Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme du budget européen est une impérieuse nécessité. Tel est le cri des parlementaires européens, qui s’inquiètent de l’avenir des finances de l’Union, et pour cause : le cadre financier pluriannuel proposé par la Commission européenne en juin 2023 est au point mort, supplanté par les discussions autour du conflit au Proche-Orient.
Sans entrer dans les détails, disons que la Commission européenne propose d’amender à la marge le cadre financier en cours pour renforcer les aides à l’Ukraine, mettre en place une plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe et apporter 18 milliards d’euros de ressources supplémentaires afin de faire face aux migrations et de financer les traitements des fonctionnaires européens indexés.
Pourtant, même avec ces moyens supplémentaires, la contribution de la France au budget de l’Union européenne diminuerait de 3, 38 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023. C’est, mes chers collègues, ce que l’on appelle dans le jargon budgétaire une baisse conjoncturelle. J’y vois pour ma part une baisse en trompe-l’œil, qui saura se rappeler à nous en temps voulu.
C’est un trompe-l’œil, d’abord, parce que cette baisse correspond aux retards importants dans la mise en œuvre de la politique de cohésion. Ces retards de déploiement se traduisent par une baisse des paiements de 37 milliards d’euros du Fonds européen de développement régional (Feder), du Fonds de cohésion, du Fonds social européen (FSE) et par une baisse de 3 milliards d’euros du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Les documents annexés sont clairs, il y aura un rattrapage ! Le sentiment anti-européen fustigeant les institutions est nourri par ces reculs, par ces tergiversations et par l’impression que la solidarité européenne est au point mort.
C’est un trompe-l’œil, ensuite, parce que les ressources budgétaires consacrées au remboursement de l’emprunt du volet subvention du plan Next Generation EU, pour la bagatelle de 390 milliards d’euros, avaient été financées sur la base d’hypothèses de taux d’intérêt aujourd’hui dépassées. En quelque sorte, la question du financement était mise sous le tapis et l’endettement apparaît comme une sorte de fuite en avant. Les taux ne s’étalent plus de 0, 55 % en 2021 à 1, 15 % en 2027 : ils sont déjà supérieurs à 3 % ! Et que dire des financements indispensables au Fonds social pour le climat, qui permettrait une transition écologique socialement juste, alors qu’un nouveau marché carbone heurtera de plein fouet les ménages, avec une forte hausse des coûts des transports et du chauffage dans les bâtiments ? Sans contrepartie sociale, la transition écologique sera vaine.
D’ailleurs, les choses pourraient se compliquer dans cinq ans. Un chercheur estime que, en l’état des émissions, « en 2032, la Commission devrait engager des procédures d’infraction contre près de vingt États membres » pour se conformer aux objectifs du Pacte vert. C’est un véritable séisme social qui s’annonce, et non pas de simples secousses.
En vérité, c’est au moment du débat, le 4 février 2021, sur l’approbation de la décision du Conseil portant sur les ressources propres, que vous avez votée, mes chers collègues, que se posait l’avenir financier de l’Union. Une contribution sur le plastique pour solde de tout compte et ce furent 1, 5 milliard d’euros de moins à verser ; pour le reste, seulement des promesses de travail, si bien qu’en juin 2023 la Commission européenne rendait une nouvelle copie avec des solutions à la marge…
Il faut que la France revienne sur la règle de l’unanimité. C’est impératif pour ne pas voir le projet européen mourir et pour empêcher les blocages systématiques.
Au passage, où en est-on de la taxation des transactions financières, qui pourrait singulièrement soulager les contributions des États membres en créant une ressource assise sur la spéculation, qui va toujours bon train ? Il y a ce qui relève des mécanismes institutionnels et ce qui relève de l’ambition politique, les deux n’allant pas toujours de pair. La Commission européenne le proposait dans la décision sur les ressources propres que vous avez votée, je le répète. N’ayez pas la mémoire courte, l’impasse budgétaire est proche. Il faut changer de direction, sinon l’Union courra un grave péril.
Le groupe CRCE-K votera contre ces crédits, qui empêchent d’assumer l’exigence climatique du Pacte vert et de concrétiser la cohésion européenne, en l’absence de toute taxation sur le capital.