Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis ici pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, seconde étape avant l’adoption du budget de notre système de protection sociale.
Ce budget est, je le rappelle, supérieur en volume à celui de l’État. Il contribue chaque jour à financer le fonctionnement de nos hôpitaux et à rembourser nos frais de santé. Il permet que soient versées chaque mois nos prestations de solidarité et nos retraites. Il vise également à investir et à faire face aux grandes transformations démographiques, sociales et environnementales, qui appellent des adaptations indispensables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme chaque année, l’examen du budget de la sécurité sociale débute par la recherche, dans un contexte donné, d’un équilibre dont l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est l’expression.
Vous avez déjà débattu de cette question en commission, et je suis bien consciente des réserves exprimées par le Sénat sur les engagements de l’Ondam rectifié pour 2023.
Chacun le sait, le contexte dans lequel nous construisons cet objectif est marqué par une dégradation des comptes de la sécurité sociale, un dynamisme marqué des dépenses de santé et une pression inflationniste qui reste forte.
Pour tenir compte de cette situation, l’Ondam 2023 a été rectifié à hauteur de 2, 8 milliards d’euros, ce qui permet d’intégrer notamment la dynamique des soins de ville et les revalorisations salariales destinées à aider les soignants à faire face à la hausse générale des prix.
Cela étant, personne n’a nié que d’autres moyens pourraient être mis en œuvre.
Ainsi, je sais que l’inflation affecte fortement les établissements de santé. Plusieurs d’entre vous m’ont fait part de leurs inquiétudes concernant les hôpitaux de leur territoire. Le Gouvernement sera au rendez-vous : il les accompagnera et leur permettra de supporter les coûts auxquels ils sont confrontés. Avec Aurélien Rousseau, nous nous y sommes engagés devant l’ensemble des fédérations hospitalières et les parlementaires ; je réitère cet engagement aujourd’hui.
Je sais aussi que vous avez exprimé votre désaccord avec la trajectoire exprimée dans l’Ondam pour 2024. Aussi, je vous rappelle que cet Ondam, que vous avez rejeté, et que nous avons rétabli à l’Assemblée nationale, est en hausse de 3, 2 % hors dépenses liées à la crise sanitaire. Ce chiffre est bien supérieur à l’inflation prévisionnelle ; il représente un montant de 8 milliards d’euros supplémentaires, qui serviront notamment à mieux rémunérer celles et ceux qui nous soignent au quotidien.
Une augmentation des moyens doit être gagée par de nouvelles mesures de maîtrise de la dépense publique et d’efficience.
En effet, si le déficit de la branche maladie s’élève cette année à près de 10 milliards d’euros, en baisse significative par rapport au déficit de 21 milliards d’euros enregistré en 2022, ce montant reste élevé et rend indispensable la recherche d’une plus grande soutenabilité de nos finances publiques, et ce pour garantir la solidité dans le temps du système de santé et permettre aux mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale de produire leur plein effet dès aujourd’hui.
Notre objectif est de diminuer les dépenses d’environ 3, 5 milliards d’euros. Nous l’atteindrons grâce aux efforts de tous et sans pénaliser personne, avec comme maîtres-mots l’efficience, la pertinence et la responsabilisation de chacun.
Nous y parviendrons : en effet, il faut être cohérents avec les ambitions et la trajectoire que nous nous sommes fixées ; il faut également que l’Ondam redevienne progressivement un outil de pilotage – davantage qu’un outil de validation – qu’il conviendra de mieux maîtriser. Le Gouvernement est particulièrement attentif à cette ambition plus large qu’il partage – je le sais – avec chacune et chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
Pour ce faire, nous continuerons de nous appuyer sur le dialogue, que je qualifierai d’exigeant et de responsable, engagé avec le Sénat. Je sais en effet que, malgré nos points de désaccord, nous nous rejoignons tous sur la nécessité de soutenir le système de santé et de protéger nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est pas nécessaire d’être d’accord sur tout pour faire confiance, débattre, construire et avancer.
En revanche, ce qui est indispensable – c’est un point sur lequel nous ne transigerons pas –, c’est la confiance permise par la transparence.
Pour atteindre ses objectifs en matière de maîtrise des dépenses, le Gouvernement s’est toujours ouvert aux députés et aux sénateurs sur les différentes mesures qu’il envisageait, y compris celles au sujet desquelles la réflexion est toujours en cours.
Je pense bien entendu au travail que nous menons autour de la question de la participation forfaitaire et des franchises.
Ce point a déjà été largement évoqué dans le débat public et parlementaire. Et, comme le ministre Aurélien Rousseau s’y est engagé, les représentants de la Nation seront informés de manière transparente. J’en veux pour preuve le maintien par le Gouvernement, dans le texte qui vous est soumis aujourd’hui – vous pouvez le constater par vous-mêmes –, de l’amendement de Mme la rapporteure Corinne Imbert, qui tend à faire en sorte que les projets de modifications réglementaires à ce sujet soient présentés aux commissions des deux assemblées avant l’adoption du décret.
Nous avons toujours assumé nos positions, et nous veillerons à ce qu’un débat démocratique et institutionnalisé puisse se tenir sur cette question. C’est essentiel pour les parlementaires, mais aussi pour les assurés, qui sont les premiers concernés.
Doter notre système de santé et de protection sociale d’un budget est une étape indispensable. Mais le travail ne s’arrête pas là.
La soutenabilité que j’évoquais se bâtit tout au long de l’année.
Au-delà de la problématique des franchises, nous devons dès maintenant engager ou poursuivre un certain nombre de travaux, sans attendre le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de conforter nos efforts en termes de maîtrise des soins de ville et de mieux lutter contre la fraude.
Je sais combien tous les groupes parlementaires – je pense en particulier à Élisabeth Doineau, Bernard Jomier, Nathalie Goulet, mais aussi à bien d’autres – sont attachés au développement rapide d’outils de soutenabilité à la fois efficaces et justes.
Je pense évidemment aux rendez-vous non honorés ; c’est une question qui a été discutée ici comme à l’Assemblée nationale. Si ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas le meilleur vecteur législatif pour agir le plus efficacement, je m’engage à ce que nous travaillions pour aboutir à des avancées concrètes, notamment dans le cadre de la négociation conventionnelle.
L’accès aux soins et la prévention sont des sujets essentiels, qui ne se limitent pas au présent projet de loi. Cependant, le texte a permis de « cranter » plusieurs avancées tangibles, qui seront mises en place très rapidement.
Je tiens à en mentionner quelques-unes – la liste n’est pas exhaustive : les rendez-vous de prévention, qui seront généralisés dès le mois de janvier, la réforme de la tarification à l’activité (T2A), qui devrait se déployer rapidement, ou des actions plus ciblées, comme l’activité physique adaptée (APA), une mesure que je défends personnellement et que le Sénat a contribué à introduire dans ce texte par voie d’amendement.
Dans ce domaine, le travail se poursuit : je pense bien sûr à la commission mixte paritaire sur la proposition de loi dite Valletoux, qui se réunira dans les prochains jours, et sur laquelle nous pensons, Aurélien Rousseau et moi-même, qu’un accord est non seulement possible, mais aussi souhaitable, si l’on veut que la loi produise rapidement ses effets.
Je me réjouis également que les négociations conventionnelles avec les médecins libéraux aient pu reprendre dans une dynamique positive ; j’espère également qu’elles redémarreront prochainement avec les pharmaciens.
Je pense enfin à la mise en œuvre du grand plan en faveur de l’accès aux soins que j’ai eu l’occasion de présenter cet été, et dont certains résultats sont déjà visibles.
Il s’agit de mesures et de solutions très concrètes : 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), 10 000 assistants médicaux, 100 médicobus, une couverture intégrale de la population grâce aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). À terme, ces dispositifs permettront à près de deux millions de patients supplémentaires d’avoir accès à un médecin.
Je ne reviendrai pas sur le « paquet médicament », mais je tiens, là encore, à replacer ces dispositions dans un contexte plus général.
Je rappelle notamment que, sous l’impulsion d’Aurélien Rousseau, une charte de bonnes pratiques a été signée mercredi dernier par l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament – industriels, dépositaires, grossistes-répartiteurs, pharmaciens d’officine et hospitaliers –, afin que les Français ne soient pas la variable d’ajustement d’un système qui s’est dérégulé, alors que les stocks existent.
Nous continuons également d’investir structurellement dans notre souveraineté industrielle et cherchons à renforcer notre attractivité dans le secteur des produits de santé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale répond, je le crois, à l’aspiration des Français à maintenir un système de protection sociale équitable, ambitieux et pérenne.
En tout état de cause, il faut doter notre pays d’un budget et notre sécurité sociale de moyens. Le résultat des discussions budgétaires n’est ainsi pas à envisager comme une fin en soi, mais comme un préalable essentiel à la poursuite du travail.
J’ai évoqué plusieurs chantiers, mais il y en a bien d’autres. Je sais par exemple que vous êtes nombreux à vous investir dans la lutte contre la financiarisation du système de santé ou à agir pour renforcer notre politique en matière de santé mentale et de santé des femmes.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 constitue un socle solide sur lequel nous pourrons continuer à avancer avec réalisme et détermination.