Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024 porte sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Ce prélèvement sur recettes du budget de l’État représente un montant de 21, 6 milliards d’euros auquel il faut ajouter les droits de douane. Ces derniers étant estimés à 2, 33 milliards d’euros net des frais de perception, la contribution française serait donc de 23, 94 milliards d’euros environ pour l’année 2024.
Si nous pouvons constater une baisse relative de cette contribution entre 2023 et 2024, il s’agit, en réalité, d’une stabilisation conjoncturelle en vue de futurs engagements financiers, notre pays demeurant d’ailleurs le deuxième contributeur derrière l’Allemagne.
Néanmoins, ces données, en apparence intéressantes, ne doivent pas occulter certains facteurs politiques et économiques favorisant la hausse systématique, voire systémique, de la contribution française par rapport au cadre financier pluriannuel précédent. Il y a, par exemple, les difficultés pour analyser l’impact de la nouvelle taxe plastique mise en place en 2021 ou encore les effets des différents rabais négociés par cinq États membres – l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark. Ce dernier point doit particulièrement faire l’objet de notre attention. À une époque où l’idée de solidarité européenne est usée à tout-va, ces dérogations budgétaires tendent toujours à favoriser la défiance, voire la mésentente entre les États membres.
Le budget de l’Union européenne pour l’année 2024 s’élève, quant à lui, à 142, 6 milliards d’euros en crédits de paiement et à 189, 4 milliards d’euros en crédits d’engagement. Pour rappel, ce budget s’inscrit dans un cadre pluriannuel fixé pour sept ans. Il permet de prévoir à moyen terme là où l’Union européenne doit concentrer ses dépenses ; il fixe ainsi les montants maximaux sur lesquels elle peut s’engager chaque année pour financer ses politiques. Pour la période 2021-2027, ce plafond a été fixé à 1 074, 3 milliards d’euros et s’accompagne d’un plan de relance inédit de 750 milliards d’euros intitulé Next Generation EU afin de répondre aux conséquences économiques de la pandémie de covid-19.
C’est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté, le 20 juin 2023, ses propositions pour une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Cette proposition s’explique en partie par la hausse des dépenses découlant du conflit ukrainien, par la tendance inflationniste actuelle dans l’ensemble de l’Europe, mais également par les besoins en matière de transition énergétique et numérique.
Pour tenir compte de ces effets, la Commission européenne a proposé une révision à la hausse du cadre financier pluriannuel de l’ordre de 66 milliards d’euros en crédits d’engagement sur la période 2024-2027. Ces nouveaux crédits devraient permettre de financer notamment deux dispositifs : une nouvelle facilité pour l’Ukraine, absolument nécessaire compte tenu de l’enlisement de ce conflit, et une plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe (Step). Le premier dispositif vise à participer à la reprise, à la reconstruction et à la modernisation de l’Ukraine, qui subit toujours les assauts de l’armée russe dans l’est de son territoire. Le groupe Union Centriste réaffirme le soutien indéfectible de la France à l’Ukraine contre l’agresseur russe. Quant à la plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe, elle a pour objectif de décarboner le secteur industriel afin d’atteindre la neutralité climatique de l’Union européenne à l’horizon de 2050.
Comme tout exercice budgétaire, le budget de l’Union européenne pour 2024 s’accompagne d’un lot de défis à relever.
Tout d’abord, l’instauration de nouvelles ressources propres est un impératif absolu. La Commission européenne a présenté, en juin dernier, une proposition relative à la nouvelle génération de ressources propres. Toutefois, il n’est pas certain que les recettes tirées desdites ressources soient suffisantes pour couvrir, à la fois, le remboursement du plan de relance et de ses intérêts et l’abondement du Fonds social pour le climat, un fonds absolument nécessaire pour accompagner la transition énergétique et climatique.
Je souhaite insister sur ce point. L’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre dans le territoire de l’Union européenne d’ici à 2030 se financera par l’affectation d’une partie des recettes tirées des nouvelles ressources propres au Fonds social pour le climat. Ces dernières seront donc parallèlement fléchées vers deux initiatives ambitieuses. C’est pourquoi la viabilité budgétaire et financière de cette architecture budgétaire doit susciter la vigilance de la Haute Assemblée.
En adoptant un prisme plus global, le budget de l’Union européenne doit être un outil au service des aspirations européennes ; je pense notamment à deux d’entre elles.
En premier lieu, il s’agit de renforcer la cohésion entre les États. Récemment, la Commission européenne a rappelé à l’ordre quatre États membres, dont la France, en raison du niveau élevé de leurs dépenses publiques. Le respect des règles budgétaires communes est l’un des piliers de la solidarité européenne.
En second lieu, cette solidarité s’entretient également par une convergence politique dans des secteurs stratégiques. À titre d’illustration, la nouvelle PAC a posé les fondations d’une agriculture différenciée entre les États, source de disparités économiques, tout en s’inscrivant dans une réduction de la production agricole, alors que la souveraineté alimentaire est un enjeu stratégique pour l’avenir des populations d’Europe.
Il y a donc encore du travail, même si dans d’autres domaines les efforts produisent des résultats. Je pense notamment à la future réforme du marché de l’électricité.
Comme le disait Jacques Delors après la crise des subprimes : « Après les pompiers, l’Union européenne attend les architectes ! » On assiste plutôt, pour l’instant, à la montée des populismes. Les derniers résultats constatés hier à l’occasion des élections législatives aux Pays-Bas démontrent le danger qui nous guette et qui risque de fragiliser et de fracturer l’Union européenne.
Il est temps que nous réaffirmions fermement nos convictions européennes ; contrairement à ce que j’ai entendu à cette tribune il y a quelques instants, l’Union européenne a agi : elle a garanti la paix, ce qui est extrêmement précieux quand on voit l’agression russe en Ukraine ou la situation au Moyen-Orient. Ne l’oublions jamais !