La séance, suspendue à midi, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
La séance est reprise.
L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Chacun comprendra les raisons pour lesquelles M. le Premier ministre, toujours très attentif à nos travaux, auxquels il assiste d'ailleurs régulièrement, n'est pas parmi nous aujourd'hui. Au nom du Sénat tout entier, je tiens à lui souhaiter un complet rétablissement.
Applaudissements
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la recherche.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré, le jeudi 5 mai, qu'« un accord technique avait été conclu à Genève entre la Commission européenne et le Japon sur le dossier du futur réacteur expérimental de fusion nucléaire », plus communément appelé « projet ITER ».
Votre déclaration, monsieur le ministre, suivait celle de M. le Président de la République, qui annonçait, le mardi 3 mai, que « la France était sur le point d'obtenir l'implantation d'ITER à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône ».
Ces propos officiels optimistes ont suscité beaucoup de satisfaction et de réconfort dans ma région. Ils ont pourtant été atténués par le commissaire à la science et à la recherche de l'Union européenne, qui a parlé d'une « réunion constructive à Genève sans, pour l'instant, aucune conclusion d'accord »...
...et, surtout, par le gouvernement japonais, qui « envisageait de protester auprès de Paris après la déclaration de Jacques Chirac », déclaration jugée « inappropriée ».
Le choix final de Cadarache, du point de vue tant de la Commission européenne que du gouvernement japonais, reste donc à valider.
Vous auriez, par ailleurs, monsieur le ministre - c'est du moins ce que j'ai lu dans la presse - indiqué que le Japon ne financerait que 10 % des coûts, contre 50 % pour l'Union européenne, mais bénéficierait d'un retour de l'ordre de 20 % par le biais des compensations.
Tout cela m'amène, monsieur le ministre, à vous poser plusieurs questions.
Pouvez-vous confirmer les déclarations de M. le Président de la République indiquant que le projet ITER sera bien implanté à Cadarache ?
Pouvez-vous nous donner quelques détails quant au financement ? Ne pensez-vous pas que les compensations accordées au Japon soient excessives ?
Enfin, le « cocorico » français n'a t-il pas été trop rapide ? N'était-ce pas maladroit de gêner les autorités japonaises, alors que l'issue de ce dossier semble favorable à notre pays ?
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, je rappellerai simplement que le projet d'un programme scientifique sur la fusion, ou projet ITER, a été lancé voilà vingt ans, en 1985.
C'était, à l'origine, et cela reste un projet d'envergure planétaire - n'ayons pas peur des mots - unissant six participants : l'Europe, la Russie, la Chine, le Japon, les Etats-Unis et la Corée du Sud. Ce caractère international est essentiel pour le succès de l'installation et de la réalisation du réacteur ITER.
Aujourd'hui, grâce à l'action déterminée de la France, en particulier du Gouvernement et du Président de la République, grâce aussi à l'action concertée avec l'Europe, ce projet est sur le point d'aboutir. En effet, l'Europe joue depuis longtemps un rôle déterminant dans le projet ITER, puisqu'elle finance depuis plusieurs dizaines d'années le programme Fusion et que, notamment au cours des négociations qui ont eu lieu en 2002 et en 2003, elle a retenu le site de Cadarache comme candidature européenne unique.
L'Europe et le Japon sont parvenus, le 5 mai dernier, à Genève, à un accord technique. Cela signifie qu'il existe entre les deux parties une entente technique sur la question du pays hôte et du pays non hôte, c'est-à-dire sur la nécessité impérieuse de réaliser ce réacteur dans les meilleurs délais, selon le calendrier fixé par l'Union européenne voilà maintenant deux mois.
Cet accord était nécessaire pour arriver à « boucler » le programme ITER sur le plan financier, ainsi que pour fixer le rôle de chacun, et, dans un premier temps celui de l'Union européenne et du Japon, dans l'attente de l'accord international qui interviendra avant le début du mois de juillet sur les plans financier, industriel et scientifique.
L'accord qui a été conclu à Genève la semaine dernière va tout à fait dans ce sens. Je puis citer le commissaire européen à la science et à la recherche, M. Potocnik, qui a déclaré que cet accord « ouvrait la voie à un accord politique sur la localisation du réacteur d'ici à juillet ».
Le Gouvernement est donc confiant : nous sommes dans la dernière ligne droite.
M. François d'Aubert, ministre délégué. Je conclus, monsieur le président, sur une bonne nouvelle : comme le Président de la République et le Premier ministre, je considère que tout indique que cette dernière ligne droite mènera directement à Cadarache !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
A cet instant, un homme saute de la tribune du public ; les huissiers s'en saisissent et l'expulsent.- Exclamations de surprise et brouhaha prolongé sur l'ensemble des travées.
La séance se poursuit, mes chers collègues, et nous écoutons M. Robert Bret dans le silence qui convient.
J'aurais souhaité que M. Barnier, ministre des affaires étrangères, signataire de la directive Bolkestein en tant que commissaire européen, réponde à ma question, mais j'aurai grand intérêt à écouter votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Il faut dire la vérité aux Françaises et aux Français : des directives libérales d'une grande portée sont en préparation, en débat ou en voie d'application. Elles ne sont pas remises en cause par le traité constitutionnel qui, bien au contraire, grave dans le marbre les principes qui leur servent de base.
Prenons la proposition de directive qui tend à accroître le temps de travail hebdomadaire et à généraliser la flexibilité. Cette proposition vise à permettre de porter jusqu'à 65 heures la durée hebdomadaire de travail : c'est le principe dit de « l'opt out », qui permet des dérogations à la règle des 48 heures maximales hebdomadaires - ce qui est déjà beaucoup, vous en conviendrez.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Le Parlement européen vient, de manière fort opportune, de tenter d'atténuer la portée libérale de la directive. Mais, en échange, il généralise l'annualisation en portant la base de calcul de la moyenne hebdomadaire de quatre mois à une année.
Il faut dire, là aussi, la vérité. Ce n'est pas le Parlement européen qui emportera, seul, la décision ; c'est la Commission qui propose les actes législatifs européens, et nul ne peut nier l'influence déterminante du Conseil des ministres européens, représentant les gouvernements des Etats membres.
Votre gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, est-il disposé à demander le retrait de la proposition de directive sur l'aménagement du temps de travail, lors de la réunion décisive qui se déroulera, bien entendu, après le référendum ?
On nous dit : « La directive Bolkestein, c'est fini ». Mais c'est faux ! La Commission n'a pas retiré cette directive. Le processus législatif se poursuit. La directive sera adoptée dans les mois à venir, amendée ou pas, toujours après le référendum.
La libéralisation des services, principe qui sous-tend le texte de Bolkestein, est inscrite noir sur blanc dans les articles III-144 et suivants du traité. N'est-ce pas, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Je pourrais vous interroger sur d'autres textes
Non ! sur plusieurs travées de l'UMP
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, est-il vrai ou faux que le traité constitutionnel ne remettra pas en cause l'éclatement de La Poste du fait de la concurrence imposée par Bruxelles, aux termes du projet de loi qui devrait être adopté définitivement par la droite sénatoriale cet après-midi ?
Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
M. Robert Bret. Pour notre part, nous estimons que le traité constitutionnel valide cette fuite en avant libérale.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous parlez de vérité, mais vous affichez des contrevérités.
Très bien ! sur les travées de l'UMP.
Vos arguments procèdent de présentations incorrectes. Vous vous trompez mais, je l'espère, de bonne foi.
Vous invoquez tout d'abord l'argument selon lequel les décisions prises à Bruxelles viendraient de nulle part et nous seraient toujours imposées. C'est tout simplement ignorer le fonctionnement de l'Union, le rôle des Etats au sein du Conseil et celui, croissant, du Parlement européen.
Vous dites également que l'Europe serait, par nature ou par construction, par philosophie même, nécessairement indifférente aux préoccupations du citoyen. C'est délibérément ignorer que, depuis l'origine, la construction européenne repose avant tout sur une harmonisation.
Vous avez décidé d'ignorer que cette harmonisation a permis d'accroître la protection de nos concitoyens dans de nombreux domaines tels que la défense des consommateurs, la préservation de l'environnement et le droit du travail. Sans cet effort d'harmonisation, les exigences de nos concitoyens en termes de protection et de santé publique seraient imparfaitement satisfaites.
Vous redoutez encore que l'Europe ne se mêle de tout. Vous évoquez à cet égard le traité constitutionnel sur lequel nos concitoyens sont appelés à se déterminer. Ce traité, vous le savez, met en avant le principe de subsidiarité et donne de nouveaux moyens pour en garantir le respect, notamment des pouvoirs à notre Parlement afin que dernier veille à ce que l'Union ne sorte pas de ses compétences.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne la proposition de directive sur le temps de travail, qui est en cours de négociation
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
...en obtenant l'encadrement et la suppression du droit à dérogation individuelle, dit opt out, qui ne correspond pas à notre conception de modèle social.
Le vote du Parlement européen du 11 mai est important, car il rejoint la volonté du Gouvernement d'harmoniser par le haut les conditions de travail en Europe et la protection de la santé et de la sécurité au travail.
Pour le travail, si l'on se réfère au nombre d'heures, l'harmonisation se fait par le bas !
Le Parlement propose de supprimer la possibilité de dépassement du plafond de 48 heures hebdomadaires dans tous les Etats membres. Cette proposition est conforme à la position clairement affichée par M. Larcher, mon collègue ministre délégué aux relations du travail, au sein du Conseil des ministres européens.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une conception ambitieuse de l'Europe, d'une Europe qui protège les droits des travailleurs et améliore les conditions de travail !
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- Protestations sur les travées du groupe CRC.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Priorité du Président de la République, une loi de première importance en faveur des personnes handicapées a été votée au mois de février dernier. Il s'agit d'une grande avancée, chacun en convient aujourd'hui.
Cependant, à ce jour, quelques interrogations demeurent, notamment au sujet du statut financier des travailleurs handicapés en centre d'aide par le travail, ou CAT. L'aide au poste, l'une des nouvelles mesures instaurées par la loi, prendra-t-elle en compte la grande diversité des situations ?
Actuellement, les centres d'aide par le travail versent un salaire direct moyen de 15 %. Si ce niveau devient une obligation pour chaque travailleur handicapé, le risque sera réel de voir mis à l'écart les travailleurs les moins performants.
S'il est normal - ô combien ! - de garantir un certain niveau de ressources aux travailleurs handicapés en CAT, il me semble en revanche irréaliste de solliciter les comptes commerciaux des centres d'aide par la travail, déjà lourdement ponctionnés. Ces établissements, comme d'autres organismes médicosociaux, rencontrent en outre des difficultés budgétaires importantes. Je citerai le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable de 2003, la fin des aides liées aux 35 heures et le financement des frais de siège.
A cela s'ajoutent les difficultés rencontrées par les établissements et services qui obtiennent, compte tenu des besoins - et c'est heureux ! -, des extensions d'agrément, mais à moyens constants jusqu'à ce jour.
Devant ce type de difficulté, madame la secrétaire d'Etat, quelles perspectives pouvons-nous entrevoir ?
Monsieur Mouly, votre question concerne les personnes handicapées qui ne peuvent accéder au milieu ordinaire de travail et qui exercent une activité en centre d'aide par le travail.
La rémunération de ces travailleurs, aujourd'hui assez complexe, comporte trois éléments: l'allocation aux adultes handicapés, un complément de rémunération et, pour finir, un salaire direct.
L'amplitude salariale se situe entre 91 % et 96 % du SMIC. En conséquence, un travailleur en CAT à temps plein, donnant le meilleur de lui-même dans son activité, peut espérer un salaire maximal de 96 % du SMIC.
L'Inspection générale des finances comme l'Inspection générale des affaires sociales se sont prononcées sur ce dispositif lourd et peu satisfaisant. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de la loi que vous avez rappelée, monsieur le sénateur, un nouveau dispositif a été prévu, celui de l'aide au poste.
La rémunération est désormais beaucoup plus simple et son amplitude est plus importante puisqu'elle oscillera entre 90 % et 100 % du SMIC.
Le mécanisme adopté est fondé sur le principe suivant : la rémunération directe du travailleur en CAT aura un plancher de 5 %. Ainsi, les CAT pourront véritablement employer des personnes lourdement handicapées qui n'exercent pas à temps plein. Pour les autres, pour celles qui contribuent largement à l'activité du CAT, ce salaire direct pourra atteindre 30 % du SMIC et sera complété par l'aide au poste, qui donc sera variable.
Il n'y aura donc pas de discrimination pour les travailleurs lourdement handicapés.
Vous avez également évoqué, monsieur Mouly, l'équilibre financier des ces structures - véritable souci pour elles - pour les années à venir. Je vous ferai part des mesures que j'ai prises.
Premièrement, il s'agit d'utiliser l'indicateur, pertinent, de la valeur ajoutée des centres d'aide par le travail. Ce faisant, les frais de siège, en particulier, pourront être imputés sur la part de valeur ajoutée dégagée par le CAT et non sur les budgets commerciaux, comme aujourd'hui, ce qui nuit gravement aux équilibres financiers de ces structures.
Deuxièmement, j'ai demandé aux directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales d'établir et de me communiquer la liste de tous les centres d'aide par le travail qui se trouvent dans une situation difficile afin de renforcer leur situation financière, mais à la condition qu'une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens soit passée avec eux. Les gestionnaires doivent, en effet, avoir une vision pluriannuelle, donc plus pertinente, ce qui permettra également de faire face aux difficultés importantes engendrées par la concurrence dans un contexte de mondialisation.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, le Gouvernement crée soixante places de CAT par semaine !
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, l'actualité internationale est un peu occultée par les questions européennes et, en particulier, en France, par le référendum du 29 mai.
Toutefois, des développements inquiétants préoccupent les responsables politiques et, d'une façon générale, la communauté internationale, je veux parler de la prolifération nucléaire.
Le 10 février dernier, la Corée du Nord a annoncé qu'elle possédait l'arme. Les Etats-Unis affirment qu'elle dispose en réalité de deux armes nucléaires et de suffisamment de plutonium pour en fabriquer six. Le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, a également reconnu que la Corée du Nord devait détenir six armes nucléaires.
Des négociations bilatérales seraient en cours ; d'autres négociations sont interrompues. Bref, monsieur le ministre, nous sommes inquiets !
Pour autant, nous connaissons aujourd'hui également un autre sujet de préoccupation, de même nature, dans une région hautement stratégique : l'Iran.
La France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont engagé, on le sait, des négociations difficiles et fragiles avec l'Iran, qui ont abouti au mois de novembre dernier à un premier résultat. Je dis bravo à la diplomatie européenne !
Téhéran a ainsi accepté, après des mois de vives tensions, de signer un protocole additionnel au traité. Les Iraniens se sont engagés à suspendre toutes leurs activités nucléaires et ils ont accepté des contrôles renforcés. Ce texte demande encore à être ratifié.
En contrepartie, l'Union européenne s'engageait à ouvrir des négociations en vue d'aboutir à un accord de coopération technologique, commerciale et politique.
Depuis, Téhéran souffle le chaud et le froid, au hasard des déclarations.
Le ministère iranien des affaires étrangères a fait un geste de bonne volonté en annonçant que la rédaction du texte de loi de ratification était en cours. Il semblerait pourtant, monsieur le ministre, que le 29 avril les négociations aient encore connu des problèmes. Quoi qu'il en soit, le 30 avril, les Iraniens ont annoncé une reprise du travail à l'usine d'Ispahan.
Cette reprise des activités pourrait signifier la fin des négociations avec l'Europe. Aujourd'hui même, l'Agence de Vienne attendait une lettre des Iraniens annonçant cette reprise.
Il reste à espérer que ces diverses déclarations ne soient qu'à destination interne, la ratification étant devenue un instrument de querelle intérieure en Iran.
Monsieur le ministre, vous serez d'accord avec moi pour dire qu'une reprise des activités nucléaires iraniennes provoquerait une tension extrême dans cette région. Dans ce contexte, pouvez-vous nous faire le point de la situation ?
Monsieur le sénateur, la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs constitue une menace extrêmement grave pour la paix et pour la stabilité dans le monde.
En ce qui concerne la Corée du Nord, nous avons demandé très clairement qu'elle respecte l'intégralité des ses obligations internationales en matière de non-prolifération nucléaire et qu'elle entreprenne le démantèlement complet, vérifiable, irréversible, de ses programmes nucléaires dans le cadre du régime multilatéral de non-prolifération.
Je veux, en répondant à votre question, monsieur le sénateur, affirmer de nouveau que le Gouvernement soutient le processus de discussion actuellement en cours qui tend à régler par la voie diplomatique la question nucléaire nord-coréenne.
Je souhaite donc que la Corée du Nord reprenne sa part des pourparlers, sans délai et sans condition, après bientôt un an d'absence de progrès dans les négociations.
En ce qui concerne l'Iran, vous l'avez dit, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, et le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, ont engagé là encore un processus diplomatique, qui vaut mieux que toutes les autres options.
Dans cette négociation avec l'Iran, monsieur le sénateur, nous avançons les yeux ouverts.
Notre objectif a toujours été clair : exclure que ce grand pays développe des capacités de production de matières fissiles utilisables pour fabriquer une arme nucléaire.
Le 15 novembre dernier, cette diplomatie européenne a obtenu un premier résultat, un premier succès, puisque l'Iran a accepté de conclure avec nous l'accord de Paris. En suspendant toutes ses activités dangereuses, ce pays a promis de coopérer ave l'AIEA, dans une pleine transparence.
Nous avons, sur cette base, engagé avec l'Iran des négociations complexes et difficiles - toujours, je le répète, les yeux ouverts - pour donner à la communauté internationale les garanties objectives que le programme nucléaire iranien aura une finalité exclusivement pacifique.
L'ensemble de la communauté internationale nous soutient - l'Union européenne, bien évidemment solidaire, mais aussi la Chine et les pays du G8, notamment les Etats-Unis et la Russie. Nous devons veiller à préserver ce soutien international indispensable.
Les autorités iraniennes ont fait des déclarations il y a quelques jours, annonçant la reprise de certaines activités sensibles. Une telle décision irait à l'encontre de l'accord de Paris et des résolutions adoptées par l'AIEA, et nous voulons le signifier clairement aux autorités de Téhéran.
Cependant, nous continuons à espérer que l'Iran ne fera pas ce geste, dont il connaît les conséquences.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Claude Domeizel. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées : le Gouvernement a-t-il l'intention d'abandonner l'idée de faire du lundi de Pentecôte une journée de solidarité ?
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Ce serait, de sa part, une anticipation responsable et clairvoyante, de nature à atténuer le gigantesque cafouillage que cela occasionnera sinon !
Aujourd'hui, un quotidien nous apprend, reprenant une note de l'INSEE, que l'incidence du lundi de Pentecôte travaillé serait quasi nulle sur la croissance. Elle s'éloignerait très peu, est-il écrit avec un certain humour, de 0, 0 % !
Je rappelle que, avant même le vote de la loi, cette fausse « bonne idée » avait fait l'unanimité, mais contre elle. Nous l'avions dit pendant l'examen de la loi et nous le répétons : cette journée instaurant le travail obligatoire non rémunéré, au prétendu motif de financer l'aide aux personnes dépendantes et handicapées, demeure inacceptable.
Elle est n'inacceptable, car elle fait financer la solidarité par les seuls salariés.
Pendant ce temps, vous baissez l'impôt sur la fortune et l'impôt sur les revenus, impôts qu'un grand nombre de salariés - les plus modestes d'entre eux -ne paient pas.
Cette journée est inacceptable, car elle introduit une différence entre le secteur privé et le secteur public.
Elle est inacceptable, car inefficace : la canicule de l'été 2003 n'a été qu'un alibi pour inventer une machine infernale, un nouveau coin que vous enfoncez afin de faire éclater un peu plus la sécurité sociale !
Cette journée travaillée est inacceptable, car elle vient détruire une vieille tradition qui appartient à l'histoire de France.
Elle est inacceptable, car c'est un chef-d'oeuvre d'irréalisme. Il suffit, pour s'en convaincre, de regarder le désordre qu'elle déclenche !
Mais votre attitude est tout aussi inacceptable quand on sait que l'éducation nationale doit organiser ce jour-là des examens. C'est de la provocation ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Quand une idée est mauvaise, il faut savoir le reconnaître.
Les premiers pas de la réforme, expérimentée dans deux départements pour le lundi de Pâques, ont donné un avant-goût de la confusion qui régnera le lundi de Pentecôte.
Les Français disent oui à de véritables mesures de financement, oui à des moyens supplémentaires et pérennes pour les maisons de retraite et les hôpitaux, ...
... non à une loi qui n'est qu'un recueil de stupidités, non à une mesure injuste et inégalitaire.
M. Claude Domeizel. Ecoutez les Français, suspendez l'application de cette loi jugée inéquitable et insuffisante pour faire face aux besoins !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le sénateur, ce qui est inacceptable, c'est de vouloir faire croire aux Français que la protection sociale n'a pas de coût ou que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne sera pas sous le contrôle du Parlement et de la Cour des comptes !
Avec toutes les exonérations, évidemment, la sécurité sociale n'a plus d'argent !
Monsieur le sénateur, chaque euro versé à cette caisse nationale de solidarité grâce au produit de ce jour de solidarité sera employé pour l'usage auquel il est destiné : 800 millions d'euros iront aux personnes handicapées et 1, 2 milliard d'euros aux personnes âgées.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Qui peut croire aujourd'hui que, dans notre pays, l'Etat, au bout du compte, ce n'est pas les Français, ce n'est pas la solidarité nationale ?
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que, au-delà de ce fléchage, au-delà du don par les Français d'une journée de solidarité, ...
...les plans d'action pour le grand âge et pour les personnes handicapées seront menés à bien.
Tel est l'esprit de cette compensation entre nos concitoyens : faire disparaître les inégalités criantes qui existent encore entre les uns et les autres.
Je vais vous donner un exemple : l'un des premiers produits de la caisse nationale de solidarité sera, dès le mois de juin 2005, affecté aux personnes très lourdement handicapées afin de mettre en oeuvre la prestation de compensation.
Une personne très lourdement handicapée - mais le savez-vous, monsieur le sénateur ?
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
... a besoin d'une assistance humaine permanente, de jour comme de nuit. Cela représente un coût de 60 000 euros par an et par personne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le financement d'une telle assistance sera précisément assuré par le produit de la journée de solidarité.
Je puis vous dire que les Français seront fiers que leur système de protection sociale atteigne ce niveau de performance.
Aujourd'hui même, le Premier ministre a procédé à l'installation du comité de suivi et d'évaluation de la journée nationale de solidarité.
Le Gouvernement a, vous le voyez, la volonté d'avancer et de résoudre des problèmes qui n'ont pas été résolus jusqu'à présent, singulièrement le financement de l'allocation personnalisée à l'autonomie.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Dans le même temps, le Gouvernement a à coeur de rendre compte de son action.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Il ne fait aucun doute que la réduction du taux de TVA applicable aux activités de restauration de 19, 6 % à 5, 5 % serait de nature à donner une impulsion au secteur de l'hôtellerie et de la restauration et pourrait aussi contribuer à une revalorisation des salaires qui y sont pratiqués.
Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.
Nous sommes nombreux, au sein de la majorité sénatoriale, à être acquis à cette idée et à soutenir le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin dans la lutte qu'il a menée afin d'être autorisé à baisser le taux de la TVA.
Du chemin a déjà été parcouru l'année dernière. Le Gouvernement a procédé à l'allégement des charges sociales pesant sur les entreprises du secteur. En contrepartie, celles-ci se sont engagées à supprimer le SMIC hôtelier et à assurer de meilleure manière la formation professionnelle. Cependant, un pas doit encore être franchi.
A cet égard, nous sommes optimistes depuis que la présidence luxembourgeoise de l'Union européenne, laquelle était jusqu'à présent plutôt rétive, s'est déclarée favorable à la réduction de ce taux de TVA.
Il faut rétablir le lundi de Pentecôte pour le secteur de l'hôtellerie !
Monsieur le ministre, j'ai deux questions à vous poser.
Premièrement, quel cheminement doit encore accomplir le projet pour obtenir l'approbation de l'Union européenne ?
M. Joël Bourdin. Deuxièmement, quelles sont les chances pour que ce taux réduit de TVA à 5, 5 % puisse être appliqué dès le 1er janvier 2006 ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, votre question me permet de rappeler - c'est le bon sens - que, lorsque l'on veut mener une politique économique entièrement tournée vers la croissance, la création d'emplois et l'investissement, il faut savoir assumer une baisse courageuse des impôts et des charges sociales.
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
A cet égard, l'action que le Gouvernement a engagée en faveur du secteur de la restauration relève évidemment du bon sens, ne serait-ce que parce qu'environ 500 000 offres d'emplois sont actuellement insatisfaites dans notre pays. Aussi, tout doit être tenté pour aider les secteurs d'activité qui affichent ainsi de nombreuses offres d'emploi non pourvues.
Il existe une iniquité dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie : en effet, la restauration à emporter bénéficie d'un taux de TVA à 5, 5 %, alors que le taux applicable à la restauration en général est de 19, 6 %.
Une discussion sur ce sujet avec nos partenaires européens est indispensable et parfaitement légitime. A cet égard, le compromis proposé par la présidence luxembourgeoise en avril dernier, qui rejoint la position française, est une très bonne chose et constitue une étape importante.
Voilà de quoi nous rendre raisonnablement optimistes et confiants ! Naturellement, notre objectif - c'est la règle - est de convaincre l'ensemble de nos partenaires de l'Union européenne ...
... et c'est à cela que nous nous employons avec la plus grande détermination.
Monsieur le sénateur, sur ce sujet comme sur tous les autres, nous avons pour objectif de poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. A ce propos, il serait évidemment irresponsable de financer la journée de solidarité par une augmentation des impôts et des charges : cette journée de solidarité proposée aux Français constitue un rendez-vous essentiel pour la nation.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
De la même manière, pour encourager l'embauche dans la restauration, nous nous efforçons de convaincre nos partenaires européens. C'est une seule et même politique tendue vers un seul et même objectif : baisser les prélèvements obligatoires pour aller chercher la croissance !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'industrie.
Si l'on peut se réjouir que la télévision numérique terrestre ait enfin vu le jour en France, force est de constater qu'elle n'a qu'un lointain rapport avec ce que beaucoup de citoyens souhaitaient, particulièrement depuis l'adoption de la loi Trautmann du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Il est vrai que, en octobre 2002, le rapport Boyon a sensiblement modifié les orientations définies initialement. Ainsi, premièrement, il n'existe pas de grande chaîne publique d'information internationale. Deuxièmement, le service public ne constitue pas le pilier du dispositif dans la mesure où les projets développés par France Télévisions ont été largement écartés, probablement parce qu'ils ne plaisaient pas à une ou plusieurs sociétés de programmes privées. Troisièmement, enfin, le taux de couverture de la population métropolitaine est fixé à 85 % à l'horizon 2007. Rien n'est prévu pour les 15 % restants, c'est-à-dire pour ceux qui habitent dans des zones de montagne ou frontalières.
Une troisième fracture numérique se dessine donc : après le téléphonie mobile, après le haut et le très haut débit, la TNT ! Si aucune mesure n'est prise, les habitants de ces secteurs n'auront pas accès aux nouvelles chaînes hertziennes gratuites.
Abstraction faite de certaines zones frontalières, où des accords entre Etats devraient permettre de gérer les plans de fréquence d'ici à 2007, il subsistera donc à cette date des zones blanches en TNT, coïncidant presque parfaitement avec celles qui ont déjà été constatées pour la téléphonie mobile, le haut et le très haut débit.
Conscient que des téléspectateurs pourraient être exclus de la diffusion de cette nouvelle technologie en raison de leur situation géographique, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a appelé l'attention du Premier ministre en indiquant que « l'enjeu est important [...], notamment parce qu'il conditionne l'accès de tous nos concitoyens aux chaînes hertziennes gratuites, l'arrêt à terme de la diffusion analogique et la restructuration du spectre des fréquences ».
Pourquoi le Gouvernement, qui s'est hâté lentement sur ce dossier, n'a-t-il pas profité de ce délai pour exiger un calendrier de déploiement de cette nouvelle technologie sur tout le territoire national ?
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour la mettre en place d'un véritable service universel dans le domaine de la TNT, c'est-à-dire un service ouvert à tous ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le sénateur, la TNT est un très grand succès, puisque, d'ores et déjà, trois cent mille adaptateurs ont été vendus ; sept cent mille à un million devraient l'être d'ici à la fin de l'année.
La couverture numérique du territoire - votre question porte essentiellement sur ce point -, est assurée à hauteur de 35 %, à partir de dix-sept sites.
Entre septembre 2005 et mars 2006, quinze autres sites seront ouverts, portant le taux de couverture à 50 %. A la fin du premier semestre 2006, ce taux sera de 65 % ; au début de l'année 2007, il sera de 85 % ; à la fin de l'année 2007, conformément à l'engagement du Premier ministre, il sera de 100 %, monsieur Teston.
Pourquoi la couverture se fait-elle progressivement et non d'un seul coup, ainsi que le réclament certains ? La raison en est qu'il faut s'assurer que l'image soit correcte. Il faut éviter les brouillages, les interférences avec la diffusion analogique. Cela pose des problèmes. Il faut vérifier également le bon fonctionnement des antennes. Le spectre hertzien est parfois surchargé, en particulier dans les zones frontalières. Ainsi que vous l'avez souligné, il est parfois nécessaire de conclure des accords avec certains pays frontaliers. Cela étant, et conformément à l'engagement pris par le Gouvernement, la couverture sera totale à la fin de l'année 2007.
Vous estimez que le lancement de la TNT est intervenu tardivement. En effet ! Mais si la France a dix ans de retard, la faute en incombe au gouvernement précédent, qui n'a rien fait dans ce domaine !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.- Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué au logement et à la ville.
Récemment, des centaines de milliers de locataires ont pu constater une augmentation très importante de leur loyer, en raison de l'indexation sur l'indice du coût de la construction.
Cet indice avait été créé en 1953 afin de protéger l'épargne construction des particuliers. Il est devenu la référence obligatoire en matière d'augmentation des loyers depuis la loi dite Malandain-Mermaz du 6 juillet 1989.
Malheureusement, l'utilisation de cet indice a entraîné des difficultés. En effet, pendant longtemps, son mode de calcul ne permettait pas aux bailleurs de couvrir l'ensemble des charges qui leur incombaient. Cela ne les a pas encouragés à placer en nombre sur le marché des logements, alors précisément qu'ils étaient d'autant plus nécessaires que s'amorçait une crise du logement sans précédent, notamment dans les départements de la région d'Ile-de-France.
Dans la période récente, ce sont les locataires qui en subissent les conséquences. La flambée du prix des matières premières entrant dans le calcul de l'indice - quoique cela n'ait aucun rapport avec les loyers -, il s'est ensuivi d'insupportables augmentations des loyers.
Ainsi, l'indice du coût de la construction ayant augmenté de 4, 58 % au cours du troisième trimestre de 2004 - une des plus fortes hausses de ces dix dernières années -, les locataires subissent aujourd'hui de plein fouet une injuste hausse de leurs loyers.
Elle est injuste parce qu'elle est très supérieure non seulement à l'inflation, mais aussi à l'augmentation des salaires. Les conséquences en sont lourdes pour les foyers et les familles, singulièrement pour les plus modestes d'entre elles.
Si un système d'indice est légitime, il doit être perçu comme étant juste et équilibré tant par les locataires que par les bailleurs. Il doit surtout éviter les variations en coup de boutoir.
Le problème n'est pas nouveau. L'indice du coût de la construction a été maintes fois remis en cause. Des propositions ont été faites pour en finir avec cette mauvaise indexation des loyers, sans jamais qu'elles aboutissent.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il est enfin temps de mettre en place un nouvel indice qui refléterait l'évolution normale des charges et du coût de la vie ? Dans l'affirmative, quelles mesures entendez vous prendre et à quelle échéance ?
Ces décisions sont attendues par des centaines de milliers de Français !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur Cambon, M. Marc-Philippe Daubresse, qui est précisément retenu par la signature, en ce moment même, de la convention pour la mise en oeuvre du volet logement du plan de cohésion sociale avec les bailleurs sociaux français et la Caisse des dépôts et consignations, m'a demandé de répondre à l'ensemble de vos interrogations.
La crise du logement a en effet été en grande partie alimentée, comme vous l'avez dit, par l'effondrement de l'indice du coût de la construction. Aujourd'hui, pour rattraper le retard, il est prévu de construire 500 000 logements sociaux dans les cinq années qui viennent et de rénover ou de libérer 300 000 logements privés, ce qui marque un doublement par rapport au rythme enregistré à la fin des années quatre-vingt-dix.
Depuis maintenant plusieurs trimestres, c'est effectivement la flambée à la hausse de cet indice qui pénalise beaucoup de ménages modestes.
La situation n'est donc pas acceptable, et le Premier ministre a souhaité que nous puissions rapidement réformer l'indice du coût de la construction de manière qu'il soit plus stable dans ses évolutions, protégeant les ménages et garantissant aussi le rendement de l'investissement consenti par les propriétaires.
Aujourd'hui, M. Marc-Philippe Daubresse a réuni les associations de propriétaires et de locataires. Deux pistes sont à l'étude : soit écrêter, à la baisse comme à la hausse, l'évolution de l'indice afin d'en limiter les fluctuations, soit réviser entièrement la composition de l'indice en y introduisant des éléments autres que ces matières premières qui n'ont pas grand-chose à voir avec les charges du propriétaire.
L'arbitrage sera rendu dans le cadre du projet de loi « Habitat pour tous », que le conseil des ministres doit examiner dans les semaines à venir et dont le Sénat aura à connaître avant la fin de l'année 2005. Je ne doute pas de votre contribution positive à cette réforme.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Ma question s'adressait à M. le ministre de la culture et de la communication.
A travers la presse, M. Pinault a annoncé sa décision de renoncer à son projet de fondation d'art contemporain sur le site des anciennes usines Renault. Plutôt que de donner suite à ce projet, dont le coût était estimé à 150 millions d'euros, il a préféré racheter pour 29 millions d'euros le Palais Grassi, à Venise, dont M. Aillagon a été conseiller culturel.
M. François Pinault, conseillé par M. Aillagon, a-t-il trouvé ce projet trop coûteux ? Rappelons qu'il est devenu milliardaire en bâtissant le groupe Pinault-Printemps-La Redoute et en s'investissant dans l'opération Executive Life, qui a coûté cher à nos concitoyens. De plus, il a bénéficié d'une loi portée par M. Aillagon visant à simplifier la création de fondations d'intérêt général, et lui permettant d'obtenir une réduction d'impôt de 60 %.
M. Pinault, dont la fondation n'a jamais vu le jour, a-t-il refusé l'inaliénabilité à 90 % pour sa collection ?
Par ailleurs, M. Jean-Jacques Aillagon, lorsqu'il était ministre, a joué un rôle quelque peu surprenant au regard des intérêts culturels français qu'il aurait dû être le premier à promouvoir.
Il n'a pas su trouver les moyens de défendre un projet aussi prestigieux et a, entre autres, mis plus d'un an à signer l'arrêté de démolition des usines Renault.
Tout aussi éloquent est le long silence de M. Donnedieu de Vabres sur cette affaire. On a beau jeu de pointer du doigt la ville de Boulogne-Billancourt, les vicissitudes des aménageurs, les lenteurs administratives, le coût exorbitant du projet La vérité est que le soutien de l'Etat au projet a cruellement fait défaut.
Il était prévu que l'Etat le conforte en s'engageant sur la construction d'autres équipements culturels ; concrètement, rien n'a vu le jour.
Quand il y a une volonté politique forte, les projets aboutissent.
C'est vrai des projets portés par les mécènes comme des initiatives publiques.
Il n'y a malheureusement plus aucune politique de l'Etat pour promouvoir l'art contemporain et les projets architecturaux. Il n'y a plus de commande publique, plus d'acquisitions publiques, plus de grands projets publics !
Il est certes plus facile de crier haro sur le mécène fuyant, mal conseillé.
La France a pourtant connu à la fin du XXe siècle une période glorieuse en matière de grands projets : Beaubourg, le Grand Louvre, la Villette, l'Institut du monde arabe... la liste serait longue. Mais il y avait, à l'époque, une volonté politique forte.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner votre jugement sur l'attitude de MM. Aillagon et Pinault et nous indiquer les mesures que vous envisagez de prendre afin d'éviter qu'un tel gâchis pour la créativité artistique et architecturale française ne se reproduise ?
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur Lagauche, je comprends naturellement votre déception et celle de tous ceux qui se sont investis dans le projet de M. François Pinault, qui souhaitait exposer sa collection d'art contemporain à Boulogne-Billancourt. Je tiens à vous assurer que l'Etat est mobilisé pour que cette très remarquable collection puisse être présentée au public français.
Riressur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
... ne consistait pas pour M. Pinault à faire don à la France de sa prestigieuse collection. Il prévoyait seulement qu'elle soit exposée en France.
Le Gouvernement n'a évidemment pas à commenter le fait que M. Pinault a décidé d'exposer une partie de sa collection ailleurs qu'en France. Il n'a pas non plus à porter un quelconque jugement sur les raisons qui l'ont conduit à prendre cette décision.
En l'état, le Gouvernement ne peut que regretter que les nombreuses oeuvres d'art acquises par M. Pinault ne soient pas exposées de façon permanente en France.
M. Henri Cuq, ministre délégué. C'est pourquoi, compte tenu de la qualité de ces oeuvres et de façon que les Français puissent les admirer, le Gouvernement proposera un lieu où elles puissent être exposées de façon temporaire et régulière.
Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
La mission de l'Etat, monsieur le sénateur, est non pas d'entraver la démarche des collectionneurs privés mais de tout mettre en oeuvre pour que notre patrimoine continue de s'enrichir d'oeuvres modernes mais aussi classiques.
Plusieurs Fragonard, vous le savez, ont été acquis par l'Etat et ont ainsi rejoint le musée d'Angers cette année.
M. Henri Cuq, ministre délégué. Cela n'a rien à voir, mais écoutez quand même !
Riressur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Le Gouvernement a par ailleurs prévu dans le budget que vous avez voté des moyens pour développer la commande publique, ce qui n'avait pas été fait depuis plusieurs années, contrairement à ce que vous avez laissé entendre ! Cet effort sera poursuivi en 2006.
Nous disposons aussi d'autres leviers pour encourager la création contemporaine.
Le Fonds national d'art contemporain, de même que les fonds régionaux d'art contemporain, bénéficient chaque année d'un budget d'acquisition de 8 millions d'euros, soit beaucoup plus que sous la majorité que vous soutenez, monsieur le sénateur, ...
... sans compter les dispositifs d'aides publiques à la création, à la recherche et à l'édition, notamment sous la forme de bourses ou d'allocations.
Plus généralement, je tiens à vous dire que le Gouvernement étudie toutes les mesures qui seraient de nature à renforcer l'attractivité du marché de l'art français.
M. Henri Cuq, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je pense ainsi avoir répondu à vos inquiétudes.
Applaudissementssur les travées de l'UMP.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Monsieur le ministre, vous avez, le 2 mai dernier, conduit à Gênes une délégation des représentants de plus de soixante candidats aux pôles de compétitivité en vue d'examiner comment nos amis Italiens ont choisi d'organiser leurs districts technologiques.
Je voudrais vous féliciter de cette initiative, car il est indispensable d'avoir les yeux ouverts sur les évolutions du monde.
De la même manière, il faut nous féliciter de l'initiative du Premier ministre relative au lancement de pôles de compétitivité. Nous devons, en effet, être conscients du fait que le principal problème qui menace nos économies n'est pas le simple processus de délocalisation ; ce sont aussi les formidables outils productifs dont sont en train de se doter des pays comme la Chine, l'Inde, la Corée du Sud ou encore Taïwan, et qui vont permettre à leurs entreprises de gagner des parts de marché.
J'ai pu, à l'occasion de différentes missions - la dernière sous l'autorité de M. Jean Arthuis - notamment en Inde et à Taïwan, mesurer la redoutable efficacité des parcs industriels qui rassemblent les entreprises, les universités et les centres de recherche.
Il était donc urgent de réagir ; c'est fait, mais il faut veiller à bien cibler nos objectifs.
La France doit identifier une trentaine ou une quarantaine de secteurs clés dans lesquels elle veut jouer un rôle majeur au niveau international.
Les véritables pôles de compétitivité devront donc concerner des secteurs déjà existants, telles les nanotechnologies ou l'aéronautique, mais aussi en devenir, telles la fiabilité des réseaux et la sécurité des transmission à haut débit.
Le rapport commandé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les technologies clés me paraît devoir éclairer ces choix.
Car il s'agit bien de choix de la France qui engagent l'avenir, qui auront des retombées locales, certes, mais qui ne doivent rien à des périmètres géographiques ou administratifs. A l'inverse, il est clair, et cela est tout aussi noble, que certains dossiers parmi les cent cinq qui ont été déposés relèvent de politiques régionales ou de politiques de filières en lien direct avec l'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, où en est-on dans la procédure de sélection des dossiers ?
Tous les porteurs de projets de pôle auront-ils la possibilité d'exposer leur dossier devant la commission compétente ?
Quelles mesures entendez-vous prendre pour que le formidable élan de dynamisme suscité par votre démarche puisse trouver un aboutissement positif pour nos entreprises, notre économie et notre pays ?
Comment comptez-vous valoriser davantage encore le rôle de la recherche, qui me paraît devoir être au coeur du dispositif ?
Le pays est à votre écoute, monsieur le ministre !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur Adnot, Frédéric de Saint-Sernin et moi-même avons emmené les porteurs de pôles de compétitivité à Gênes.
Il ne s'agissait pas d'une excursion touristique, monsieur le sénateur, et la journée fut très studieuse !
Ce déplacement fut à lui seul un premier succès, car les porteurs de ces projets, qui étaient issus de la France entière, se sont rencontrés et ont pu tisser des liens.
Par ailleurs, nous avons constaté, in situ, que le partenariat entre des laboratoires de recherche, des entreprises, des collectivités locales et des universités, permettait d'opérer des miracles et d'inverser les choses sur un territoire qui avait, à un certain moment, quelque peu cherché son destin.
Ce qui a réussi ailleurs doit donc pouvoir réussir en France.
En effet, notre territoire est attractif, comme vous avez pu en avoir la confirmation en lisant la presse ces jours-ci. Nous avons des chercheurs de qualité et de grandes entreprises. Notre démographie connaît une croissance surprenante, ainsi que nous en avons eu récemment la preuve. C'est un signe de vitalité.
Le Premier ministre a lancé la grande opération des pôles de compétitivité. Les experts techniques ont déjà commencé les auditions des porteurs de pôles. Frédéric de Saint-Sernin et moi-même désignerons, lundi prochain, les personnalités qualifiées, qui pourront également procéder à l'audition de porteurs de pôles.
Nous réfléchissons déjà à l'implantation, sur tout le territoire, des projets d'excellence - cent cinq ! -qui se sont manifestés à cette occasion. C'est la première fois que les mondes de l'économie, de la recherche et de l'enseignement travaillent ensemble.
Patrick Devedjian, Thierry Breton, François d'Aubert, Frédéric de Saint-Sernin et moi-même...
... allons sélectionner les projets et les présenter au Premier ministre dans le cadre d'un CIADT, comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire.
M. Gilles de Robien, ministre. Ce partenariat avec le monde de l'économie va permettre d'amplifier le rôle de la recherche et, demain, tous les territoires pourront ainsi répondre au grand défi de la mondialisation.
Applaudissementssur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.
L'ordre du jour appelle la communication de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, sur son rapport annuel.
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Médiateur de la République dans l'hémicycle.
M. le Médiateur de la République est introduit avec le cérémonial d'usage.
Monsieur le Médiateur de la République, pour plusieurs raisons, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue en notre nom à toutes et à tous. Vous êtes intervenu à maintes occasions dans cet hémicycle, comme sénateur, puis comme ministre. C'est aujourd'hui la première fois que vous venez présenter au Sénat le rapport annuel, très attendu, de la Médiature de la République.
Ce rapport a vocation de refléter fidèlement les difficultés rencontrées au quotidien par les citoyens dans leurs relations avec l'administration. A ce titre, il contribue efficacement au suivi de l'application des lois, sujet qui, depuis longtemps, nous tient particulièrement à coeur, ici, au Sénat.
Comme vous le savez, la Haute Assemblée, toujours soucieuse de se tenir à l'écoute des attentes de nos concitoyens, au plus près des réalités du terrain, se montre très attachée à veiller à l'amélioration de la qualité de la loi et au contrôle de son effectivité.
Aussi pouvez-vous être assuré, monsieur le Médiateur de la République, que le Sénat continuera à porter la plus grande attention aux propositions de réforme législative que vous pourrez lui soumettre. A l'évidence, nous sommes animés de la même volonté de parvenir à des textes qui répondent le plus directement possible aux préoccupations légitimes de nos concitoyens dans leur vie quotidienne.
Vous avez la parole, monsieur le Médiateur de la République.
Monsieur le président, après vous avoir remercié de ces mots d'accueil, permettez-moi de vous remettre officiellement le rapport de la Médiature de la République. (M. le Médiateur de la République remet à M. le président du Sénat un exemplaire dudit rapport.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, je partage avec vous le souci de développer un partenariat efficace, afin de tenter d'apporter des réponses aux questions qui sont évoquées dans ce rapport.
Nous avons souhaité, dès le texte de présentation du rapport, rappeler très clairement quels sont les pouvoirs qui ont été conférés au Médiateur par la loi du 3 janvier 1973. Permettez-moi de les énumérer : pouvoir de recommandation en équité, pouvoir de sanction, pouvoir d'inspection, pouvoir de proposition de réformes et pouvoir d'injonction.
S'agissant du pouvoir d'inspection, mobilisant la Cour des comptes et le Conseil d'Etat, M. le Premier président de la Cour des comptes, que nous venons de saisir, a accepté le principe d'un rapport du Conseil des impôts précisant les différences de fiscalité sur le patrimoine et les revenus selon la nature juridique du lien existant entre deux personnes : mariage, PACS ou concubinage.
Pour ma part, j'ai déjà utilisé le pouvoir d'inspection en allant visiter l'administration de l'état civil à Nantes ou celle du recouvrement des amendes à Rennes.
Le pouvoir de proposition de réformes représente à mes yeux l'occasion d'un partenariat privilégié avec le Sénat.
J'ai également fait usage - c'était une première depuis 1973 -du pouvoir d'injonction reconnu au Médiateur de la République. A cet égard, je tiens à remercier M. le Premier ministre d'avoir ordonné, en l'espace de quelques heures, la mise en paiement d'une amende due par l'Etat français à la suite de la condamnation de ce dernier par la Cour européenne des droits de l'homme en 2002, alors que les intérêts moratoires s'élevaient déjà à 22 000 euros.
Quels sont nos priorités, nos résultats et nos objectifs ?
Premièrement, en ce qui concerne nos priorités, nous faisons en sorte de mettre en avant les valeurs d'indépendance, d'écoute et d'humanité, en développant l'efficacité de notre réseau de délégués, qui comprend 90 personnes au siège de la Médiature et 300 personnes sur le terrain.
Nos objectifs sont, outre la proximité et l'écoute, la transparence - nous devons rendre compte devant vous de l'utilisation de l'argent public -, et la traçabilité ; nous venons de mettre en place un logiciel permettant d'analyser chaque fichier depuis dix ans afin de constituer une banque de données du « vécu » quotidien de nos concitoyens, qui alimentera notre réflexion.
Au titre des objectifs qui sont les nôtres, je citerai également la réactivité - j'ai mis en place une cellule d'urgence - et la promotion de l'accès à l'institution par la mise à disposition de nos concitoyens de l'ensemble de l'offre de services de la Médiature grâce à une série de communications.
Nous entendons également développer nos partenariats. Nous signerons prochainement avec les caisses d'assurance maladie, l'UNEDIC, les caisses d'allocations familiales, mais aussi l'Ecole nationale de la magistrature, l'Institut d'études politiques et certaines universités, des partenariats qui nous permettront de conforter, grâce à la compétence et à la capacité d'analyse de ces établissements, les propositions que nous allons formuler.
Deuxièmement, en ce qui concerne maintenant les résultats que nous avons obtenus, nous avons traité l'année dernière 56 971 dossiers, dont 51 193 directement sur le terrain et 5 578 depuis le siège de la Médiature, à Paris.
La première leçon que nous pouvons en tirer est tout à fait révélatrice du besoin d'information de nos concitoyens : 57, 5 % des saisines concernaient des demandes d'information. En effet, lorsqu'un drame frappe nos concitoyens, qu'il s'agisse de la perte d'un emploi, d'une rupture familiale ou d'un problème avec l'administration, ceux-ci ont du mal à trouver l'administration susceptible de leur apporter la bonne réponse.
Ce chantier doit absolument faire l'objet d'un examen approfondi de notre part, mais j'aurai l'occasion d'y revenir à propos d'autres dossiers.
Nous avons également pu tirer des enseignements de la nature des dossiers, autre élément, là aussi, révélateur de l'état de la société française : 27, 4 % des dossiers reçus au siège de la Médiature concernent des problèmes sociaux et 23, 1 % des problèmes d'ordre judiciaire, notamment des questions de nationalité.
Sur le terrain, les pourcentages sont à peu près les mêmes : plus de 30 % de dossiers de nature sociale, même s'il existe des différences en fonction des régions. Dans le sud de la France, par exemple, les dossiers concernant la situation des étrangers connaissent une augmentation très forte.
Environ 75 % des médiations que nous avons menées ont pu aboutir. Je citerai rapidement quelques exemples.
Notre service « Affaires générales » traite de nombreux dossiers concernant l'urbanisme, avec des contentieux liés aux permis de construire, aux changements d'affectation - nos concitoyens considèrent le cadastre comme une garantie de limite foncière alors qu'il n'est qu'un support de caractère fiscal -, des dossiers concernant l'environnement, les travaux publics, mais aussi l'agriculture. Ainsi, un nombre de plus en plus important de réclamations ont trait à la complexité des aides européennes et aux contrôles tatillons difficilement supportables par le monde agricole.
Nous rencontrons également un vrai problème s'agissant de la réforme des retraites des agents publics. Il semble en effet que l'administration ne réponde pas pour l'instant aux demandes de simulations et d'informations, ce qui provoque une grande insatisfaction chez les agents qui veulent connaître leurs droits avant de partir en retraite, en vain jusqu'ici.
Par ailleurs, sur le plan fiscal, il existe des interprétations extrêmement différentes, selon les régions, des circulaires ou des lois fiscales. Certaines interprétations fournies par l'administration fiscale orientent en effet les PME dans des directions totalement démenties, quelques années plus tard, lors de contrôles fiscaux.
Sur le plan social, nous avons constaté l'importance du problème des indus. Nous devons réfléchir notamment à l'évaluation forfaitaire des allocations familiales. En effet, nos politiques publiques restent fondées sur la stabilité, celle de l'emploi, des liens conjugaux et du domicile, de sorte que les ruptures professionnelles ou conjugales et les changements d'implantation géographique sont mal appréhendés, ce qui entraîne parfois des difficultés dans le versement des prestations sociales, notamment quand on réclame brutalement le remboursement de certaines sommes, précipitant les personnes concernées dans la spirale d'un surendettement dont il est difficile de s'extraire .
S'agissant du service public de la justice, l'inexécution des décisions est source d'une grande incompréhension chez les justiciables qui ont gagné leur procès. En outre, certains documents officiels ne garantissent pas une sécurité juridique suffisante. Je citerai par exemple le cas d'une personne titulaire d'une carte grise qui s'est retrouvé bloquée en Espagne par la douane espagnole, car on a découvert que son véhicule avait été volé en Belgique : le fichier Schengen n'était en effet pas connecté au fichier des fonctionnaires chargés de délivrer les cartes grises. Ce que je dis des cartes grises vaut également pour les retraits de permis de conduire.
Ces exemples sont emblématiques d'une certaine fragilisation de la volonté politique dont je vois une autre manifestation dans l'écart que nous constatons entre les textes que le législateur adopte et les décrets d'application, qui en minorent singulièrement la portée. Je pourrais encore citer l'imprécision des textes, qui fait que, dans des situations équivalentes, il existe plusieurs réponses possibles.
Troisièmement, s'agissant des résultats, la Médiature de la République a formulé vingt et une propositions de réforme et a reçu quatre-vingt-treize demandes de réforme.
Au titre des réformes abouties, nous nous réjouissons du recours juridictionnel individualisé pour les assurés sociaux, de l'abrogation de la règle de l'établissement hospitalier le plus proche, de l'harmonisation annoncée des intérêts de retard en matière fiscale et de la désignation d'une personne référente au sein des maisons départementales des personnes handicapées.
Nos résultats sont également de nature budgétaire. Je suis de ceux qui pensent que l'indépendance de la Médiature ne saurait se conjuguer avec l'opacité budgétaire et que l'utilisation de l'argent public suppose d'assumer la responsabilité de son affectation et de son utilisation.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, dès le départ, mettre en place une comptabilité analytique, dont les chiffres vous sont très clairement présentés dans ce rapport.
Pour la première fois, nous affichons notre budget, qui s'élève à 8 548 000 euros, et nous en donnons les affectations très précisément. Par ailleurs, nous avons mis en place une comptabilité par services, dans un souci de transparence, de responsabilisation et d'évaluation. Nous réfléchissons également à la création d'un poste de comptable public.
Il serait cependant intéressant, messieurs les sénateurs, que vous puissiez vous interroger, lors de l'application de la loi d'orientation relative aux lois de finances, sur le fait qu'il n'est pas possible d'intégrer les notions d'amortissement et de taux de retour d'investissement.
Quels sont nos projets ?
Parmi nos projets figure l'accès de chacun au droit, quelle que soit sa situation. Nous avons ainsi décidé de désigner une personne référente dans chaque maison départementale des personnes handicapées. Nous nous efforçons par ailleurs, avec M. le garde des sceaux, d'expérimenter la mise en place de délégués au sein des établissements pénitentiaires.
Cette initiative est tout à fait importante. Le directeur de la prison des Baumettes, à Marseille, me disait que l'existence d'un centre d'accès au droit ainsi que la présence d'un délégué du Médiateur de la République avaient fait chuter le nombre des violences commises par les détenus, eux qui ont désormais un lieu, un interlocuteur pour poser des questions concernant notamment leur famille vivant à l'extérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, la privation de la liberté n'est pas la privation de l'accès au droit, nous y veillerons.
Nous allons aussi réfléchir sur un sujet qui intéresse directement les parlementaires : la notion de saisine directe. En effet, globalement, ce sont 60 000 dossiers, dont 50 000 dossiers traités sur le terrain, qui font l'objet d'une saisine directe. Nous avons 40 % de saisines directes à Paris.
Un problème se pose : celui du passage obligatoire par un parlementaire pour la saisine de la Médiature, en ce qui concerne les personnes vivant à l'étranger. En effet, au sein de l'espace européen, les personnes qui souhaitent nous interpeller sont de plus en plus nombreuses.
Il faut à mon sens conserver le principe de la saisine par l'intermédiaire d'un parlementaire, mais sans doute pas celui du monopole de cette saisine. En effet, aujourd'hui, lorsqu'ils ont un souci, nos concitoyens ont tendance à saisir directement l'administration ou le médiateur concernés. Cette question est d'autant plus d'actualité qu'il est prévu dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe une saisine directe du médiateur européen.
Nous avons des conventions avec la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, dont j'ai rencontré le président, M. Louis Schweitzer, avec la Défenseure des enfants et avec M. Pierre Truche, président de la commission de déontologie de la sécurité.
Nous souhaitons développer un partenariat actif avec le Parlement, notamment le Sénat, pour dénoncer et corriger les injustices, lutter contre l'instrumentalisation de nos politiques publiques, veiller au respect de l'éthique et de l'équité, humaniser et reconstruire le lien social.
Pour illustrer le premier objectif, dénoncer et corriger les injustices, je vous citerai quelques exemples. Nous avons été saisis, à quarante-huit heures d'intervalle, d'un même drame humain, celui de deux hommes dont les épouses ont accouché chacune d'un enfant né sans vie et auxquels ont refuse, pour cette triste raison, le bénéfice du congé de paternité.
A notre grande surprise, en effet, nous avons constaté que prévalait en France, et c est l'un des rares pays en Europe à connaître cette situation, la notion de viabilité, qui est à l'origine d'une distinction terrible entre les parents d'enfants nés vivants viables, et les autres. Dans le premier cas, la procédure est classique, même si, par malheur, le bébé décède quelques heures après la naissance. En revanche, si l'enfant est né vivant sans être viable, il n'y a ni congé de paternité, ni inscription sur le livret de famille si le couple n'est pas marié, ni possibilité de donner un nom, seul le prénom étant autorisé. Vous imaginez sans peine les conséquences sur la législation funéraire.
Ce drame humain, qui concerne 5 000 familles, exige, à mon avis, que l'on intervienne pour corriger la situation.
Autre exemple, le versement des allocations d'un faible montant : une allocation même d'un euro doit être versée. Nous avons lancé un débat sur les allocations logement, soit 15 milliards d'euros. Un décret assez ancien fixait à 15 euros le seuil en dessous duquel on ne versait pas les allocations familiales ; ce montant a été porté brutalement à 24 euros. Si l'on multiplie cette somme par douze, cela fait 288 euros, ce qui est, à nos yeux, extrêmement important pour les familles.
Au surplus, en matière d'allocations logement, le législateur n'a pas instauré de franchise, contrairement à ce qu'il a décidé pour le RMI. La volonté politique ne peut pas être réduite par un décret. Il revient au législateur, créateur de la prestation, de décider ou non, dans le cadre de la loi, d'instituer une franchise. On peut être d'accord ou non, mais la loi une fois votée doit s'appliquer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit de 30 millions d'euros sur les 15 milliards d'allocations logement. Ce sur quoi il faut s'interroger, c'est sur la complexité du dispositif des allocations logement, complexité telle que, aujourd'hui, seules trois ou quatre personnes en France sont capables de le comprendre. J'estime avec d'autres que cette complexité est aussi source d'inégalités, car, personne ne s'y retrouvant, des situations équivalentes sont traitées de manière différente.
La suppression de la « franchise » des 24 euros nous paraît d'autant plus importante que l'on recouvre toujours des sommes inférieures.
Il suffirait de verser en une seule fois plusieurs mensualités pour régler du même coup le problème.
Toujours dans ce souci de dénoncer et de corriger des injustices, il nous revient d'adapter les politiques publiques à la société. Nous sommes de plus en plus souvent saisis de sujets difficiles, les gardes alternées d'enfants, par exemple, qui posent le problème du partage des allocations familiales. Pourquoi tel parent percevrait-il 100 % des allocations, et l'autre rien ?
Autre sujet de saisine, celui des catastrophes naturelles, sur lequel, à notre demande, le Premier ministre a chargé le ministre de l'intérieur de lancer une enquête : pourquoi telle commune se voit-elle reconnue victime de catastrophe naturelle, et pas telle autre ? Il y a là un vrai sujet de réflexion.
Deuxième objectif, lutter contre l'instrumentalisation des politiques publiques. On voit bien, en effet, que, face à la volonté politique très ambitieuse, très généreuse, du législateur, il arrive parfois que les textes soient instrumentalisés.
Ce pays est aujourd'hui confronté au scandale des mineurs errants. De nombreux départements nous ont alertés sur la situation d'enfants mineurs, déposés par des parents étrangers sur le territoire français, et qui, sans famille, sans domicile, sans argent, sont pris en charge par les départements ; une fois naturalisés, ils sont automatiquement récupérés par les réseaux mafieux.
Il faut que nous réfléchissions aussi au problème du surendettement des particuliers. Aujourd'hui, un grand nombre d'organismes bancaires font pression, quelquefois en falsifiant les demandes de crédits, précipitant ainsi nos pauvres concitoyens dans une précarité incroyable. C'est d'autant plus grave que, pour la première fois, la précarisation gagne ce que l'on appelait la classe moyenne.
Nous avons signalé les mariages forcés, et remercions le Sénat d'avoir très clairement abordé ce sujet.
Autre thème qui revient de plus en plus souvent dans les réclamations que nous recevons, la problématique des tutelles et des curatelles. C'est à présent un vrai sujet sur lequel les grandes associations font un travail considérable.
Nous assistons, à côté des détournements de patrimoines, à des mises sous tutelle au prétexte de prodigalité, y compris pour des personnes parfois saines, mais socialement handicapées, ce qui les rend difficilement aptes à la gestion de leur propre budget : on les met sous tutelle non pour des raisons médicales, mais pour des considérations bien plutôt sociales. Il est aujourd'hui urgent de se saisir de ce problème.
Toujours dans le cadre de la lutte contre l'instrumentalisation des politiques publiques, je citerai ce que l'on a appelé les « marchands du sommeil ». Il est clair qu'un certain nombre d'investisseurs s'enrichissent à la fois en logeant des gens et en récupérant l'argent public destiné à sécuriser le paiement des loyers, avec parfois des situations tout à fait préoccupantes, comme à Marseille : les propriétaires des logements, plutôt des propriétaires privés, souscrivent une assurance pour garantir leur créance. Or, lorsqu'ils se retournent vers l'assureur pour la recouvrer, ils ne peuvent pas mobiliser le fonds de solidarité logement.
Troisième objectif, veiller au respect de l'éthique et de l'équité.
Nous avons été saisis, notamment, des problématiques de fiabilité des expertises judiciaires, de secret médical et d'accès au dossier, de recouvrement des PV. Là aussi, nous avons lancé une vraie enquête. S'il faut être plus sévère en matière d'insécurité routière, la sévérité ne sera acceptée par le corps social que s'il est possible à nos concitoyens d'exprimer leur sentiment de révolte et d'engager un contentieux lorsqu'ils s'estiment de bonne foi.
Or, aujourd'hui, si vous payez votre amende par souci d'être en règle avec la loi, il y a extinction de l'action publique. Et nombreux sont ceux qui ne comprennent pas pourquoi ils sont privés du droit de contester l'infraction, alors qu'ayant payé l'amende ils s'estiment autorisés à le faire.
Quant à l'accès au juge, peut-être mérite-t-il aussi réflexion. La Cour européenne des droits de l'homme nous a très clairement incités à envisager l'automatisation du recouvrement des amendes. Il en est de même des relations avec les banques qui, au motif que ce recouvrement relève du domaine privé, s'estiment autorisées à prélever autant de frais qu'elles l'entendent au titre du blocage de compte. Or, sur certains dossiers, pour 90euros d'amende, les frais s'élèvent à 120 euros ! Pour nous, ces prestations bancaires s'inscrivent dans le cadre d'une délégation de service public.
Je citerai également les condamnations à la double peine, la non-exécution des décisions de justice, l'accès aux deux fichiers de police et de gendarmerie que sont respectivement le fichier STIC, système de traitement des informations constatées, et le fichier JUDEX, ou système judiciaire de documentation et d'exploitation. Depuis quelques semaines, ces deux fichiers sont l'objet d'un nombre croissant de réclamations, notamment concernant l'accès à des professions règlementées.
Je vous citerai le cas de cette personne qui postulait à un emploi devant recevoir l'agrément du préfet, c'est-à-dire, en termes plus concrets, l'un de ces métiers de la sécurité qui exigent un port d'arme et certaines vérifications. Or, le préfet ayant vu apparaître, dans un fichier de main courante vieux de quinze ou vingt ans, la mention « violences conjugales », a repoussé la candidature. Il y a là un vrai sujet sur lequel il nous faut d'autant plus réfléchir que la CNIL vous a déjà alertés.
Quatrième objectif, humaniser et reconstruire le lien social. Même si tout cela mérite d'être relativisé, nous avons de plus en plus de dossiers à traiter- 60 000 - assez peu de choses, finalement, par rapport au volume important des documents administratifs.
Si l'administration française a fait, il est vrai, de gros efforts pour améliorer la qualité de ses services, il subsiste quelques dysfonctionnements.
Nous sommes de plus en plus saisis au sujet de violences commises par des agents de la force publique. Nous sommes saisis à propos de la précarité et de la précarisation. Nous avons un vrai débat sur le droit à l'enfant et les droits de l'enfant.
Enfin, sujet découvert voilà peu de temps, qui nous a été révélé par un délégué oeuvrant au sein d'un établissement pénitentiaire, la perte des droits ASSEDIC des prévenus : le simple fait d'être incarcéré pour quelques jours en maison d'arrêt vous fait perdre la totalité de vos droits sociaux et de vos indemnités journalières, même si vous êtes libéré quelques jours après. C'est totalement injuste !
Pour conclure, j'évoquerai la mise en place de nouveaux outils de communication, notamment un site internet interactif, de façon que le public ait accès le plus directement possible à nos informations, à nos analyses et à nos propositions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes convaincus qu'en renforçant notre partenariat en termes tout à la fois d'activité législative, d'analyse et de contrôle, nous pourrons faire bouger l'administration dans le bon sens, c'est-à-dire au service de nos concitoyens.
Applaudissements
Je vous remercie, monsieur le Médiateur de la République. Sachez que le Sénat ne ménagera pas ses efforts pour améliorer les relations entre l'administration et les administrés.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
Monsieur le Médiateur de la République, depuis un an, vous exercez une mission qui vous place à un point d'observation privilégié des attentes et des maux de notre société. Votre rapport le prouve à l'évidence.
Lorsque vous intervenez, cela signifie en effet qu'un dysfonctionnement de l'administration ou du service public s'est produit, ou qu'une décision administrative, pourtant conforme à la règle de droit, vient heurter les droits de la personne.
C'est donc toute la difficulté et la noblesse de votre mission que de rétablir l'équité là où la rigidité des règles, leur caractère trop général, ou un traitement administratif insuffisamment précis, peuvent produire des injustices.
L'administration, pour sa part, est tenue à une obligation de régularité dans l'application des textes. Sans remettre en cause la légitimité de la décision de l'autorité publique, vous suivez une démarche de compréhension qui peut constituer une garantie contre l'inadaptation de la loi ou des règlements aux situations particulières.
Vous prenez en compte des éléments que les textes et la pratique administrative ne peuvent appréhender : la vulnérabilité de certaines personnes, et même, parfois, la pratique de la langue.
Comme vous l'expliquez dans votre premier rapport annuel, chaque dossier qui vous est transmis comporte ainsi une histoire personnelle, parfois douloureuse, et traduit le sentiment que l'on n'a pas été écouté ou entendu par la machine administrative.
Attentif à cet aspect, vous avez mis en place une cellule d'urgence, en septembre dernier, et je tiens à vous féliciter pour cette initiative, qui permet à votre institution de traiter dans les plus brefs délais certaines situations de détresse.
Sans se substituer aux services sociaux, cette cellule, en relation avec vos services d'instruction et avec les délégués présents sur le terrain, peut débloquer rapidement les situations dues à des dysfonctionnements administratifs ou à l'incompréhension des parties. Vous avez donné un certain nombre d'exemples.
De façon générale, l'augmentation continue du nombre de saisines - 2, 4 % en 2004 - illustre, s'il en était encore besoin, la pertinence du mode d'intervention souple et rapide de la Médiature, qui correspond aux attentes de nos concitoyens.
Je tiens particulièrement à saluer l'efficacité de votre action. Ce sont en effet, comme vous l'avez indiqué, plus de 81, 2 % des médiations tentées qui sont couronnées de succès.
Il convient d'ailleurs, de souligner que le Médiateur de la République fait école, à l'étranger mais aussi en France, puisque nombre d'administrations et d'entreprises, comme La Poste, ont mis en place des médiateurs internes.
Ultime recours des citoyens qui trouvent auprès de vous une autorité indépendante prête à les aider dans leurs différends avec l'administration, vous êtes également, il convient de le rappeler, largement sollicité par les entreprises. Ainsi, 40 % des dossiers traités par le secteur fiscal de votre institution émanent de réclamations de personnes morales.
Votre rapport développe, en outre, un aspect peu connu de votre activité, consistant à favoriser la conclusion de protocoles d'accord entre les parties. Ces protocoles ont un caractère définitif et permettent aux intéressés de renoncer à la saisine du juge.
Le Médiateur est alors le garant de la transaction et veille à ce que la partie lésée soit, le cas échéant, dûment indemnisée. Je citerai un exemple seine-et-marnais, monsieur le Médiateur. Votre intervention a, en effet, permis la signature d'un protocole d'accord entre Réseau ferré de France et des agriculteurs de Seine-et-Marne qui rencontraient des difficultés pour cultiver leurs terres devenues quasiment inaccessibles depuis la réalisation de l'interconnexion des TGV Nord et Est. Le protocole d'accord conclu sous votre autorité leur a permis d'obtenir une indemnisation plus favorable.
Pour la commission des lois, qui a saisi l'Office parlementaire d'évaluation de la législation d'une réflexion sur le bilan des autorités administratives indépendantes, il est intéressant d'observer les modalités d'intervention du Médiateur de la République qui, sans être juge, contribue au respect de la justice dans notre pays.
Comme les autres autorités administratives indépendantes, vous ne pouvez, bien sûr, aux termes de l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973, intervenir dans le déroulement d'une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.
En revanche, il vous est possible de traiter des réclamations opposant des personnes au service public de la justice, qu'il s'agisse des services judiciaires, de l'administration pénitentiaire ou de la protection judiciaire de la jeunesse. Vous avez évoqué l'exécution des décisions de justice, qui est tout de même dans notre pays une préoccupation majeure.
Votre action permet ainsi d'éviter des contentieux qui encombreraient les tribunaux et pour lesquels une stricte réponse en droit serait inadaptée. Fondant votre appréciation sur l'équité, vous apportez, selon l'expression du Premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, « un supplément d'humanité et d'attention à l'individu face à la puissance publique ».
L'institution que vous représentez s'est, par conséquent, imposée comme un acteur essentiel de la défense et du renforcement des libertés publiques. Le Médiateur peut d'ailleurs avoir à connaître des réclamations mettant en cause, par exemple, des comportements discriminatoires.
Dans ce domaine, il en a beaucoup été question à la fin de l'année 2004, le paysage des autorités administratives indépendantes s'est enrichi, avec la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE. Cette instance est, elle aussi, dotée d'une faculté de médiation.
Aussi la HALDE et votre institution devraient-elles être amenées à définir par convention les modalités de leur coopération, comme le principe en avait été évoqué dans cette assemblée.
De façon générale, la coopération entre les autorités administratives indépendantes qui interviennent dans des domaines connexes doit être développée.
Cette coopération apparaît comme un gage de cohérence et d'efficacité. Avec succès, le Médiateur de la République n'a d'ailleurs pas manqué d'engager des initiatives conjointes avec Mme la Défenseure des enfants.
Votre institution doit sans doute en grande partie son efficacité à son organisation, qui induit une présence territoriale importante.
Le réseau des délégués du Médiateur est aujourd'hui largement développé et comporte 292 représentants sur l'ensemble du territoire. Ce sont ainsi dix nouvelles délégations qui ont été créées en 2004.
Ce réseau permet à vos services d'être accessibles au public le plus fragile : parmi les 292 délégués, 147 interviennent au sein des quartiers sur lesquels porte la politique de la ville, tandis que 122 sont implantés au sein des préfectures.
J'ai également relevé que les délégués étaient maintenant présents dans l'ensemble des départements et collectivités d'outre-mer, et je m'en réjouis.
Ces délégués accomplissent un précieux travail d'information, de règlement des litiges et d'amélioration des relations entre administrations et citoyens. Ils ont ainsi traité plus de 51 000 affaires en 2004, soit 90 % des affaires dont a été saisie l'institution.
Leur mission comporte donc un aspect pédagogique essentiel. Ils informent le public sur le fonctionnement des services administratifs et l'orientent vers les interlocuteurs appropriés à chaque situation. Près de 40 % des dossiers traités en 2004 ont ainsi donné lieu à des informations et des conseils.
L'importance du rôle pédagogique de votre institution doit nous conduire à nous interroger sur le travail d'explication de la loi, travail qui reste insuffisant.
Les missions des délégués du Médiateur ont également été enrichies récemment avec la mise en place à titre expérimental d'une permanence dans dix établissements pénitentiaires. Cette démarche, entreprise avec le ministère de la justice, devrait renforcer l'accès des détenus à l'information et au droit.
Cela répond au souci que le Sénat a notamment exprimé à l'occasion de l'élaboration du rapport sur la situation dans les prisons de notre pays.
La place du travail des délégués dans votre institution montre que l'explication du droit et la médiation sont, nécessairement, des actions de proximité. Les délégués sont accessibles parce qu'ils peuvent être saisis directement de demandes d'orientation et d'information.
Plus généralement, si l'on considère que 32 % des réclamations sont d'ores et déjà adressées directement à vos services, la question se pose de la possibilité d'une saisine directe.
Il convient en effet de relever que le non-respect du filtre parlementaire constitue une importante cause d'irrecevabilité des réclamations.
Il s'agirait donc de mettre le droit en accord avec les faits et de garantir un meilleur accès à votre institution.
Il paraît souhaitable que nos concitoyens puissent se tourner vers leurs représentants pour saisir le Médiateur de la République, mais aussi qu'ils puissent vous saisir directement sans que leur réclamation soit irrecevable.
Une telle réforme pourrait trouver sa place dans le prochain projet de loi de simplification du droit que le Gouvernement devrait soumettre au Parlement d'ici la fin de cette année.
Les délégués du Médiateur au niveau local donnent leur accord pour traiter une requête à la condition qu'il y ait transmission par un parlementaire. La procédure est parfois de pure forme : autant les parlementaires sont, dans certains cas, indispensables pour proposer, faute d'autre moyen, de saisir le Médiateur de la République, autant, compte tenu de l'ancienneté de l'institution, la saisine indirecte ne semble plus s'imposer dans tous les cas.
Votre réflexion en matière de réformes, complémentaire de votre travail de médiation, est précieuse pour le législateur, qui peut ainsi remédier à certains défauts ou à certaines insuffisances de la loi.
Le Médiateur de la République est ainsi un acteur essentiel de la réforme de l'Etat ; il est l'évaluateur permanent de la réforme, en même temps que l'un de ses moteurs.
Votre mission de proposition a d'ailleurs pris de l'ampleur depuis la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui autorise les personnes physiques ou morales à vous transmettre directement des demandes de réforme et vous donne une faculté d'autosaisine en la matière.
Votre rapport démontre par exemple la nécessité de clarifier les conséquences fiscales de l'adoption, selon qu'il s'agit d'une adoption simple ou d'une adoption plénière. Vous avez d'ailleurs obtenu du Gouvernement l'engagement d'une amélioration de l'information des personnes concernées par les procédures d'adoption.
Parmi les demandes de réforme qui ont abouti au cours de l'année 2004, je retiens que la liberté de la presse a été renforcée, suivant votre proposition, par l'abrogation du décret-loi du 6 mai 1939, qui organisait un régime spécifique permettant au ministre de l'intérieur d'interdire la circulation ou la distribution des journaux ou écrits rédigés en langue étrangère.
Le législateur a également suivi la proposition du Médiateur de la République relative à la délivrance des actes de divorce par consentement mutuel. En effet, depuis la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, la copie exécutoire du jugement de divorce par consentement mutuel n'est plus soumise au paiement préalable de droits d'enregistrement.
Votre rapport cite également les propositions qui sont en cours d'examen.
Il s'agit notamment des propositions que vous avez formulées conjointement avec Mme la Défenseure des enfants, pour prévenir et combattre le mariage forcé des jeunes filles. Vous préconisez en particulier une harmonisation de l'âge minimal du mariage pour les femmes et les hommes.
Le Sénat a récemment fait progresser cette idée en adoptant à l'unanimité, lors de l'examen de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, un amendement ramenant de quinze à dix-huit ans l'âge légal du mariage pour les femmes. J'espère que cette disposition sera bientôt définitivement votée.
Vous soulignez très justement que la complexité de la réglementation et l'incompréhension qui en découle expliquent les litiges qui vous sont soumis tout autant que les dysfonctionnements de l'administration. Votre rapport est ainsi une invitation à rédiger des lois plus simples.
Les difficultés d'application des lois tiennent aussi en partie à la trop lente mise en oeuvre des mesures d'application.
Le Parlement souligne chaque année la nécessité de publier le plus rapidement possible les décrets et arrêtés d'application des lois qu'il adopte.
L'exemple, cité dans votre rapport, de l'absence de décret d'application concernant les nouvelles procédures disciplinaires applicables au sein de l'ordre des médecins, instaurées en 2002, est tout à fait pertinent. Cet exemple est d'autant plus pertinent que le législateur a ici sa part de responsabilité : il a modifié à trois reprises le nouveau régime mis en place par la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, avant la publication de tout texte d'application.
En conclusion, monsieur le Médiateur de la République, votre mission paraît plus que jamais essentielle, dans notre société qui aspire à une réglementation accessible et à une administration respectueuse des droits fondamentaux.
Votre action contribue ainsi à renforcer nos services publics, dont chacun reconnaît la qualité et le rôle essentiel pour notre cohésion sociale.
Soyez assuré, monsieur le Médiateur de la République, du soutien de la commission des lois et de l'attention qu'elle porte à votre action, comme, j'en suis sûr, le Sénat tout entier.
Je remercie infiniment M. le Médiateur de la République de l'attention qu'il porte à nos concitoyens et de l'harmonie que son action contribue à promouvoir dans le fonctionnement de la République.
Huissiers, veuillez reconduire M. le Médiateur de la République.
M. le Médiateur quitte l'hémicycle.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la régulation des activités postales (n° 327).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la régulation des activités postales trouve aujourd'hui sa forme définitive grâce au travail fructueux de la commission mixte paritaire qui s'est tenue mardi dernier à l'Assemblée nationale.
Cela marque l'aboutissement d'un long parcours législatif qui a débuté, faut-il le rappeler, en janvier 2004, il y a bientôt dix-huit mois.
C'est simultanément le terme d'un long travail de sensibilisation et de proposition de la commission des affaires économiques : ne l'oublions pas, le premier des trois rapports d'information qu'elle a publiés, sous la plume de M. Gérard Larcher, aujourd'hui ministre, qui fut d'abord président du groupe d'études Poste et télécommunications et président de la commission des lois, date de 1997.
Dès cette date, il appelait à sortir de l'immobilisme afin de « sauver La Poste », pour reprendre le titre du premier rapport d'information de M. Larcher. Telle est la vocation essentielle de ce texte, qui est non seulement un aboutissement mais aussi, de ce fait, le début d'un long chemin pour La Poste, qui dispose désormais des outils législatifs indispensables pour relever les nombreux défis qui sont devant elle et préparer l'avenir.
C'est donc avec une très grande satisfaction que je vous présente les évolutions du texte adoptées en commission mixte paritaire.
Le Sénat a toujours eu le souci de permettre l'adaptation du réseau postal tout en assurant une présence équilibrée de La Poste sur le territoire national. C'est à la Haute Assemblée que revient d'ailleurs l'initiative de l'introduction dans le texte d'un article traitant de la question du réseau.
Cette question ne figurait effectivement pas dans le projet de loi initial, dont l'objet était d'abord de transposer enfin les directives communautaires de 1997 et de 2002, destinées à construire un marché intérieur des services postaux dans l'Union européenne.
La volonté du Sénat de rendre le service postal accessible à l'ensemble des Français est restée très forte au cours de la navette parlementaire, jusqu'en commission mixte paritaire : j'ai en effet présenté, à cette occasion, un amendement tendant à assurer que même les zones de montagne bénéficient de la présence de La Poste.
Les députés proposaient que 90 % au moins de la population se trouvent à moins de 5 kilomètres d'un point de contact postal.
Au nom du Sénat, j'ai insisté sur la grande différence qu'il y a entre une distance de 5 kilomètres à vol d'oiseau en plaine, distance rapidement parcourue, et la même distance en montagne, où la circulation est compliquée par le relief et ralentie par la sinuosité des routes.
Au terme d'un large débat en commission mixte paritaire, une position de conciliation consistant à rapporter la durée du trajet aux conditions de circulation sur le territoire concerné a pu être adoptée grâce au soutien des présidents des commissions des affaires économiques de chaque chambre.
L'accessibilité au réseau postal se trouve donc désormais définie à la fois en termes de distance et en termes de durée de trajet automobile : moins de 5 kilomètres et - et non pas « ou » - moins de 20 minutes.
Conjuguer ainsi la notion d'espace à celle de temps répond, j'en suis convaincu, à la première attente de nos concitoyens : faciliter l'accès au service.
Il s'agit d'une avancée importante, qui vient consacrer le travail de longue haleine entrepris par la Haute Assemblée : dans son rapport de 1997 déjà évoqué, M. Gérard Larcher suggérait déjà d'encadrer le délai d'accès au service, avant de proposer lui même de se fonder sur une durée maximale de 20 minutes dans son dernier rapport, en 2003.
Je me réjouis que ces 20 minutes figurent désormais dans la loi car, même si je n'ignore pas que ce critère de durée est plus délicat à manier techniquement que celui de la distance, il rassure nos concitoyens, particulièrement en zones de montagne, c'est-à-dire là où l'inquiétude est précisément la plus grande et le sentiment d'abandon souvent le plus fort.
La commission mixte paritaire a aussi permis de finaliser le dispositif créant le fonds postal national de péréquation territoriale, qui permettra de mettre financièrement en musique les critères d'accessibilité au service qui viennent de vous être présentés.
Il est ainsi désormais acquis que ce fonds de péréquation prendra la forme d'un compte spécifique de La Poste, qui en assurera la gestion.
Ce fonds sera constitué grâce à la conclusion d'un contrat pluriannuel de présence postale entre La Poste, l'Etat et l'Association des maires de France, qui est assurément l'association la plus représentative et la plus légitime quant aux services de proximité.
Les points de contact situés en zones de revitalisation rurale, en zones urbaines sensibles ou sur le territoire de communes s'étant ensemble accordées avec La Poste sur les modalités de sa présence sur leur territoire bénéficieront d'une majoration de ce fonds.
Je me félicite que la grille tarifaire élaborée conjointement par La Poste et l'Association des maires de France encourage ainsi les zones rurales comme les zones urbaines qui en ont le plus besoin, mais également l'intercommunalité assouplie sous toutes ses formes, c'est-à-dire aussi bien dans le cadre d'un établissement public de coopération intercommunale qu'en dehors d'un tel établissement.
Je soulignerai un troisième acquis à porter au crédit de la commission mixte paritaire qui vient de se réunir : il s'agit de l'heureux équilibre qu'elle a su dégager sur la difficile question de la taxe frappant la distribution d'imprimés dans les boîtes aux lettres, taxe communément désignée sous le nom d'écotaxe.
Les deux chambres s'étaient mises d'accord pour exonérer de cette taxe les envois de correspondance dont la distribution participe du service universel postal. Il serait assurément absurde de taxer ces envois.
En deuxième lecture, les députés avaient proposé d'étendre l'exonération aux journaux tels que définis dans la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Cela visait notamment l'ensemble des journaux gratuits, y compris les simples bulletins d'annonces.
Sur l'initiative de notre collègue député Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, la commission mixte paritaire a finalement choisi de définir les publications exonérées d'écotaxe par référence non pas à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, mais à la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.
Ainsi, parmi les publications gratuites, seuls les journaux d'information bénéficieront de l'exonération. Cela se justifie pleinement par le respect du principe constitutionnel de libre communication des pensées et des opinions, qui est inscrit à l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Ces avancées enregistrées en commission mixte paritaire ne doivent pas occulter les autres points importants du texte sur lesquels nous étions déjà parvenus à un accord avec l'Assemblée nationale. Permettez-moi, mes chers collègues, de les rappeler brièvement aujourd'hui, à l'occasion de la clôture du débat législatif sur ce texte.
L'objectif essentiel visé au travers de ce texte était de préparer l'introduction croissante de la concurrence sur le marché postal : il me paraît atteint, et ce de manière équilibrée et raisonnable.
En effet, cette préparation a concerné d'abord le régulateur, l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui est à la fois confortée et mieux contrôlée.
Ainsi, l'autorité se voit confier divers pouvoirs qui lui permettront de réguler efficacement la concurrence dans le champ postal.
En outre, le Sénat a obtenu l'élargissement au champ économique des compétences des membres du collège et une augmentation de leur nombre, qui est porté de cinq à sept.
Parallèlement, le texte prévoit, d'une part, que ce seront désormais quatre membres du collège sur sept qui seront nommés par le Parlement, et, d'autre part, que l'autorité de régulation devra rendre compte devant les commissions permanentes : cela crée les instruments d'un vrai contrôle démocratique du régulateur.
Par ailleurs, grâce à ce texte, les concurrents de La Poste voient s'ouvrir à leur profit un espace économique nouveau, notamment du fait des dispositions qui organisent leur accès aux moyens indispensables à l'activité postale, ainsi qu'aux boîtes aux lettres particulières. Les envois recommandés utilisés dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles pourront également leur être confiés.
Enfin, La Poste elle-même se trouve dotée des outils qui lui permettront d'affronter la concurrence qui devrait toucher l'ensemble de ses activités dès 2009.
Tout d'abord, et c'est assurément une avancée majeure, que l'on doit également à l'initiative du Sénat, La Poste va enfin pouvoir compléter sa gamme de produits financiers et s'attacher une clientèle plus jeune, voire plus aisée, en créant une filiale ayant le statut d'établissement de crédit. Cette banque postale aura les mêmes droits et devoirs que ses consoeurs et elle fera, dans les deux ans suivant sa création, prévue le 1er janvier 2006, l'objet d'un rapport de la Cour des comptes. Le contrôle de la comptabilité du groupe La Poste et son audit par un organisme indépendant permettront aussi d'assurer la séparation et la transparence des comptes, afin d'éviter tout contentieux provenant d'une distorsion de concurrence.
Le texte donne à La Poste un autre atout pour relever le défi concurrentiel : il va la conduire à faire évoluer ses relations avec sa clientèle. En effet, le régime de responsabilité de La Poste devient le même que celui de ses concurrents offrant des services postaux ; ainsi s'appliquera une responsabilité de droit commun pour toute perte ou avarie subie par un envoi postal, ainsi que pour tout retard, si l'opérateur postal a pris un engagement en la matière. La Poste est ainsi incitée à adopter une attitude plus attentive aux consommateurs ce qui, j'en suis sûr, va contribuer à sa modernisation et à la valorisation de son image de marque auprès des Français.
Enfin, La Poste se voit aussi donner les moyens, par ce texte, de mener une libre politique de recrutement et de bénéficier de l'allégement de charges sur les bas salaires, ce qui la place dans une situation équivalente à celle de ses concurrents.
Parallèlement, le texte tend à encadrer, pour les employés du secteur postal, la montée en puissance progressive de la concurrence.
Tout d'abord, au sein de La Poste, il prévoit la mise en place d'instances sociales de négociation et de concertation qui permettront d'associer l'ensemble du personnel du groupe à la stratégie qu'il entend déployer.
Ensuite, le texte prévoit la réunion, à compter du 1er juillet 2006, d'une commission paritaire qui sera chargée d'élaborer une convention collective pour l'ensemble du secteur postal. Cette convention permettra d'éviter que la concurrence ne s'accompagne d'un dumping social.
Pour compléter cette préparation tous azimuts à la concurrence, le Sénat a aussi tenu à pérenniser, par ce texte, le service universel postal, qui reste le socle intangible sur lequel nos concitoyens doivent pouvoir compter.
A cette fin, il a inscrit dans le texte la création d'un fonds de compensation du service universel. Le moment de cette création sera décidé par le Gouvernement, après qu'il aura recueilli l'avis public du régulateur sur une demande de La Poste, qui devra établir qu'elle supporte une charge financière inéquitable imputable à ses obligations de service universel.
C'est donc un texte équilibré et prospectif que je soumets aujourd'hui à la Haute Assemblée. Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à son élaboration : d'abord le Gouvernement, qui, monsieur le ministre, a toujours été très attentif aux parlementaires et aux préoccupations qu'ils exprimaient, ensuite nos collègues députés, qui ont enrichi le texte à chaque lecture et ont prêté attention aux arguments du Sénat en commission mixte paritaire, et enfin vous-mêmes, mes chers collègues, qui avez fait preuve, lors de ces débats, d'initiative et de sagesse, ce qui me semble être la « marque de fabrique » du Sénat.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le texte relatif à la régulation des activités postales, tel qu'il résulte des conclusions de la commission mixte paritaire que je viens de vous présenter.
Je voudrais ajouter en conclusion que, en 1997, Gérard Larcher avait intitulé son rapport Sauver La Poste ? , avec un grand point d'interrogation. Je pense, monsieur le ministre, que La Poste est aujourd'hui sauvée !
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où les débats du Sénat sur ce projet de loi relatif à la régulation des activités postales approchent de leur terme, je veux d'abord saluer les travaux de la commission mixte paritaire, qui ont permis de clarifier et de consolider les enjeux essentiels de ce texte.
Je tiens une nouvelle fois à remercier la commission des affaires économiques, son président, M. Emorine, et son rapporteur, M. Hérisson, ainsi que l'ensemble des groupes et des parlementaires qui ont contribué à ces débats et aux travaux de la commission mixte paritaire. En votant les conclusions de cette dernière, le Sénat adoptera un texte fondateur pour l'économie de ce secteur. Un point d'exclamation pourra peut-être alors succéder au point d'interrogation que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, et marquer un succès qui aura résulté d'un long effort et d'un grand travail !
Force est de constater que les grandes dates de l'histoire postale se sont échelonnées selon un rythme presque centennal. C'est donc dans cette perspective que nous nous inscrivons.
En 1830 est mis en place le service rural. Les campagnes sont alors desservies par le facteur à raison d'une distribution tous les deux jours, et la tournée devient quotidienne à partir de 1832. C'est cette distribution six jours sur sept sur tout le territoire qui symbolise le mieux la mission de service public de la poste, que ce projet de loi va conforter.
En 1879, les services de la poste sont regroupés au sein d'une direction du ministère des postes et télégraphes.
En 1990, l'entreprise La Poste est créée. Elle bénéficie d'une autonomie de gestion et ses missions de service public sont confirmées.
Cependant, comme l'avait souligné mon collègue Gérard Larcher lorsqu'il siégeait parmi vous, il y a urgence aujourd'hui à franchir une nouvelle étape.
Il y a urgence, tout d'abord, car il faut mettre en place un marché postal concurrentiel qui garantisse, sous le contrôle de la future autorité de régulation du secteur, la bonne prestation du service universel postal sur tout le territoire.
Il y a urgence, ensuite, car les missions de service public de La Poste, jamais clairement définies dans la loi, doivent être précisées et le financement de leur accomplissement garanti pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
Il y a urgence, enfin, car La Poste doit être placée en situation d'équité concurrentielle au regard des autres prestataires de services postaux, afin que l'ensemble des opérateurs soient conduits à proposer de nouveaux services, de meilleure qualité, et que la croissance de ce secteur soit assurée.
Je vais maintenant reprendre ces trois points successivement.
En premier lieu, l'adoption de ce projet de loi permettra de transposer les directives postales de 1997 et de 2002. Seront ainsi conciliés deux objectifs : la fourniture par La Poste du service universel postal et l'ouverture progressive à la concurrence.
Le projet de loi prévoit, à cette fin, d'étendre les pouvoirs de l'Autorité de régulation des télécommunications à la régulation du secteur postal. Avec de nouveaux services compétents dans le secteur postal et un collège étendu à sept membres, l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, bénéficiera des moyens nécessaires pour assurer la régulation de ce secteur, s'agissant notamment de l'octroi d'autorisations et du contrôle de la transparence des comptes de l'opérateur du service universel.
En deuxième lieu, ce projet de loi définit précisément pour la première fois les missions de service public de La Poste et en garantit le financement.
C'est cet effort de clarification et de bonne gestion que nous avions engagé avec les accords Etat-presse-Poste signés en juillet 2004, qui ont réaffirmé le rôle de l'Etat dans le soutien à la distribution postale de la presse et à l'égalité d'accès des titres et des lecteurs sur tout le territoire.
Toutefois, la première mission de service public de La Poste, c'est bien entendu la fourniture du service universel postal, dont les caractéristiques de l'offre seront précisées par décret. En contrepartie de la fourniture de ce service universel de qualité à un prix abordable sur l'ensemble du territoire, La Poste peut se voir octroyer un monopole sur une certaine catégorie d'envois de correspondance. Au cas où le secteur réservé ne suffirait pas à compenser le coût de la mission de service universel postal, vous avez souhaité mettre en place un fonds de compensation abondé par les concurrents de La Poste. Il sera activé par le Gouvernement, après demande argumentée de La Poste et avis de l'ARCEP.
Enfin, la mission d'aménagement du territoire dévolue à La Poste, ce que l'on appelle la « présence postale », bénéficiera désormais d'un cadre législatif clarifié. L'article 1er bis définit précisément les critères d'accessibilité du réseau de La Poste. Par ailleurs, le financement de cette mission est rendu pérenne au travers du fonds postal national de péréquation territoriale.
Je suis en outre heureux de saluer l'aboutissement des discussions entre La Poste et l'Association des maires de France, qui ont signé, le 28 avril dernier, un protocole d'accord sur les conventions des agences postales communales et intercommunales. Ainsi, avec les « points poste » chez les commerçants, plébiscités par les utilisateurs et qui contribuent au maintien de petits commerces en milieu rural, les formes de la présence postale changent et s'adaptent aux évolutions des modes de vie des Français, en concertation avec les élus.
En troisième lieu, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire confirme toutes les missions de service public de La Poste, auxquelles nous sommes tous si attachés. Il donne également les moyens à l'opérateur historique de les assurer en améliorant la qualité de son service, dans des conditions d'équité concurrentielle avec l'ensemble des opérateurs postaux. Les lectures successives du texte ont permis d'enrichir considérablement ce volet du dispositif.
Tout d'abord, l'Etablissement de crédit postal est doté d'un cadre législatif qui permettra à La Poste de travailler à la constitution de sa filiale bancaire pour aboutir à sa création au 1er janvier 2006. C'est, pour La Poste, la garantie d'offrir ses services financiers dans le cadre du droit commun bancaire. Dès l'année prochaine, elle pourra proposer des prêts immobiliers sans épargne préalable.
Sur ce dossier, le Gouvernement entend avancer avec pragmatisme. La Poste et l'Etablissement de crédit postal, qui disposera notamment du réseau de distribution de sa maison mère, seront liés par une convention. L'autorité de régulation veillera au respect des principes de transparence et de séparation des comptes, et la Cour des comptes établira un rapport sur le fonctionnement de cette filiale et sur ses relations avec les autres entreprises du groupe La Poste.
Enfin, La Poste se verra accorder la faculté de recruter des agents contractuels sans restriction. Elle bénéficiera en outre, dès le 1er janvier 2006, des exonérations de charge sur les bas salaires, dites « exonérations Fillon », liées au passage aux 35 heures.
Ces dispositions placeront La Poste et ses concurrents en situation d'équité concurrentielle quant au recrutement de leur personnel.
Je suis très attaché au régime de responsabilité de La Poste et de l'ensemble des opérateurs postaux en cas de perte ou d'avarie d'un envoi postal.
Il s'agissait de basculer d'un principe d'irresponsabilité, héritage devenu anachronique et incompatible avec la concurrence, vers un entier régime de responsabilité, mais adapté à l'économie du secteur postal.
L'accord obtenu en commission mixte paritaire sur la rédaction de l'article 11 va désormais indiscutablement dans ce sens. Il s'applique à tous les prestataires de services postaux pour le bénéfice des utilisateurs, entreprises et consommateurs. C'est également pour La Poste une forte incitation à améliorer encore la qualité de ses services.
Enfin, ce projet de loi a réglé un problème naissant mais sensible pour chacun d'entre nous : l'accès aux boîtes aux lettres.
Cet accès aux boîtes aux lettres est désormais clairement encadré. C'est la garantie que tous les opérateurs titulaires d'une autorisation, ainsi que les porteurs de presse, pourront accéder dans des conditions identiques aux boîtes aux lettres des particuliers. C'était une demande très forte des opérateurs ; le texte a réalisé l'équilibre entre exigence de sécurité et qualité de la prestation des services postaux.
Avant de conclure, je veux rappeler que nous avons mis à profit ce temps du débat parlementaire pour négocier avec La Poste un nouveau contrat de performances et de convergences couvrant la période 2003-2007, en tenant compte des orientations fixées par le projet de loi.
La Poste ambitionne de devenir d'ici à 2010 l'un des opérateurs de services postaux les plus performants en Europe. Les résultats financiers annoncés pour l'année 2004 prouvent que la feuille de route que nous avons fixée à l'entreprise publique est la bonne.
Alors que jamais dans son histoire La Poste ne s'était engagée dans un programme d'investissement aussi important, quelque 3, 4 milliards d'euros d'ici à 2007 dans le programme « cap qualité courrier », les bénéfices sont ressortis en très nette hausse, avec un résultat d'exploitation de 523 millions d'euros.
Ainsi, avec ce projet de loi, nous fixons le cadre qui permettra à La Poste, et à l'ensemble des acteurs du secteur postal, de lutter à armes égales sur un marché qui dépasse évidemment désormais nos frontières.
Faciliter la libre circulation des personnes, des biens et des services dans un espace sans frontières intérieures est un mécanisme essentiel à notre croissance économique. C'est l'objectif que nous nous sommes fixé avec nos partenaires européens ; c'est l'Europe que nous voulons construire dans le respect des valeurs de notre service public et de notre modèle social.
Création d'un cadre juridique permettant une concurrence saine, garantie de fourniture pérenne d'un service universel de qualité, renforcement de La Poste et assainissement des contraintes qui pesaient sur elle : c'est une page importante de l'histoire postale, mesdames, messieurs les sénateurs, que je vous invite aujourd'hui à écrire en adoptant le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Après plus d'une année de discussions et de navettes parlementaires, nos deux assemblées sont finalement parvenues à élaborer un texte commun. Cette année de réflexion met la France encore plus en retard dans la transposition de la directive du 10 juin 2002, mais elle nous a surtout permis d'approfondir le débat et le dialogue avec les élus locaux et, de fait, de donner une dimension plus humaine à ce projet de loi.
Rappelez-vous, il y encore un an, le texte ne traitait que de la régulation des activités postales, c'est-à-dire des aspects techniques. Pour transposer la directive européenne, et mettre la France en conformité avec le droit communautaire, il fallait en effet modifier le système français et créer une autorité de régulation. Le texte qui nous est proposé répond à ces exigences.
Il conforte La Poste comme seul prestataire du service universel et en prévoit le financement. Ce financement, qui sera assuré par un fonds de compensation du service universel créé par le projet de loi et alimenté par une contribution des prestataires de service postal, devrait contribuer à compenser la charge financière que représente le service universel par rapport aux concurrents de La Poste.
D'une part, ce texte donne les moyens à La Poste d'évoluer favorablement dans un environnement désormais ouvert à la concurrence. Il faut en effet que l'entreprise soit compétitive face à ses concurrents, notamment au niveau des entreprises qui sont ses plus gros clients et qui représentent 95 % des envois postaux.
D'autre part, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes devrait garantir à chaque opérateur économique du secteur qu'il n'existe pas de distorsions de concurrence et lui permettre d'exercer son activité.
Pour autant, le rôle spécifique que joue La Poste sur tout le territoire et auprès de chaque Français n'était pas au coeur du projet de loi.
Vous avez, monsieur le ministre, avec les rapporteurs, Pierre Hérisson au Sénat et Jean Proriol à l'Assemblée nationale, permis à ce projet de loi d'évoluer dans le bon sens, au fil des lectures et lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Nous arrivons aujourd'hui à un texte équilibré, qui prend aussi bien en compte les nécessités économiques d'une entreprise soumise à la concurrence que celles du public et des clients, qui désirent obtenir un service de qualité accessible au plus grand nombre.
Le Parlement a abouti à un texte qui, pour le groupe UC-UDF, prévoit deux avancées majeures.
La première avancée est d'avoir inscrit dans la loi que La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire national. En contrepartie, l'article 1er bis crée un fonds postal national de péréquation territoriale destiné à financer cette mission.
Il est en effet logique que, si l'on oblige l'entreprise à maintenir son maillage territorial en dépit de la faible activité économique de certains points de contact, nous lui donnions les moyens de mettre en oeuvre cette mission. Ce sera chose possible avec la création de ce fonds, qui sera géré dans un compte spécifique de La Poste dans le cadre d'un contrat pluriannuel entre l'Etat, l'entreprise et les élus locaux.
Je suis par ailleurs heureux, en tant que maire d'une commune rurale, que La Poste et l'Association des maires de France aient récemment abouti à la signature d'un protocole d'accord définissant la participation financière de La Poste dans les agences postales. La création d'un fonds de péréquation prend tout son sens dans ce protocole et elle permettra à de nombreux maires de mettre en place des agences postales sans pour autant devoir supporter un coût prohibitif.
La seconde avancée du projet de loi concerne la création d'un établissement de crédit postal. Réclamée par La Poste depuis longtemps, cette création va également dans le sens de l'adaptation de l'entreprise à un nouvel environnement économique.
Le rôle social de La Poste en matière bancaire, notamment par le biais du livret A, est indiscutable et ne doit pas être remis en question. Les chiffres sont éloquents, La Poste gère 21 millions de livret A dont plus de 12 millions qui ont un solde inférieur à 150 euros. Un grand nombre de personnes disposent de moyens modestes, elles sont marginalisées par la vie et il faut leur conserver l'accès à un établissement financier.
De plus, si l'entreprise publique souhaite conserver une clientèle jeune et dynamique, il faut qu'elle puisse offrir à ses clients la possibilité de financer leurs projets, et cela passe notamment par les prêts immobiliers sans épargne préalable.
Nous devons rester vigilants sur la mise en place du fonds de péréquation territoriale comme sur celle d'un établissement de crédit postal, que le groupe UC-UDF considère comme deux progrès majeurs.
En effet, le fonds national postal de péréquation territoriale ne dispose toujours pas d'un financement à la hauteur du coût de la mission confiée à La Poste par le projet de loi.
De même, nous veillerons à ce que la création et la mise en place de l'Etablissement de crédit postal se fassent dans une totale transparence. Le réseau et l'organisation de La Poste sur tout le territoire, le personnel dont elle dispose, sont des avantages certains pour développer cette activité. Pour toutes ces raisons, il est primordial que le fonctionnement de la filiale bancaire se fasse dans la transparence et dans le respect des règles de la concurrence.
Le groupe UC-UDF se félicite que la discussion de ce texte ait permis d'instaurer à nouveau un dialogue entre les élus et La Poste et de réaffirmer l'attachement de la représentation nationale au rôle que joue cette entreprise tant au niveau territorial qu'au niveau social.
Le groupe UC-UDF votera ce texte, car il donne les moyens à La Poste de se moderniser et de s'adapter.
Enfin, je souhaite remercier M. le ministre pour le dialogue qu'il a permis d'instaurer dans cette assemblée. Je souhaite également remercier M. le rapporteur et tous les services qui se sont investis dans l'élaboration de ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.
Nous voici réunis pour adopter dans sa forme définitive le projet de loi relatif à la régulation des activités postales.
Le débat parlementaire a apporté une modification notable avec la création immédiate d'un fonds de compensation, initialement soumis à la remise d'un rapport au Parlement prévu en 2007, puis en 2005.
Cette modification montre bien l'insuffisance des dispositions initiales de la loi pour permettre à La Poste d'assurer le service universel.
En effet, il est difficilement tenable, voire impossible de libéraliser le service postal, de mettre en concurrence La Poste sur ses activités les plus rentables, tout en imaginant qu'elle puisse continuer à assumer le financement du service universel.
Cependant, cette création ne règle pas vraiment le problème, car la loi renvoie la création de ce fonds à un décret d'application qui serait pris sur demande de La Poste et après avis de l'ARCEP. Or nous connaissons la politique de ces autorités de régulation : elles ne favorisent pas le maintien de l'opérateur historique ; au contraire, elles mettent tout en oeuvre pour que la concurrence prospère, y compris au péril de la survie de l'opérateur historique.
Le président de France Télécom le reconnaissait à sa façon, hier, devant la commission des affaires économiques, en déclarant que, avec l'ART, la concurrence était choyée.
En dehors de cette modification, la majorité est restée ferme dans sa volonté de livrer aux intérêts privés les activités postales, au mépris de toute considération d'intérêt général.
Je tiens à rappeler que La Poste, en tant que service public fondamental, devrait rester soumise à certains principes comme le rappelait le rapporteur, Pierre Hérisson, en 1996, avec la proposition de résolution dans laquelle il considérait qu'un certain nombre de principes tels que l'universalité, l'égalité, la neutralité, la confidentialité, la continuité et l'adaptabilité étaient des éléments indissociables et complémentaires du service public.
Cette résolution avait pour objet la transposition d'une directive européenne relative au développement des services postaux communautaires et à l'amélioration de la qualité du service.
Dix ans après, qu'en est-il de ces bonnes intentions ?
En soumettant La Poste aux seuls critères de rentabilité et de performance économique, vous privez le pays du service public qui représente l'intérêt général territorialisé, vous abandonnez les missions étatiques d'aménagement du territoire et de cohésion sociale.
Ce faisant, vous revenez sur les principes d'égalité d'accès aux services publics. En effet, avoir dans sa commune un point poste, une agence postale communale ou un bureau de plein exercice ne revient pas au même : c'est une véritable différence pour les usagers, ou plutôt, devrais-je dire, pour les « clients », selon les nouveaux impératifs de gestion de cette entreprise publique.
D'un côté, nous avons du personnel qualifié et compétent et, de l'autre, au mieux, de la bonne volonté. Il s'agit bien d'un service au rabais proposé pour maintenir la présence postale en milieu rural !
Comment seront fixées les règles d'accessibilité ? J'ai peine à croire que des critères autres que celui du rendement du bureau de poste entreront en ligne de compte pour décider de son maintien.
Les élus des territoires ruraux voient ainsi disparaître un à un leurs services publics, ce qui renforce le déclin et la désertification de ces territoires.
Concernant les critères d'accès au réseau postal définis à l'article 1er bis, la commission mixte paritaire a finalement retenu la proposition faite par le Sénat en deuxième lecture, selon laquelle, sauf circonstances exceptionnelles, pas plus de 10 % des habitants d'un département ne peuvent être éloignés de plus de 5 kilomètres et de 20 minutes de trajet automobile d'un point d'accès au réseau postal.
Nous continuons à considérer qu'il s'agit d'une rupture, inscrite dans la loi, des principes d'égal accès et de continuité territoriale, qui exclut 10 % de la population du bénéfice d'une présence postale de proximité.
Par ailleurs, la formulation « sauf circonstances exceptionnelles » laisse la porte ouverte à toutes les dérives.
Parallèlement, vous persévérez dans votre volonté de filialiser les services bancaires assumés par La Poste en créant la banque postale, une banque comme les autres, qui ne se souciera guère de tous ceux qui sont exclus du système classique, car ils ne rapportent pas assez.
De plus, un rapport du Sénat affirme que La Poste n'a pas vocation à détenir l'ensemble du capital de sa filiale. Cette ouverture se fera par une décision du Gouvernement sans consultation du Parlement.
En votant ce projet de loi, c'est en réalité le service bancaire postal que l'on brade aux intérêts privés afin de leur permettre, une nouvelle fois, de réaliser des profits rapides et maximaux. Or, on le vérifie chaque jour, la rentabilité économique s'obtient au détriment des usagers et des personnels.
J'en veux pour preuve le fait que vous allez jusqu'à supprimer l'obligation faite à La Poste d'ouvrir un compte épargne à toute personne qui le demande. Vous mettez ainsi fin au service public bancaire. Nous, à l'inverse, nous proposions de créer un pôle public bancaire. Mais cette mesure, qui vous dérange, n'a jamais fait l'objet d'un débat sérieux.
La mise en oeuvre de cette loi, associée au contrat de plan 2003-2007, annonce la fin de la péréquation et la possibilité pour les investisseurs privés de se saisir de secteurs financièrement intéressants en ne laissant à La Poste que la partie la plus difficile de ses missions.
La direction de La Poste elle-même sera donc contrainte d'appliquer de nouveaux critères de gestion afin de permettre une meilleure rentabilité de ses activités. En effet, en choisissant, par exemple, un bureau classé de plein exercice, elle déterminera une zone allant jusqu'à douze kilomètres à la ronde - les fameuses zones de vie - et fixera un seuil de rentabilité. Tout bureau qui n'atteindra pas ce seuil sera transformé ou fermé.
Les concurrents vont donc se saisir des pans les plus rentables afin d'y offrir des prix plus attractifs, d'autant qu'ils n'ont pas à assumer les obligations de service public, alors même que la directive de 1997 permettait de les soumettre à des contraintes de service public, notamment de desserte de l'ensemble du territoire national. Pour faire face à cette concurrence, La Poste devra encore fermer des bureaux et réduire les coûts. C'est une spirale de déclin et de recul qui est engagée !
La confiance des usagers dans La Poste s'est faite sur la base des valeurs de la République. Ce projet de loi est une atteinte au pacte républicain et aux principes de solidarité nationale. Il entraînera une remise en cause du statut avec le recours accru au recrutement de contractuels et donc d'opérations de division des personnels.
La mise en concurrence des entreprises publiques avec des entreprises privées, qui ne sont pas soumises aux mêmes charges, ne peut que se solder par la mise en péril de la survie de La Poste. En effet, on ne peut que s'interroger sur les moyens que mettra en oeuvre La Poste pour gagner de nouveaux marchés, le marché du crédit, par exemple, n'étant pas extensible.
La Poste a d'autres missions à remplir pour développer le service public. Pour cela, elle a besoin de disposer d'un réseau étendu, contrairement aux préconisations de la Cour des comptes, qui nous annonce qu'« avec 2 915 bureaux, La Poste améliorerait considérablement la rentabilité globale de son réseau, car elle ne perdrait que 3, 25 % de son chiffre d'affaires total tout en améliorant son résultat de 4 % ». Dans ces appréciations, où se situe le souci de répondre aux besoins de la population ?
Comme je le disais il y a quelques instants, le Parlement tente d'améliorer la situation de La Poste en adoptant le principe de la création du fonds de compensation du service universel postal. Mais je crains qu'il ne s'agisse là d'un artifice, car, au lieu de laisser à La Poste les moyens d'assurer la péréquation entre ces différentes activités pour offrir un service public de qualité, vous préférez libéraliser le marché en soumettant les nouveaux entrants à une taxe basée sur leur chiffre d'affaires réalisé pour la fourniture du service universel. Encore conviendra-t-il de vérifier la création de cette taxe et la fixation de son montant.
Vous allez un peu loin en prônant les bienfaits du marché par la mise en concurrence, tout en faisant croire que l'intérêt général tiendra à coeur aux nouveaux prestataires de service.
Nos propositions n'étaient, bien évidemment, pas celles-là. Pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, il fallait financer ce fonds avec une taxe dont l'assiette aurait été basée sur les revenus financiers des nouveaux opérateurs, donc de l'ensemble de leur revenu. En faisant un autre choix, vous privez ce fonds des ressources nécessaires à sa bonne activité.
Vous nous répondrez, comme d'habitude, que le Gouvernement n'a fait que son devoir en transposant la directive de 1997. Pourtant, vous allez beaucoup plus loin que ce qu'elle propose. Ainsi, vous dessaisissez complètement le pouvoir politique de toute intervention dans ce domaine en créant une autorité de régulation. Celle-ci est dotée de compétences très importantes, notamment le contrôle de la bonne exécution du service public, dont les missions seront définies par décret pris en Conseil d'Etat.
Il appartient pourtant au Parlement, représentant de la nation, de se prononcer sur les moyens accordés à l'action publique et sur les règles auxquelles elle est soumise. Mais, encore une fois, la représentation nationale est contournée !
Il est vrai que, avec le projet de Constitution européenne que l'on nous propose d'adopter, cette tendance sera renforcée. Ce type de loi sera effectivement la conséquence directe du traité, toute autre politique que celle de libéralisation et de mise en concurrence ne sera plus possible.
Pourtant, à l'aube du XXIe siècle, les besoins en termes de solidarité et d'égalité sont immenses. La mise en oeuvre de services publics performants économiquement, socialement et humainement correspond à une réponse pertinente. Le véritable travail parlementaire consisterait à mieux définir ces besoins, à y apporter des solutions et à ne pas se résoudre, par choix idéologique, à abandonner toute initiative de l'Etat.
Bref, abandonner la mission étendue du service public postal est un recul sans précédent pour la société tout entière. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent s'y résoudre. C'est pour cette raison qu'ils voteront contre le projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Poste n'est pas une entreprise comme une autre : elle occupe une place particulière dans la société française, elle participe pleinement au pacte républicain, elle est un outil au service de la cohésion sociale et territoriale du pays et elle est un vecteur de développement économique local et de lien social.
Dans les communes rurales, La Poste est bien souvent le dernier service public présent après la fermeture de tous les autres. Elle est, pour nombre de personnes à faibles revenus, le seul accès possible aux services bancaires et financiers. En un mot, elle est, tant pour la population que pour les élus locaux, un service public de proximité irremplaçable.
Le groupe socialiste du Sénat a voulu saisir l'occasion de l'examen de ce texte pour traduire dans notre droit cette place à part que La Poste occupe dans notre société et lui offrir des perspectives de développement pour mieux satisfaire les demandes de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, vous n'avez rien voulu entendre. Avec les députés de la majorité nationale, vous avez construit un texte dont l'unique objet est de créer de la concurrence pour créer de la concurrence, de faciliter l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché postal, quitte à fragiliser non seulement La Poste, mais aussi le service public postal. Vous n'avez pas voulu donner à La Poste les moyens de son développement dans le respect des valeurs du service public. Dans ces conditions, le groupe socialiste ne peut que voter contre ce projet de loi.
Pour illustrer mon propos, je prendrai quelques exemples.
Le premier exemple a trait au dispositif de régulation ou, plutôt, de dérégulation, car c'est de cela qu'il s'agit.
Vous avez refusé, comme nous le proposions, d'utiliser tous les moyens qu'offraient les directives européennes pour ouvrir le marché postal à la concurrence de manière progressive et maîtrisée, qu'il s'agisse du régime d'autorisation, du périmètre des services réservés et du contenu ou des modalités de financement du service universel postal.
Tout d'abord, j'évoquerai le régime d'autorisation.
L'accès au marché postal est quasiment libre. Les nouveaux opérateurs ne sont soumis à aucune obligation de desserte de l'ensemble du territoire. Ils vont pouvoir s'emparer des marchés les plus rentables, sans avoir à supporter l'une des principales charges de service public. Ce seront autant de prestations à valeur ajoutée qui échapperont à La Poste ; ce seront autant de ressources en moins pour financer le service universel.
Sur ce point, vous avez tout de même fini par accepter de définir dans la loi les modalités de fonctionnement et de financement du fonds de compensation du service universel postal. Mais ce fonds est pour l'instant virtuel, puisque, pour sa mise en route, vous vous en remettez, j'aurais tendance à dire « comme toujours », à un avis à venir de l'ARCEP.
Par ailleurs, vous avez considérablement réduit l'assiette de ce fonds en prévoyant une multitude d'exonérations et de plafonnements. De la sorte, c'est le service public que vous fragilisez.
Ensuite, j'aborderai le périmètre des services dits réservés.
La Poste perd le monopole des recommandés utilisés dans le cadre des procédures juridictionnelles et administratives. Vous avez accepté in extremis de réserver cette activité aux seuls opérateurs titulaires d'autorisation, comme les sénateurs socialistes l'avaient proposé. II n'empêche que ces documents conditionnent la sécurité des actes juridiques, et l'on a du mal à comprendre pourquoi La Poste, qui dispose d'un savoir-faire et de personnels assermentés, ne s'est pas vu réserver cette activité.
Enfin, en ce qui concerne le rôle du politique, que vous avez dépouillé de sa mission première, à savoir veiller à l'intérêt général, en donnant, en définitive, les pleins pouvoirs à l'autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste, nous ne pouvons vous suivre.
Pour parachever le tableau, vous avez ni plus ni moins remis en cause la qualité des prestations offertes au titre des missions de service public. Vous n'avez pas voulu, comme nous le demandions et comme le permettent les directives, instaurer un prix unique du timbre sur tout le territoire pour l'ensemble des prestations du service universel postal. Vous n'avez pas non plus voulu, même en commission mixte paritaire, encadrer par la loi les possibilités de déroger à une disposition essentielle du service public postal : la distribution du courrier jusqu'au domicile de l'usager. Cela n'est pas acceptable ! C'est une remise en cause des principes mêmes du service public : l'universalité, l'égalité de traitement, la péréquation tarifaire.
Le deuxième exemple concerne la banque postale.
Vous avez choisi de filialiser les services financiers de La Poste au sein d'un établissement de crédit dont le capital n'est même pas détenu en totalité par La Poste. Vous avez créé une banque postale soumise à toutes les exigences du droit bancaire sans lui en donner toutes les prérogatives, notamment en matière de crédit à la consommation.
La maison mère est ainsi réduite à un rôle de sous-traitant à travers son réseau. Dans ces conditions, avec de tels handicaps, nous craignons que la banque postale, dans sa course à la rentabilité, ne demande à La Poste de réorganiser son réseau et que les conditions de travail des personnels des services financiers ne se dégradent.
Pour notre part, nous avons proposé de confier à La Poste la mise oeuvre d'une mission de nouveau service public, le service bancaire universel, qui n'aurait pas seulement été une banque pour les plus démunis, mais aussi une banque offrant des services à tous, sans discrimination et à un coût abordable. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, alors qu'il s'agit d'une attente forte des usagers. Cette banque postale aurait aussi offert aux collectivités locales des prêts spécifiques, confortant ainsi le rôle de La Poste en matière d'aménagement du territoire. Vous avez balayé tout cela d'un revers de main !
Le troisième exemple a trait à la question de l'accessibilité aux bureaux de poste, et non aux « points de contact », comme on doit dire maintenant. Cet aspect est essentiel. II ne s'agit pas que d'une question de sémantique.
L'égalité devant le service public suppose que tous, en tout point du territoire, puissent avoir accès aux mêmes services. Avec ce texte, vous avez enfreint cette règle et, pour la première fois, vous avez légalisé le service public à deux vitesses : des bureaux de poste de plein exercice dans les zones rentables offrant toute la gamme des services et, ailleurs, au mieux, des agences postales communales et, au pire, des points commerçants proposant une gamme de services beaucoup plus réduite.
Vous avez organisé la sous-traitance de la présence postale au titre de l'aménagement du territoire auprès des collectivités locales. Vous avez soustrait l'Etat à ses responsabilités en la matière. Là encore, c'est inacceptable !
Le « partenariat » est désormais le maître mot. Le texte adopté par la commission mixte paritaire est clair : seul cet outil est explicitement cité. Le bureau de poste n'est donc pas l'outil essentiel de l'aménagement du territoire, contrairement à ce que nous avions demandé.
La transformation de bureaux de poste en APC ou en points poste est en route. Les collectivités locales, notamment les communes, sont prises en otage. Elles sont tenues de signer, par le biais de l'Association des maires de France, une convention avec l'Etat et La poste afin de faire fonctionner le fonds de péréquation, dont les recettes sont d'ailleurs bien incertaines, et, s'agissant des communes, espérer recevoir une petite aide financière.
S'agissant des règles d'accessibilité, je note, d'une part, que la règle des « 10 % - 5 kilomètres » a été maintenue, alors que ses conséquences seront à mon avis dévastatrices en zone de montagne, et, d'autre part, que le critère « temps » - un trajet en voiture inférieur à 20 minutes - a été rétabli in extremis en commission mixte paritaire, mais dans une rédaction bien alambiquée. Je crains que cette précision n'empêche pas la fermeture ou la transformation de nombreux bureaux de poste.
Quatrième exemple : les diverses missions d'intérêt général confiées à La Poste.
Le transport de la presse, la banque pour les personnes à faible revenu et le service public postal ont un coût qui ne sera pas compensé avec l'adoption de ce texte, sauf, en partie, pour le service public postal, si le fonds de compensation du service universel postal est effectivement mis en place. De toute façon, la perte de parts de marché résultant de la dérégulation rendra encore plus difficile l'exercice par La Poste de ces missions.
Cinquième et dernier exemple : le manque de moyens du fonds de péréquation.
Les ressources du fonds proviennent notamment de l'allègement de fiscalité locale dont La Poste bénéficie. Il n'y a donc qu'un seul financeur avéré : La Poste elle-même. En outre, le financement issu d'un allègement fiscal ne me semble pas à proprement parler un financement pérenne. Enfin, le fait de garantir le financement d'un fonds de péréquation par des taxes locales, principalement la taxe professionnelle, dont on sait qu'elle pourrait être largement réformée, ne me semble pas être une option sérieuse.
Voilà un certain nombre d'exemples démontrant que La Poste ne disposera pas des moyens de son développement. Démantèlement de La Poste, démantèlement du service public postal, déménagement du territoire, voilà bien, monsieur le ministre, une « course aux handicaps » pour La Poste ! C'est le mauvais scénario de ce projet de loi que le groupe socialiste rejette.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Il est intitulé : « Le service universel postal et les obligations du service postal » et comprend les articles L. 1 à L. 3-4 ;
2° Au début de l'article L. 1, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour l'application du présent code, les services postaux sont la levée, le tri, l'acheminement et la distribution des envois postaux dans le cadre de tournées régulières.
« Constitue un envoi postal tout objet destiné à être remis à l'adresse indiquée par l'expéditeur sur l'objet lui-même ou sur son conditionnement et présenté dans la forme définitive dans laquelle il doit être acheminé. Sont notamment considérés comme des envois postaux les livres, les catalogues, les journaux, les périodiques et les colis postaux contenant des marchandises avec ou sans valeur commerciale.
« L'envoi de correspondance est un envoi postal ne dépassant pas deux kilogrammes et comportant une communication écrite sur un support matériel, à l'exclusion des livres, catalogues, journaux ou périodiques. Le publipostage fait partie des envois de correspondance. » ;
2° bis Après le troisième alinéa de l'article L. 1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de distribution est effectué, dans des installations appropriées, au domicile de chaque personne physique ou morale ou, par dérogation, dans des conditions déterminées par décret. » ;
3° Les trois derniers alinéas de l'article L. 2 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les services postaux relatifs aux envois de correspondance intérieure ou en provenance de l'étranger, y compris ceux assurés par courrier accéléré, sont réservés à La Poste lorsque leur poids ne dépasse pas 100 grammes et que leur prix est inférieur à trois fois le tarif de base. Constituent le secteur réservé, à compter du 1er janvier 2006, les services portant sur les envois de correspondance intérieure ou en provenance de l'étranger, y compris ceux assurés par courrier accéléré, d'un poids ne dépassant pas 50 grammes et d'un prix inférieur à deux fois et demie le tarif de base. Les envois de livres, catalogues, journaux et périodiques sont exclus du secteur réservé à La Poste.
« Le tarif de base mentionné ci-dessus est le tarif applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie normalisée la plus rapide. Tant qu'il sert de référence pour la délimitation des services réservés, sa valeur ne peut excéder 1 €.
« Par dérogation au deuxième alinéa, la personne qui est à l'origine des envois de correspondance ou une personne agissant exclusivement en son nom peut assurer le service de ses propres envois.
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après consultation de La Poste, et après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, précise les caractéristiques de l'offre de service universel que La Poste est tenue d'assurer.
« Ce décret fixe également les droits et obligations de La Poste au titre de ses missions de service public des envois postaux, comprenant le régime spécifique offert à la presse en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 4, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées la neutralité et la confidentialité des services qu'elle fournit. » ;
3° bis Supprimé ;
4° Après l'article L. 2, il est inséré un article L. 2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2-1. - Le prestataire du service universel peut conclure avec les expéditeurs d'envois de correspondance en nombre, les intermédiaires groupant les envois de correspondance de plusieurs clients ou les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, des contrats dérogeant aux conditions générales de l'offre du service universel et incluant des tarifs spéciaux pour des services aux entreprises. Les tarifs tiennent compte des coûts évités par rapport aux conditions des services comprenant la totalité des prestations proposées.
« Le prestataire détermine les tarifs et les conditions de ces prestations selon des règles objectives et non discriminatoires.
« Ces contrats sont communiqués à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande. » ;
5° L'article L. 3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3. - Les prestataires de services postaux non réservés relatifs aux envois de correspondance, y compris transfrontalière, doivent être titulaires d'une autorisation délivrée dans les conditions prévues à l'article L. 5-1, sauf si leur activité se limite à la correspondance intérieure et n'inclut pas la distribution. » ;
6° Après l'article L. 3, sont insérés quatre articles L. 3-1 à L. 3-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 3-1. - Les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 ont accès, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, selon des modalités techniques et tarifaires prévues dans le cadre de conventions signées à cette fin avec le prestataire du service universel, aux moyens, détenus ou contrôlés par celui-ci, qui sont indispensables à l'exercice de leurs activités postales.
« Ces moyens comprennent le répertoire des codes postaux assorti de la correspondance entre ces codes et l'information géographique sur les voies et adresses, les informations collectées par La Poste sur les changements d'adresse, un service de réexpédition en cas de changement d'adresse du destinataire, une faculté ou un service de distribution dans les boîtes postales installées dans les bureaux de poste.
« Art. L. 3-2. - Toute prestation de services postaux est soumise aux règles suivantes :
« a) Garantir la sécurité des usagers, des personnels et des installations du prestataire de service ;
« b ) Garantir la confidentialité des envois de correspondance et l'intégrité de leur contenu ;
« c) Assurer la protection des données à caractère personnel dont peuvent être dépositaires le prestataire du service universel ou les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, ainsi que la protection de la vie privée des usagers de ces services ;
« d) Etre fournie dans des conditions techniques respectant l'objectif de préservation de l'environnement.
« Art. L. 3-3. - Les timbres émis par La Poste doivent obligatoirement porter la mention : France.
« Art. L. 3-4. - Un décret en Conseil d'Etat définit les caractéristiques du service d'envois recommandés utilisés dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles.
« Il détermine également les conditions dans lesquelles le prestataire du service universel et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L.3 peuvent assurer ce service. »
I. - L'intitulé du chapitre Ier de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom est ainsi rédigé : « Missions de La Poste et de France Télécom ».
II. - L'article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, sont insérés un I et un II ainsi rédigés :
« I. - Dans l'exercice de ses activités visées à l'article 2 de la présente loi, La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire national, en complément de ses obligations de service universel au titre des articles L. 1 et L. 2 du code des postes et des communications électroniques et dans le respect des principes fixés à l'article 1er de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
« Pour remplir cette mission, La Poste adapte son réseau de points de contact, notamment par la conclusion de partenariats locaux publics ou privés, en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités selon lesquelles sont déterminées, au niveau départemental et après consultation de la commission départementale de présence postale territoriale visée à l'article 38 de la présente loi, les règles complémentaires d'accessibilité au réseau de La Poste au titre de cette mission. Ces règles prennent en compte :
« - la distance et la durée d'accès au service de proximité offert dans le réseau de points de contact ;
« - les caractéristiques démographiques, sociales et économiques des zones concernées et, notamment, leur éventuel classement en zones de revitalisation rurale ou en zones urbaines sensibles mentionnées à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée ;
« - les spécificités géographiques du territoire départemental et des départements environnants, en particulier dans les zones de montagne.
« Sauf circonstances exceptionnelles, ces règles ne peuvent autoriser que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste.
« II. - Pour financer le maillage territorial complémentaire ainsi défini, il est constitué, dans un compte spécifique de La Poste, qui en assure la gestion comptable et financière, un fonds postal national de péréquation territoriale dans les conditions fixées par un contrat pluriannuel de la présence postale territoriale passé entre l'Etat, La Poste et l'association nationale la plus représentative des maires, après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques.
« Les ressources du fonds proviennent notamment de l'allégement de fiscalité locale dont La Poste bénéficie en application du premier alinéa du 3° du I de l'article 21.
« Les points de contact situés en zones de revitalisation rurale, en zones urbaines sensibles ou sur le territoire d'une commune ayant conclu, avec une ou plusieurs autres, dans le cadre ou non d'un établissement public de coopération intercommunale, une convention de présence territoriale avec La Poste bénéficient d'une majoration significative du montant qu'ils reçoivent au titre de la péréquation postale.
« Un décret pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques précise les modalités d'application du présent II. » ;
2° Les dispositions actuelles constituent un III.
L'article 38 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 38. - Afin de mettre en oeuvre une concertation locale sur les projets d'évolution du réseau de La Poste, il est créé, dans chaque département, une commission départementale de présence postale territoriale composée d'élus. Elle se réunit en présence d'un représentant de l'Etat, chargé d'assurer la cohérence de ses travaux avec ceux de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics, et d'un représentant de La Poste, qui en assure le secrétariat.
« Les règles d'accessibilité au réseau de La Poste mentionnées à l'article 6 sont fixées en prenant en compte l'avis de la commission départementale de présence postale territoriale. Dans le département, et en prenant en compte les zones de montagne, les zones de revitalisation rurale et les zones urbaines sensibles, la commission départementale de présence postale territoriale propose une répartition de la dotation du fonds postal national de péréquation territoriale défini à ce même article.
« Un décret, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, précise la composition, les attributions et les règles de fonctionnement de la commission. »
I. - Dans le titre Ier du livre Ier du code des postes et des communications électroniques, l'article L. 4 est abrogé, le chapitre II devient le chapitre III et les articles L. 5 et L. 6 deviennent les articles L. 6 et L. 6-1.
II. - Dans le même titre, il est rétabli un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« La régulation des activités postales
« Art. L. 4. - Le ministre chargé des postes prépare et met en oeuvre la réglementation applicable aux services postaux.
« Les ministres chargés des postes et de l'économie homologuent, après avis public de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les tarifs des prestations offertes à la presse au titre du service public du transport et de la distribution de la presse, et soumises au régime spécifique prévu par le présent code. La structure tarifaire de ces prestations doit favoriser le pluralisme, notamment celui de l'information politique et générale.
« Le ministre chargé des postes peut demander à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes d'engager la procédure de sanction prévue à l'article L. 5-3.
« Art. L. 5. - L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est consultée sur les projets de loi ou de règlement relatifs aux services postaux.
« A la demande du ministre chargé des postes, elle est associée à la préparation de la position française dans ce domaine et participe, dans les mêmes conditions, pour les questions qui relèvent de sa compétence, aux travaux menés dans le cadre des organisations internationales et communautaires compétentes.
« Art. L. 5-1. - L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargée de délivrer l'autorisation demandée par les prestataires mentionnés à l'article L. 3. L'autorisation est délivrée pour une durée de dix ans. Elle est renouvelable. Elle n'est pas cessible.
« L'autorité ne peut refuser l'autorisation que par une décision motivée, fondée sur des motifs tirés de l'incapacité technique, économique ou financière du demandeur de faire face durablement aux obligations attachées à son activité postale et notamment aux règles mentionnées à l'article L. 3-2, ou de ce que le demandeur a fait l'objet d'une des sanctions mentionnées aux articles L. 5-3, L. 17, L. 18 et L. 19. Elle ne peut invoquer des motifs tirés de la sauvegarde de l'ordre public, des nécessités de la défense ou de la sécurité publique, que sur un avis motivé du ministre chargé des postes.
« La décision d'octroi indique les caractéristiques de l'offre de services postaux autorisée, le territoire sur lequel elle peut être fournie, les procédures de traitement des réclamations des utilisateurs de ces services, en cas de perte, de vol ou de non-respect des normes de qualité du service, y compris dans les cas où plusieurs prestataires sont impliqués, ainsi que les obligations imposées au titulaire pour permettre l'exercice du contrôle de son activité postale par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions et les modalités d'application du présent article et notamment les normes de qualité du service et les conditions de leur contrôle.
« Art. L. 5-2. - L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes :
« 1° Veille au respect, par le prestataire du service universel et par les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, des obligations résultant des dispositions législatives et réglementaires afférentes à l'exercice du service universel et des activités mentionnées à l'article L. 3 et des décisions prises pour l'application de ces dispositions. Elle sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l'article L. 5-3 ;
« 1° bis Supprimé ;
« 2° Est informée par le prestataire du service universel des conditions techniques et tarifaires dans lesquelles les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 peuvent accéder aux moyens indispensables à l'exercice de l'activité postale visés à l'article L. 3-1 et reçoit communication, à cette fin, des conventions signées au titre de l'article L. 3-1 ;
« 2° bis Supprimé ;
« 3° Décide, après examen de la proposition de La Poste ou, à défaut de proposition, d'office après l'en avoir informée, des caractéristiques d'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel, pouvant le cas échéant distinguer les envois en nombre des envois égrenés, et veille à leur respect. Elle approuve les tarifs des prestations relevant du secteur réservé. Le silence gardé par l'autorité pendant plus d'un mois à compter de la réception de la demande complète vaut approbation ; l'autorité formule son opposition par une décision motivée explicitant les analyses, notamment économiques, qui la sous-tendent. L'autorité est informée par le prestataire du service universel, préalablement à leur entrée en vigueur et dans un délai précisé par le décret prévu à l'article L. 2, des tarifs des prestations du service universel non réservées. Elle peut rendre public son avis. L'autorité tient compte, dans ses décisions ou avis, de la situation concurrentielle des marchés, en particulier pour l'examen des tarifs des envois en nombre ;
« 4° Veille au respect des objectifs de qualité du service universel, fixés par arrêté du ministre chargé des postes selon des modalités établies par le décret prévu à l'article L.2 ; elle fait réaliser annuellement par un organisme indépendant une étude de qualité de service, dont elle publie les résultats ;
« 5° Supprimé ;
« 6° Emet un avis public sur les aspects économiques des tarifs visés au deuxième alinéa de l'article L. 4, préalablement à leur homologation par les ministres chargés des postes et de l'économie ;
« 7° Afin de mettre en oeuvre les principes de séparation et de transparence des comptes, en particulier pour garantir les conditions de financement du service universel, précise les règles de comptabilisation des coûts, établit les spécifications des systèmes de comptabilisation et veille au respect, par le prestataire du service universel, des obligations relatives à la comptabilité analytique fixées dans le décret prévu à l'article L. 2. A ce titre, dans le champ du service universel, l'autorité reçoit communication des résultats des vérifications des commissaires aux comptes, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle fait vérifier annuellement, aux frais du prestataire du service universel, par un organisme qu'elle agrée, compétent et indépendant du prestataire du service universel, la conformité des comptes du prestataire du service universel aux règles qu'elle a établies. Elle veille à la publication, par les soins de l'organisme indépendant agréé, d'une déclaration de conformité ;
« 7° bis Prend en considération, dans tous ses avis et décisions motivés, l'équilibre financier des obligations de service universel, en explicitant ses analyses, notamment économiques ;
« 8° Recommande au ministre chargé des postes, s'il apparaît que le service universel ne peut être financé par le prestataire de ce service dans des conditions équitables, toutes mesures utiles pour garantir la fourniture de ce service.
« Art. L. 5-3. - L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, d'office ou à la demande du ministre chargé des postes, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs, d'une personne physique ou morale concernée, du prestataire du service universel postal ou d'un titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 3, prononcer, dans les conditions prévues au présent article, des sanctions à l'encontre du prestataire du service universel ou d'un titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 3.
« Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions suivantes :
« 1° En cas d'infraction du prestataire du service universel ou d'un titulaire de l'autorisation prévue à l'article L.3 à une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité, aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre ou aux prescriptions du titre en vertu duquel il l'exerce, le directeur des services de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes le met en demeure de s'y conformer dans un délai déterminé ; ce délai ne peut être inférieur à un mois sauf en cas d'infraction grave et répétée ; l'autorité peut rendre publique cette mise en demeure ;
« 2° Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans le délai fixé à une décision prise en application de l'article L. 5-4 ou L. 5-5 ou à la mise en demeure prévue au 1°, ou fournit des renseignements incomplets ou erronés, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut prononcer, compte tenu de la gravité du manquement, une des sanctions suivantes :
« a) Pour un titulaire de l'autorisation prévue à l'article L.3 :
« - l'avertissement ;
« - la réduction d'une année de la durée de l'autorisation ;
« - la suspension de l'autorisation pour un mois au plus ;
« - le retrait de l'autorisation ;
« b) Pour le prestataire du service universel ou un titulaire de l'autorisation prévue à l'article L.3, si le manquement n'est pas constitutif d'une infraction pénale, une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 5 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, ce plafond étant porté à 10 % en cas de nouvelle infraction. A défaut d'activité antérieure permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €, porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation.
« Lorsque le prestataire du service universel ou un titulaire de l'autorisation prévue à l'article L.3communique des informations inexactes, refuse de fournir les informations demandées ou fait obstacle au déroulement de l'enquête menée par les fonctionnaires ou agents habilités, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, après mise en demeure restée infructueuse du directeur des services de l'autorité, prononcer une sanction pécuniaire d'un montant qui ne peut excéder 15 000 €.
« Les sanctions sont prononcées après que l'intéressé a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites et orales.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine.
« L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans, s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.
« Les décisions de sanction sont motivées, notifiées à l'intéressé et publiées au Journal officiel. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction et d'une demande de suspension présentée conformément à l'article L. 521-1 du code de justice administrative, devant le Conseil d'Etat.
« Art. L. 5-4. - L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie par l'une ou l'autre partie d'un différend portant sur la conclusion ou l'exécution des contrats dérogeant aux conditions générales de l'offre du service universel d'envoi de correspondances, lorsque ce différend est relatif aux règles mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 2-1. Elle se prononce dans un délai de quatre mois après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations.
« Art. L. 5-5. - En cas de différend entre le prestataire du service universel et un titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 3 sur la conclusion ou l'exécution de stipulations techniques et tarifaires d'une convention relative à l'accès aux moyens indispensables à l'exercice de l'activité postale visés à l'article L. 3-1, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie par l'une ou l'autre des parties.
« L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes s'assure que les conditions techniques et tarifaires offertes sont transparentes et non discriminatoires et n'affectent pas la bonne réalisation des missions du service public des envois postaux. Elle se prononce dans un délai de quatre mois après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations.
« Art. L. 5-6. - Les décisions prises par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en application des articles L. 5-4 et L. 5-5 sont motivées et précisent, le cas échéant, les conditions d'ordre technique et financier dans lesquelles les prestations doivent être assurées. L'autorité notifie ses décisions aux parties et les rend publiques sous réserve des secrets protégés par la loi.
« Elle peut, avant de prendre sa décision, entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile.
« Elle peut refuser la communication des pièces mettant en jeu le secret des affaires. Ces pièces sont alors retirées du dossier.
« Les décisions prises par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peuvent faire l'objet, devant la cour d'appel de Paris, d'un recours en annulation ou en réformation dans le délai d'un mois à compter de leur notification. La cour d'appel de Paris peut également être saisie si, à l'expiration du délai mentionné à l'article L. 5-4 ou à l'article L. 5-5, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne s'est pas prononcée.
« Le recours n'est pas suspensif. Toutefois, le juge peut ordonner le sursis à exécution de la décision, si cette dernière est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est survenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.
« Le pourvoi en cassation formé, le cas échéant, contre l'arrêt de la cour d'appel est exercé dans le délai d'un mois suivant la notification de cet arrêt.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article.
« Art. L. 5-7. - L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie d'une demande de conciliation par le prestataire du service universel, les expéditeurs d'envois de correspondance en nombre, les intermédiaires groupant les envois de correspondance de plusieurs clients ou les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, en vue de régler les litiges les opposant qui ne relèvent pas des articles L. 5-4 et L. 5-5.
« Art. L. 5-8. - Le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes saisit le Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il peut avoir connaissance dans le domaine des activités postales, notamment lorsqu'un différend lui est soumis en application des articles L. 5-4 et L. 5-5. Lorsque le Conseil de la concurrence est saisi dans le cadre d'une procédure d'urgence, il se prononce dans les trente jours ouvrables suivant la date de la saisine.
« Le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut également saisir pour avis le Conseil de la concurrence de toute autre question relevant de sa compétence.
« Le Conseil de la concurrence communique à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes toute saisine entrant dans le champ de compétence de celle-ci et recueille son avis sur les pratiques dont il est saisi dans le domaine des activités postales.
« Le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes informe le procureur de la République des faits qui sont susceptibles de recevoir une qualification pénale.
« Art. L. 5-9. - Dans les conditions définies au présent article, le ministre chargé des postes et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peuvent, de manière proportionnée aux besoins liés à l'accomplissement de leurs missions, et sur la base d'une décision motivée, recueillir, auprès du prestataire du service universel et des titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, toutes les informations ou documents nécessaires pour s'assurer du respect par ces personnes des dispositions législatives ou réglementaires afférentes à leur activité, des décisions prises pour garantir la mise en oeuvre de ces dispositions et des prescriptions du titre en vertu duquel ces personnes exercent leur activité.
« Les enquêtes sont menées par des fonctionnaires et agents du ministère chargé des postes et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes habilités à cet effet par le ministre chargé des postes et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Les enquêtes donnent lieu à procès-verbal. Un double en est transmis dans les cinq jours aux parties intéressées.
« Le ministre chargé des postes ou l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes désigne, et veille à ce que soit assermentée dans les mêmes conditions qu'indiquées précédemment, toute personne compétente pour réaliser, le cas échéant, une expertise.
« Les fonctionnaires et agents chargés de l'enquête accèdent à toutes les informations utiles détenues par les prestataires de services postaux ou les personnes exerçant une activité postale. Ils reçoivent, à leur demande, communication des documents comptables et factures, de toute pièce ou document utile, en prennent copie, et recueillent, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications propres à l'accomplissement de leur mission.
« Ils peuvent accéder à tous locaux, terrains et véhicules à usage professionnel, à l'exclusion des domiciles et parties de locaux servant de domicile, relevant de ces personnes, sauf autorisation du président du tribunal de grande instance ou du magistrat qu'il délègue à cette fin. Ils ne peuvent accéder à ces locaux qu'entre 6 heures et 21 heures ou pendant leurs heures d'ouverture s'ils sont ouverts au public.
« Le ministre chargé des postes et le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veillent à ce que ne soient pas divulguées les informations recueillies en application du présent article lorsqu'elles sont protégées par un secret visé à l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.
« Art. L. 5-10. - Afin d'être en mesure d'assurer la distribution d'envois postaux, le prestataire du service universel et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 ont accès, selon des modalités identiques et définies par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, aux boîtes aux lettres particulières. »
III. - La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l'habitation est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Accès des opérateurs de services postaux et des porteurs de presse aux boîtes aux lettres particulières
« Art. L. 111-6-3. - Pour l'application de l'article L. 5-10 du code des postes et des communications électroniques, les propriétaires ou, en cas de copropriété, le syndicat représenté par le syndic permettent au prestataire du service universel postal et aux opérateurs titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du même code d'accéder, selon des modalités identiques, aux boîtes aux lettres particulières.
« Les porteurs et les vendeurs colporteurs de presse inscrits auprès du Conseil supérieur des messageries de presse, agissant pour le compte d'une entreprise de presse ou d'une société de portage de presse, titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques, ont accès aux boîtes aux lettres particulières selon les mêmes modalités que les agents chargés de la distribution au domicile agissant pour le compte des opérateurs visés à l'alinéa précédent. »
I. - L'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est ainsi modifié :
1° A Au début de la première phrase du premier alinéa, les mots : « Lorsque les exigences particulières de l'organisation de certains services ou la spécificité de certaines fonctions le justifient, » sont supprimés ;
1° La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « , ni celles relatives aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux » ;
2° La dernière phrase du dernier alinéa est supprimée ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles les agents de La Poste sont représentés dans des instances de concertation chargées d'assurer l'expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d'organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle. Il précise en outre, en tenant compte de l'objectif d'harmoniser au sein de La Poste les institutions représentatives du personnel, les conditions dans lesquelles la représentation individuelle des agents de droit privé est assurée, et établit les règles de protection, au moins équivalentes à celles prévues par le code du travail pour les délégués du personnel, dont bénéficient leurs représentants. »
II. - Après l'article 31-1 de la même loi, sont insérés deux articles 31-2 et 31-3 ainsi rédigés :
« Art. 31-2. - Il est institué, au sein de La Poste, une commission d'échanges sur la stratégie, visant à informer les organisations syndicales des perspectives d'évolution de La Poste, et à recueillir leurs analyses sur les orientations stratégiques du groupe.
« Il est également institué une commission de dialogue social permettant d'assurer une concertation avec les organisations syndicales sur les projets d'organisation de portée nationale ou sur des questions d'actualité, ainsi que de les informer.
« La Poste recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales dans tous les domaines sociaux afférents à l'activité postale. Des instances de concertation et de négociation sont établies à cette fin au niveau national et au niveau territorial, après avis des organisations syndicales représentatives.
« Ces instances suivent l'application des accords signés. Une commission nationale de conciliation est chargée de favoriser le règlement amiable des différends.
« Art. 31-3. - Les titres III et IV du livre II du code du travail s'appliquent à l'ensemble du personnel de La Poste, sous réserve des adaptations, précisées par un décret en Conseil d'Etat, tenant compte des dispositions particulières relatives aux fonctionnaires et à l'emploi des agents contractuels. »
Le titre VIII du livre Ier du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L'article L. 17 est ainsi rédigé :
« Art. L. 17. - Est puni d'une amende de 50 000 € le fait :
« 1° De fournir des services postaux qui sont, en application de l'article L. 2, réservés à La Poste ;
« 2° De fournir des services d'envoi de correspondance en violation des dispositions de l'article L. 3, ou d'une décision de suspension de l'autorisation accordée en vertu de l'article L. 3. » ;
2° L'article L. 18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 18. - Les personnes physiques coupables de l'une des infractions définies à l'article L. 17 encourent les peines complémentaires suivantes :
« a ) L'interdiction, pour une durée d'un an au plus, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
« b) La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution, dans les conditions prévues à l'article 131-21 du code pénal ;
« c ) La fermeture, pour une durée d'un an au plus, des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
« d ) L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du même code. » ;
3° L'article L. 19 est ainsi rédigé :
« Art. L. 19. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement de l'une des infractions définies à l'article L. 17 dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal et sont passibles de l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 dudit code.
« Les personnes coupables de l'une des infractions définies à l'article L. 17 encourent les peines complémentaires mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal ; l'interdiction mentionnée au 2° du même article porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. » ;
4° L'article L. 20 est ainsi rédigé :
« Art. L. 20. - I. - Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les fonctionnaires et les agents mentionnés à l'article L. 5-9 peuvent rechercher et constater par procès-verbal les infractions prévues par les dispositions du présent titre.
« En vue de rechercher et de constater les infractions, les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 5-9 peuvent accéder aux locaux, terrains ou véhicules à usage professionnel, demander la communication de tous documents professionnels et en prendre copie, recueillir, sur convocation ou sur place, tous renseignements et justifications. Ces fonctionnaires et agents ne peuvent accéder aux locaux qu'entre 6 heures et 21 heures ou pendant leurs heures d'ouverture s'ils sont ouverts au public.
« II. - Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 5-9 ne peuvent effectuer les visites prévues au présent article et la saisie des matériels et de documents que sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les matériels, ou d'un juge délégué par lui.
« Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une action simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des présidents compétents.
« Le juge vérifie que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée et comporte tous les éléments d'information de nature à justifier la visite.
« La visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Le juge désigne un ou plusieurs officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. Il peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention, dont il peut à tout moment décider la suspension ou l'arrêt. Lorsque l'intervention a lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire pour exercer ce contrôle au président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'effectue la visite.
« L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis.
« L'ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues au code de procédure pénale. Ce pourvoi n'est pas suspensif.
« III. - La visite est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant. En cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des postes.
« Les enquêteurs, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.
« Les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 du code de procédure pénale. Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont transmis au juge qui a ordonné la visite. Toutefois, les correspondances dont la conservation n'apparaît pas utile à la manifestation de la vérité sont remises, après inventaire, au prestataire du service universel qui en assure la distribution.
« Le déroulement des visites ou des saisies peut faire l'objet, dans un délai de deux mois qui court à compter de la notification de l'ordonnance les ayant autorisées, d'un recours auprès du juge qui a prononcé l'ordonnance.
« Le juge se prononce sur ce recours par une ordonnance qui n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues au code de procédure pénale. Ce pourvoi n'est pas suspensif. » ;
5° L'article L. 28 est ainsi rédigé :
« Art. L. 28. - Pour l'application des dispositions du présent livre, le ministre chargé des postes ou son représentant peut, devant les juridictions pénales, déposer des conclusions et les développer oralement à l'audience. » ;
6° L'article L. 29 est ainsi rédigé :
« Art. L. 29. - Le fait d'insérer dans un envoi postal des matières ou des objets prohibés par la convention postale universelle est puni d'une amende de 15 000 €.
« Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue au présent article encourent les peines complémentaires mentionnées aux a et b de l'article L. 18.
« Les personnes morales coupables de l'infraction prévue au présent article encourent les peines complémentaires mentionnées aux 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal. »
I. - Les articles L. 15, L. 16, L. 21 à L. 25, L. 27 et L. 36 du code des postes et des communications électroniques sont abrogés.
I bis . - L'article L. 30 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 30. - Lorsque les services des douanes ou des contributions indirectes le leur demandent, le prestataire du service universel et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 requièrent l'ouverture, par le destinataire, des envois de correspondance de toute provenance, présumés contenir des produits soit soumis à des formalités intérieures de circulation, soit passibles de droits de douane, soit frappés de prohibition. »
II. - A l'article L. 31 du même code, les mots : « L. 627 du code de la santé publique » sont remplacés par les mots : « 222-36 du code pénal ».
III. - Les articles L. 36-1, L. 36-2, L. 36-3, L. 36-4, L. 36-12 et L. 36-14 du même code deviennent respectivement les articles L. 130, L. 131, L. 132, L. 133, L. 134 et L. 135 du même code.
III bis A. - Dans la deuxième phrase du sixième alinéa de l'article L. 125 du même code, les mots : « le service public des communications électroniques » sont remplacés par les mots : « le service public des postes et celui des communications électroniques ».
III bis. - L'article L. 126 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 126. - La prescription est acquise au profit du prestataire du service universel et des titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 pour toute demande en restitution du prix de leurs prestations présentée après un délai d'un an à compter du jour du paiement.
« La prescription est acquise au profit de l'utilisateur pour les sommes dues en paiement des prestations du prestataire du service universel et des titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 lorsque ceux-ci ne les ont pas réclamées dans un délai d'un an à compter de la date de leur exigibilité. »
IV. - Le premier alinéa de l'article L. 131 du même code est ainsi rédigé :
« La fonction de membre de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est incompatible avec toute activité professionnelle, tout mandat électif national, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du secteur postal ou des secteurs des communications électroniques, de l'audiovisuel ou de l'informatique. Les membres de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ne peuvent être membres de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. »
IV bis. - L'article L. 131 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il est occupé par un fonctionnaire, l'emploi permanent de membre de l'autorité est un emploi ouvrant droit à pension au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite. »
V. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 133 du même code, les mots : « L'autorité propose au ministre chargé des communications électroniques » sont remplacés par les mots : « L'autorité propose aux ministres compétents ».
VI. - L'article L. 135 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « des dispositions législatives et réglementaires relatives aux communications électroniques » sont remplacés par les mots : « des dispositions législatives et réglementaires relatives aux communications électroniques et aux activités postales » ;
1° bis Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « les autorités de régulation des communications électroniques » sont remplacés par les mots : « les autorités de régulation des communications électroniques et des postes » ;
1° ter Dans la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « les évolutions du secteur des communications électroniques » sont remplacés par les mots : « les évolutions du secteur des communications électroniques et de celui des postes » ;
2° A la fin de la première phrase du troisième alinéa, les mots : « information sur le secteur des communications électroniques » sont remplacés par les mots : « information sur le secteur des communications électroniques et sur celui des postes » ;
3° La dernière phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :
« A cette fin, le prestataire du service universel postal, les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, les opérateurs ayant effectué la déclaration prévue à l'article L. 33-1 sont tenus de lui fournir les informations statistiques concernant l'utilisation, la zone de couverture et les modalités d'accès à leur service. Les ministres compétents sont tenus informés des résultats de ces travaux. »
I. - L'article L. 130 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est composée de sept membres nommés en raison de leur qualification économique, juridique et technique, dans les domaines des communications électroniques, des postes et de l'économie des territoires pour un mandat de six ans. Trois membres, dont le président, sont nommés par décret. Deux membres sont nommés par le Président de l'Assemblée nationale et deux par le Président du Sénat. » ;
2° Dans la première phrase du quatrième alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
3° Le sixième alinéa est supprimé ;
4° Dans la deuxième phrase du septième alinéa, les mots : « l'un ou l'autre des deux alinéas » sont remplacés par les mots : « de l'alinéa ».
II. - Les membres de l'autorité visée à l'article L. 130 du code des postes et des communications électroniques qui sont en fonction à la date de publication de la présente loi exercent leur mandat jusqu'à son terme.
III. - Dès la publication de la présente loi, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat nomment chacun un membre supplémentaire de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, pour un mandat de six ans prolongé jusqu'au 31 décembre de la dernière année de ce mandat.
IV. - Supprimé.
Après l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2-2. - I. - Il est institué, sous réserve des conditions de mise en oeuvre prévues aux II et III, un fonds de compensation du service universel postal.
« La Caisse des dépôts et consignations assure la gestion comptable et financière de ce fonds dans un compte spécifique. Les frais de gestion exposés par la caisse sont imputés sur le fonds.
« La contribution de chaque prestataire postal titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 3 est calculée au prorata de son chiffre d'affaires réalisé dans le champ du service universel défini à l'article L. 1, à l'exclusion de celui réalisé dans le cadre des activités de transport et de distribution de la presse ou au titre des prestations réalisées ou facturées dans le champ du service universel pour le compte d'opérateurs tiers. Tout prestataire dont le chiffre d'affaires ainsi délimité est inférieur à un montant fixé par décret est exempté de contribution au fonds de compensation.
« Le montant des contributions nettes que le prestataire du service universel ou les prestataires titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 versent ou reçoivent est déterminé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Ces contributions sont recouvrées par la Caisse des dépôts et consignations selon les modalités prévues pour les créances de cet établissement.
« En cas de défaillance d'un opérateur, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prononce une des sanctions prévues à l'article L. 5-3. En cas de nouvelle défaillance, elle peut retirer l'autorisation. Si les sommes dues ne sont pas recouvrées dans un délai d'un an, elles sont imputées sur le fonds lors de l'exercice suivant.
« II. - Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, précise les méthodes d'évaluation, de compensation et de partage des coûts nets liés aux obligations de service universel.
« III. - Un décret, pris après un avis public de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sur une demande du prestataire du service universel établissant, sur la base des données comptables visées au 7° de l'article L. 5-2, qu'il supporte une charge financière inéquitable imputable à ses obligations de service universel, fixe la première année au titre de laquelle les contributions nettes au fonds de compensation du service universel postal sont recouvrées. »
I. - L'article L. 7 du code des postes et des communications électroniques est ainsi rédigé :
« Art. L. 7. - La responsabilité des prestataires de services postaux au sens de l'article L. 1 est engagée dans les conditions prévues par les articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du code civil à raison des pertes et avaries survenues lors de la prestation.
« Toutefois, cette responsabilité tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine des plafonds d'indemnisation. »
II. - L'article L. 8 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 8. - Pour les dommages directs causés par le retard dans la distribution d'un envoi postal, la responsabilité des prestataires des services postaux au sens de l'article L. 1 est engagée dans les conditions prévues par les articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du code civil, si le prestataire a souscrit un engagement portant sur le délai d'acheminement de cet envoi postal.
« Toutefois, cette responsabilité tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine des plafonds d'indemnisation. »
III. - L'article L. 9 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 9. - Par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé visible approprié, les prestataires de services postaux informent les utilisateurs d'envois postaux sur les tarifs, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle, le délai d'un an durant lequel toutes réclamations sont recevables et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des postes, après consultation du Conseil national de la consommation. »
IV. - L'article L. 10 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 10. - Les actions en responsabilité pour avaries, pertes ou retards engagées au titre des articles L. 7 et L. 8 sont prescrites dans le délai d'un an à compter du lendemain du jour du dépôt de l'envoi. »
V. - Les articles L. 11 à L. 13-1 du même code sont abrogés.
VI. - L'intitulé du titre III du livre Ier du même code est ainsi rédigé : « Régime de responsabilité applicable aux services postaux ».
La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement est ainsi rédigée :
« Toutefois, sont exclues de cette contribution la mise à disposition du public d'informations par un service public, lorsqu'elle résulte exclusivement d'une obligation découlant d'une loi ou d'un règlement, ou par une publication de presse, au sens de l'article 1er de la loi n°86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, et la distribution d'envois de correspondance au sens de l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques. »
I. - La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est ainsi modifiée :
1° Dans le dernier alinéa de l'article 6 et dans le second alinéa de l'article 7, les mots : « son cahier des charges » sont remplacés par les mots : « décret en Conseil d'Etat » ;
2° L'article 8 est ainsi rédigé :
« Art. 8. - Le cadre général de gestion des activités de l'exploitant public est fixé par décret en Conseil d'Etat.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe également les garanties d'une juste rémunération des prestations de service public qu'assure l'exploitant public, notamment des prestations de transport et de distribution de la presse. » ;
3° L'article 23 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « des obligations de son cahier des charges » sont remplacés par les mots : « de ses obligations législatives et réglementaires » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les conditions et modalités de l'opposition mentionnée au deuxième alinéa sont fixées par décret en Conseil d'Etat. » ;
4° A l'article 27, les mots : « prévues en la matière par le cahier des charges » sont remplacés par les mots : « réglementaires précisant ses droits et obligations » ;
5° Le dernier alinéa de l'article 33 est ainsi rédigé :
« Les modalités du contrôle de l'évolution de la contribution globale de l'exploitant public au financement des activités sociales sont fixées par décret en Conseil d'Etat. » ;
6° La première phrase du deuxième alinéa de l'article 34 est ainsi rédigée :
« Il prépare le contrat de plan de l'exploitant public et veille au respect de ses dispositions. »
II. - Dans l'article L. 1334-1 du code de la défense, les mots : « les articles 5 et 8 » sont remplacés par les mots : « l'article 5 ».
A compter du 1er juillet 2006, une commission paritaire formée de délégués des organisations syndicales représentatives au plan national des employés et des employeurs, convoquée la première fois par un arrêté conjoint du ministre chargé des postes et du ministre chargé du travail qui en fixe la composition initiale, les règles de fonctionnement provisoires et le premier ordre du jour, se réunit afin de négocier une convention collective applicable aux salariés non fonctionnaires de La Poste et à ceux des entreprises titulaires de l'autorisation visée à l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques.
Cette convention collective prévoit les conditions dans lesquelles les employeurs veillent au respect par leurs employés des obligations de secret professionnel imposées aux b et c de l'article L. 3-2 du même code. Ces obligations et les modalités de leur respect sont inscrites dans le règlement intérieur des entreprises soumises à la convention collective.
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Le titre III du livre Ier devient le chapitre IV du titre Ier du livre Ier ;
2° Supprimé ;
3° Dans le livre Ier, les divisions et les intitulés : « Titre VI. - Distribution postale », « Chapitre Ier. - Distribution à domicile », « Chapitre II. - Distribution au guichet », « Titre VII. - Poste maritime » sont supprimés ;
4° Le titre VIII du livre Ier devient le titre II du même livre ;
4° bis L'article L. 126 devient l'article L. 11 ;
4° ter Dans le titre Ier du livre Ier, il est créé un chapitre V intitulé : « Prescription » qui comprend les articles L.10 et L.11 ;
5° Le livre IV devient le livre III à compter du transfert mentionné au 1 du II de l'article 8 et comprend un titre Ier intitulé « Dispositions communes » et un titre II reprenant l'intitulé « Dispositions finales » figurant déjà dans ce livre, et comprenant les articles L. 128 et L. 129, qui deviennent respectivement les articles L. 140 et L. 141. Le titre Ier comprend les articles L. 125 et L. 130 à L. 135.
Je ne suis saisi d'aucun amendement.
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Robert Bret, pour explication de vote.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après EDF, après France Télécom, après AREVA, mais aussi après ADP, et bien d'autres entreprises publiques, ...
...nous voici une nouvelle fois réunis pour répondre aux impératifs libéraux de soumission de l'ensemble des activités humaines aux règles de la libre concurrence et à la loi du marché.
Avec ce projet de loi que vous allez voter, mesdames, messieurs de la majorité, vous organisez la marginalisation du service public postal et le règne des critères de rentabilité financière dans la gestion de l'entreprise, conformément au contrat de plan conclu entre l'Etat et La Poste pour la période 2003-2007. Ce plan incite La Poste à poursuivre la refonte des processus des gains de productivité pour améliorer sa rentabilité. L'objectif est énoncé on ne peut plus clairement : il s'agit de casser l'idée que le secteur public est un secteur fiable, acteur pertinent du développement économique, proposant des réponses adaptées aux besoins de la société et des populations sans pour autant réaliser de plus-values.
Cette même logique prévaut dans l'Accord général sur le commerce et les services, conclu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, et dans les politiques menées par l'Union européenne depuis l'Acte unique et le traité de Maastricht, qui vise, dans son article 129, l'instauration d'un marché ouvert et concurrentiel dans les domaines des transports, des télécommunications et de l'énergie.
Rappelons que l'OCDE indique que les privatisations opérées par les Etats membres, s'expliquant également par la pression du pacte de stabilité et la barrière des 3 %, , ont porté dans l'Europe des Quinze sur 563 milliards d'euros entre 1984 et 2000.
Pourtant, nous le savons, les conséquences engendrées par ces politiques de libéralisation sont réellement néfastes pour les peuples.
L'ouverture obligatoire de tous les services publics et de toutes les entreprises publiques à la concurrence, la marchandisation de toutes les activités humaines, les critères de convergence visant à réduire les dépenses sociales et publiques sont les maîtres mots actuels dans la construction européenne.
Or nous ne connaissons que trop bien les conséquences sociales de cette utopie libérale : développement du chômage, de la précarité, de la flexibilité et des délocalisations.
Bref, cette Europe libérale, qui est pérennisée dans le traité constitutionnel, constitue une véritable consécration de l'injustice sociale. Nous ne pouvons l'accepter.
Le marché ne peut régir la vie de la cité : ce n'est pas la modernité ; cela ne répond pas à l'aspiration des peuples. Les besoins en termes de solidarité augmentent. C'est aussi pour cette raison que nous ne souhaitons pas que l'Etat renonce à ses missions régaliennes de cohésion sociale, pour accompagner la construction européenne sur la voie du progrès social.
Une telle cohésion passe nécessairement par la mise en oeuvre de services publics de qualité, suffisants, organisés par la puissance publique et financés à hauteur des enjeux.
L'Etat a un rôle économique à jouer, le débat politique doit être en mesure de définir l'intérêt général des populations. Pourtant, l'Europe favorise plus l'intérêt des multinationales, en leur permettant d'augmenter leur profit et en diminuant les coûts de production, tout en accroissant la précarité des travailleurs.
A cet égard, le projet de directive Bolkestein est particulièrement illustratif du chemin emprunté par la construction européenne.
L'analyse détaillée de la proposition de directive, en particulier l'inscription du principe du pays d'origine, fait apparaître en effet un certain nombre de dangers pour les travailleurs des Etats membres. A ce titre, cette directive préfigure l'Europe telle qu'elle est conçue dans le traité constitutionnel européen : la dévotion aux règles du marché règne en maître dans la lettre et dans l'esprit de ces deux textes.
A l'inverse, nous souhaitons que l'Europe soit constituée pour et par les peuples. C'est l'unique manière de procéder pour qu'elle soit capable de répondre aux besoins des peuples du XXIe siècle.
Ainsi, en cas de victoire du non, ...
Ainsi, en cas de victoire du non, nous souhaitons que les directives imposant la mise en concurrence des services publics soient suspendues et qu'un moratoire soit immédiatement décrété sur les privatisations, pour permettre l'élaboration d'un bilan économique et social complet.
L'Union devra alors s'engager pour la reconnaissance des services publics dans ses institutions, en les faisant échapper aux règles de la concurrence. Elle devra également s'engager à créer de tels services, pour répondre aux besoins sociaux. En tout état de cause, elle devra favoriser la coordination et la coopération à l'échelle européenne des différents services publics nationaux et régionaux.
Pour toutes ces raisons, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce projet de loi de dérégulations postales, qui s'inscrit dans la droite ligne des orientations libérales privilégiées dans la construction européenne et constitutionnalisées dans le texte soumis au vote des Françaises et des Français le 29 mai prochain.
Monsieur le président, je viens d'exposer à l'instant les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. Je ne répéterai donc pas les arguments qui nous ont conduits à prendre cette position.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 179 :
Nombre de votants329Nombre de suffrages exprimés329Majorité absolue des suffrages exprimés165Pour l'adoption202Contre 127Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 17 mars dernier, lors d'une séance de questions orales, j'ai demandé à M. le ministre de l'éducation nationale, François Fillon, de mettre en place une véritable concertation sur l'avenir du CNDP, le Centre national de documentation pédagogique, après sa délocalisation à Chasseneuil-du-Poitou décidée par le Gouvernement.
Or je viens d'apprendre que, contrairement à ce qu'il avait annoncé devant le CNDP, moi-même et tous les élus du comité de défense, composé de députés, de sénateurs, de conseillers généraux, de conseillers régionaux et de conseillers municipaux de la ville de Paris, François Fillon ne tiendra pas l'engagement qu'il avait pris de tenir une table ronde avec les représentants du CNDP et les élus à propos de cette délocalisation.
En effet, le ministre vient d'annoncer qu'il veut procéder demain au déménagement en force du matériel numérique situé à Montrouge, qui représente le coeur de l'activité du CNDP. Cela priverait de travail les 168 salariés.
Par ailleurs, ce matin, à la sortie d'une réunion, des incidents graves ont eu lieu : une employée a été blessée par le directeur qui voulait ouvrir la porte alors que les salariés discutaient avec lui.
Avec mon amie Nicole Borvo, sénatrice de Paris, Janine Jambu, députée des Hauts-de-Seine, et le comité de défense composé des élus que j'ai cités tout à l'heure, nous soutenons les employés du CNDP, car nous pensons qu'une telle décision doit être annulée.
Nous ne laisserons pas démanteler le CNDP, nous ne le laisserons pas déménager. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et tenir ses engagements.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et M. Christian Cointat rient et discutent entre eux
Cela vous fait rire, messieurs ? Mais le sort de plusieurs centaines d'employés est en jeu ! Vous le savez, en cette période où le chômage augmente, déménager pour des centaines de familles, ce n'est pas rien !
Madame Luc, je vous laisse terminer votre propos, mais veuillez le faire rapidement ; je cherche encore le lien qu'il a avec le règlement.
Mme Hélène Luc. Je demande au Gouvernement de prendre ses responsabilités concernant les incidents qui pourraient survenir demain. En effet, les salariés, que nous soutiendrons, sont décidés à ne pas se laisser faire. Une véritable concertation doit enfin s'ouvrir et une table ronde doit être immédiatement organisée.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Je demande donc à M. le ministre de transmettre à M. Fillon cette requête et je vous demande, monsieur le président, de la transmettre à M. Poncelet, afin qu'il l'appuie.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 76-97du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République (nos 305, 315) ;
- et du projet de loi modifiant la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger (306, 315).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux textes que j'ai l'honneur de vous présenter, au nom du Gouvernement, constituent ensemble une importante contribution à la réforme de l'Etat et à la simplification des procédures. Ils ont pour objet de favoriser une meilleure compréhension des conditions d'inscription sur les listes électorales et une plus grande participation des Français établis hors de France aux scrutins organisés à l'étranger.
Aujourd'hui, les Français établis hors de France peuvent voter à l'étranger à trois occasions : pour élire le Président de la République, pour élire les membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, l'AFE, et pour participer au référendum.
Je note pour mémoire qu'ils ont également eu la possibilité de participer, à l'étranger, à l'élection du Parlement européen jusqu'à la loi du 11 avril 2003. Il faudra réfléchir à des modalités permettant à nos compatriotes de voter de nouveau, à l'étranger, pour ces élections.
Comme vous le savez, toutes les élections qui se déroulent sur le territoire national sont organisées sur la même base, à savoir les listes électorales dressées dans chaque commune de France. A l'étranger, le support est différent selon le scrutin : les listes des centres de vote utilisées pour l'élection du Président de la République et les référendums sont distinctes de celles qui servent à l'élection des membres de l'AFE.
Ces deux types de listes sont élaborés selon des procédures différentes, les modalités d'inscription des électeurs et les procédures d'établissement et de mise à jour de ces listes obéissant aussi à des règles propres. Les commissions administratives qui les préparent ne sont pas composées de la même façon et les dates de leurs travaux ne coïncident pas.
La complexité de cette situation s'explique par des considérations où l'opportunité et l'histoire le disputent au droit.
En 1976, la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 a créé, ex nihilo, des listes spécifiques pour permettre aux Français établis hors de France de participer, à l'étranger, à l'élection du Président de la République. Cette élection se déroulait dans certains postes diplomatiques et consulaires érigés en centres de vote. Ainsi, 180 centres de vote furent créés, dont certains sur le territoire national, en raison du désaccord des autorités locales. Les Français résidant en Allemagne et en Suisse ont dû voter dans des bureaux situés en France jusqu'à ce que l'Allemagne et la Suisse lèvent leur interdiction, respectivement en 1979 et en 1994.
La loi du 7 juin 1982, qui a instauré le suffrage universel pour l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, devenu depuis lors l'Assemblée des Français de l'étranger, a retenu un dispositif différent : l'élection aurait lieu non pas dans des centres de vote, mais dans tous les postes consulaires, à savoir les ambassades pourvues de section consulaire et les consulats, et non pas sur la base des listes de centres de vote, mais sur celle de listes spécifiques et nouvelles.
Après quatre élections du Président de la République, en 1981, 1988, 1995 et 2002, et trois référendums, en 1988, 1992 et 2000, plusieurs renouvellements triennaux des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, sans compter les élections au Parlement européen, en 1979, 1984, 1989, 1994 et 1999, le vote à l'étranger, pratiqué maintenant depuis de nombreuses années, n'a plus le caractère exceptionnel qu'il a pu revêtir au départ.
Cependant, cette banalisation n'a pas fait disparaître les inconvénients de ce dualisme en matière de charge de travail pour les postes consulaires et de discordance des procédures. Plus grave est la confusion qu'elle fait naître dans l'esprit de nos compatriotes. Il n'est pas étonnant que beaucoup s'y perdent ! Ainsi, malgré nos efforts, plusieurs Français se présenteront, lors du prochain référendum, dans un centre de vote, croyant être inscrits sur la liste de ce centre, alors qu'ils seront inscrits soit en France, soit sur la liste de l'AFE, soit dans un autre centre de vote, soit, encore, nulle part.
On peut être sûr que cette complexité dissuade nos compatriotes de s'inscrire sur les listes électorales. Elle ne les encourage pas non plus à participer aux élections, alors même que la loi leur donne la possibilité de le faire en dehors du territoire national.
Au 31 décembre dernier, 451 996 Français étaient inscrits sur les listes de centres de vote, alors que plus de 750 000 l'étaient sur les listes de l'AFE.
Nous ne pouvons plus nous accommoder de cette situation. Il faut plus de clarté et de simplicité dans nos textes et nos procédures. Nous partageons tous, à cet égard, les préoccupations du Conseil constitutionnel.
Il faut, enfin et surtout, du bon sens. Il n'est donc pas surprenant qu'un large consensus ait été trouvé, pour rendre le système plus homogène et plus rationnel. Je voudrais à cet égard souligner le rôle joué par l'Assemblée des Français de l'étranger, qui a soutenu ce projet dès qu'il a été annoncé. Il aura fallu de longs mois pour parvenir au texte dont vous êtes saisis aujourd'hui. Les machines les plus compliquées résistent longtemps, mais les difficultés rencontrées n'ont pas entamé notre détermination.
A ce titre, je tiens à saluer tous ceux qui ont soutenu ce projet de loi et qui y travaillent depuis le mois de mars 2004.
Le dispositif que nous proposons est simple. Je le résumerai en rappelant les cinq objectifs majeurs que nous avons poursuivis.
Auparavant, je voudrais insister sur la volonté qui nous a guidés. Nous avons voulu nous tenir au plus près du droit commun, ainsi que le montrent toutes les références explicites au code électoral. Certes, comme dans d'autres domaines, des adaptations seront nécessaires pour tenir compte de la situation des Français établis hors de France et de la contrainte particulière de l'application de la loi à l'étranger. La loi, plus exactement les lois, en prévoit déjà certaines, les décrets d'application en prévoiront d'autres, mais nous n'aurons jamais été aussi près du droit commun qu'après cette réforme.
C'est ce qu'a parfaitement compris la commission des lois et, en particulier, son rapporteur, M. Christian Cointat, dont je salue les travaux.
J'en viens maintenant aux cinq objectifs majeurs que j'ai annoncés.
Le premier est de remplacer les deux listes actuelles par une liste unique dite liste électorale consulaire, tenue par chaque poste consulaire comme le ferait une commune de France. Cette liste pourra servir à tout scrutin organisé à l'étranger.
Avec cette fusion des deux listes, la notion de centre de vote disparaît. Dès lors qu'il existe déjà une liste dans chaque poste consulaire pour élire les membres de l'AFE, nous avons pris le parti de créer une liste électorale consulaire dans chaque poste. Chacun d'entre eux pourra organiser les scrutins qui se déroulent à l'étranger, étant entendu que cela ne sera possible qu'à condition que les Etats où sont situés nos postes consulaires nous donnent leur accord.
Si toute référence explicite à l'accord des autorités locales a disparu du texte, l'assentiment de celles-ci n'est pas exclu des réalités de la vie à l'étranger. Ainsi, toute action administrative dans le domaine consulaire doit être au moins compatible avec l'ordre public local : c'est la règle d'or posée par la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963. J'ajoute au passage que cette règle a pour corollaire la réciprocité.
Si d'aventure cet accord nous faisait défaut, un poste pourrait néanmoins gérer plusieurs listes électorales ou organiser un scrutin pour le compte d'un ou plusieurs autres postes consulaires.
Le deuxième objectif majeur est de simplifier les modalités d'inscription sans porter atteinte aux droits de nos compatriotes, qui pourront continuer à utiliser toutes les possibilités dont ils bénéficient aujourd'hui, notamment lorsqu'ils sont également inscrits sur une liste électorale en France.
Dès lors deux questions se posent : quand et comment pourra-t-on s'inscrire ? Comment conjuguer une inscription à l'étranger et une inscription en France ?
Je réponds à la première question : un Français établi hors de France pourra demander à s'inscrire sur la liste électorale consulaire, à tout moment, en se présentant spontanément devant un consul.
En outre, lorsqu'il accomplira les formalités d'inscription au registre des Français établis hors de France tenu dans la circonscription consulaire dans laquelle il réside, on lui indiquera que, sauf opposition de sa part, il sera inscrit sur la liste électorale consulaire. La procédure aujourd'hui prévue par la loi du 7 juin 1982 relative à l'AFE a été tout simplement généralisée.
Même s'il refusait cette inscription, notre compatriote pourrait évidemment se raviser à tout moment.
J'en viens à la seconde question : comment conjuguer une inscription à l'étranger et une inscription en France ?
Selon qu'il sera ou non inscrit sur la liste électorale d'une commune de France, notre compatriote se trouvera dans l'une des deux hypothèses suivantes : s'il n'est pas inscrit sur la liste électorale d'une commune de France, il votera seulement à l'étranger ; s'il est déjà inscrit sur une telle liste, comme le code électoral le lui permet, il pourra alors faire un choix.
Soit il décidera de ne participer qu'en France à tous les scrutins, exactement comme s'il résidait sur le territoire national : il ne sera donc inscrit à l'étranger que pour voter lors de l'élection des membres de l'AFE.
Soit il décidera de continuer à voter en France, mais de voter à l'étranger pour l'élection du Président de la République et pour le référendum.
Naturellement, ces choix pourront être modifiés, ils ne sont pas immuables. Je souligne qu'ils sont identiques à ceux qu'un Français établi hors de France peut faire aujourd'hui. Le choix effectué librement par chaque électeur sera inscrit sur les listes électorales correspondantes, tant en France qu'à l'étranger, afin d'éviter qu'il ne puisse voter deux fois.
En tout état de cause, dès lors qu'ils seront inscrits sur la liste électorale consulaire, nos compatriotes pourront exercer leur droit de vote pour l'élection des membres de l'AFE.
Le troisième objectif majeur est de favoriser l'inscription des jeunes Françaises et des jeunes Français majeurs sur les listes électorales consulaires.
Naturellement, dès qu'il atteint l'âge de dix-huit ans, tout Français peut prendre l'initiative de demander son inscription sur la liste électorale consulaire. Toutefois, afin de pallier les effets potentiels de la passivité ou d'une bien pardonnable méconnaissance du droit électoral, nous avons retenu un mécanisme proche de celui qui a été défini par la loi du 10 novembre 1997. Ainsi, tout Français atteignant l'âge de dix-huit ans dans l'année ou au plus tard à la date à laquelle la liste électorale aura été arrêtée recevra une lettre dans laquelle il lui sera indiqué que, à défaut de réponse négative de sa part dans un délai défini par décret, il sera inscrit sur la liste électorale consulaire pour tous les scrutins.
Le quatrième objectif majeur est de favoriser la participation au vote.
D'abord, il s'agit de libéraliser le vote par procuration, en permettant aux électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires de justifier de leur empêchement à voter personnellement à l'étranger au moyen d'une déclaration sur l'honneur.
Ensuite, il s'agit de permettre l'ouverture d'un plus grand nombre de bureaux de vote. En effet, les possibilités sont aujourd'hui limitées, une liste électorale ne pouvant être scindée que selon l'ordre alphabétique.
Désormais, nous pourrons rapprocher l'urne de l'électeur, en favorisant la création de bureaux de vote dans nos communautés à l'étranger à forte densité et en scindant les listes électorales consulaires selon les lieux de résidence des électeurs. Il reviendra aux chefs de poste consulaire de définir, après avis de la commission administrative chargée de préparer la liste, le nombre de ces bureaux et leur aire géographique, sous réserve de l'accord des autorités locales.
Le principe de proximité, cher aux membres de l'AFE, est donc appliqué à l'expression du suffrage universel à l'étranger.
J'ajoute que ces possibilités nouvelles nous mettront à l'abri, lors des élections, des conséquences de la modification des périmètres des circonscriptions consulaires.
Le cinquième objectif majeur est d'harmoniser la procédure d'établissement et de mise à jour des listes.
Chaque liste sera préparée par une commission administrative unique présidée, selon le cas, par l'ambassadeur, le chef de poste consulaire ou leur représentant. Les deux autres membres titulaires et leurs membres suppléants seront désignés par l'Assemblée des Français de l'étranger hors de ses rangs. Le mandat des membres titulaires ne sera pas immédiatement renouvelable. La liste électorale sera ensuite officiellement arrêtée par une commission électorale nationale dont la composition sera un gage de compétence et d'impartialité.
A titre transitoire, les commissions administratives prévues par la loi du 7 juin 1982 continueront à fonctionner jusqu'au prochain renouvellement triennal de l'AFE, qui aura lieu en 2006. Les nouvelles commissions entreront donc en fonction le 1er janvier 2007.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telle est la philosophie générale des deux projets de lois qui vous sont proposés aujourd'hui. Ceux-ci ont d'ailleurs reçu un avis favorable unanime du bureau permanent du CSFE en mars 2004. Je tiens à cet égard à saluer l'ensemble des membres et des représentants des groupes qui ont soutenu cette démarche.
Nous nous sommes volontairement limités à cette finalité. C'est ce que nous avons voulu exprimer en modifiant le titre de la loi organique du 31 janvier 1976, qui sera désormais intitulée « loi relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ».
A ce stade, nous ne prévoyons pas de dispositions relatives au vote, en particulier, aux possibilités de vote électronique. Nous connaissons les projets de M. Robert Del Picchia en ce domaine. Je salue au passage ses idées. Je crois que nous allons tous dans le même sens. Nous partageons sa conviction que l'administration moderne ne serait rien sans l'informatique et les nouvelles technologies de communication.
Mais une réflexion sur le vote électronique est en cours. Elle n'est pas encore arrivée à son terme. Aussi serait-il prématuré, voire hasardeux, de prévoir dès aujourd'hui des dispositions de nature organique qui n'auraient pas été suffisamment étudiées d'un point de vue juridique, technique et financier. C'est pourquoi, aucune disposition de ce type n'est évoquée pour l'instant.
Enfin, j'indiquerai qu'il est prévu que ces deux lois entrent en vigueur le 1er janvier 2006. A cette date, les listes seront fusionnées.
Toutes les élections ou consultations qui seraient organisées d'ici au 1er janvier 2006 à l'étranger s'effectueraient sur la base des listes électorales actuelles. C'est le cas pour le prochain référendum. Le temps qui nous sépare de cette date ne sera pas trop long, car nous avons des textes réglementaires à préparer et, surtout, un important travail informatique à réaliser.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 3 de la Constitution dispose : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». C'est, en quelque sorte, la « Bible » de notre droit électoral, de notre démocratie. Sont électeurs tous les Français majeurs, qu'ils résident en métropole, outre-mer ou à l'étranger ; tous, sans exception. La Constitution ne pose pas seulement ici un principe de philosophie politique, elle fait obligation au législateur de veiller à ce qu'effectivement tous les Français soient inscrits sur les listes électorales.
Pour les Français de métropole et d'outre-mer, c'est facile, il y a l'institution pluriséculaire des listes électorales communales. Pour les Français établis hors de France, c'est moins évident. Les communautés françaises à l'étranger sont fort dispersées, et à l'heure où l'Internet et les facilités de communication moderne n'existaient pas, il a fallu inventer les procédures permettant à ces hommes et à ces femmes de courage et d'engagements, fidèles à leurs racines françaises et qui portent au-delà de nos frontières les couleurs de notre pays, de pouvoir voter hors de nos frontières.
Le législateur s'est donc attaché, pas à pas, à offrir différentes possibilités d'inscription aux Français de l'étranger. La France, il faut le souligner, est un exemple de démocratie en la matière.
Première invention originale du législateur : l'élargissement des critères de rattachement sur les listes électorales communales en métropole et outre-mer. Ces critères figurent aujourd'hui aux articles L. 12 et L. 14 du code électoral. Le législateur a d'abord retenu des critères de rattachement familial : la commune où est né, est inscrit ou a été inscrit sur la liste électorale un de leurs ascendants. A la suite de l'un de mes amendements, l'ordonnance du 8 décembre 2003 a ajouté la commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu'au quatrième degré ; il y a également la commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit leur conjoint.
Les liens du Français de l'étranger avec la terre de France où il a vécu sont également pris en considération : la commune de naissance, la commune du dernier domicile ou celle de la dernière résidence d'une durée de six mois au moins. Comme les Français de métropole et d'outre-mer, les Français de l'étranger bénéficient des dispositions de l'article L. 11 du code électoral, qui leur permettent, dès lors qu'ils figurent au rôle de l'une des contributions directes communales pour la cinquième fois sans interruption, de s'inscrire sur la liste électorale de la commune. Ces dispositions se fondent sur des éléments objectifs mais qui, au fil des années, sont apparus insuffisants.
Comme le faisait remarquer en 1976 mon prédécesseur sur le banc de la commission des lois, notre ancien et excellent collègue Charles de Cuttoli, cette législation n'a pas eu totalement le succès escompté. Nombre de nos compatriotes l'ignoraient à l'heure où, je le répète, ni le fax, ni Internet, ni le portable n'existaient. Une fraction non négligeable du corps électoral français était de fait exclue du processus électoral. Il fallait donc aller plus loin.
C'est au lendemain de l'élection présidentielle de 1974 que les pouvoirs publics se sont saisis à nouveau de la question. Le président Giscard d'Estaing et son Premier ministre de l'époque, Jacques Chirac, ont mis sur pied une commission composée notamment de sénateurs représentant les Français établis hors de France, de membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger - l'actuelle Assemblée des Français de l'étranger -, de députés et de fonctionnaires, la commission que l'on désigne habituellement du nom de son président, la « commission Bettencourt ».
Cette commission a abordé plusieurs aspects de la vie concrète des Français de l'étranger : la protection sociale, la fiscalité, les droits civiques. Mais elle a également soulevé l'idée d'une nouvelle procédure électorale, originale dans notre paysage juridique : la possibilité pour nos compatriotes de voter à l'étranger.
A l'époque où le droit international, ne l'oublions pas, était très axé sur le respect de la souveraineté des Etats, le sujet n'était pas évident. Il était presque révolutionnaire. Les directions compétentes du ministère de l'intérieur étaient fort réticentes. II a fallu toute la ténacité et la volonté politique de Jacques Chirac et de son ministre de l'intérieur, Michel Poniatowski, pour venir à bout de cette opposition. C'est la preuve, monsieur le secrétaire d'Etat, que lorsque la volonté politique d'innover l'emporte sur les obstacles juridiques, on fait du droit neuf, on donne une prime à l'imagination, et la démocratie progresse ainsi.
A ce sujet, je ne saurais trop insister sur un point que vous venez d'évoquer : une nouvelle innovation, à savoir le vote par Internet pour les Français de l'étranger, qui est la seule solution pour surmonter le handicap de l'éloignement géographique de nombreuses personnes par rapport aux bureaux de vote. Il y a longtemps que nous étudions cette question. Des études doivent tout de même déboucher sur un diplôme, monsieur le secrétaire d'Etat...
Sourires
M. Christian Cointat, rapporteur. Il serait temps que nous le voyions ce diplôme ! Seule une volonté politique le permettra. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de reprendre une formule célèbre : « de l'audace, encore de l'audace » ; c'est ce qu'attendent nos compatriotes expatriés !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam et Robert Del Picchiaapplaudissent.
La mise en place des centres de vote à l'étranger a ainsi été une grande première. Bien entendu, la loi organique du 31 janvier 1976 exigeait l'accord préalable des Etats concernés. La plupart ont donné cet accord, vous l'avez évoqué tout à l'heure. Quelques-uns seulement, dont deux Etats en Europe, ont refusé dans un premier temps avant de finalement s'aligner sur les autres. En attendant leur accord, le législateur a surmonté cet obstacle en autorisant la création de centres de vote dans les départements frontaliers de ces pays. Cela prouve que quand on veut, on peut trouver les solutions. Il suffit d'y réfléchir, mais pas trop longtemps... Nous avons ainsi été les pionniers d'un nouveau droit international dans ce domaine. Depuis, de nombreux pays nous ont imités.
Le législateur, en 1976, a tenu à laisser à nos compatriotes la liberté du choix du lieu de vote pour les élections présidentielles et les référendums : soit la commune en France, soit le centre de vote à l'étranger, le droit de vote en France étant alors suspendu. Cette procédure permet actuellement à plus de 400 000 électeurs expatriés de voter à l'étranger.
De 1977 à 2003, nos compatriotes ont également pu participer, dans les centres de vote à l'étranger à l'élection des membres français du Parlement européen. Les élus des Français de l'étranger, je vous prie de bien vouloir le noter, ont unanimement déploré que cette faculté leur soit enlevée en 2003. Les critiques des Français établis hors de France sont particulièrement virulentes à cet égard et nous sont régulièrement rappelées à l'occasion de la campagne pour le référendum. Il est donc souhaitable, et même indispensable, que ce droit soit rapidement rétabli. Les formules ne manquent pas. Par exemple, on pourrait élargir, comme je l'avais proposé à l'époque, la seule circonscription monorégionale qui existe, à savoir l'Ile de France, aux Français de l'étranger, d'autant que Paris est le siège de leur représentation spécifique.
Les Français de l'étranger participent à une autre catégorie de scrutins hors de France. Ils élisent au suffrage universel direct, depuis la loi du 7 juin 1982 voulue par le président Mitterrand, leur assemblée représentative, précédemment le Conseil supérieur des Français de l'étranger, devenue l'Assemblée des Français de l'étranger depuis la loi du 9 août 2004.
Pour élire l'Assemblée, on aurait pu utiliser en 1982 les listes de centre de vote. Elles existaient. Ce n'est pourtant pas la solution qui a été choisie à l'époque par le gouvernement de Pierre Mauroy, qui a initié cette réforme avec son ministre des relations extérieures, Claude Cheysson. En effet, cinq ans d'application de la loi organique du 31 janvier 1976 avaient fait apparaître le succès limité de cette formule. Le législateur a estimé de son devoir, pour respecter les termes de l'article 3 de la Constitution, de ne pas laisser une fraction des électeurs français à l'étranger en marge de notre démocratie et d'instituer un encouragement à l'inscription, tout en ménageant soigneusement la liberté de choix des électeurs potentiels.
La loi du 7 juin 1982 a donc prévu la création d'une liste électorale originale, pour l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger, sur laquelle sont automatiquement inscrits, sauf opposition de leur part, les Français autrefois immatriculés au consulat et désormais inscrits au registre des Français de l'étranger.
La faculté d'opposition à l'inscription sur ces listes est liée à l'absence de démarche volontaire, mais aussi au caractère public des listes électorales - il faut en être conscient - et aux répercussions fâcheuses que cela peut avoir pour certains de nos compatriotes à l'étranger, notamment quand ils sont binationaux. La révélation de leur nationalité française pourrait avoir des conséquences graves dans certains pays où sévissent des régimes autoritaires ou des troubles importants. La faculté d'opposition a donc pour objet, il faut en être tout à fait conscient, mes chers collègues, non pas d'encourager à la désertion du vote, mais bien de garantir la sécurité des personnes. Actuellement, le nombre des oppositions semble être fort réduit.
Ces deux innovations de 1976 et 1982 ont ainsi entraîné la coexistence de deux listes électorales différentes à l'étranger pour nos compatriotes expatriés. Cette coexistence est la source de nombreux inconvénients et confusions que l'on peut facilement deviner, sans compter les doublons administratifs, ne serait-ce que pour les commissions électorales différentes chargées de les arrêter.
La réforme qui vous est proposée, mes chers collègues, vise à remédier à tout cela en retenant dans la législation antérieure ce qu'il y a de meilleur, en évitant les doublons et la multiplication des démarches, en simplifiant les procédures et en fusionnant les deux catégories de listes électorales utilisées à l'étranger.
Cette innovation n'est pas une révolution ; c'est une oeuvre à la fois consensuelle et de bon sens. Elle a été souhaitée en 2003, à la quasi-unanimité, par l'Assemblée des Français de l'étranger. Je tiens à rendre hommage au Gouvernement, aux élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, et tout particulièrement à la direction des Français de l'étranger, dont je me refuse à donner le titre en entier, monsieur le secrétaire d'Etat, ne trouvant pas normal que les Français expatriés soient administrativement associés aux étrangers en France, quelle que soit la sympathie que l'on peut porter à ces derniers. Oui, je remercie toute l'équipe de cette direction, qui a compris la nécessité de cette réforme et a tout mis en oeuvre, sous l'autorité de Michel Barnier et de vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, pour qu'elle aboutisse.
Les possibilités de rattachement à une liste communale française sont entièrement maintenues, et, pour les élections qui se déroulent à l'étranger, est créée une liste unique, fusion des deux listes actuelles qui s'appellera « liste électorale consulaire ».
Sur cette liste seront inscrits les Français établis dans la circonscription consulaire qui le demanderont, comme aujourd'hui pour les centres de vote. Seront également inscrites de plein droit, sauf opposition de leur part, les personnes qui demanderont leur inscription sur le registre des Français établis hors de France.
Une innovation : le projet de loi facilite l'inscription des jeunes Français de l'étranger qui atteignent l'âge de la majorité en cours d'année. Ils pourront demander leur inscription sans formalité judiciaire avant que les listes ne soient arrêtées.
Le mode d'établissement des listes sera celui qui s'applique actuellement aux centres de vote : les listes seront préparées par des commissions locales, dont la majorité des membres est composée de membres désignés par l'Assemblée des Français de l'étranger. Le projet crée une incompatibilité entre le mandat de conseiller à cette Assemblée et les fonctions de membre des commissions administratives locales.
Par ailleurs, une certaine rotation dans la composition des commissions locales est encouragée par l'impossibilité prévue pour les titulaires de voir renouveler immédiatement leur mandat. Il pourra, cependant, y avoir interversion entre les membres titulaires et suppléants d'un renouvellement à l'autre pour assurer un nombre suffisant de membres disponibles, ce qui n'est pas toujours facile à trouver dans tous les postes. Les listes seront ensuite arrêtées par une commission siégeant au ministère des affaires étrangères et composée de trois magistrats ou anciens magistrats - l'un de l'ordre judiciaire, l'autre de l'ordre administratif et le dernier de la Cour des comptes - désignés pour cinq ans, avec des suppléants. Le projet reprend largement, pour le surplus, le droit applicable aux listes de centre de vote.
La commission des lois approuve entièrement ces deux projets de loi organique et ordinaire parce qu'ils favorisent l'exercice du droit de vote, qu'ils simplifient les démarches et permettent des économies de temps et de travail pour l'administration, sans pour autant amoindrir les garanties juridiques indispensables en matière électorale.
On aurait pu s'interroger sur l'opportunité de laisser aux électeurs inscrits sur une liste électorale consulaire le choix de voter en France pour les élections présidentielles et les referendums. Mais ce choix existe déjà. L'Assemblée des Français de l'étranger en a souhaité le maintien. La commission des lois, après en avoir examiné l'opportunité, a finalement décidé de ne pas le remettre en cause.
Elle souligne toutefois qu'il est indispensable que les formulaires administratifs soumis aux électeurs pour leur permettre d'exercer l'ensemble des choix en matière de liste électorale consulaire soient particulièrement clairs et suffisamment précis.
Votre rapporteur, mes chers collègues, juge important, au titre des mesures transitoires, que les électeurs déjà inscrits sur une liste de centre de vote ou sur une liste pour l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger soient complètement informés par l'administration des conséquences de cette réforme.
Pour tenir compte de la nécessité manifestée par le Conseil constitutionnel de rédiger des lois intelligibles et « non bavardes », votre commission a supprimé des redondances ainsi que de nombreux renvois inutiles au décret d'application de la loi.
Elle a, en outre, jugé indispensable de transférer dans le texte même de la loi organique la composition de la commission électorale chargée d'arrêter les listes par analogie avec l'article L.17 du code électoral applicable à l'élection présidentielle.
Afin d'empêcher certaines confusions, voire des fraudes, la commission a également prévu la mention obligatoire sur les listes électorales consulaires du choix du vote en France pour les élections présidentielles et les référendums.
La loi organique du 31 janvier 1976 contient un dernier article qui, en principe, ne devrait pas y avoir sa place, je veux parler de l'article 20 relatif au référendum, dont le Conseil constitutionnel a estimé qu'il avait valeur de loi ordinaire et non de loi organique. Il aurait donc été envisageable, me semble-t-il, de profiter de cette discussion pour transférer cet article de la loi organique vers la loi ordinaire. Toutefois, votre rapporteur a estimé que cela méritait une réforme législative globale qu'il appelle de ses voeux.
Sur le fond, votre commission a tenu à rendre applicables les dispositions des articles L.30 et suivants du code électoral, qui permettent l'inscription sur les listes de cinq catégories d'électeurs en dehors des périodes de révision. Parmi elles, figurent les jeunes qui atteignent l'âge de la majorité après l'arrêt définitif des listes. Il s'agit là de l'application du droit commun électoral. Les demandes seront soumises au tribunal d'instance du premier arrondissement de Paris.
Par ailleurs, votre commission a souhaité simplifier les démarches de nos compatriotes en matière de vote par procuration. En effet, certains d'entre eux se trouvent à plusieurs centaines, voire à des milliers, de kilomètres des postes consulaires, et l'on devine les difficultés qu'ils rencontrent pour accomplir leurs démarches électorales, surtout lorsqu'ils sont âgés, handicapés ou malades.
Certes, les tournées consulaires sont bienvenues et de nombreux postes ont à coeur de les organiser aussi régulièrement que possible, mais il reste qu'elles sont loin de pouvoir régler tous les problèmes, compte tenu du fait que nos compatriotes ne sont pas facilement joignables, notamment dans les pays où les distances sont parfois considérables. D'où la nécessité de ne pas multiplier les conditions contraignantes, et ce afin qu'ils puissent exercer leur droit de vote.
D'ailleurs, le code électoral prévoit déjà pour les Français de l'étranger que les procurations peuvent être dressées pour une durée de trois ans.
Une fois de plus, monsieur le ministre, je me permets de souligner combien le vote par Internet représenterait un progrès considérable et nous simplifierait grandement la vie.
Enfin, je tiens à le souligner, il importe que le Gouvernement prenne toutes mesures utiles pour que la prise d'effet chaque année des listes révisées soit la même dans les communes et dans les postes diplomatiques et consulaires de manière à garantir la permanence de l'exercice du droit de vote aux électeurs inscrits dans une commune et s'inscrivant sur une liste électorale consulaire.
Ce point mérite une grande attention. En effet, actuellement, les premières listes, celles des communes, prennent effet au 1er mars de chaque année, alors que les secondes, celles des consulats, prennent effet, elles, au 15 avril de chaque année.
Cela signifie que, au cas où une élection présidentielle ou un référendum aurait lieu entre le 1er mars et le 15 avril, les nouveaux inscrits sur une liste électorale consulaire se verraient déchus de leurs droits civiques puisqu'ils seraient suspendus du droit de vote pour ces élections à partir du 1er mars dans leur commune de rattachement, sans possibilité de voter dans leur consulat sur la nouvelle liste avant le 15 avril.
Une telle situation n'est pas acceptable ; elle présenterait un caractère d'une extrême gravité pour une démocratie. Un effort administratif est donc indispensable. Certes, je suis bien conscient des difficultés, mais rien n'est impossible, rien n'est insurmontable, c'est pourquoi je ne puis qu'insister fortement sur ce point.
Je ferai une toute dernière remarque : cette réforme s'est déroulée dans une parfaite transparence et dans un dialogue constant entre la commission des lois du Sénat, le Gouvernement, l'ensemble des sénateurs représentant les Français établis hors de France, l'Assemblée des Français de l'étranger et l'administration. Elle est le fruit d'une coopération exemplaire.
Une nouvelle fois, votre rapporteur se félicite, mes chers collègues, de cette conjonction d'efforts pour plus de démocratie. La fusion des listes électorales à l'étranger n'est pas seulement une opération technique ; c'est une oeuvre politique dans laquelle votre rapporteur veut voir une étape supplémentaire vers plus de cohésion de la communauté des Français de l'étranger, cette « collectivité d'outre-frontière » en devenir, qui pourra s'exprimer mieux et plus facilement à travers son vote, règle d'or de toute démocratie.
Comme le disait le président René Coty, qui a bien connu cet hémicycle : « Français de l'étranger, vous êtes au premier rang des serviteurs de la nation ». Monsieur le ministre, mes chers collègues, faisons en sorte qu'ils puissent la servir au mieux !
Applaudissements.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au-delà de l'impératif nous obligeant à nous interroger sur les causes et les raisons profondes qui affectent le modèle de la représentation nationale, il est également nécessaire d'aborder la question d'un point de vue purement formel, c'est-à-dire de réfléchir aux moyens qui permettent d'encourager les Français à exprimer leur suffrage.
Aujourd'hui, c'est sous l'angle du vote des Français établis hors de France que le Gouvernement nous propose d'aborder ce sujet.
Il s'agit d'un problème important. En effet, nos compatriotes installés à l'étranger sont de plus en plus nombreux et ils doivent pouvoir participer à la vie politique de notre pays malgré leur éloignement géographique.
La législation actuelle établissant une distinction entre les conditions de vote des Français de l'étranger, pour les élections présidentielles et les référendums d'une part, pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger d'autre part, est source de complications tant pour les électeurs que pour les agents des ambassades et des consulats.
La création d'une liste consulaire unique doit donc être saluée, comme vous l'avez d'ailleurs fait vous-même dans votre intervention, monsieur le ministre, lorsque vous avez décliné vos cinq objectifs majeurs.
En effet, elle permet, en premier lieu, de simplifier les démarches administratives pour les Français dont la situation, de par le fait même d'être à l'étranger, est beaucoup plus complexe qu'en France et répond, en second lieu, à l'objectif de simplification administrative, auquel le Gouvernement est très attaché et qu'il faut sans cesse rechercher.
Par ailleurs, le projet de loi organique permet de rendre applicables les nouvelles dispositions relatives au vote par procuration aux Français établis hors de France.
De la même manière que nous avons soutenu la réforme du vote par procuration lors de la discussion de l'ordonnance du 8 décembre 2003 qui a simplifié les démarches administratives, nous saluons cette initiative, et ce d'autant plus que la commission des lois propose des amendements tendant à adapter davantage les conditions du vote par procuration à la situation des Français établis hors de France.
Je tiens également à féliciter le Gouvernement pour les différentes mesures visant à faciliter l'inscription sur la liste unique. L'alignement sur la législation de droit commun permet ainsi de mettre en place une logique administrative commune, qu'il s'agisse des Français domiciliés en France ou de ceux qui sont établis à l'étranger.
L'éloignement géographique ne doit pas faire oublier que des milliers de Français attendent souvent des signes forts du législateur. En tant que seule chambre à compter des élus représentant cette communauté d'hommes et de femmes, nous nous devons d'être à l'écoute de leurs attentes.
Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, je formulerai quelques remarques.
La première concerne le choix du lieu de vote laissé aux électeurs entre la France et l'étranger. Personnellement, je crains que certaines difficultés techniques ne viennent contrarier ce principe, tout à fait louable, de la liberté de vote. Un amendement vise à renvoyer à un règlement les modalités de mise en oeuvre de cette disposition. Il est en effet important de prévoir les garanties nécessaires pour anticiper les moindres difficultés pratiques, et je fais appel à votre vigilance pour que vous accordiez le plus grand intérêt à cette question.
Par ailleurs, après notre collègue Christian Cointat, qui a évoqué ce point dans son rapport dont je tiens à saluer la qualité, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur le calendrier prévu pour la généralisation du vote électronique.
Je crois savoir qu'un groupe de travail interministériel consacré à ce sujet devrait être mis en place prochainement. Il est important que ses travaux aboutissent rapidement afin de permettre cette généralisation pour les échéances nationales de 2007. Nous répondrons ainsi à une attente légitime des Français établis hors de France.
Permettez-moi enfin de revenir sur la question beaucoup plus large des moyens de vote de l'ensemble des Français. Je sais pertinemment, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce sujet dépasse votre domaine de compétence, mais je souhaite profiter de cette occasion pour appeler officiellement le Gouvernement ainsi que l'ensemble des élus de la nation à réfléchir sur les conditions de vote des Français.
Des efforts considérables ont été accomplis s'agissant, notamment, du vote par procuration. Mais, plus généralement, il semble important de réfléchir à de nouvelles méthodes de vote. A cet égard, le vote électronique constitue bel et bien une piste de réflexion. Quelques expérimentations ont d'ores et déjà été menées. Elles ont certes rencontré un succès très relatif, mais cela ne justifie pas pour autant l'abandon de la réflexion dans ce domaine.
En particulier, pourquoi ne pas retenir le vote électronique à l'étranger comme un test grandeur nature pour l'ensemble des Français ? Je sais qu'un essai va être réalisé lors de la prochaine consultation référendaire dans l'agglomération nantaise et il me paraît important de multiplier ces expériences pour aboutir à terme à une généralisation à tous les Français du vote électronique.
A l'heure où les chiffres de l'abstention ne cessent de croître, alimentant le sentiment d'incompréhension et de malaise entre les citoyens et leurs élus, j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que vous voudrez bien me pardonner cet digression.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous assurer du soutien du groupe UC-UDF sur les deux projets de loi que vous nous soumettez aujourd'hui.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la fusion des listes électorales pour les scrutins à l'étranger est un thème qui domine depuis de nombreuses années déjà l'agenda des représentants des Français établis hors de France, toutes tendances politiques confondues.
En effet, depuis 1982, au grand dam de nos concitoyens vivant à l'étranger, une situation absurde et incohérente a consisté à faire coexister deux types de listes électorales : d'une part, les listes des centres de vote à l'étranger, pour l'élection présidentielle, les référendums et l'élection au Parlement européen jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi, que je n'ose pas qualifier d'inique, du 11 avril 2003, qui nous a privés, nous, Français de l'étranger, de la possibilité de nous exprimer en tant que tels lors de ce vote et, d'autre part, les listes destinées à l'élection de l'Assemblée des Français de l' étranger.
Force est de constater que l'application conjointe de la loi organique et de la loi ordinaire a nui au fondement démocratique de nos institutions.
La confusion réside dans le fait qu'il est permis actuellement à un Français de l'étranger de participer à des scrutins se déroulant également en France, sans pour autant qu'il puisse participer à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, élection qui ne se déroule qu'à l'étranger.
C'est la raison pour laquelle je tiens à saluer l'esprit d'initiative dont fait preuve le Gouvernement aujourd'hui afin de mettre en place une réforme de nature administrative qui fait, je pense, l'unanimité tant parmi les douze sénateurs des Français établis hors de France que parmi les cent cinquante membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Je rappellerai, en outre, que le parti socialiste attendait depuis longtemps un tel texte, qui relève tout simplement du bon sens politique.
La fusion des listes électorales et la création de listes consulaires uniques constituent une première étape essentielle.
Les projets de loi dont nous débattons aujourd'hui, et dont je voudrais rappeler les principales avancées, répondent donc en partie à l'attente exprimée par les Français de l'étranger de voir moderniser notre démocratie par une simplification des démarches administratives.
Ces deux textes représentent une étape importante de la réforme de la représentation politique des Français à l'étranger en ce qu'ils vont profondément simplifier l'acte électoral et le travail des agents consulaires en poste à l'étranger, travail auquel je tiens à rendre hommage.
Certes, le vote est un devoir républicain qui implique un effort, une démarche volontariste de la part du citoyen électeur. Mais la procédure d'inscription sur les listes électorales et les modalités de vote mises en place par les autorités consulaires ne doivent jamais être un obstacle à l'expression de ce suffrage.
La fusion des listes des centres de vote et des listes destinées à l'élection des représentants à l'Assemblée des Français de l'étranger devrait faciliter cette expression politique.
La mise en place d'un support unique pour tous les scrutins organisés à l'étranger permettra l'émergence d'une procédure plus transparente et plus simple de telle sorte que les citoyens électeurs puissent l'appréhender plus facilement.
Je tiens à réaffirmer ici mon attachement au maintien de tous les droits des Français établis hors de France. Si un citoyen le désire, il doit pouvoir continuer à ne participer à l'étranger qu'à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, tout en pouvant, le cas échéant, voter en France pour l'élection du Président de la République et lors des référendums.
Quant à l'inscription automatique - à condition, bien sûr, que le citoyen n'exprime pas son refus - sur une seule liste électorale pour l'ensemble des scrutins lors de l'enregistrement sur le registre des Français vivant à l'étranger, elle devrait enfin mettre un terme aux interrogations et aux scrupules qui taraudaient nombre de nos compatriotes.
Quant à l'inscription automatique des jeunes Français qui atteignent l'âge de la majorité, elle va également dans le sens d'une harmonisation des procédures pour l'ensemble des citoyens français, puisque cette procédure existe déjà dans les communes françaises depuis 1997.
Toutefois, j'aimerais également voir l'inscription automatique sur la liste consulaire s'accompagner de la délivrance d'une carte électorale
En effet, les personnes inscrites actuellement sur les listes des centres de vote doivent présenter un document délivré par une administration française et comportant une photographie. De mon point de vue, la carte d'électeur, qui est détenue depuis longtemps par toutes les personnes inscrites sur les listes électorales de la métropole, permettrait de matérialiser l'inscription sur la liste consulaire.
Cette mesure, simple et peu onéreuse, relève du domaine réglementaire et ne devrait pas être si difficile à mettre en oeuvre.
Je suggère également que les consulats adressent chaque année, en octobre ou en novembre, aux citoyens inscrits sur le registre des Français établis hors de France, un courrier récapitulant les échéances électorales de l'année à venir ainsi que les modalités du vote à l'étranger, notamment la procédure d'inscription sur les listes électorales consulaires ainsi que la procédure à suivre en cas de vote par procuration.
En maintenant un contrôle strict lors de l'établissement et de la mise à jour des listes électorales, la création de la commission administrative, qui siégera à l'ambassade ou au poste consulaire et qui sera compétente pour l'ensemble des scrutins, va supprimer un doublon inutile de notre administration consulaire.
Je me réjouis également d'observer que le projet de loi relatif à l'Assemblée des Français de l'étranger veut rendre incompatibles la qualité de membre élu de l'Assemblée des Français de l'étranger et celle de membre d'une commission administrative. Cette mesure répond directement aux attentes des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger.
En définitive, cette réforme devrait favoriser l'augmentation du nombre d'inscrits sur les listes électorales à l'étranger.
Au demeurant, cette réforme, que je soutiens, ne résout pas le problème de l'abstention, dont le niveau élevé est, malheureusement, la caractéristique constante du vote des Français à l'étranger. Notre collègue Christian Cointat a rappelé un certain nombre de chiffres ; pour mémoire, je rappelle que le pourcentage des votants aux élections se situe entre 18 % et 22 %. Nous espérons que le référendum permettra de tutoyer les 24 %, voire les 25%, mais cela serait une divine surprise.
Nous devons donc chercher les moyens d'améliorer ce taux de participation.
La première idée, qui a déjà été exprimée, mais que je vais reprendre, consiste à poursuivre l'expérimentation du vote par correspondance électronique et à la généraliser.
En effet, afin de réduire la distance entre le domicile et le centre de vote, la loi n°2003-277 du 28 mars 2003 a autorisé le vote par correspondance électronique, c'est-à-dire le vote par Internet, des Français établis hors de France pour les élections de l'AFE.
Un premier essai s'est déroulé aux Etats-Unis l'année dernière, lors des élections de l'Assemblée des Français de l'étranger. Le résultat de ce premier essai a été mitigé : s'il n'y a pas eu d'amélioration sensible du taux de participation, celui-ci est resté à peu près identique à ce qu'il était précédemment.
Il faut du temps pour mettre en place de pareilles procédures et pour habituer les usagers et les électeurs à utiliser ces instruments. Nous ne devons donc pas nous décourager et nous devons poursuivre dans cette voie.
Il faut déjà apporter des améliorations d'application pratique : mettre en place un code de déontologie, puisque l'utilisation de l'outil électronique- l'outil Internet -constitue un obstacle pour certains, nombre de citoyens ayant peur que leur vote ne demeure pas secret ; assurer plus de transparence dans la procédure d'appel d'offre pour choisir les sociétés qui fournissent les technologies ; utiliser un papier de meilleure qualité pour l'impression du code secret, car l'expérience a montré que le papier utilisé aux Etats-Unis « bavait » et cachait assez rapidement le code secret permettant à l'électeur de s'identifier.
Sourires.
Il était tellement secret que l'électeur ne pouvait plus voter.
Il faut surtout, comme l'ont dit plusieurs de mes collègues, accélérer le calendrier de mise en place. En 2007, nous participerons à deux scrutins nationaux ainsi qu'à des scrutins locaux. En 2008, nous aurons d'autres scrutins. Il faudrait donc que nous soyons prêts pour toutes ces échéances.
Cela dit, d'autres mesures sont nécessaires.
Comme je l'ai souligné précédemment, le principal obstacle à l'expression du suffrage des Français vivant à l'étranger, c'est la distance souvent très importante qui les sépare du bureau de vote dont ils dépendent, et je crains que cet éloignement physique entre le citoyen électeur et son centre de vote ne s'accentue en raison de la fermeture d'un certain nombre de nos consulats généraux.
Lorsque nous avons rencontré M. Barnier cette semaine, dans le cadre de la préparation du débat sur la gestion du patrimoine immobilier du ministère des affaires étrangères, nous avons été plusieurs à plaider pour le maintien d'un maillage raisonnable de consulats de nature à permettre aux Français de l'étranger de voter. Il ne s'agit pas de conserver inutilement des consulats généraux, voire des consulats de plein exercice, mais de maintenir un maillage permettant le rapprochement de l'électeur de son bureau de vote.
Je me souviens d'avoir visité il y a quelque temps Buenos Aires, comme vous le savez la deuxième « ville italienne » du monde, un dimanche où les Italiens votaient. Ils étaient deux millions d'Italiens inscrits à Buenos Aires à voter et chaque école communale de cette ville a fait office de bureau de vote italien. Si les Italiens le font, les Français doivent pouvoir le faire.
Autre idée, plus originale et qui suscitera peut-être un débat : le recours, lors des élections nationales organisées à l'étranger, au vote par correspondance, lequel est actuellement autorisé à titre exceptionnel lors de l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Je sais que le ministère de l'intérieur s'oppose systématiquement à la généralisation du vote à distance à toutes les élections auxquelles participent les Français établis hors de France.
Même si des raisons historiques expliquent cette opposition, nous devons chercher les solutions permettant d'améliorer le taux de participation des Français de l'étranger aux élections.
Ma proposition est née du constat suivant : désormais, près des deux tiers des Etats membres de l'Union européenne, soit seize états sur vingt-cinq, Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Grèce, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Slovénie et Suède, permettent à leurs ressortissants installés à l'étranger de prendre part à distance, selon diverses modalités, à leurs élections nationales respectives.
Ainsi, la Constitution grecque a récemment été modifiée pour permettre la participation électorale des Grecs de l'étranger. De même, une association de Suédois dans le monde est parvenue, il y a quelques années, à convaincre le parlement suédois d'autoriser le vote à distance au bénéfice des Suédois de l'étranger. Jusqu'à maintenant, ces pratiques de vote à distance n'ont pas débouché sur un quelconque contentieux électoral.
Enfin, je rappelle que le vote par correspondance est déjà possible lors de l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger et n'a pas fait l'objet de critiques. Il s'agirait donc seulement de le généraliser à l'ensemble des scrutins qui seront organisés sur la base du même support : la liste consulaire unique.
Quant au vote par procuration, qui est uniquement possible dans le cadre des scrutins présidentiels et référendaires, il devrait être facilité et étendu à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, même s'il ne représente pas, dans l'absolu, la solution idéale.
Au demeurant, ouvrir le champ à de nouvelles modalités de vote afin de rapprocher le citoyen de l'urne n'est pas pour autant suffisant si l'on veut maintenir le lien entre les Français à l'étranger et la vie démocratique française. Il faudrait également prendre les problèmes de l'inscription sur ces listes et de l'abstention à leur racine et, pour cela, améliorer l'information et la participation de nos citoyens à la vie civile, à la vie civique et à la vie politique.
Je proposerai donc de renforcer le rôle des consulats généraux en matière d'information civique. Ainsi, trois mois avant le scrutin, le consulat général pourrait, par exemple, se charger d'envoyer à chaque électeur un courrier destiné à présenter les différentes possibilités de vote : vote en personne au centre de vote le jour du scrutin, vote par procuration, éventuellement vote par correspondance, etc. Cette proposition pourrait d'ailleurs être fusionnée avec celle que j'ai formulée précédemment et qui tendait à informer les électeurs inscrits sur la liste du calendrier électoral de l'année.
Les dépenses liées à la diffusion de cette information électorale auprès des électeurs français établis à l'étranger pourraient être financées, par exemple, par un organisme tel que le centre national d'action civique.
Enfin, dans le même esprit de promotion de la vie civique, je souhaite attirer l'attention de notre assemblée sur la nécessité de relativiser l'interdiction de la propagande à l'étranger, étant sous-entendu qu'il s'agit de la propagande politique, le terme de propagande étant d'ailleurs en lui-même légèrement déplaisant. En effet, de véritables campagnes politiques devraient pouvoir être menées à l'étranger, notamment au sein de l'Union européenne.
Dans cette optique, je proposerai l'adoption d'un amendement visant à modifier le deuxième alinéa de l'article 3 du projet de loi.
Notre tâche consiste donc désormais à élargir les droits dont disposent les Français établis hors de France afin qu'ils exercent pleinement leurs devoirs en tant qu'électeurs et citoyens à part entière. Pour mener à bien cette mission législative, nous devons prendre en considération le principe d'égalité, qui fait actuellement cruellement défaut. Je pense que les projets que vous présentez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, vont dans le bon sens, et nous les soutiendrons.
Applaudissements.
Monsieur le ministre, permettez-moi d'abord de vous remercier du dépôt de ces textes introduisant des changements notables qui viendront faciliter l'exercice des droits civiques des Français établis hors de France.
Même si, en apparence, elle peut paraître limitée, la réforme que vous nous soumettez est importante. Elle semblait nécessaire depuis longtemps, mais, hélas, comme souvent, il a fallu attendre de nombreuses années : enfin, la voici !
L'avancée essentielle est la création d'une liste électorale unique, création qui suit logiquement l'introduction du registre des Français établis hors de France.
Mes chers collègues lequel d'entre vous n'a pas rencontré, dans un bureau de vote à l'étranger, une personne qui protestait disant qu'elle avait voté lors de la précédente élection mais qu'elle devait avoir été radiée de la liste entre-temps. En fait, cette personne n'avait pas été rayée de la liste ; elle était sur l'autre liste ! Il fallait en effet figurer sur les deux listes. J'ai même vu un ambassadeur protester parce qu'il n'était pas sur la liste. Lui aussi avait oublié qu'il existait deux listes !
Sourires
L'existence des deux listes électorales posait un vrai problème, qui va enfin trouver une solution par la création d'une liste électorale unique. C'est une avancée essentielle, que nous avions réclamée au sein de la Commission de la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger, créée en 2000. Il y a longtemps que les conseillers représentant les Français établis hors de France se faisaient l'écho, d'abord au CSFE, puis à l'Assemblée des Français de l'étranger, des difficultés rencontrées par nos concitoyens à cet égard.
On nous a opposé qu'il fallait attendre, car les immatriculations étaient compliquées. Mais, finalement, c'est chose faite. Je dis bravo et merci à tous ceux qui ont contribué à cette avancée, à commencer par vous, monsieur le secrétaire d'Etat.
La réforme des commissions électorales était une autre préoccupation ancienne des élus des Français de l'étranger.
Ces commissions comprenaient des personnes qui étaient juges et parties, puisqu'elles étaient partie prenante à l'élection, en tant que candidates à l'Assemblée des Français de l'étranger, et contrôlaient les listes électorales ! Il est tout à fait logique de neutraliser cette façon de faire. Vous le proposez, bravo ! C'est aussi à l'honneur des conseillers à l'AFE, qui ont unanimement accepté cette réforme. Tout s'est relativement bien passé et je salue le travail considérable qui a été accompli ainsi que tous ceux qui y ont contribué.
Ne devrions-nous pas nous satisfaire de tant de bonnes nouvelles ? Allons-nous en demander plus ? Eh bien oui, monsieur le secrétaire d'Etat. Alors que vous nous donnez un doigt, vous devez penser que nous allons demander le bras ! Eh bien non, nous nous contenterons d'une main !
Sourires
Je commencerai par la réforme du vote par Internet pour les Français établis hors de France.
La proposition de loi que j'ai déposée, voilà deux ans, pour permettre aux Français établis hors de France d'élire par Internet leurs représentants à l'Assemblée des Français de l'étranger, a été adoptée à l'unanimité. Vous n'avez pas été le seul à l'évoquer ; tous les orateurs l'ont fait, en particulier le rapporteur, qui a insisté, ce dont je le remercie. Vous me permettrez d'apporter quelques précisions sur cette réforme, qui a donné lieu à des commentaires.
Elle n'a été appliquée, à titre expérimental, que par les Français résidant dans les circonscriptions des Etats-Unis, et cela dans un laps de temps trop court pour bien organiser l'expérimentation, prévenir et informer suffisamment les Français concernés.
Parmi les votants, 60 % ont utilisé Internet, ce qui prouve qu'il y a une demande. Si cette réforme n'a pas permis d'augmenter le nombre de votants, elle a en revanche permis d'enrayer la baisse du taux de participation. En effet, ce taux a baissé de 24 % à 17 % au Canada, où la réforme n'était pas appliquée, alors qu'il est resté stable aux Etats-Unis. Par conséquent, on peut considérer que c'est un succès.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu les engagements que vous avez pris et je vous en remercie. On va donc essayer de faire mieux et d'aller plus loin. Comme vous l'a dit le rapporteur, les engagements, c'est bien, mais les réalisations, c'est mieux ! Nous espérons donc que vos engagements vont se concrétiser.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la loi du 28 mars 2003 tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger existe ! Vous l'avez vous-même, dans cet hémicycle, portée, soutenue, fait voter à l'unanimité. Elle doit maintenant être appliquée.
Partant de ce principe, en 2006 - et non en prévision de 2007 ! -, ...
... elle devrait être appliquée pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, qui se dérouleront en Europe et en Asie. Il serait grand temps de prévoir ce vote par correspondance électronique, qui n'est d'ailleurs pas seulement nécessaire pour les Français établis hors de France. Si, comme vous l'affirmez, on réfléchit à son application aux autres élections, à l'élection du président de la République, par exemple, il serait sage de profiter de l'occasion pour faire une répétition générale !
Je regrette qu'une telle répétition n'ait pas lieu pour le référendum. Elle aurait été beaucoup plus simple à organiser, le vote se limitant à deux choix : oui ou non. Par ailleurs, cela aurait permis d'augmenter le nombre des votants.
De nombreux Français nous ont dit qu'ils ne voteraient pas. Permettez-moi de vous citer deux exemples. Un Français résidant à Sherbrooke n'a pas la possibilité de prendre un jour de congé pour aller s'inscrire sur les listes électorales à Montréal. Je lui ai répondu qu'il pouvait voter par procuration, mais encore faut-il qu'il fasse établir cette procuration ! Un Français résidant en Suède, qui en a assez de parcourir cinq cents kilomètres pour se rendre au centre de vote, n'ira pas voter ; il pense même prendre la nationalité suédoise ! Ma réponse, cette fois, a été plus virulente : « Chiche ! », lui ai-je dit, car je pense qu'il ne faut pas plaisanter avec la nationalité. Tout cela se passe de commentaires...
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous serions heureux que vous nous donniez des assurances pour 2006. Cela nous permettrait de rassurer, à cet égard, les Français établis hors de France.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces mesures vont dans le bon sens, la simplification des listes électorales est très positive. Mais il est nécessaire d'aller plus loin et d'améliorer encore un certain nombre d'autres points.
Il est difficile de maintenir un lien avec nos compatriotes de l'étranger. J'espère que le ministère en a conscience. Beaucoup de nos concitoyens ne sont pas informés de leurs droits, ni des possibilités qui s'offrent à eux. Beaucoup n'ont pas de lien avec les autorités consulaires. En effet, pour des raisons d'économie, les consulats adressent peu souvent des informations aux Français établis hors de France.
Ces derniers ne pourraient-ils pas être informés par voie électronique ? Il faudrait leur permettre de communiquer leur adresse e-mail au consulat. Certes, cette possibilité existe, mais seulement avec les consulats qui le veulent bien ; beaucoup ne le font pas. C'est dommage dans la mesure où ils ne disposent d'aucun budget pour, trois mois avant une élection, informer les Français établis hors de France, comme le réclamait tout à l'heure notre collègue Richard Yung, alors que le courrier électronique ne coûte rien. J'ai déposé un amendement en ce sens.
J'en viens à l'interdiction de la propagande à l'étranger. La raison essentielle de cette interdiction est d'ordre diplomatique et relève du principe de non-ingérence et de réciprocité.
Porter le débat politique des Français dans les pays d'accueil ne serait pas acceptable, je le reconnais, mes chers collègues. Ainsi, c'est strictement interdit, même dans un appartement privé, dans un pays comme les Etats-Unis, qui réclame pourtant la démocratie pour le monde ! Ceux qui sont allés aux Etats-Unis le savent bien.
De plus, en cas d'acceptation de cette pratique dans les pays d'accueil, celle-ci serait liée à des obligations. Ces pays réclameraient la réciprocité en France pour leurs nationaux, ce qui serait refusé par notre ministère de l'intérieur pour différentes raisons, entre autres de sécurité.
Si l'on comprend bien cette restriction de propagande à l'étranger, il en va tout autrement dans les circonscriptions situées dans l'Union européenne. En effet, les Français qui y résident ont la possibilité d'être candidats à la fois à l'Assemblée des Français de l'étranger et au Parlement européen sur les listes de leur pays d'accueil. Cela s'est déjà produit - M. Cointat doit s'en souvenir - en Allemagne ou au Luxembourg. Or le candidat au poste de député européen a le droit de faire campagne dans les médias : télévision, journaux, etc., cette médiatisation lui permettant d'être connu. Par conséquent, il y a inégalité devant la loi électorale pour le Français qui n'est que candidat à l'Assemblée des Français de l'étranger.
Il faut donc lever l'interdiction de propagande dans les pays de l'Union européenne, qui, d'ailleurs, ne l'interdisent pas. Cela donnerait satisfaction à tout le monde. Nous y reviendrons, car j'ai déposé un amendement en ce sens.
En définitive, le principe de base ne pouvant être remis en cause, des aménagements doivent être trouvés pour permettre l'épanouissement d'une conscience, non plus citoyenne, mais politique à l'étranger. En l'absence de campagne, comment faire naître un débat politique ? En tout cas, j'en suis convaincu, celui que nous allons avoir aujourd'hui prouvera, s'il en était besoin, la richesse que le débat peut apporter à chacun de ses participants.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les deux projets de loi qui nous sont soumis aujourd'hui sont l'heureuse réponse à la demande déjà fort ancienne de nos compatriotes : simplifier le droit électoral qui leur est applicable. Cela pouvait paraître assez simple, et pourtant...
Les Français établis hors de France votent, à l'étranger, à trois occasions : l'élection du président de la République, les référendums et l'élection des conseillers qui les représentent à l'Assemblée des Français de l'étranger.
Depuis de trop nombreuses années, ces votations ne sont pas organisées sur la base du même support, ce qui est une source d'incompréhension. En effet, les listes de centre de vote servant à l'élection du président de la République et aux référendums sont distinctes de celles qui servent à l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger. De plus, les modalités d'inscription des électeurs et les procédures d'établissement et de mise à jour des listes obéissent à des règles propres. Enfin, les commissions administratives qui préparent les listes ne sont pas composées de la même façon et les dates de leurs travaux ne coïncident pas.
La complexité de cette situation rend celle-ci difficile à comprendre, tant par les électeurs que par les agents consulaires eux-mêmes, en raison de dispositions inutilement dissemblables, alors que, en pratique, elles se rapportent toutes au même objet.
Réclamée depuis très longtemps par les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, la fusion des deux listes électorales apporte une simplification attendue par nos compatriotes hors de France. Elle permet de se rapprocher du droit commun et d'améliorer ainsi les conditions d'expression du suffrage universel. Elle devrait également être un facteur d'augmentation de la participation de nos compatriotes de l'étranger aux élections.
Désormais, chaque ambassade pourvue d'une circonscription consulaire et chaque poste consulaire gérera une seule liste électorale consulaire.
Le régime des centres de vote - créé par la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 - disparaît : l'unité territoriale de base devient la circonscription consulaire.
Toutefois, si un poste se trouve, momentanément ou durablement, dans l'impossibilité matérielle d'assurer la gestion de la liste électorale consulaire pour le compte de sa circonscription, il sera possible, par décret, de délocaliser cette tâche vers un autre poste. Cette mesure est d'autant plus appréciable en ce qui concerne les pays dits « à risque ».
La liste électorale consulaire servira désormais de support unique à tous les scrutins qui ont lieu à l'étranger. Il s'agit de tout scrutin organisé à l'étranger pour lequel la France constitue une circonscription électorale unique - l'élection du président de la République et les référendums, c'est-à-dire les scrutins nationaux - et de l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger.
Les modalités d'inscription sont simplifiées par une réduction significative du nombre des situations dans lesquelles l'électeur pourra se trouver sans pour autant porter atteinte à ses droits ni à ses capacités de choix.
Le lien direct entre l'inscription au registre des Français établis hors de France - l'ancienne immatriculation - et l'inscription sur la liste électorale consulaire est un facteur de simplification très appréciable.
En premier lieu, tout Français demandant son inscription sur la liste électorale consulaire sera automatiquement inscrit au registre des Français établis hors de France.
En second lieu, tout Français, lors de son inscription au registre des Français établis hors de France, sera informé que, sauf opposition de sa part, il sera inscrit sur la liste électorale consulaire. Une fois inscrit sur cette liste, il pourra cependant demander à ne pas participer à l'étranger aux scrutins nationaux s'il est inscrit dans une commune de France.
Ainsi, deux situations incohérentes disparaissent : le cas où un Français était inscrit sur une liste électorale sans l'être au registre des Français établis hors de France ; le cas où il pouvait être inscrit à l'étranger uniquement pour participer aux scrutins nationaux sans l'être également pour participer à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger.
Au regard du vote à l'étranger, nos compatriotes pouvaient se trouver, avant cette réforme, dans seize cas différents. Avec la fusion des listes électorales, ils ne pourront désormais se trouver que dans sept cas. Le détail de ces cas figure aux pages 109 et 110 du rapport de M. Cointat.
Par ailleurs, les jeunes Françaises et les jeunes Français atteignant dix-huit ans et inscrits au registre des Français établis hors de France ne peuvent, aujourd'hui, s'inscrire sur les listes électorales qu'au prix d'une démarche volontaire et souvent décourageante.
Désormais, ils seront inscrits d'office au terme d'une procédure simple et facile, proche du droit commun, semblable à celle qui est appliquée dans les communes de France depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997.
La fusion des listes entraîne un alignement des dispositions relatives à l'établissement et à la mise à jour de la liste électorale consulaire sur des règles unifiées proches du droit commun du code électoral.
Désormais, la liste électorale consulaire sera préparée par une commission administrative unique siégeant au poste diplomatique ou consulaire, sur la base des informations disponibles au 31 décembre. Le mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, qui est fixée à trois ans, assureront l'équilibre entre renouvellement et continuité. Chaque mandat prendra désormais effet au 1er janvier de l'année qui suit chaque renouvellement triennal de l'Assemblée des Français de l'étranger.
La liste électorale consulaire sera arrêtée annuellement par une commission siégeant au ministère des affaires étrangères.
Lorsqu'une ambassade ou un poste consulaire sera chargé de tenir la liste d'autres circonscriptions, la commission administrative qui en dépend aura également compétence pour préparer les listes électorales consulaires de ces autres circonscriptions.
Le fait d'être inscrit sur la liste électorale consulaire attestera que l'électeur peut participer à l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger
En outre, la possibilité pour un Français inscrit sur la liste électorale consulaire de choisir de ne pas participer à l'étranger aux scrutins nationaux apparaît clairement.
La liste électorale consulaire pourra être scindée non plus seulement par ordre alphabétique, mais également selon le critère géographique de résidence de l'électeur, pour faciliter la création de bureaux de vote. Cette mesure est très importante.
En conclusion, je souhaite mettre l'accent sur les règles applicables à l'étranger en matière de propagande électorale.
Aujourd'hui, nos compatriotes - surtout ceux qui vivent dans l'Union européenne - se trouvent pénalisés, aux termes de la législation actuellement en vigueur, par une interdiction de propagande électorale dans leur pays de résidence.
Or le droit européen résultant des traités sur la Communauté européenne et sur l'Union européenne consacre la liberté d'expression politique dans les États de l'Union. Cette liberté d'expression a également été consacrée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, avec l'arrêt Piermont contre la France, du 20 mars 1995.
L'article 10 de la loi organique du 31 janvier 1976 et l'article 5 de la loi du 7 juin 1982 ne respectent donc pas les dispositions actuelles du droit européen et des traités qui garantissent les libertés fondamentales. Rétablir cette liberté d'expression politique est le sens même des amendements que j'ai déposés avec mes collègues Paulette Brisepierre et Christiane Kammermann. Ces amendements rappellent les exigences de la liberté d'expression électorale sur le territoire de l'Union et des États membres.
Seraient ainsi autorisés les réunions, l'affichage, l'usage des moyens de communication, la liberté des correspondances, et ce dans le respect de la législation du pays hôte, l'interdiction de toute injure ou diffamation demeurant opposable.
Par ailleurs, ces amendements respectent les conclusions de la Commission de la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger qui avait opté pour une distinction du régime qui est applicable dans l'Union européenne de celui qui est applicable dans les autres Etats.
Enfin, dans un souci d'harmonisation de la loi organique du 31 janvier 1976 et de la loi du 7 juin 1982, nous proposons de transposer dans cette dernière les termes de l'article 11 de la loi organique qui rendent applicables à l'étranger trois articles du code électoral - les articles L. 49, L. 50 et L. 52-1 - qui réglementent certaines formes de propagande.
Pour l'ensemble des raisons que je viens d'évoquer, et après le brillant rapport que nous a présenté notre collègue Christian Cointat, je voterai ces deux projets de loi, me réjouissant, en qualité de législateur que, pour une fois, la loi simplifie la compréhension du droit au lieu de la rendre plus complexe.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voulons aujourd'hui faciliter l'exercice du droit de vote des Français établis hors de France, comme l'a souhaité l'Assemblée des Français de l'étranger dans une démarche consensuelle, et ce à quelques jours de la date fixée pour le référendum sur le projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe : tout un symbole !
Il nous est d'autant plus facile de soutenir ces projets que nous ressentons précisément la difficulté qu'éprouvent nos compatriotes expatriés pour participer à ce scrutin. Je souhaite remercier notre excellent rapporteur, Christian Cointat, de ses éclairages avisés et des améliorations opportunes qu'il propose.
La fusion des listes électorales est une excellente initiative ; elle était réclamée par nombre d'entre nous depuis de très longues années. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, comme je remercie le directeur des Français à l'étranger et ses équipes, d'avoir repris ce projet et de l'avoir porté jusqu'à son échéance législative.
Je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, concentrer ma brève intervention sur la question fondamentale du droit à l'information civique des Français. Cette information est d'autant plus nécessaire que l'abstention s'accroît d'année en année, atteignant aujourd'hui des niveaux préoccupants pour le bon fonctionnement de notre démocratie.
Il nous faut féliciter l'État d'assumer son devoir d'information civique et de mettre en oeuvre des campagnes d'incitation au vote sur le territoire national à l'occasion de chaque consultation. Mais ces campagnes d'envergure nationale n'atteignent jamais, ou trop rarement, nos compatriotes de l'étranger faute d'être relayées sur les ondes et sur les chaînes chargées de l'audiovisuel extérieur. Il en résulte une inégalité de traitement entre les Français dans leur droit à l'information, selon qu'ils vivent à l'intérieur ou à l'extérieur de l'hexagone.
Cette situation est grave, monsieur le secrétaire d'État. Il est de notre devoir d'élus de la nation de faire cesser cette discrimination, qui est contraire aux principes du droit commun. Je suis persuadée que vous partagez cette appréciation.
En effet, l'information civique est encore plus indispensable à l'étranger qu'en France dans la mesure où nos compatriotes sont souvent très mal informés, du fait de leur éloignement et de l'interdiction de toute propagande électorale. Je soutiendrai bien évidemment tous les amendements qui vont dans le sens d'une meilleure information, notamment ceux que présentera M. le rapporteur, au nom de la commission des lois.
Pendant longtemps, les Français établis hors de France recevaient des informations officielles sur les candidats en lice plusieurs jours après l'élection. On sait par ailleurs que les listes des consulats sont loin d'être à jour au moment des scrutins, beaucoup de nos compatriotes omettant de signaler leur changement d'adresse. Je ne prendrai qu'un exemple : lors de chaque élection, à Londres, des milliers d'enveloppes sont retournées avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée ». A chaque élection, on peut relever un manque patent d'information sur les dates, les lieux et les modalités de vote. Un grand nombre de procurations n'arrivent pas à temps, toujours faute d'informations suffisantes. A ce propos, je félicite la direction des Français à l'étranger, la DFAE, pour les progrès qui ont été réalisés en matière d'obtention et d'établissement des procurations.
Des campagnes d'incitation au vote ont été menées en France ces dernières années. De ce point de vue, l'exemple des élections prud'homales de janvier 2003 est très intéressant. Ce type d'élection mobilise d'ordinaire très peu. Aussi, pour encourager la participation, 500 spots télévisés ont été diffusés sur les chaînes nationales. Sans cette campagne, le taux d'abstention aurait sans doute été encore plus élevé.
Permettez-moi d'évoquer un autre exemple révélateur : à l'occasion de l'élection des membres du Conseil général des Italiens, équivalent de notre Assemblée des Français à l'étranger, une très large campagne d'information au moyen d'encarts publicitaires a été menée dans tous les grands journaux nationaux et régionaux français.
Obtenir l'extension des campagnes d'information civique hors de France est donc une nécessité, qu'aucune raison sérieuse ne semble devoir repousser, si ce n'est un vide juridique regrettable au regard du principe d'égalité des nationaux, principe fondateur de la République, je le rappelle.
C'est pourquoi, dans le prolongement des excellentes observations qui ont été faites sur les réformes à venir, je pense en particulier à la possibilité de vote sur l'Internet, auquel je souscris sans réserve, j'ai déposé, sur chacun des deux projets de loi, un sous-amendement visant à inscrire l'obligation de prévoir de telles campagnes dans le cahier des charges des organismes du secteur public de l'audiovisuel. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous soutiendrez cette proposition. Ce serait un témoignage de votre attachement aux droits de nos compatriotes de l'étranger. Je peux vous assurer qu'ils attendent ce type de mesures depuis de longues années.
Applaudissements
Monsieur le président, c'est pour moi un grand plaisir d'intervenir après le soutien que m'ont apporté tous les orateurs, M. Cointat, au nom de la commission des lois, Mme Payet, MM. Yung, Del Picchia, Guerry et Mme Garriaud-Maylam.
Il est vrai que nous avons pris le temps de la réflexion. Nous nous sommes fixé des objectifs. Nous avons fait un travail sérieux, partageant les décisions et nous efforçant de trouver les meilleures solutions.
Ce débat est difficile car les enjeux sont considérables. Les élus que nous sommes savent bien que la modification de la structure des corps électoraux exige toujours beaucoup d'attention. Je remercie donc chacun et chacune d'entre vous.
Mes remerciements s'adressent également à la direction des Français de l'étranger qui a su conduire ce débat dans la sérénité de façon que nous présentions des mesures positives et constructives.
Je répondrai à tous les orateurs qui ont eu l'amabilité de m'interpeller pour que ce débat, qui est positif, nous permette d'aller encore plus loin.
Monsieur Cointat, votre intervention fut brillante et percutante. A travers votre personne, je remercie l'ensemble de la commission des lois du travail remarquable qu'elle a effectué.
Enfin, je tiens à remercier l'Assemblée des Français de l'étranger, qui a eu à plusieurs reprises, et sous différentes formes, à connaître de ce projet. Le chemin a été long avant de parvenir au résultat qui vous est soumis aujourd'hui.
Nous partageons tous la même préoccupation : faciliter l'expression du suffrage universel à l'étranger en améliorant les conditions d'inscription de nos compatriotes établis hors de nos frontières sur les listes électorales. Nous sommes également attachés à débarrasser les tâches quotidiennes des agents qui travaillent dans nos postes de leurs aspects fastidieux, redondants, inutiles. C'est aussi l'un des aspects important de la réforme.
Les propositions de la commission des lois vont dans le bon sens et enrichissent le texte : la loi sera ainsi moins bavarde. Tant mieux !
Je voudrais vous apporter des assurances, monsieur le rapporteur.
La première porte sur l'information des électeurs. Certes, notre réforme ne sera réussie que si tous nos compatriotes sont bien informés. Notre intention est d'être, comme c'est le cas pour la loi, aussi clairs et simples que possible dans la mise au point des textes réglementaires et des formulaires destinés au public.
La seconde concerne la nécessité de revoir le calendrier de préparation des listes électorales à l'étranger. L'informatique permettra d'avancer les échéances afin que la liste électorale consulaire puisse entrer en vigueur plus tôt que la liste de centre de vote. Nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque le Gouvernement soumettra le projet de décret correspondant à l'Assemblée des Français de l'étranger.
Je voudrais à présent remercier Mme Payet de son jugement positif sur l'ensemble de notre réforme. Elle a soulevé trois points sur lesquels je souhaite apporter des précisions.
Le premier a trait au choix du lieu de vote laissé aux électeurs. Un Français établi hors de France pourra demander à s'inscrire sur la liste électorale consulaire tenue dans la circonscription consulaire où il a fixé sa résidence.
Il pourra également s'inscrire en France s'il remplit les conditions prévues à l'article L. 12 du code électoral, c'est-à-dire sur la liste électorale de sa commune de naissance, de son dernier domicile, de sa dernière résidence, à condition que cette résidence ait été de six mois au moins, de la commune où il est né, est inscrit ou a été inscrit un de ses ascendants, ou est inscrit ou a été inscrit un de ses parents jusqu'au quatrième degré. Certes, de nombreux Français qui n'ont pas d'attache en France ne remplissent pas ces conditions. Ils ne pourront donc pas s'inscrire en France malgré nos efforts.
En ce qui concerne les difficultés pratiques auxquelles elle fait allusion, je donne à Mme Payet l'assurance que nous ferons le maximum pour les résoudre.
Le deuxième point a trait au vote électronique sur lequel je me suis déjà exprimé. Toutefois, je rappelle bien volontiers que le Gouvernement est favorable à son principe et étudie activement cette possibilité d'avenir. Je m'expliquerai un peu plus longuement sur ce sujet tout à l'heure.
Le troisième point concerne le vote par procuration à propos duquel nous faisons également des progrès. Une expérimentation en cours pour le référendum vise à rendre le formulaire accessible par Internet.
Monsieur Yung, je vous remercie de vous associer, au nom du groupe socialiste, à l'initiative du Gouvernement dont vous avez bien voulu reconnaître le bien-fondé.
En ce qui concerne la carte d'électeur pour les Français de l'étranger, la réalisation d'un tel document relève du règlement. Notre intention est de mettre en place une application informatique qui permettra à tout Français de l'étranger de connaître sa situation au regard du droit électoral. Cette information pourra naturellement être communiquée par courrier aux Français qui n'ont pas les moyens de se mettre en relation avec un serveur informatique.
S'agissant du vote par correspondance, nous ne pouvons pas, ici et maintenant, modifier tout le droit électoral relatif à l'élection du Président de la République ou au référendum. Je prends note de votre idée et je la communiquerai au ministère de l'intérieur.
Pour ce qui est de l'instruction civique dont les consuls généraux pourraient être chargés, je vous rappelle que ce rôle leur est déjà confié dans le cadre de la journée d'appel de la préparation à la défense.
Monsieur Del Picchia, j'ai apprécié bien sûr votre soutien et, en pensant au travail que nous avons régulièrement accompli ensemble pour les Français de l'étranger, je vous serre avec amitié, conviction et détermination la main que vous m'avez tendue.
Sourires
Nous aurons la possibilité d'évoquer de nouveau les questions concernant l'adresse électronique et la propagande lors de l'examen des amendements, mais je tiens dès maintenant à saluer votre attachement au principe de l'interdiction de la propagande électorale à l'étranger. La réciprocité pourrait, en effet, nous exposer à des conséquences non maîtrisables.
Sans nous écarter de l'axe de notre réforme, ainsi que je l'ai exposé dans ma précédente intervention, il est possible d'aborder le thème de la propagande électorale en tenant compte du droit européen. C'est la raison pour laquelle nous accepterons votre amendement, mais pas davantage afin de rester fidèles à la discipline que nous nous sommes imposée.
Monsieur Guerry, je commencerai par faire référence à votre conclusion, dans laquelle vous avez relevé que, pour une fois, une loi simplifiait le droit au lieu de le rendre plus complexe. Il est vrai que ce n'est pas si fréquent !
Sourires
Votre analyse générale du projet est tout à fait conforme à ses objectifs. La possibilité de confier à un poste consulaire la gestion de la liste électorale consulaire, voire l'organisation de l'élection proprement dite, va tout à fait dans notre sens.
Vous avez souligné l'une des dispositions les plus importantes en matière de vote des jeunes et d'expression de la nationalité à l'étranger. La loi permettra d'inscrire plus facilement les jeunes qui atteignent dix-huit ans sur la liste électorale. Ce fut l'une de nos premières préoccupations et nous nous rejoignons sur ce point. Votre intervention illustre parfaitement le consensus que je soulignais tout à l'heure et qui a caractérisé les travaux préparatoires à ces projets.
Enfin, même si, comme je l'ai indiqué, nous ne souhaitons pas nous écarter de l'axe de notre réforme, dans la mesure où vous proposez simplement de mettre la loi organique en conformité avec le droit européen, nous aurons une approche bienveillante à l'égard de votre suggestion.
Madame Joëlle Garriaud-Maylam, vous avez parlé le langage du coeur, avec votre charme naturel ; je ne peux donc que souscrire à vos propos. Vous savez à quel point, comme vous, je suis déterminé à lutter contre la discrimination quelle qu'elle soit, et ce d'autant plus qu'il s'agit de nos compatriotes.
Nous aurons un débat sur les campagnes d'information, sur la propagande. Toutefois, je me demande si ce débat doit se tenir dans le cadre de la discussion de la présente loi, avec les conséquences qui peuvent s'ensuivre, ou s'il n'aurait pas davantage sa place dans le champ de l'audiovisuel.
Je tiens à vous rappeler à quel point, comme vous, je suis attaché à nos compatriotes à l'étranger ; je n'effectue pas un seul déplacement depuis que j'occupe la fonction de secrétaire d'Etat aux affaires étrangères sans rencontrer systématiquement chacune de nos communautés en tenant compte des difficultés auxquelles elles sont confrontées à travers le monde. Nous maintenons en permanence un lien entre nous pour essayer de trouver régulièrement des solutions pratiques, concrètes et législatives.
J'en arrive au dossier le plus « chaud » : le vote par Internet.
Le fameux vote par Internet !
Comme vous le savez, le Gouvernement est favorable au vote électronique, et ce dans la perspective de la prochaine élection du Président de la République. Les services du ministère des affaires étrangères y travaillent d'ores et déjà, conjointement avec les services du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Notre expérience en la matière s'est enrichie ces dernières années au-delà des jugements que l'on peut porter. Gagne-t-on en participation ? Sur l'initiative de nos deux ministères, des expérimentations d'envergure ont été menées : vote par Internet pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger en 2003, vote par Internet pour l'élection des membres de cinq chambres de commerce et d'industrie en 2004, vote électronique pour l'élection des membres des conseils d'université en 2004. Ces scrutins ont été riches d'enseignements. Ils nous ont permis d'identifier un certain nombre d'acquis juridiques et techniques, sur lesquels nous nous appuierons d'ici à 2007.
D'ici là, et afin que le système retenu reste compatible avec les principes fondamentaux de notre droit électoral, plusieurs questions demandent à être résolues.
Tout d'abord, comment garantir le caractère personnel du vote et s'assurer que c'est bien la personne qui y est autorisée qui vote effectivement ?
Ensuite, comment garantir le caractère secret du vote et s'assurer qu'aucun lien ne peut être fait entre l'identité de l'électeur et le sens de son vote ?
Enfin, comment garantir qu'aucun acte malfaisant ou dysfonctionnement informatique ne viendra perturber le bon déroulement des opérations électorales ?
En outre, comment permettre aux électeurs et aux candidats de participer au contrôle des opérations de vote ?
Afin d'être prêts en 2007, nous nous efforçons de trouver des réponses solides et incontestables d'un point de vue juridique et technologique à l'ensemble de ces questions. La procédure à mettre en place pour garantir le respect de principes constitutionnels aussi importants que le caractère secret et personnel du vote devra faire l'objet d'un vaste débat, associer élus, juristes et spécialistes du vote électronique. L'intervention du législateur, voire du législateur organique s'agissant de l'élection du Président de la République, sera nécessaire.
D'ici là, nous continuerons à enrichir notre savoir-faire en matière de vote électronique. Les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger de 2006 se dérouleront par Internet : un marché est en cours de passation. Dans le cadre du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, le Gouvernement proposera par ailleurs de développer les modalités de vote électronique pour les élections politiques, avec l'autorisation d'un système de kiosques électroniques en réseau.
D'autres expérimentations sont prévues. Leurs enseignements vous seront communiqués afin que le vote de nos compatriotes résidant à l'étranger soit facilité en 2007 sans que la sincérité des opérations électorales puisse être mise en cause.
Monsieur Cointat, vous avez dit qu'après l'étude il fallait passer l'examen : nous sommes prêts.
Nous avons l'audace, la détermination et la constance, mais il nous faut la fiabilité, la moralité, l'éthique pour éviter toute fraude : nous avons suffisamment travaillé pour qu'il n'y en ait plus dans nos bureaux de vote ! Au demeurant, nous devons vivre avec notre temps et faire en sorte d'utiliser les nouveaux moyens technologiques, voire prendre de l'avance.
Applaudissements
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq.