une responsabilité significative au sein de l’Union.
Pour l’exercice budgétaire 2024, la contribution française connaît une légère baisse, de 4 milliards d’euros. Cette diminution découle principalement d’un décalage dans l’exécution des crédits de la politique de cohésion, des effets de l’inflation sur l’évolution du RNB des États membres et de l’augmentation des droits de douane en raison de la reprise du commerce international.
Malgré cette baisse ponctuelle, la contribution française connaît une augmentation constante depuis vingt ans. Ce constat m’amènera d’ailleurs à évoquer la nécessité d’accroître l’autonomie budgétaire de l’Union européenne par la recherche de nouvelles ressources propres.
D’abord, cette discussion sur la contribution française au budget de l’Union européenne nous amène inévitablement à évoquer la question pressante de la révision du cadre financier pluriannuel de l’Union qui doit avoir lieu à mi-parcours. Les récents événements, tels que la guerre en Ukraine et la hausse significative de l’inflation et des taux d’intérêt, soulignent la pression croissante sur le budget de l’Union européenne et la complexité de la planification à moyen terme. La Commission européenne, confrontée à cette réalité, a présenté en juin dernier une proposition de révision du CFP incluant 66 milliards d’euros supplémentaires.
Cependant, nous regrettons que cette proposition ne soit pas à la hauteur des besoins, n’intégrant pas suffisamment les nouvelles réalités telles que les implications du programme américain Inflation Reduction Act (IRA) et la nécessité d’un soutien massif à la transition écologique. Il est impératif que l’Europe ne fléchisse pas dans la course à la décarbonation et que non seulement elle investisse dans l’innovation et la recherche, mais également qu’elle amplifie la production à grande échelle des technologies existantes.
La révision du cadre financier pluriannuel doit donc être plus ambitieuse, prenant pleinement en compte les enjeux de la transition écologique et de la compétitivité. Cette nécessité, soutenue par les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), est indéniable : la transition écologique coûtera cher, mais bien moins que l’inaction.
Malheureusement, lors de la réunion du Conseil européen d’octobre dernier, les Vingt-Sept ont exprimé leur opposition à la rallonge de 66 milliards d’euros demandée par la Commission européenne, privilégiant l’idée de redéploiements. Cette position nous inquiète et souligne la nécessité de développer de nouvelles ressources propres pour l’Union européenne.
Dans cette perspective, les propositions de nouvelles ressources, telles que le marché carbone européen, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ou le pilier 1 de l’accord sur la fiscalité internationale du G20 et de l’OCDE, représentent une avancée cruciale pour renforcer les moyens financiers de l’Union européenne. Il est donc inacceptable que le Conseil retarde toute décision sur ce paquet, pourtant proposé par la Commission européenne il y a presque deux ans.
De même, nous nous réjouissons de la proposition d’une nouvelle ressource statistique temporaire fondée sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Il s’agit d’une première étape significative vers la réalisation de ce qui pourrait constituer un impôt européen sur les sociétés, même si, à ce stade, il s’agirait en fait d’une contribution des États.
Il est impératif d’aller plus loin et plus rapidement dans cette direction. Telle est la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui, en outre, propose la taxation des profits exceptionnels des entreprises au-delà du seul secteur de l’énergie, la mise en place d’un ISF vert européen et une augmentation du taux de la taxe sur les multinationales.
Enfin, mes chers collègues, il est essentiel d’évoquer la nécessité d’une révision équilibrée du pacte de stabilité et de croissance, soutenant les investissements publics dans les transitions climatiques et numériques, tout en assouplissant les contraintes budgétaires imposées aux États membres. Cette révision doit impérativement intégrer des règles budgétaires transparentes prenant en considération la spécificité des situations nationales. Sans une transparence adéquate de la part de la Commission européenne, il sera difficile d’évaluer la nouvelle méthode de calcul annoncée, notamment en ce qui concerne la prise en compte des spécificités nationales. De plus, il est crucial de garantir la possibilité d’exclure certains investissements du solde structurel ; c’est ce que nous proposons pour les investissements dans la transition écologique.
Mes chers collègues, l’Union européenne se trouve à la croisée des chemins, elle est appelée à faire des choix décisifs : ne rien changer reviendrait à renoncer à notre idéal européen, alors que relever le défi du financement des enjeux de demain est le seul chemin pour répondre aux doutes d’une partie de notre population.
Il est impératif que la France assume son rôle moteur sans céder aux « frugaux », ces États « austéritaires » qui freinent les dépenses nécessaires à la compétitivité et à la transition écologique. Dégager de nouveaux financements est désormais une nécessité absolue pour préparer l’avenir de notre continent. À ma place l’an dernier, mon collègue Patrice Joly évoquait la citation de Jean Monnet, affirmant que l’Europe se construirait au fil des crises. Une fois de plus, nous sommes témoins de cette réalité et nous devons en tirer les conséquences.
En accord avec les engagements de la France, notre groupe votera en faveur de cet article.
Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le prélèvement sur les recettes (PSR) du budget général de l’État en faveur de l’Union européenne est constitué de plusieurs composantes : une ressource TVA, qui correspond à un prélèvement de 0, 3 % sur une assiette harmonisée pour tous les États membres ; une contribution calculée sur le revenu national brut ; et une nouvelle ressource créée en 2021 sur les emballages plastiques non recyclés, dite ressource plastique.
En 2023, le montant du PSR était de 24, 6 milliards d’euros. Pour 2024, il est estimé en légère diminution, à hauteur de 21, 6 milliards d’euros. En ajoutant au PSR les ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, collectés directement au profit de l’Union européenne, l’ensemble constitue la contribution de la France au budget européen. À titre d’information, les ressources propres traditionnelles représentaient en 2023 environ 3 milliards d’euros. Depuis 2010, seul le PSR fait formellement l’objet d’un vote du Parlement. C’est le sens même de cet article 33 du PLF 2024.
Le budget européen pour 2024 est le quatrième du cadre financier pluriannuel portant sur les années 2021 à 2027. Ce cadre pluriannuel a prévu un plafond global de dépenses de plus de 1 200 milliards d’euros en crédits d’engagement sur sept ans. Il doit notamment permettre à l’Union européenne de répondre aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de covid-19, grâce au plan de relance européen Next Generation EU d’un montant de plus de 750 milliards d’euros. Il dote également l’Union européenne de moyens d’action élargis en matière de politique étrangère, ce qui s’avère précieux dans l’aide apportée à l’Ukraine depuis bientôt deux ans.
Nous sommes donc réunis aujourd’hui pour discuter de ce budget européen, mais la marge d’action des parlements nationaux est – vous l’imaginez bien – faible. Sauf à vouloir « casser la baraque » européenne, nous voterons cet article 33, tant l’exercice est convenu. Cependant, cela ne nous dispense pas de certaines remarques.
Avec 24 milliards d’euros en 2023, la France est, derrière l’Allemagne, le deuxième contributeur d’un budget de l’Union européenne de plus de 180 milliards d’euros. Sans rien remettre en question de nos engagements auprès de nos partenaires européens, il est permis de s’interroger sur le ratio coût-bénéfice de notre contribution.
Ce débat est ancien et comporte de nombreux biais, j’en suis consciente. Notre pays fait partie des plus importants contributeurs nets. Dans la période d’endettement et de déficit record que nous traversons, un delta de 10 milliards d’euros entre le montant que nous donnons par rapport à celui que nous recevons n’est pas anodin. Il n’est pas anodin, car il faut tenir compte du contexte national et de l’inflation. Il est perçu par le contribuable français comme une sorte de double peine : au niveau national, assommé de taxes et peinant à en voir les effets ; au niveau européen, large contributeur net pour des retombées somme toute peu visibles. Nos concitoyens se questionnent sur le sens d’une telle disparité et il faut être capable non seulement de l’entendre, mais aussi de l’expliquer.
Un point positif cependant : le soutien que nous recevons de l’Union européenne est investi dans deux spécificités françaises qu’il convient de défendre. Il s’agit d’une part des aides de la politique agricole commune (PAC) versées à hauteur de 9 milliards d’euros par an jusqu’en 2027. Première puissance agricole de l’Union européenne, il est essentiel que la France en soit la première bénéficiaire. C’est un soutien vital pour nos agriculteurs. Je me permets d’insister sur ce point, car nous ne devrons pas l’oublier lorsqu’il s’agira d’aborder le dossier de l’élargissement. Il s’agit d’autre part des aides apportées aux régions ultrapériphériques (RUP) que sont nos territoires d’outre-mer. La Commission européenne s’est engagée dans un partenariat stratégique renouvelé et renforcé avec ces régions. Il s’agit d’un soutien substantiel, la France détenant le deuxième espace maritime mondial via ses territoires ultramarins.
Mes chers collègues, dans un exercice assez convenu, il nous est demandé de nous prononcer sur cet article 33. En Européenne convaincue, je voterai pour. Néanmoins, restons attentifs aux interrogations légitimes de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « La droite et la gauche sont deux détaillants qui ont le même grossiste, l’Europe. » C’est ainsi que s’exprimait Philippe Séguin à propos de l’Union européenne, lui qui fustigeait l’abandon de la souveraineté nationale, pourtant consubstantielle de notre nation, au profit d’une putative souveraineté européenne, abandon accompagné avec ardeur par la gauche et la droite depuis trente ans.
Nous discutons ce jour de la participation de la France au budget de l’Union européenne, participation injuste à tous égards, qui s’élève donc à 21, 6 milliards pour 2024.
Injuste d’abord, car la France a toujours payé rubis sur l’ongle sa participation, incitée à le faire sans contrepartie aucune par les dirigeants les plus européistes du continent, alors que le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, les Pays-Bas ou encore le Danemark ont bénéficié pendant des décennies d’un rabais ou d’un rabais sur le rabais, simplement parce qu’ils étaient gouvernés par des politiques soucieux de leur intérêt propre, laissant reposer sur la France le poids de l’utopique construction européenne. Ce sont des milliards d’euros que les contribuables français ont payé et continuent à payer pour les autres, alors que nous sommes déjà le pays le plus taxé au monde !
M. Aymeric Durox. Injuste ensuite, car la contribution nette de la France au seul budget de l’Union européenne de 2000 à 2023 aura coûté plus de 175 milliards d’euros à notre pays. C’est l’équivalent du coût de construction d’une dizaine d’EPR (European Pressurised Reactors), dont nous aurions tant besoin aujourd’hui, après que l’État a laissé détruire notre filière nucléaire pour faire plaisir aux Verts
M. Thomas Dossus ironise.
Pis, l’argent que l’Union européenne daigne nous redonner est fléché et nous ne pouvons pas l’utiliser comme nous le souhaitons. C’est donc la double peine – cette expression a déjà été utilisée – qui nous est appliquée. L’Union européenne nous coûte « un pognon de dingue » pour des résultats économiques par ailleurs médiocres !
Après 175 milliards d’euros, que nous a apporté l’Union européenne ? Notre agriculture se porte-t-elle mieux ? Notre accès, dit privilégié, au marché unique a-t-il protégé nos entreprises ? A-t-il empêché les délocalisations ou le dumping social provoqué par les travailleurs détachés ? Notre sécurité aux frontières est-elle mieux assurée ? Après 175 milliards d’euros, il est temps de faire le bilan et celui-ci est sans appel pour le camp des européistes béats…
Pourtant, cette contribution ne va qu’augmenter dans les années à venir en raison de deux facteurs. D’une part, il y aura l’intégration probable et souhaitée par le Président Macron et les instances européennes de nombre de pays des Balkans et du Caucase. Ces adhésions feront nécessairement augmenter la note pour la France, comme après l’entrée des pays de l’Est. D’autre part, le départ définitif de Londres ainsi que le remboursement du plan de relance covid-19 adopté par les Vingt-Sept en 2020 et qui a été mal négocié pourraient alourdir la note pour notre pays à partir de 2028 de plus de 2, 5 milliards d’euros par an pendant trente ans, selon la Cour des comptes.
Bref, il faut mettre fin à ce tonneau des Danaïdes européen sans cesse comblé par le contribuable français. Il faut une contribution plus juste et plus respectueuse de nos intérêts, ce que votre gouvernement, madame la secrétaire d’État, est incapable d’assurer.
Vous pourrez compter sur les sénateurs du Rassemblement national pour défendre l’intérêt de notre pays et les prochaines élections européennes feront office de juge de paix sur la question. Vox populi, vox dei !
M. Joshua Hochart applaudit.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la participation de la France au budget de l’Union européenne pour 2024 est en forte baisse par rapport à 2023 : plus de 3 milliards d’euros, avant notre examen. La justification conjoncturelle ne nous a pas échappé.
La France, c’est environ 18 % des contributions des États membres. Nous sommes contributeur net. Là encore, je ne vous apprends rien. En revanche, je formule le vœu qu’un jour nous puissions quantifier ce que l’Union nous rapporte en retour de manière directe et indirecte. Cela tordrait le cou à bien des idées reçues ; nous venons d’en entendre plusieurs…
Je le répète à chaque examen de l’article du PLF relatif à la contribution française, l’Union européenne n’est pas une option, c’est un levier indispensable pour répondre aux enjeux qui sont devant nous, et ils sont nombreux !
Est-ce que la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027 nous fait craindre des hausses de contributions pour les prochaines années ? Oui, comme tout le monde dans cet hémicycle.
Est-ce que nous accueillons favorablement le nouveau panier de ressources propres proposé par la Commission européenne en juin dernier, dont celle qui repose sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises ? Oui, et nous souhaitons des ressources propres renforcées en prévision des prochains efforts que l’Union européenne devra fournir.
Est-ce que l’augmentation des rabais d’autres États membres, au premier rang desquels l’Allemagne, nous indigne ? C’est une troisième fois oui, et la solution n’est certainement pas d’obtenir nous-mêmes un rabais ; c’est plutôt de convaincre les autres d’abandonner les leurs. Quand on est Européen, on l’est entièrement, pas au rabais !
Pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires, la réponse à toutes ces questions, c’est l’Union européenne. J’évoquais la solidarité l’an dernier. Cette année, je pense que le mot qui devrait qualifier notre action d’Européens, c’est « puissance ». En effet, si nous acceptons de contribuer, il est temps de nous poser la question : pour quoi ? Que décidons-nous de faire en Européens ? C’est à nous, et seulement à nous, de donner l’impulsion à l’Europe.
À ce titre, je vous invite tous à suivre avec attention la prochaine réunion du Conseil européen, en décembre. Le menu est appétissant, avec entre autres la renégociation du CFP – on parle d’une hausse de 66 milliards d’euros – ou encore les questions de l’élargissement et de la réforme de notre système. La Commission européenne vient de se prononcer en faveur de l’ouverture formelle des négociations d’adhésion avec l’Ukraine. Sommes-nous prêts ?
Au-delà de la restauration de notre indépendance, de la reconstruction de nos industries, il va falloir que l’Union européenne se pense en puissance. Les conflits récents, à nos portes, nous y exhortent. Nous devons impérativement réformer l’Union européenne. Les peuples européens méritent mieux. Soyons enfin ce que nous devons être ! Que notre contribution y participe !
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024 porte sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Ce prélèvement sur recettes du budget de l’État représente un montant de 21, 6 milliards d’euros auquel il faut ajouter les droits de douane. Ces derniers étant estimés à 2, 33 milliards d’euros net des frais de perception, la contribution française serait donc de 23, 94 milliards d’euros environ pour l’année 2024.
Si nous pouvons constater une baisse relative de cette contribution entre 2023 et 2024, il s’agit, en réalité, d’une stabilisation conjoncturelle en vue de futurs engagements financiers, notre pays demeurant d’ailleurs le deuxième contributeur derrière l’Allemagne.
Néanmoins, ces données, en apparence intéressantes, ne doivent pas occulter certains facteurs politiques et économiques favorisant la hausse systématique, voire systémique, de la contribution française par rapport au cadre financier pluriannuel précédent. Il y a, par exemple, les difficultés pour analyser l’impact de la nouvelle taxe plastique mise en place en 2021 ou encore les effets des différents rabais négociés par cinq États membres – l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark. Ce dernier point doit particulièrement faire l’objet de notre attention. À une époque où l’idée de solidarité européenne est usée à tout-va, ces dérogations budgétaires tendent toujours à favoriser la défiance, voire la mésentente entre les États membres.
Le budget de l’Union européenne pour l’année 2024 s’élève, quant à lui, à 142, 6 milliards d’euros en crédits de paiement et à 189, 4 milliards d’euros en crédits d’engagement. Pour rappel, ce budget s’inscrit dans un cadre pluriannuel fixé pour sept ans. Il permet de prévoir à moyen terme là où l’Union européenne doit concentrer ses dépenses ; il fixe ainsi les montants maximaux sur lesquels elle peut s’engager chaque année pour financer ses politiques. Pour la période 2021-2027, ce plafond a été fixé à 1 074, 3 milliards d’euros et s’accompagne d’un plan de relance inédit de 750 milliards d’euros intitulé Next Generation EU afin de répondre aux conséquences économiques de la pandémie de covid-19.
C’est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté, le 20 juin 2023, ses propositions pour une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Cette proposition s’explique en partie par la hausse des dépenses découlant du conflit ukrainien, par la tendance inflationniste actuelle dans l’ensemble de l’Europe, mais également par les besoins en matière de transition énergétique et numérique.
Pour tenir compte de ces effets, la Commission européenne a proposé une révision à la hausse du cadre financier pluriannuel de l’ordre de 66 milliards d’euros en crédits d’engagement sur la période 2024-2027. Ces nouveaux crédits devraient permettre de financer notamment deux dispositifs : une nouvelle facilité pour l’Ukraine, absolument nécessaire compte tenu de l’enlisement de ce conflit, et une plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe (Step). Le premier dispositif vise à participer à la reprise, à la reconstruction et à la modernisation de l’Ukraine, qui subit toujours les assauts de l’armée russe dans l’est de son territoire. Le groupe Union Centriste réaffirme le soutien indéfectible de la France à l’Ukraine contre l’agresseur russe. Quant à la plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe, elle a pour objectif de décarboner le secteur industriel afin d’atteindre la neutralité climatique de l’Union européenne à l’horizon de 2050.
Comme tout exercice budgétaire, le budget de l’Union européenne pour 2024 s’accompagne d’un lot de défis à relever.
Tout d’abord, l’instauration de nouvelles ressources propres est un impératif absolu. La Commission européenne a présenté, en juin dernier, une proposition relative à la nouvelle génération de ressources propres. Toutefois, il n’est pas certain que les recettes tirées desdites ressources soient suffisantes pour couvrir, à la fois, le remboursement du plan de relance et de ses intérêts et l’abondement du Fonds social pour le climat, un fonds absolument nécessaire pour accompagner la transition énergétique et climatique.
Je souhaite insister sur ce point. L’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre dans le territoire de l’Union européenne d’ici à 2030 se financera par l’affectation d’une partie des recettes tirées des nouvelles ressources propres au Fonds social pour le climat. Ces dernières seront donc parallèlement fléchées vers deux initiatives ambitieuses. C’est pourquoi la viabilité budgétaire et financière de cette architecture budgétaire doit susciter la vigilance de la Haute Assemblée.
En adoptant un prisme plus global, le budget de l’Union européenne doit être un outil au service des aspirations européennes ; je pense notamment à deux d’entre elles.
En premier lieu, il s’agit de renforcer la cohésion entre les États. Récemment, la Commission européenne a rappelé à l’ordre quatre États membres, dont la France, en raison du niveau élevé de leurs dépenses publiques. Le respect des règles budgétaires communes est l’un des piliers de la solidarité européenne.
En second lieu, cette solidarité s’entretient également par une convergence politique dans des secteurs stratégiques. À titre d’illustration, la nouvelle PAC a posé les fondations d’une agriculture différenciée entre les États, source de disparités économiques, tout en s’inscrivant dans une réduction de la production agricole, alors que la souveraineté alimentaire est un enjeu stratégique pour l’avenir des populations d’Europe.
Il y a donc encore du travail, même si dans d’autres domaines les efforts produisent des résultats. Je pense notamment à la future réforme du marché de l’électricité.
Comme le disait Jacques Delors après la crise des subprimes : « Après les pompiers, l’Union européenne attend les architectes ! » On assiste plutôt, pour l’instant, à la montée des populismes. Les derniers résultats constatés hier à l’occasion des élections législatives aux Pays-Bas démontrent le danger qui nous guette et qui risque de fragiliser et de fracturer l’Union européenne.
Il est temps que nous réaffirmions fermement nos convictions européennes ; contrairement à ce que j’ai entendu à cette tribune il y a quelques instants, l’Union européenne a agi : elle a garanti la paix, ce qui est extrêmement précieux quand on voit l’agression russe en Ukraine ou la situation au Moyen-Orient. Ne l’oublions jamais !
Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jacques Fernique applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la contribution de la France au budget de l’Union européenne représente un triple enjeu.
Tout d’abord, elle intervient au moment de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Elle intervient aussi avant les élections européennes. Enfin, elle doit prendre en compte le retour annoncé des règles du pacte de stabilité et de croissance. Ce débat vital autour du prélèvement européen, nos collègues députés en ont été privés, puisqu’ils ont été muselés par le 49.3.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cet article 33 ; notre engagement européen reste résolu. Cela étant dit, le débat d’aujourd’hui doit nécessairement prendre en compte les enjeux que j’ai énoncés.
L’Union européenne a été confrontée à des crises imprévisibles : la pandémie, l’inflation, la remontée des taux d’intérêt, l’approvisionnement difficile en énergie et évidemment la guerre en Ukraine. Ces crises lui ont certes permis de se renforcer – elles ont par exemple abouti au plan de relance et à un endettement commun résolu –, mais ces avancées reposent sur un financement instable, précaire : les contributions nationales.
Même un Européen résolu peut se demander où va l’Union et, avec l’élargissement, quels choix seront nécessaires pour faire évoluer les institutions et le budget. Bientôt, nous serons peut-être trente-six. Les défis, notamment climatiques, à relever sont immenses. Seul un projet européen ambitieux sera capable de les relever, mais un tel projet a un coût. On ne peut pas attendre toujours plus de l’Union européenne sur la santé, le soutien à l’Ukraine, le climat, la réindustrialisation, les politiques sociales, etc., tout cela à budget constant !
C’est vrai, la France ne bénéficie d’aucun rabais. Notre pays est même le principal financeur des rabais des autres. On sait aussi que, lorsque l’on rapporte l’ensemble des politiques d’aides européennes à la population de chaque pays, elle se situe à la vingt-troisième place. On sait également que le Fonds européen d’aide aux plus démunis est sous-consommé en France, alors qu’il y a urgence, notamment pour les Restos du cœur et les banques alimentaires. Dans un contexte où de nombreux ménages peinent à joindre les deux bouts, on comprend que notre contribution importante au budget européen puisse faire grincer des dents…
Non, la capacité budgétaire de l’Union ne peut pas reposer pour l’essentiel sur des contributions nationales instables, impopulaires et sans cesse marchandées. Une autre voie est possible et elle est plus que nécessaire, alors que dorénavant quasiment chaque élection en Europe enregistre des avancées de l’extrême droite anti-européenne.
Pour enrayer cette déconstruction de l’Union qui avance, il faut développer ses ressources propres. Aujourd’hui, elles représentent moins de 20 % du budget européen, contre plus de 70 % pour les contributions des États.
Avec les accords de libre-échange conclus depuis des décennies, la part des ressources douanières a considérablement diminué.
La France aurait tout à gagner à l’activation des ressources propres. Nous sommes le pays dont le solde net s’est le plus creusé et cela n’ira pas en s’arrangeant. Certes, notre contribution pour 2024 baisse et ne s’élèvera qu’à 21, 6 milliards d’euros, mais cette légère diminution n’est que temporaire ; notre contribution est amenée à augmenter au cours des prochaines années au regard du cadre financier pluriannuel. Notre enveloppe au titre du plan de relance européen a diminué de 2 milliards d’euros, tandis que le remboursement représentera 2, 4 milliards d’euros par an. En outre, alors que nous sommes le second contributeur net au budget de l’Union, notre déficit aggravé nous expose au risque de sanctions de la Commission européenne, qui souhaite imposer le retour aux règles du pacte de stabilité.
Pourtant, le Gouvernement ne pousse pas, au sein du Conseil, pour développer les ressources propres, loin de là. Par exemple, la taxe sur le numérique a été abandonnée par peur de représailles américaines, de même que la taxe sur les transactions financières, et il n’y a toujours pas d’avancée majeure sur le front de l’harmonisation fiscale ou de la définition d’une assise commune de l’impôt sur les sociétés. Que fait le Gouvernement au sein du Conseil pour hâter la mise en œuvre de ressources propres suffisantes ? Rien que la taxe sur les Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (Gafam) pourrait rapporter 4 milliards d’euros par an…
Vous l’aurez compris, faute de ressources propres, le plan de relance aggravera la dette des États membres, y compris celle de la France. L’austérité budgétaire serait donc l’horizon imposé aux peuples européens ! Grandes entreprises du numérique, transactions financières, assiette commune d’impôt sur les sociétés : les citoyens contribuables attendent de vous que vous fassiez participer au budget européen ceux qui profitent de l’Europe et des crises sans prendre part à l’effort collectif.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme du budget européen est une impérieuse nécessité. Tel est le cri des parlementaires européens, qui s’inquiètent de l’avenir des finances de l’Union, et pour cause : le cadre financier pluriannuel proposé par la Commission européenne en juin 2023 est au point mort, supplanté par les discussions autour du conflit au Proche-Orient.
Sans entrer dans les détails, disons que la Commission européenne propose d’amender à la marge le cadre financier en cours pour renforcer les aides à l’Ukraine, mettre en place une plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe et apporter 18 milliards d’euros de ressources supplémentaires afin de faire face aux migrations et de financer les traitements des fonctionnaires européens indexés.
Pourtant, même avec ces moyens supplémentaires, la contribution de la France au budget de l’Union européenne diminuerait de 3, 38 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023. C’est, mes chers collègues, ce que l’on appelle dans le jargon budgétaire une baisse conjoncturelle. J’y vois pour ma part une baisse en trompe-l’œil, qui saura se rappeler à nous en temps voulu.
C’est un trompe-l’œil, d’abord, parce que cette baisse correspond aux retards importants dans la mise en œuvre de la politique de cohésion. Ces retards de déploiement se traduisent par une baisse des paiements de 37 milliards d’euros du Fonds européen de développement régional (Feder), du Fonds de cohésion, du Fonds social européen (FSE) et par une baisse de 3 milliards d’euros du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Les documents annexés sont clairs, il y aura un rattrapage ! Le sentiment anti-européen fustigeant les institutions est nourri par ces reculs, par ces tergiversations et par l’impression que la solidarité européenne est au point mort.
C’est un trompe-l’œil, ensuite, parce que les ressources budgétaires consacrées au remboursement de l’emprunt du volet subvention du plan Next Generation EU, pour la bagatelle de 390 milliards d’euros, avaient été financées sur la base d’hypothèses de taux d’intérêt aujourd’hui dépassées. En quelque sorte, la question du financement était mise sous le tapis et l’endettement apparaît comme une sorte de fuite en avant. Les taux ne s’étalent plus de 0, 55 % en 2021 à 1, 15 % en 2027 : ils sont déjà supérieurs à 3 % ! Et que dire des financements indispensables au Fonds social pour le climat, qui permettrait une transition écologique socialement juste, alors qu’un nouveau marché carbone heurtera de plein fouet les ménages, avec une forte hausse des coûts des transports et du chauffage dans les bâtiments ? Sans contrepartie sociale, la transition écologique sera vaine.
D’ailleurs, les choses pourraient se compliquer dans cinq ans. Un chercheur estime que, en l’état des émissions, « en 2032, la Commission devrait engager des procédures d’infraction contre près de vingt États membres » pour se conformer aux objectifs du Pacte vert. C’est un véritable séisme social qui s’annonce, et non pas de simples secousses.
En vérité, c’est au moment du débat, le 4 février 2021, sur l’approbation de la décision du Conseil portant sur les ressources propres, que vous avez votée, mes chers collègues, que se posait l’avenir financier de l’Union. Une contribution sur le plastique pour solde de tout compte et ce furent 1, 5 milliard d’euros de moins à verser ; pour le reste, seulement des promesses de travail, si bien qu’en juin 2023 la Commission européenne rendait une nouvelle copie avec des solutions à la marge…
Il faut que la France revienne sur la règle de l’unanimité. C’est impératif pour ne pas voir le projet européen mourir et pour empêcher les blocages systématiques.
Au passage, où en est-on de la taxation des transactions financières, qui pourrait singulièrement soulager les contributions des États membres en créant une ressource assise sur la spéculation, qui va toujours bon train ? Il y a ce qui relève des mécanismes institutionnels et ce qui relève de l’ambition politique, les deux n’allant pas toujours de pair. La Commission européenne le proposait dans la décision sur les ressources propres que vous avez votée, je le répète. N’ayez pas la mémoire courte, l’impasse budgétaire est proche. Il faut changer de direction, sinon l’Union courra un grave péril.
Le groupe CRCE-K votera contre ces crédits, qui empêchent d’assumer l’exigence climatique du Pacte vert et de concrétiser la cohésion européenne, en l’absence de toute taxation sur le capital.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.
Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au détour d’un seul article, ce sont presque 22 milliards d’euros qui sont budgétés dans ce projet de loi de finances 2024, au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Nos collègues l’ont rappelé : la baisse de cette contribution par rapport à celle de 2023 n’est que provisoire au regard des engagements à venir, que ce soit dans le cadre du plan de relance européen ou pour tirer les conséquences de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel en cours.
L’évolution tendancielle habituellement à la hausse de cette clé de contribution fait souvent débat. Pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, profondément attaché au projet européen, la question ne se pose pas, ni sur le principe ni sur le fond.
Sur le principe, je rappelle que le prélèvement européen est bien plus qu’un acte financier : il est une déclaration tangible en faveur d’une Europe résiliente, solidaire et souveraine. La gestion collective du covid-19, le soutien partagé à l’Ukraine et l’effort concerté de réduction de la dépendance énergétique en sont l’illustration.
Sur le fond, faut-il rappeler que, si notre pays est le deuxième contributeur net, il est aussi depuis toujours l’un des principaux bénéficiaires des dépenses de l’Union ? Ces dépenses irriguent bon nombre de nos politiques publiques, en particulier dans un secteur dit traditionnel. Je pense, bien entendu, à la PAC, sans laquelle notre modèle agricole n’aurait peut-être pas fait sa mue structurelle pour viser l’objectif incontournable de transition écologique. Je n’oublie pas non plus l’importance des instruments de gestion de crise, même si, bien entendu, on peut toujours faire mieux. Je pense en particulier à la pêche : sans doute celle-ci devrait-elle être plus soutenue, mais l’Europe est intervenue pour qu’elle soit plus durable, dans les régions côtières et dans les régions ultrapériphériques.
Pour autant, tous les citoyens européens ne mesurent pas les efforts des institutions européennes pour gérer les crises et relever les grands défis de long terme que chacun des États membres ne pourrait pas affronter seul. Depuis deux ans, pour un total de 490 milliards d’euros, le Conseil européen a validé vingt-cinq plans de relance, dont notre fameux plan national de relance et de résilience (PNRR) et celui des Pays-Bas en 2022…
À cet égard, la menace de l’organisation, dans ce pays, d’un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne se précise avec la percée hier, aux législatives, du parti pour la liberté de Geert Wilders ; cela doit soulever des questions. Est-ce un manque de pédagogie ? Oui, le règlement de Dublin n’est pas parfait ; oui, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) n’a pas forcément les moyens de ses missions ; mais quel État membre peut-il prétendre mieux régler tout seul l’immense défi migratoire qui est devant nous ? Il n’y a qu’à observer le Royaume-Uni se débattre avec cette question depuis trois ans… Est-ce un manque de moyens ? Sans doute, mais pourra-t-on faire plus que les 1 824 milliards d’euros du CFP 2021-2027, augmentés du plan Next Generation EU ?
Par ailleurs, nous voyons bien que la question de la dette de l’Union européenne refait surface, avec une échéance de début de remboursement à l’horizon de 2028. Allons-nous assister une nouvelle fois à la pression des « frugaux » pour un retour à l’orthodoxie budgétaire ? Cet axe fragiliserait une reprise européenne déjà bien atone. La seule issue – le groupe RDSE l’a toujours défendue –, c’est celle de la recherche de ressources propres. Allons chercher l’argent là où il se trouve !
Je me réjouis de voir que la Commission européenne a présenté en juin dernier un projet de nouvelles ressources propres qui pourraient alimenter le budget européen à hauteur de 36 milliards d’euros par an. Oui aux mécanismes d’ajustement carbone aux frontières ! Oui au levier fondé sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises ! Et je n’oublie pas l’accord multilatéral de l’OCDE et du G20 sur la fiscalité internationale arraché après des années de lutte.
Pour conclure, j’émettrai un reproche : tout cela est bien long et bien lent ! Le Conseil européen avance à petits pas, au risque de voir le paysage politique européen se fracturer encore un peu plus au fil des années. Néanmoins, notre groupe votera pour l’article 33, en faveur d’une Europe que nous voulons toujours plus solidaire et plus convaincante.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Grégory Blanc applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, point de suspense inutile : le groupe RDPI votera unanimement en faveur de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024. Cet article est peut-être un peu méconnu de nos concitoyens, mais il est fondamental à maints égards pour notre pays et l’Union européenne.
Ce vote positif est motivé par une profonde conviction européenne et par une volonté de cohérence politique. Nous sommes viscéralement attachés à la construction européenne et nous pensons que l’avenir de notre pays est indissociable de la capacité des pays de l’Union européenne à affronter solidairement les défis économiques, sécuritaires, énergétiques et écologiques auxquels ils sont confrontés. Il ne s’agit pas d’une création ex nihilo. J’ai en tête les mots du grand penseur Denis de Rougemont : « L’Europe unie n’est pas un expédient moderne, économique ou politique, mais c’est un idéal qu’approuvent depuis mille ans tous ses meilleurs esprits, ceux qui ont vu loin. »
Sur la cohérence politique, je dirai d’abord que nous sommes encore et toujours les défenseurs de ces deux lettres, U et E, pour Union européenne, au moment où elles sont le bouc émissaire commode de certains. Nous l’avons encore vu cette semaine avec les élections aux Pays-Bas, qui ont beaucoup tourné autour du sujet migratoire. C’est le moment de dire que, justement, la révision du cadre financier pluriannuel prévoit le renforcement du budget de l’UE à hauteur de 18 milliards d’euros pour faire face aux dimensions externe et interne de ces migrations et conclure des partenariats avec des pays tiers clés. C’est bien aussi à cette échelle-là que nous aurons les moyens de traiter les racines profondes de cette question.
Cohérence politique aussi, ensuite, parce que nous avons toujours plaidé pour un changement de dimension de l’Union européenne, qui doit devenir plus stratégique, avec des moyens renforcés. Souvenons-nous de l’énergie que le Président de la République a dû déployer pour obtenir le plan de relance européen, qui acte un premier changement, avec un recours pour partie à l’emprunt. Grâce à cela, nous ne sommes plus l’Europe des naïfs. Nous avons les moyens de nous doter d’un certain nombre d’instruments pour bien figurer au premier rang de la compétition mondiale.
Certes, la France contribuera à hauteur de 21, 6 milliards d’euros en 2024, mais songez à l’effet de levier qui agira en retour sur nos politiques publiques. C’est considérable : ainsi, sur 100 milliards d’euros du plan de relance français, 40 milliards proviennent de l’UE, 30 % étant consacrés à l’action en faveur du climat. L’Europe nous entraîne ainsi dans une logique de transformation tout à fait opportune.
Enfin, s’il y a ce qui se voit, il y a aussi ce qui ne se voit pas dans le budget. Beaucoup de dépenses européennes contribuent ainsi au meilleur fonctionnement de nos territoires, de notre pays. Je pense naturellement à la PAC, mais aussi à un certain nombre de fonds de cohésion. À cet égard, nous devons faire un effort de communication pour que tout un chacun voie que l’Europe près de chez lui est une réalité tangible et accessible. Aucun canton de France n’est privé des vertus des crédits européens !
Pour conclure, je veux saluer, dans la proposition de révision du cadre financier pluriannuel, le renforcement de l’action au soutien de l’Ukraine, avec la facilité de 50 milliards d’euros, ainsi que le projet de plateforme Step, qui nous permet d’avancer dans la maîtrise de technologies critiques. Vous le voyez, l’adoption de ce budget est essentielle pour nous donner les moyens d’influer plus efficacement sur la marche du monde et pour relever tous ensemble les défis de long terme auxquels nous sommes confrontés.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la commissaire des affaires européennes, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de saluer le travail de M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial pour la participation de la France au budget de l’Union européenne, et du rapporteur général, ainsi que la qualité des débats en commission des finances, le 31 octobre dernier.
C’est évidemment toujours un plaisir de me retrouver ici, au Sénat, pour vous demander, au nom du Gouvernement, d’autoriser le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne pour l’année 2024. Vous l’avez souligné, il s’élèverait à 21, 6 milliards d’euros, un montant inférieur à celui de 2023. Il est très proche de celui que nous connaissions avant la pandémie de covid-19.
La France étant deuxième contributeur au budget de l’Union, sa participation est évidemment clé pour la mise en œuvre de l’accord entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget 2024. Plus largement, et plus gravement, alors que la France et l’Europe font face à une somme inédite de défis, elle est essentielle pour permettre à l’Union européenne d’avancer et de répondre aux priorités que sont les crises géopolitiques, les flux migratoires et les défis de la transition écologique. La contribution française n’a d’autre vocation que de permettre la réalisation de ce projet global.
Monsieur le rapporteur spécial, monsieur Capus, monsieur Fernique, vous avez mentionné la révision en cours du cadre financier pluriannuel. C’est bien par ce biais que nous allons assurer la pérennisation d’aides à l’Ukraine, au travers de la proposition de facilité pour l’Ukraine sur la période 2024-2027. À ce sujet, vous vous êtes inquiétés d’éventuels amendements au projet de loi de finances pour le prélèvement sur recettes. Je vous rassure, il n’y en aura pas, parce que les négociations du cadre financier pluriannuel sont toujours en cours. À ce stade, il demeure encore trop d’incertitudes, la seule certitude étant que l’effet de cet accord sera mineur sur le budget 2024.
Vous m’avez aussi interrogée sur les priorités de la révision du CFP. Je viens de le dire, le soutien à l’Ukraine est la première d’entre elles. Je rappelle à cet égard que nos prêts à ce pays sont garantis par le budget de l’Union européenne.
Ensuite, le budget européen permettra également de financer la réponse européenne aux défis migratoires. Ces financements doivent permettre la mise en œuvre du Pacte sur la migration et l’asile, au sujet duquel un accord doit impérativement être trouvé avant la fin de la législature actuelle du Parlement européen. Ils doivent également servir à renforcer nos partenariats avec les pays tiers, notamment les pays d’origine et de transit des flux migratoires.
Je veux aussi rappeler ce que signifie en pratique notre contribution au budget européen. Celle-ci permet à l’Europe de disposer des moyens nécessaires à la mise en œuvre des politiques communes, qui agissent directement au service de notre pays et de nos concitoyens. Je pense d’abord à la politique agricole commune, mais aussi aux programmes pour la jeunesse ou au financement de la transition écologique.
Avec le budget européen, nous finançons la PAC. Vous avez été nombreux à le rappeler, nous sommes de loin le premier bénéficiaire de cette politique, qui représente 31 % du budget de l’Union européenne et assure à la France un retour de près de 9, 5 milliards par an. Financer le prélèvement sur recettes, c’est donc aussi financer notre agriculture. Et c’est mieux qu’un rabais, puisque nous en sommes les premiers bénéficiaires ! Pour mémoire, je précise que l’Allemagne paie deux fois plus, contribue à 25 % du budget européen et reçoit, en net, deux fois moins que la France. Cela s’appelle la solidarité…
Avec le budget européen, nous renforçons aussi la résilience de notre économie, notamment grâce à la politique de cohésion et au plan de relance qui a été adopté lors de la crise sanitaire. Le plan de relance européen assure ainsi à la France 40, 3 milliards d’euros de subventions jusqu’en 2026. La Commission européenne vient en outre d’approuver, vendredi 17 novembre dernier, le versement, avant la fin de l’année, de 10, 3 milliards d’euros au titre de la deuxième demande de décaissement. Ces financements, vous ne l’ignorez pas, monsieur Fernique, monsieur Arnaud, contribueront grandement à accélérer la transition verte en France.
Plus largement, le budget européen est un levier essentiel pour atteindre nos objectifs de souveraineté européenne, comme l’a rappelé le Président de la République lors du sommet de Versailles, et comme vient aussi de le faire M. le sénateur Lemoyne, que je veux remercier. La mise en œuvre de l’agenda de Versailles doit permettre de réduire nos dépendances dans tous les secteurs critiques en renforçant la production et la puissance européennes, avec des objectifs chiffrés à l’horizon 2030. Nous pouvons nous réjouir à ce titre de l’accord obtenu en trilogue, le 13 novembre dernier, sur l’une des législations issues de l’agenda de Versailles, le Critical Raw Materials Act.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ses 440 millions de citoyens, l’Europe est un moyen pour la France de peser beaucoup plus dans le monde quand il s’agit de négocier des accords commerciaux ou des investissements stratégiques tels que le Critical Raw Materials Act.
Par ailleurs, j’ai entendu vos remarques et inquiétudes sur la capacité de l’Union à trouver de nouvelles ressources propres. Vous avez été nombreux à évoquer ce problème, notamment M. le rapporteur spécial, ainsi que Mmes les sénatrices Girardin, Blatrix Contat et Lavarde.
La France est favorable, vous le savez, à la mise en place de ces nouvelles ressources. Sur le plan politique, elles nous permettront de sortir de la logique délétère d’examen des taux de retour et, sur le plan financier, elles nous mettraient à l’abri d’un ressaut de nos contributions nationales pour rembourser le plan de relance européen. La présidence espagnole poursuit en ce moment des travaux à cet égard.
Les nouvelles ressources, notamment celles qui concernent le marché carbone européen (EU Emission Trading System, ou ETS) et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, sont estimées en moyenne à 36 milliards d’euros par an à partir de 2028, ce qui serait suffisant pour le remboursement du plan de relance et pour le Fonds social pour le climat.
Il faut s’en féliciter, la France est leader dans la construction d’une Europe puissante et souveraine. Elle a à cœur de défendre les intérêts de l’UE et a su jouer un rôle essentiel au cœur des crises, notamment, comme vous l’avez rappelé, pour le plan de relance Next Generation EU.
Je veux désormais m’adresser à M. Durox. Vous me peinez, monsieur le sénateur, car vous cachez à vos électeurs les enjeux auxquels nous devons faire face, qui ont été maintes fois rappelés : menaces russes, ingérence chinoise, repli possible des États-Unis. Il est évident que l’Union européenne nous apporte des bénéfices en matière de sécurité, car la défense ne peut être que nationale.
Nous retirons également des bénéfices en matière commerciale – à 440 millions de citoyens, nous sommes bien plus forts qu’à 60 millions –, ainsi qu’en matière de climat, la transition énergétique ne pouvant pas se faire isolément, car elle serait à la fois plus difficile et plus coûteuse. Et il y aurait tant d’autres bienfaits de l’Europe à énumérer. Comme l’a dit M. le sénateur Capus, l’Europe est un levier pour nous rendre plus forts, plus souverains et plus puissants.
M. Joshua Hochart s ’ exclame.
En conclusion, je me réjouis que l’examen de notre contribution au budget européen soit l’occasion d’avoir ce débat démocratique sur les priorités européennes et sur la manière dont la France entend y répondre et y contribuer.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2024 à 21 609 624 014 €.
L ’ article 33 est adopté.
Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du lundi 18 décembre, sous réserve de sa transmission par l’Assemblée nationale, de la proposition de loi visant à prolonger en 2024 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables.
Il demande également l’inversion de l’ordre d’examen de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie et de celle sur la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, prévues le même jour.
En outre, il complète l’ordre du jour du jeudi 21 décembre le matin, avec l’inscription, sous réserve de leur dépôt, de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire ou de la nouvelle lecture sur la proposition de loi relative au titre-restaurant.
Acte est donné de cette demande.
En conséquence, pour ce texte, nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements en séance le vendredi 15 décembre à douze heures et le délai limite d’inscription des orateurs dans la discussion générale sur ce texte le même jour à quinze heures.
Par ailleurs, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à prolonger en 2024 le dispositif exceptionnel d’utilisation des titres-restaurants pour soutenir le pouvoir d’achat seraient retirés de l’ordre du jour du mardi 12 décembre.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 24 novembre 2023 :
À seize heures et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (texte n° 127, 2023-2024) ;
Suite de l’examen des articles de la première partie.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante.