Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la contribution de la France au budget de l’Union européenne représente un triple enjeu.
Tout d’abord, elle intervient au moment de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Elle intervient aussi avant les élections européennes. Enfin, elle doit prendre en compte le retour annoncé des règles du pacte de stabilité et de croissance. Ce débat vital autour du prélèvement européen, nos collègues députés en ont été privés, puisqu’ils ont été muselés par le 49.3.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cet article 33 ; notre engagement européen reste résolu. Cela étant dit, le débat d’aujourd’hui doit nécessairement prendre en compte les enjeux que j’ai énoncés.
L’Union européenne a été confrontée à des crises imprévisibles : la pandémie, l’inflation, la remontée des taux d’intérêt, l’approvisionnement difficile en énergie et évidemment la guerre en Ukraine. Ces crises lui ont certes permis de se renforcer – elles ont par exemple abouti au plan de relance et à un endettement commun résolu –, mais ces avancées reposent sur un financement instable, précaire : les contributions nationales.
Même un Européen résolu peut se demander où va l’Union et, avec l’élargissement, quels choix seront nécessaires pour faire évoluer les institutions et le budget. Bientôt, nous serons peut-être trente-six. Les défis, notamment climatiques, à relever sont immenses. Seul un projet européen ambitieux sera capable de les relever, mais un tel projet a un coût. On ne peut pas attendre toujours plus de l’Union européenne sur la santé, le soutien à l’Ukraine, le climat, la réindustrialisation, les politiques sociales, etc., tout cela à budget constant !
C’est vrai, la France ne bénéficie d’aucun rabais. Notre pays est même le principal financeur des rabais des autres. On sait aussi que, lorsque l’on rapporte l’ensemble des politiques d’aides européennes à la population de chaque pays, elle se situe à la vingt-troisième place. On sait également que le Fonds européen d’aide aux plus démunis est sous-consommé en France, alors qu’il y a urgence, notamment pour les Restos du cœur et les banques alimentaires. Dans un contexte où de nombreux ménages peinent à joindre les deux bouts, on comprend que notre contribution importante au budget européen puisse faire grincer des dents…
Non, la capacité budgétaire de l’Union ne peut pas reposer pour l’essentiel sur des contributions nationales instables, impopulaires et sans cesse marchandées. Une autre voie est possible et elle est plus que nécessaire, alors que dorénavant quasiment chaque élection en Europe enregistre des avancées de l’extrême droite anti-européenne.
Pour enrayer cette déconstruction de l’Union qui avance, il faut développer ses ressources propres. Aujourd’hui, elles représentent moins de 20 % du budget européen, contre plus de 70 % pour les contributions des États.
Avec les accords de libre-échange conclus depuis des décennies, la part des ressources douanières a considérablement diminué.
La France aurait tout à gagner à l’activation des ressources propres. Nous sommes le pays dont le solde net s’est le plus creusé et cela n’ira pas en s’arrangeant. Certes, notre contribution pour 2024 baisse et ne s’élèvera qu’à 21, 6 milliards d’euros, mais cette légère diminution n’est que temporaire ; notre contribution est amenée à augmenter au cours des prochaines années au regard du cadre financier pluriannuel. Notre enveloppe au titre du plan de relance européen a diminué de 2 milliards d’euros, tandis que le remboursement représentera 2, 4 milliards d’euros par an. En outre, alors que nous sommes le second contributeur net au budget de l’Union, notre déficit aggravé nous expose au risque de sanctions de la Commission européenne, qui souhaite imposer le retour aux règles du pacte de stabilité.
Pourtant, le Gouvernement ne pousse pas, au sein du Conseil, pour développer les ressources propres, loin de là. Par exemple, la taxe sur le numérique a été abandonnée par peur de représailles américaines, de même que la taxe sur les transactions financières, et il n’y a toujours pas d’avancée majeure sur le front de l’harmonisation fiscale ou de la définition d’une assise commune de l’impôt sur les sociétés. Que fait le Gouvernement au sein du Conseil pour hâter la mise en œuvre de ressources propres suffisantes ? Rien que la taxe sur les Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (Gafam) pourrait rapporter 4 milliards d’euros par an…
Vous l’aurez compris, faute de ressources propres, le plan de relance aggravera la dette des États membres, y compris celle de la France. L’austérité budgétaire serait donc l’horizon imposé aux peuples européens ! Grandes entreprises du numérique, transactions financières, assiette commune d’impôt sur les sociétés : les citoyens contribuables attendent de vous que vous fassiez participer au budget européen ceux qui profitent de l’Europe et des crises sans prendre part à l’effort collectif.