Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la commissaire des affaires européennes, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de saluer le travail de M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial pour la participation de la France au budget de l’Union européenne, et du rapporteur général, ainsi que la qualité des débats en commission des finances, le 31 octobre dernier.
C’est évidemment toujours un plaisir de me retrouver ici, au Sénat, pour vous demander, au nom du Gouvernement, d’autoriser le prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne pour l’année 2024. Vous l’avez souligné, il s’élèverait à 21, 6 milliards d’euros, un montant inférieur à celui de 2023. Il est très proche de celui que nous connaissions avant la pandémie de covid-19.
La France étant deuxième contributeur au budget de l’Union, sa participation est évidemment clé pour la mise en œuvre de l’accord entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget 2024. Plus largement, et plus gravement, alors que la France et l’Europe font face à une somme inédite de défis, elle est essentielle pour permettre à l’Union européenne d’avancer et de répondre aux priorités que sont les crises géopolitiques, les flux migratoires et les défis de la transition écologique. La contribution française n’a d’autre vocation que de permettre la réalisation de ce projet global.
Monsieur le rapporteur spécial, monsieur Capus, monsieur Fernique, vous avez mentionné la révision en cours du cadre financier pluriannuel. C’est bien par ce biais que nous allons assurer la pérennisation d’aides à l’Ukraine, au travers de la proposition de facilité pour l’Ukraine sur la période 2024-2027. À ce sujet, vous vous êtes inquiétés d’éventuels amendements au projet de loi de finances pour le prélèvement sur recettes. Je vous rassure, il n’y en aura pas, parce que les négociations du cadre financier pluriannuel sont toujours en cours. À ce stade, il demeure encore trop d’incertitudes, la seule certitude étant que l’effet de cet accord sera mineur sur le budget 2024.
Vous m’avez aussi interrogée sur les priorités de la révision du CFP. Je viens de le dire, le soutien à l’Ukraine est la première d’entre elles. Je rappelle à cet égard que nos prêts à ce pays sont garantis par le budget de l’Union européenne.
Ensuite, le budget européen permettra également de financer la réponse européenne aux défis migratoires. Ces financements doivent permettre la mise en œuvre du Pacte sur la migration et l’asile, au sujet duquel un accord doit impérativement être trouvé avant la fin de la législature actuelle du Parlement européen. Ils doivent également servir à renforcer nos partenariats avec les pays tiers, notamment les pays d’origine et de transit des flux migratoires.
Je veux aussi rappeler ce que signifie en pratique notre contribution au budget européen. Celle-ci permet à l’Europe de disposer des moyens nécessaires à la mise en œuvre des politiques communes, qui agissent directement au service de notre pays et de nos concitoyens. Je pense d’abord à la politique agricole commune, mais aussi aux programmes pour la jeunesse ou au financement de la transition écologique.
Avec le budget européen, nous finançons la PAC. Vous avez été nombreux à le rappeler, nous sommes de loin le premier bénéficiaire de cette politique, qui représente 31 % du budget de l’Union européenne et assure à la France un retour de près de 9, 5 milliards par an. Financer le prélèvement sur recettes, c’est donc aussi financer notre agriculture. Et c’est mieux qu’un rabais, puisque nous en sommes les premiers bénéficiaires ! Pour mémoire, je précise que l’Allemagne paie deux fois plus, contribue à 25 % du budget européen et reçoit, en net, deux fois moins que la France. Cela s’appelle la solidarité…
Avec le budget européen, nous renforçons aussi la résilience de notre économie, notamment grâce à la politique de cohésion et au plan de relance qui a été adopté lors de la crise sanitaire. Le plan de relance européen assure ainsi à la France 40, 3 milliards d’euros de subventions jusqu’en 2026. La Commission européenne vient en outre d’approuver, vendredi 17 novembre dernier, le versement, avant la fin de l’année, de 10, 3 milliards d’euros au titre de la deuxième demande de décaissement. Ces financements, vous ne l’ignorez pas, monsieur Fernique, monsieur Arnaud, contribueront grandement à accélérer la transition verte en France.
Plus largement, le budget européen est un levier essentiel pour atteindre nos objectifs de souveraineté européenne, comme l’a rappelé le Président de la République lors du sommet de Versailles, et comme vient aussi de le faire M. le sénateur Lemoyne, que je veux remercier. La mise en œuvre de l’agenda de Versailles doit permettre de réduire nos dépendances dans tous les secteurs critiques en renforçant la production et la puissance européennes, avec des objectifs chiffrés à l’horizon 2030. Nous pouvons nous réjouir à ce titre de l’accord obtenu en trilogue, le 13 novembre dernier, sur l’une des législations issues de l’agenda de Versailles, le Critical Raw Materials Act.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ses 440 millions de citoyens, l’Europe est un moyen pour la France de peser beaucoup plus dans le monde quand il s’agit de négocier des accords commerciaux ou des investissements stratégiques tels que le Critical Raw Materials Act.
Par ailleurs, j’ai entendu vos remarques et inquiétudes sur la capacité de l’Union à trouver de nouvelles ressources propres. Vous avez été nombreux à évoquer ce problème, notamment M. le rapporteur spécial, ainsi que Mmes les sénatrices Girardin, Blatrix Contat et Lavarde.
La France est favorable, vous le savez, à la mise en place de ces nouvelles ressources. Sur le plan politique, elles nous permettront de sortir de la logique délétère d’examen des taux de retour et, sur le plan financier, elles nous mettraient à l’abri d’un ressaut de nos contributions nationales pour rembourser le plan de relance européen. La présidence espagnole poursuit en ce moment des travaux à cet égard.
Les nouvelles ressources, notamment celles qui concernent le marché carbone européen (EU Emission Trading System, ou ETS) et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, sont estimées en moyenne à 36 milliards d’euros par an à partir de 2028, ce qui serait suffisant pour le remboursement du plan de relance et pour le Fonds social pour le climat.
Il faut s’en féliciter, la France est leader dans la construction d’une Europe puissante et souveraine. Elle a à cœur de défendre les intérêts de l’UE et a su jouer un rôle essentiel au cœur des crises, notamment, comme vous l’avez rappelé, pour le plan de relance Next Generation EU.
Je veux désormais m’adresser à M. Durox. Vous me peinez, monsieur le sénateur, car vous cachez à vos électeurs les enjeux auxquels nous devons faire face, qui ont été maintes fois rappelés : menaces russes, ingérence chinoise, repli possible des États-Unis. Il est évident que l’Union européenne nous apporte des bénéfices en matière de sécurité, car la défense ne peut être que nationale.
Nous retirons également des bénéfices en matière commerciale – à 440 millions de citoyens, nous sommes bien plus forts qu’à 60 millions –, ainsi qu’en matière de climat, la transition énergétique ne pouvant pas se faire isolément, car elle serait à la fois plus difficile et plus coûteuse. Et il y aurait tant d’autres bienfaits de l’Europe à énumérer. Comme l’a dit M. le sénateur Capus, l’Europe est un levier pour nous rendre plus forts, plus souverains et plus puissants.