Intervention de Gérard Lahellec

Réunion du 1er décembre 2023 à 9h00
Loi de finances pour 2024 — Enseignement scolaire

Photo de Gérard LahellecGérard Lahellec :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Instruire, c'est former le jugement » disait déjà Montaigne au XVIe siècle. Au XIXe siècle, Ernest Renan disait quant à lui que la matière scientifique ne devait pas être enseignée à des fins purement professionnelles.

Ces ambitions, très brièvement rappelées ici, sont d'une brûlante actualité, car il s'agit, avec l'enseignement, de former les citoyens de demain. Or notre société et notre République sont en grande souffrance. C'est donc à l'aune des moyens que nous consacrerons en 2024 à cette grande et belle ambition, celle du plein épanouissement de la jeunesse, qu'il convient d'apprécier le projet de budget qui nous est soumis.

Le budget de l'enseignement scolaire pour 2024 passerait, avec ce texte, à 63, 6 milliards d'euros, traduisant une augmentation de 6, 5 %. Nominalement, il s'agit d'une hausse significative ; en revanche, en tenant compte de l'inflation et de l'augmentation du point d'indice, cette hausse s'avère très relative, puisqu'elle est identique à celle de 2023. En réalité, cette évolution – cette hausse qu'il convient de relativiser – consiste à obéir à la prescription de recherche d'économies de la Cour des comptes afin, nous dit-on, de redresser nos finances publiques.

En outre, malgré la création de 4 000 emplois d'AESH et une certaine amélioration de leurs conditions de rémunération, sans que leur soit néanmoins attribué le cadre statutaire de la catégorie B de la fonction publique, ce budget prévoit la suppression de 2 500 postes en raison, assure-t-on, de la chute de la démographie scolaire. Précisément, cette chute de la démographie scolaire constituait au contraire une aubaine pour améliorer notre taux d'encadrement des élèves, l'un des plus faibles parmi ceux des pays de l'OCDE. Cette chute de la démographie scolaire aurait pu également être l'occasion d'éviter la pratique quelque peu brutale consistant à mettre en œuvre la carte scolaire au moyen de coupes claires indifférenciées, notamment dans nos zones rurales. Enfin, en pleine crise de recrutement, cette aubaine démographique aurait pu contribuer à renforcer l'attractivité des métiers de l'enseignement, qui en ont grandement besoin.

Par ailleurs, dans le contexte douloureux que peuvent vivre des enseignants dans leur classe, sans doute aurait-il été possible d'envisager de proposer des mesures de protection fonctionnelle aux enseignants ; il est impossible aux parlementaires, en vertu de l'article 40 de la Constitution, de déposer des amendements en ce sens.

De plus, vous intégrez au sein de l'accompagnement de la vie de l'élève le service national universel (SNU), qui n'a pas fait l'objet à ce stade de beaucoup de débats ni de restitutions devant le Parlement.

En outre, sans vouloir réactiver la guerre scolaire, observons que le budget pour 2024 tend à favoriser le secteur privé, dont le budget croît plus vite que l'inflation, ce qui n'est pas le cas pour le public.

Vous nous dites : « Moins d'enseignants, mais des enseignants mieux rémunérés. » Là encore, il faut nuancer, car il semble y avoir un risque d'écrasement de la hiérarchie des salaires ; cela peut renforcer une certaine hostilité au pacte enseignant, qui n'est pas vécu comme une véritable revalorisation de la profession. En effet, la courbe salariale n'est pas très attractive pour ceux qui envisagent une carrière dans l'enseignement.

Ces observations générales valent également pour l'enseignement agricole, dont le budget, malgré son augmentation significative, est loin de compenser les pertes d'emplois cumulées des dernières années. En matière de création de postes, l'essentiel va au secteur médico-social, qui, certes, en a grandement besoin.

Au cours du débat, nous nous efforcerons de faire valoir un certain nombre de points, tels que le retour de la formation professionnelle dans le giron de l'enseignement ou encore notre attachement à la laïcité et au principe de la mixité sociale dans tous les enseignements.

Ce budget ne nous paraissant pas à la hauteur des ambitions que nous devrions nourrir pour l'enseignement et l'éducation, nous nous y opposerons.

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