Intervention de Christian Cointat

Réunion du 12 mai 2005 à 15h00
Vote des français établis hors de france pour l'élection du président de la république assemblée des français de l'étranger — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 3 de la Constitution dispose : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». C'est, en quelque sorte, la « Bible » de notre droit électoral, de notre démocratie. Sont électeurs tous les Français majeurs, qu'ils résident en métropole, outre-mer ou à l'étranger ; tous, sans exception. La Constitution ne pose pas seulement ici un principe de philosophie politique, elle fait obligation au législateur de veiller à ce qu'effectivement tous les Français soient inscrits sur les listes électorales.

Pour les Français de métropole et d'outre-mer, c'est facile, il y a l'institution pluriséculaire des listes électorales communales. Pour les Français établis hors de France, c'est moins évident. Les communautés françaises à l'étranger sont fort dispersées, et à l'heure où l'Internet et les facilités de communication moderne n'existaient pas, il a fallu inventer les procédures permettant à ces hommes et à ces femmes de courage et d'engagements, fidèles à leurs racines françaises et qui portent au-delà de nos frontières les couleurs de notre pays, de pouvoir voter hors de nos frontières.

Le législateur s'est donc attaché, pas à pas, à offrir différentes possibilités d'inscription aux Français de l'étranger. La France, il faut le souligner, est un exemple de démocratie en la matière.

Première invention originale du législateur : l'élargissement des critères de rattachement sur les listes électorales communales en métropole et outre-mer. Ces critères figurent aujourd'hui aux articles L. 12 et L. 14 du code électoral. Le législateur a d'abord retenu des critères de rattachement familial : la commune où est né, est inscrit ou a été inscrit sur la liste électorale un de leurs ascendants. A la suite de l'un de mes amendements, l'ordonnance du 8 décembre 2003 a ajouté la commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu'au quatrième degré ; il y a également la commune sur la liste électorale de laquelle est inscrit leur conjoint.

Les liens du Français de l'étranger avec la terre de France où il a vécu sont également pris en considération : la commune de naissance, la commune du dernier domicile ou celle de la dernière résidence d'une durée de six mois au moins. Comme les Français de métropole et d'outre-mer, les Français de l'étranger bénéficient des dispositions de l'article L. 11 du code électoral, qui leur permettent, dès lors qu'ils figurent au rôle de l'une des contributions directes communales pour la cinquième fois sans interruption, de s'inscrire sur la liste électorale de la commune. Ces dispositions se fondent sur des éléments objectifs mais qui, au fil des années, sont apparus insuffisants.

Comme le faisait remarquer en 1976 mon prédécesseur sur le banc de la commission des lois, notre ancien et excellent collègue Charles de Cuttoli, cette législation n'a pas eu totalement le succès escompté. Nombre de nos compatriotes l'ignoraient à l'heure où, je le répète, ni le fax, ni Internet, ni le portable n'existaient. Une fraction non négligeable du corps électoral français était de fait exclue du processus électoral. Il fallait donc aller plus loin.

C'est au lendemain de l'élection présidentielle de 1974 que les pouvoirs publics se sont saisis à nouveau de la question. Le président Giscard d'Estaing et son Premier ministre de l'époque, Jacques Chirac, ont mis sur pied une commission composée notamment de sénateurs représentant les Français établis hors de France, de membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger - l'actuelle Assemblée des Français de l'étranger -, de députés et de fonctionnaires, la commission que l'on désigne habituellement du nom de son président, la « commission Bettencourt ».

Cette commission a abordé plusieurs aspects de la vie concrète des Français de l'étranger : la protection sociale, la fiscalité, les droits civiques. Mais elle a également soulevé l'idée d'une nouvelle procédure électorale, originale dans notre paysage juridique : la possibilité pour nos compatriotes de voter à l'étranger.

A l'époque où le droit international, ne l'oublions pas, était très axé sur le respect de la souveraineté des Etats, le sujet n'était pas évident. Il était presque révolutionnaire. Les directions compétentes du ministère de l'intérieur étaient fort réticentes. II a fallu toute la ténacité et la volonté politique de Jacques Chirac et de son ministre de l'intérieur, Michel Poniatowski, pour venir à bout de cette opposition. C'est la preuve, monsieur le secrétaire d'Etat, que lorsque la volonté politique d'innover l'emporte sur les obstacles juridiques, on fait du droit neuf, on donne une prime à l'imagination, et la démocratie progresse ainsi.

A ce sujet, je ne saurais trop insister sur un point que vous venez d'évoquer : une nouvelle innovation, à savoir le vote par Internet pour les Français de l'étranger, qui est la seule solution pour surmonter le handicap de l'éloignement géographique de nombreuses personnes par rapport aux bureaux de vote. Il y a longtemps que nous étudions cette question. Des études doivent tout de même déboucher sur un diplôme, monsieur le secrétaire d'Etat...

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