Intervention de Jack Ralite

Réunion du 12 janvier 2009 à 15h00
Communication audiovisuelle — Article additionnel après l'article 1er ou après l'article 1er bis, amendement 118

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Avant de présenter cet amendement, qui concerne les unités de programmes et la diversité patrimoniale, je voudrais revenir sur la réponse de Mme la ministre à ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin.

Lorsque les choses changent, les personnels demeurant en fonction conservent leurs droits le temps que la négociation aboutisse à un accord. Cependant, lorsque des personnels partent en retraite, ceux qui les remplacent n’ont pas les mêmes droits. C’est à ces derniers qu’il nous semblait nécessaire d’offrir des garanties.

Lorsque nous avons débattu de la liberté des journalistes, certains ont objecté qu’il n’était pas nécessaire de faire figurer dans la loi les précisions demandées sous prétexte que tout le monde était pour la liberté des journalistes. Je constate que, lorsqu’il s’agit des droits des travailleurs, ceux-là restent bouche cousue !

Pour ce qui est de l’amendement n° 118, nous souhaitons assurer à France Télévisions les moyens d’être à la hauteur de l’exigence de pluralisme et de diversité culturelle constitutive de ses missions. Cependant, une chose est de parler de diversité et de pluralisme, une autre est d’imaginer et de construire les conditions financières et structurelles de leur développement.

Le nouvel alinéa introduit par l’Assemblée nationale à l’article 1er, disposant que « France Télévisions veille à ce que sa nouvelle organisation garantisse l’identité des lignes éditoriales de ses services » et précisant que « cette organisation assure le pluralisme et la diversité de la création » ne nous semble donc pas suffisant, particulièrement dans le contexte actuel de sous-financement de l’audiovisuel public.

Si ceux qui ont proposé l’entreprise unique avaient pour seul objectif de réaliser des économies, nous redoutons, pour notre part, que ces économies ne portent avant tout sur la création. Cela risque d’être la première conséquence non seulement de la suppression de la publicité mais également de la transformation en société unique. En effet, cette transformation, conduite au nom du sacro-saint principe de rationalisation, fait craindre une réduction des lieux de décision éditoriale. Cette crainte est fondée puisqu’il s’agit là de l’une des propositions de la commission Copé. Les auteurs, les professionnels et leurs organisations, telles la SACD – société des auteurs et compositeurs dramatiques – et la SCAM, – société civile des auteurs multimédia –, n’ont eu de cesse d’alerter la représentation nationale sur le risque d’un formatage généralisé encouru en raison du « guichet » unique.

De ce point de vue, maintenir des unités de programmes identifiées distinctes, c’est préserver les capacités de création et la diversité. C’est pourquoi il est proposé de compléter le deuxième alinéa de l’article 43-11 par une phrase ainsi rédigée : « Elles s’engagent à garantir le maintien d’unités de programmes et de décisions qui leur sont propres et spécifiques afin de veiller à ce que leurs lignes éditoriales, en particulier en matière d’œuvres patrimoniales, contribuent à l’expression de la diversité des regards et de la création française. » Qui oserait se dire opposé à l’expression de la diversité des regards ?

Je voudrais maintenant évoquer la façon dont les œuvres patrimoniales doivent être considérées. Elles ne sont pas les seules diffusées à la télévision. Parmi les œuvres culturelles en général figurent les œuvres d’auteurs, fruits de la création artistique. De ce point de vue, il convient d’observer la plus grande prudence lorsque la question de l’organisation est abordée.

Le risque de s’enfermer dans le filet de l’utilité est effectivement toujours réel. Or l’utilité est la négation de l’art, voire, lorsqu’il y est systématiquement recouru, sa mort.

S’agissant de la question des connaissances qu’il s’agit d’apporter, je me ferai l’écho d’un témoignage, à mon avis éblouissant, d’une institutrice. Elle déclarait que sa première tâche était d’aider les enfants, dès leur plus jeune âge, à accéder à l’arbitraire du signe. Voilà qui n’est pas du domaine du rationnel, mais qui ressort de celui de l’intuition.

Vous voyez bien comment on ne peut pas en déduire qu’il faudrait le suffrage universel pour choisir les créations. J’ai toujours à l’esprit cette phrase : « La différence entre un artiste et un politique, c’est que l’artiste n’a pas besoin de majorité. »

Récemment, je relisais l’Abécédaire de Deleuze. Il y explique que la force de la gauche est de décider qu’un être, s’il est pour la liberté et la création, doit d’abord être « au-delà du mur de soi ».

La décision constitue une difficulté. Prenons l’exemple de l’actuelle exposition Picasso. Tous les visiteurs, quelles que soient leurs connaissances artistiques, en ressortent heureux. Or, il y a trente ans, on se moquait de Picasso : des mères de famille commentaient les gribouillis de leurs enfants en bas âge en disant que c’était « du Picasso » !

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