Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la régulation des activités postales trouve aujourd'hui sa forme définitive grâce au travail fructueux de la commission mixte paritaire qui s'est tenue mardi dernier à l'Assemblée nationale.
Cela marque l'aboutissement d'un long parcours législatif qui a débuté, faut-il le rappeler, en janvier 2004, il y a bientôt dix-huit mois.
C'est simultanément le terme d'un long travail de sensibilisation et de proposition de la commission des affaires économiques : ne l'oublions pas, le premier des trois rapports d'information qu'elle a publiés, sous la plume de M. Gérard Larcher, aujourd'hui ministre, qui fut d'abord président du groupe d'études Poste et télécommunications et président de la commission des lois, date de 1997.
Dès cette date, il appelait à sortir de l'immobilisme afin de « sauver La Poste », pour reprendre le titre du premier rapport d'information de M. Larcher. Telle est la vocation essentielle de ce texte, qui est non seulement un aboutissement mais aussi, de ce fait, le début d'un long chemin pour La Poste, qui dispose désormais des outils législatifs indispensables pour relever les nombreux défis qui sont devant elle et préparer l'avenir.
C'est donc avec une très grande satisfaction que je vous présente les évolutions du texte adoptées en commission mixte paritaire.
Le Sénat a toujours eu le souci de permettre l'adaptation du réseau postal tout en assurant une présence équilibrée de La Poste sur le territoire national. C'est à la Haute Assemblée que revient d'ailleurs l'initiative de l'introduction dans le texte d'un article traitant de la question du réseau.
Cette question ne figurait effectivement pas dans le projet de loi initial, dont l'objet était d'abord de transposer enfin les directives communautaires de 1997 et de 2002, destinées à construire un marché intérieur des services postaux dans l'Union européenne.
La volonté du Sénat de rendre le service postal accessible à l'ensemble des Français est restée très forte au cours de la navette parlementaire, jusqu'en commission mixte paritaire : j'ai en effet présenté, à cette occasion, un amendement tendant à assurer que même les zones de montagne bénéficient de la présence de La Poste.
Les députés proposaient que 90 % au moins de la population se trouvent à moins de 5 kilomètres d'un point de contact postal.
Au nom du Sénat, j'ai insisté sur la grande différence qu'il y a entre une distance de 5 kilomètres à vol d'oiseau en plaine, distance rapidement parcourue, et la même distance en montagne, où la circulation est compliquée par le relief et ralentie par la sinuosité des routes.
Au terme d'un large débat en commission mixte paritaire, une position de conciliation consistant à rapporter la durée du trajet aux conditions de circulation sur le territoire concerné a pu être adoptée grâce au soutien des présidents des commissions des affaires économiques de chaque chambre.
L'accessibilité au réseau postal se trouve donc désormais définie à la fois en termes de distance et en termes de durée de trajet automobile : moins de 5 kilomètres et - et non pas « ou » - moins de 20 minutes.
Conjuguer ainsi la notion d'espace à celle de temps répond, j'en suis convaincu, à la première attente de nos concitoyens : faciliter l'accès au service.
Il s'agit d'une avancée importante, qui vient consacrer le travail de longue haleine entrepris par la Haute Assemblée : dans son rapport de 1997 déjà évoqué, M. Gérard Larcher suggérait déjà d'encadrer le délai d'accès au service, avant de proposer lui même de se fonder sur une durée maximale de 20 minutes dans son dernier rapport, en 2003.
Je me réjouis que ces 20 minutes figurent désormais dans la loi car, même si je n'ignore pas que ce critère de durée est plus délicat à manier techniquement que celui de la distance, il rassure nos concitoyens, particulièrement en zones de montagne, c'est-à-dire là où l'inquiétude est précisément la plus grande et le sentiment d'abandon souvent le plus fort.
La commission mixte paritaire a aussi permis de finaliser le dispositif créant le fonds postal national de péréquation territoriale, qui permettra de mettre financièrement en musique les critères d'accessibilité au service qui viennent de vous être présentés.
Il est ainsi désormais acquis que ce fonds de péréquation prendra la forme d'un compte spécifique de La Poste, qui en assurera la gestion.
Ce fonds sera constitué grâce à la conclusion d'un contrat pluriannuel de présence postale entre La Poste, l'Etat et l'Association des maires de France, qui est assurément l'association la plus représentative et la plus légitime quant aux services de proximité.
Les points de contact situés en zones de revitalisation rurale, en zones urbaines sensibles ou sur le territoire de communes s'étant ensemble accordées avec La Poste sur les modalités de sa présence sur leur territoire bénéficieront d'une majoration de ce fonds.
Je me félicite que la grille tarifaire élaborée conjointement par La Poste et l'Association des maires de France encourage ainsi les zones rurales comme les zones urbaines qui en ont le plus besoin, mais également l'intercommunalité assouplie sous toutes ses formes, c'est-à-dire aussi bien dans le cadre d'un établissement public de coopération intercommunale qu'en dehors d'un tel établissement.
Je soulignerai un troisième acquis à porter au crédit de la commission mixte paritaire qui vient de se réunir : il s'agit de l'heureux équilibre qu'elle a su dégager sur la difficile question de la taxe frappant la distribution d'imprimés dans les boîtes aux lettres, taxe communément désignée sous le nom d'écotaxe.
Les deux chambres s'étaient mises d'accord pour exonérer de cette taxe les envois de correspondance dont la distribution participe du service universel postal. Il serait assurément absurde de taxer ces envois.
En deuxième lecture, les députés avaient proposé d'étendre l'exonération aux journaux tels que définis dans la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Cela visait notamment l'ensemble des journaux gratuits, y compris les simples bulletins d'annonces.
Sur l'initiative de notre collègue député Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, la commission mixte paritaire a finalement choisi de définir les publications exonérées d'écotaxe par référence non pas à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais à la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.
Ainsi, parmi les publications gratuites, seuls les journaux d'information bénéficieront de l'exonération. Cela se justifie pleinement par le respect du principe constitutionnel de libre communication des pensées et des opinions, qui est inscrit à l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Ces avancées enregistrées en commission mixte paritaire ne doivent pas occulter les autres points importants du texte sur lesquels nous étions déjà parvenus à un accord avec l'Assemblée nationale. Permettez-moi, mes chers collègues, de les rappeler brièvement aujourd'hui, à l'occasion de la clôture du débat législatif sur ce texte.
L'objectif essentiel visé au travers de ce texte était de préparer l'introduction croissante de la concurrence sur le marché postal : il me paraît atteint, et ce de manière équilibrée et raisonnable.
En effet, cette préparation a concerné d'abord le régulateur, l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui est à la fois confortée et mieux contrôlée.
Ainsi, l'autorité se voit confier divers pouvoirs qui lui permettront de réguler efficacement la concurrence dans le champ postal.
En outre, le Sénat a obtenu l'élargissement au champ économique des compétences des membres du collège et une augmentation de leur nombre, qui est porté de cinq à sept.
Parallèlement, le texte prévoit, d'une part, que ce seront désormais quatre membres du collège sur sept qui seront nommés par le Parlement, et, d'autre part, que l'autorité de régulation devra rendre compte devant les commissions permanentes : cela crée les instruments d'un vrai contrôle démocratique du régulateur.
Par ailleurs, grâce à ce texte, les concurrents de La Poste voient s'ouvrir à leur profit un espace économique nouveau, notamment du fait des dispositions qui organisent leur accès aux moyens indispensables à l'activité postale, ainsi qu'aux boîtes aux lettres particulières. Les envois recommandés utilisés dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles pourront également leur être confiés.
Enfin, La Poste elle-même se trouve dotée des outils qui lui permettront d'affronter la concurrence qui devrait toucher l'ensemble de ses activités dès 2009.
Tout d'abord, et c'est assurément une avancée majeure, que l'on doit également à l'initiative du Sénat, La Poste va enfin pouvoir compléter sa gamme de produits financiers et s'attacher une clientèle plus jeune, voire plus aisée, en créant une filiale ayant le statut d'établissement de crédit. Cette banque postale aura les mêmes droits et devoirs que ses consoeurs et elle fera, dans les deux ans suivant sa création, prévue le 1er janvier 2006, l'objet d'un rapport de la Cour des comptes. Le contrôle de la comptabilité du groupe La Poste et son audit par un organisme indépendant permettront aussi d'assurer la séparation et la transparence des comptes, afin d'éviter tout contentieux provenant d'une distorsion de concurrence.
Le texte donne à La Poste un autre atout pour relever le défi concurrentiel : il va la conduire à faire évoluer ses relations avec sa clientèle. En effet, le régime de responsabilité de La Poste devient le même que celui de ses concurrents offrant des services postaux ; ainsi s'appliquera une responsabilité de droit commun pour toute perte ou avarie subie par un envoi postal, ainsi que pour tout retard, si l'opérateur postal a pris un engagement en la matière. La Poste est ainsi incitée à adopter une attitude plus attentive aux consommateurs ce qui, j'en suis sûr, va contribuer à sa modernisation et à la valorisation de son image de marque auprès des Français.
Enfin, La Poste se voit aussi donner les moyens, par ce texte, de mener une libre politique de recrutement et de bénéficier de l'allégement de charges sur les bas salaires, ce qui la place dans une situation équivalente à celle de ses concurrents.
Parallèlement, le texte tend à encadrer, pour les employés du secteur postal, la montée en puissance progressive de la concurrence.
Tout d'abord, au sein de La Poste, il prévoit la mise en place d'instances sociales de négociation et de concertation qui permettront d'associer l'ensemble du personnel du groupe à la stratégie qu'il entend déployer.
Ensuite, le texte prévoit la réunion, à compter du 1er juillet 2006, d'une commission paritaire qui sera chargée d'élaborer une convention collective pour l'ensemble du secteur postal. Cette convention permettra d'éviter que la concurrence ne s'accompagne d'un dumping social.
Pour compléter cette préparation tous azimuts à la concurrence, le Sénat a aussi tenu à pérenniser, par ce texte, le service universel postal, qui reste le socle intangible sur lequel nos concitoyens doivent pouvoir compter.
A cette fin, il a inscrit dans le texte la création d'un fonds de compensation du service universel. Le moment de cette création sera décidé par le Gouvernement, après qu'il aura recueilli l'avis public du régulateur sur une demande de La Poste, qui devra établir qu'elle supporte une charge financière inéquitable imputable à ses obligations de service universel.
C'est donc un texte équilibré et prospectif que je soumets aujourd'hui à la Haute Assemblée. Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à son élaboration : d'abord le Gouvernement, qui, monsieur le ministre, a toujours été très attentif aux parlementaires et aux préoccupations qu'ils exprimaient, ensuite nos collègues députés, qui ont enrichi le texte à chaque lecture et ont prêté attention aux arguments du Sénat en commission mixte paritaire, et enfin vous-mêmes, mes chers collègues, qui avez fait preuve, lors de ces débats, d'initiative et de sagesse, ce qui me semble être la « marque de fabrique » du Sénat.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le texte relatif à la régulation des activités postales, tel qu'il résulte des conclusions de la commission mixte paritaire que je viens de vous présenter.
Je voudrais ajouter en conclusion que, en 1997, Gérard Larcher avait intitulé son rapport Sauver La Poste ? , avec un grand point d'interrogation. Je pense, monsieur le ministre, que La Poste est aujourd'hui sauvée !