Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au détour d’un seul article, ce sont presque 22 milliards d’euros qui sont budgétés dans ce projet de loi de finances 2024, au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Nos collègues l’ont rappelé : la baisse de cette contribution par rapport à celle de 2023 n’est que provisoire au regard des engagements à venir, que ce soit dans le cadre du plan de relance européen ou pour tirer les conséquences de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel en cours.
L’évolution tendancielle habituellement à la hausse de cette clé de contribution fait souvent débat. Pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, profondément attaché au projet européen, la question ne se pose pas, ni sur le principe ni sur le fond.
Sur le principe, je rappelle que le prélèvement européen est bien plus qu’un acte financier : il est une déclaration tangible en faveur d’une Europe résiliente, solidaire et souveraine. La gestion collective du covid-19, le soutien partagé à l’Ukraine et l’effort concerté de réduction de la dépendance énergétique en sont l’illustration.
Sur le fond, faut-il rappeler que, si notre pays est le deuxième contributeur net, il est aussi depuis toujours l’un des principaux bénéficiaires des dépenses de l’Union ? Ces dépenses irriguent bon nombre de nos politiques publiques, en particulier dans un secteur dit traditionnel. Je pense, bien entendu, à la PAC, sans laquelle notre modèle agricole n’aurait peut-être pas fait sa mue structurelle pour viser l’objectif incontournable de transition écologique. Je n’oublie pas non plus l’importance des instruments de gestion de crise, même si, bien entendu, on peut toujours faire mieux. Je pense en particulier à la pêche : sans doute celle-ci devrait-elle être plus soutenue, mais l’Europe est intervenue pour qu’elle soit plus durable, dans les régions côtières et dans les régions ultrapériphériques.
Pour autant, tous les citoyens européens ne mesurent pas les efforts des institutions européennes pour gérer les crises et relever les grands défis de long terme que chacun des États membres ne pourrait pas affronter seul. Depuis deux ans, pour un total de 490 milliards d’euros, le Conseil européen a validé vingt-cinq plans de relance, dont notre fameux plan national de relance et de résilience (PNRR) et celui des Pays-Bas en 2022…
À cet égard, la menace de l’organisation, dans ce pays, d’un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne se précise avec la percée hier, aux législatives, du parti pour la liberté de Geert Wilders ; cela doit soulever des questions. Est-ce un manque de pédagogie ? Oui, le règlement de Dublin n’est pas parfait ; oui, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) n’a pas forcément les moyens de ses missions ; mais quel État membre peut-il prétendre mieux régler tout seul l’immense défi migratoire qui est devant nous ? Il n’y a qu’à observer le Royaume-Uni se débattre avec cette question depuis trois ans… Est-ce un manque de moyens ? Sans doute, mais pourra-t-on faire plus que les 1 824 milliards d’euros du CFP 2021-2027, augmentés du plan Next Generation EU ?
Par ailleurs, nous voyons bien que la question de la dette de l’Union européenne refait surface, avec une échéance de début de remboursement à l’horizon de 2028. Allons-nous assister une nouvelle fois à la pression des « frugaux » pour un retour à l’orthodoxie budgétaire ? Cet axe fragiliserait une reprise européenne déjà bien atone. La seule issue – le groupe RDSE l’a toujours défendue –, c’est celle de la recherche de ressources propres. Allons chercher l’argent là où il se trouve !
Je me réjouis de voir que la Commission européenne a présenté en juin dernier un projet de nouvelles ressources propres qui pourraient alimenter le budget européen à hauteur de 36 milliards d’euros par an. Oui aux mécanismes d’ajustement carbone aux frontières ! Oui au levier fondé sur l’excédent brut d’exploitation des entreprises ! Et je n’oublie pas l’accord multilatéral de l’OCDE et du G20 sur la fiscalité internationale arraché après des années de lutte.
Pour conclure, j’émettrai un reproche : tout cela est bien long et bien lent ! Le Conseil européen avance à petits pas, au risque de voir le paysage politique européen se fracturer encore un peu plus au fil des années. Néanmoins, notre groupe votera pour l’article 33, en faveur d’une Europe que nous voulons toujours plus solidaire et plus convaincante.