Intervention de Christian Cointat

Réunion du 12 mai 2005 à 15h00
Vote des français établis hors de france pour l'élection du président de la république assemblée des français de l'étranger — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur :

La mise en place des centres de vote à l'étranger a ainsi été une grande première. Bien entendu, la loi organique du 31 janvier 1976 exigeait l'accord préalable des Etats concernés. La plupart ont donné cet accord, vous l'avez évoqué tout à l'heure. Quelques-uns seulement, dont deux Etats en Europe, ont refusé dans un premier temps avant de finalement s'aligner sur les autres. En attendant leur accord, le législateur a surmonté cet obstacle en autorisant la création de centres de vote dans les départements frontaliers de ces pays. Cela prouve que quand on veut, on peut trouver les solutions. Il suffit d'y réfléchir, mais pas trop longtemps... Nous avons ainsi été les pionniers d'un nouveau droit international dans ce domaine. Depuis, de nombreux pays nous ont imités.

Le législateur, en 1976, a tenu à laisser à nos compatriotes la liberté du choix du lieu de vote pour les élections présidentielles et les référendums : soit la commune en France, soit le centre de vote à l'étranger, le droit de vote en France étant alors suspendu. Cette procédure permet actuellement à plus de 400 000 électeurs expatriés de voter à l'étranger.

De 1977 à 2003, nos compatriotes ont également pu participer, dans les centres de vote à l'étranger à l'élection des membres français du Parlement européen. Les élus des Français de l'étranger, je vous prie de bien vouloir le noter, ont unanimement déploré que cette faculté leur soit enlevée en 2003. Les critiques des Français établis hors de France sont particulièrement virulentes à cet égard et nous sont régulièrement rappelées à l'occasion de la campagne pour le référendum. Il est donc souhaitable, et même indispensable, que ce droit soit rapidement rétabli. Les formules ne manquent pas. Par exemple, on pourrait élargir, comme je l'avais proposé à l'époque, la seule circonscription monorégionale qui existe, à savoir l'Ile de France, aux Français de l'étranger, d'autant que Paris est le siège de leur représentation spécifique.

Les Français de l'étranger participent à une autre catégorie de scrutins hors de France. Ils élisent au suffrage universel direct, depuis la loi du 7 juin 1982 voulue par le président Mitterrand, leur assemblée représentative, précédemment le Conseil supérieur des Français de l'étranger, devenue l'Assemblée des Français de l'étranger depuis la loi du 9 août 2004.

Pour élire l'Assemblée, on aurait pu utiliser en 1982 les listes de centre de vote. Elles existaient. Ce n'est pourtant pas la solution qui a été choisie à l'époque par le gouvernement de Pierre Mauroy, qui a initié cette réforme avec son ministre des relations extérieures, Claude Cheysson. En effet, cinq ans d'application de la loi organique du 31 janvier 1976 avaient fait apparaître le succès limité de cette formule. Le législateur a estimé de son devoir, pour respecter les termes de l'article 3 de la Constitution, de ne pas laisser une fraction des électeurs français à l'étranger en marge de notre démocratie et d'instituer un encouragement à l'inscription, tout en ménageant soigneusement la liberté de choix des électeurs potentiels.

La loi du 7 juin 1982 a donc prévu la création d'une liste électorale originale, pour l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger, sur laquelle sont automatiquement inscrits, sauf opposition de leur part, les Français autrefois immatriculés au consulat et désormais inscrits au registre des Français de l'étranger.

La faculté d'opposition à l'inscription sur ces listes est liée à l'absence de démarche volontaire, mais aussi au caractère public des listes électorales - il faut en être conscient - et aux répercussions fâcheuses que cela peut avoir pour certains de nos compatriotes à l'étranger, notamment quand ils sont binationaux. La révélation de leur nationalité française pourrait avoir des conséquences graves dans certains pays où sévissent des régimes autoritaires ou des troubles importants. La faculté d'opposition a donc pour objet, il faut en être tout à fait conscient, mes chers collègues, non pas d'encourager à la désertion du vote, mais bien de garantir la sécurité des personnes. Actuellement, le nombre des oppositions semble être fort réduit.

Ces deux innovations de 1976 et 1982 ont ainsi entraîné la coexistence de deux listes électorales différentes à l'étranger pour nos compatriotes expatriés. Cette coexistence est la source de nombreux inconvénients et confusions que l'on peut facilement deviner, sans compter les doublons administratifs, ne serait-ce que pour les commissions électorales différentes chargées de les arrêter.

La réforme qui vous est proposée, mes chers collègues, vise à remédier à tout cela en retenant dans la législation antérieure ce qu'il y a de meilleur, en évitant les doublons et la multiplication des démarches, en simplifiant les procédures et en fusionnant les deux catégories de listes électorales utilisées à l'étranger.

Cette innovation n'est pas une révolution ; c'est une oeuvre à la fois consensuelle et de bon sens. Elle a été souhaitée en 2003, à la quasi-unanimité, par l'Assemblée des Français de l'étranger. Je tiens à rendre hommage au Gouvernement, aux élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, et tout particulièrement à la direction des Français de l'étranger, dont je me refuse à donner le titre en entier, monsieur le secrétaire d'Etat, ne trouvant pas normal que les Français expatriés soient administrativement associés aux étrangers en France, quelle que soit la sympathie que l'on peut porter à ces derniers. Oui, je remercie toute l'équipe de cette direction, qui a compris la nécessité de cette réforme et a tout mis en oeuvre, sous l'autorité de Michel Barnier et de vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, pour qu'elle aboutisse.

Les possibilités de rattachement à une liste communale française sont entièrement maintenues, et, pour les élections qui se déroulent à l'étranger, est créée une liste unique, fusion des deux listes actuelles qui s'appellera « liste électorale consulaire ».

Sur cette liste seront inscrits les Français établis dans la circonscription consulaire qui le demanderont, comme aujourd'hui pour les centres de vote. Seront également inscrites de plein droit, sauf opposition de leur part, les personnes qui demanderont leur inscription sur le registre des Français établis hors de France.

Une innovation : le projet de loi facilite l'inscription des jeunes Français de l'étranger qui atteignent l'âge de la majorité en cours d'année. Ils pourront demander leur inscription sans formalité judiciaire avant que les listes ne soient arrêtées.

Le mode d'établissement des listes sera celui qui s'applique actuellement aux centres de vote : les listes seront préparées par des commissions locales, dont la majorité des membres est composée de membres désignés par l'Assemblée des Français de l'étranger. Le projet crée une incompatibilité entre le mandat de conseiller à cette Assemblée et les fonctions de membre des commissions administratives locales.

Par ailleurs, une certaine rotation dans la composition des commissions locales est encouragée par l'impossibilité prévue pour les titulaires de voir renouveler immédiatement leur mandat. Il pourra, cependant, y avoir interversion entre les membres titulaires et suppléants d'un renouvellement à l'autre pour assurer un nombre suffisant de membres disponibles, ce qui n'est pas toujours facile à trouver dans tous les postes. Les listes seront ensuite arrêtées par une commission siégeant au ministère des affaires étrangères et composée de trois magistrats ou anciens magistrats - l'un de l'ordre judiciaire, l'autre de l'ordre administratif et le dernier de la Cour des comptes - désignés pour cinq ans, avec des suppléants. Le projet reprend largement, pour le surplus, le droit applicable aux listes de centre de vote.

La commission des lois approuve entièrement ces deux projets de loi organique et ordinaire parce qu'ils favorisent l'exercice du droit de vote, qu'ils simplifient les démarches et permettent des économies de temps et de travail pour l'administration, sans pour autant amoindrir les garanties juridiques indispensables en matière électorale.

On aurait pu s'interroger sur l'opportunité de laisser aux électeurs inscrits sur une liste électorale consulaire le choix de voter en France pour les élections présidentielles et les referendums. Mais ce choix existe déjà. L'Assemblée des Français de l'étranger en a souhaité le maintien. La commission des lois, après en avoir examiné l'opportunité, a finalement décidé de ne pas le remettre en cause.

Elle souligne toutefois qu'il est indispensable que les formulaires administratifs soumis aux électeurs pour leur permettre d'exercer l'ensemble des choix en matière de liste électorale consulaire soient particulièrement clairs et suffisamment précis.

Votre rapporteur, mes chers collègues, juge important, au titre des mesures transitoires, que les électeurs déjà inscrits sur une liste de centre de vote ou sur une liste pour l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger soient complètement informés par l'administration des conséquences de cette réforme.

Pour tenir compte de la nécessité manifestée par le Conseil constitutionnel de rédiger des lois intelligibles et « non bavardes », votre commission a supprimé des redondances ainsi que de nombreux renvois inutiles au décret d'application de la loi.

Elle a, en outre, jugé indispensable de transférer dans le texte même de la loi organique la composition de la commission électorale chargée d'arrêter les listes par analogie avec l'article L.17 du code électoral applicable à l'élection présidentielle.

Afin d'empêcher certaines confusions, voire des fraudes, la commission a également prévu la mention obligatoire sur les listes électorales consulaires du choix du vote en France pour les élections présidentielles et les référendums.

La loi organique du 31 janvier 1976 contient un dernier article qui, en principe, ne devrait pas y avoir sa place, je veux parler de l'article 20 relatif au référendum, dont le Conseil constitutionnel a estimé qu'il avait valeur de loi ordinaire et non de loi organique. Il aurait donc été envisageable, me semble-t-il, de profiter de cette discussion pour transférer cet article de la loi organique vers la loi ordinaire. Toutefois, votre rapporteur a estimé que cela méritait une réforme législative globale qu'il appelle de ses voeux.

Sur le fond, votre commission a tenu à rendre applicables les dispositions des articles L.30 et suivants du code électoral, qui permettent l'inscription sur les listes de cinq catégories d'électeurs en dehors des périodes de révision. Parmi elles, figurent les jeunes qui atteignent l'âge de la majorité après l'arrêt définitif des listes. Il s'agit là de l'application du droit commun électoral. Les demandes seront soumises au tribunal d'instance du premier arrondissement de Paris.

Par ailleurs, votre commission a souhaité simplifier les démarches de nos compatriotes en matière de vote par procuration. En effet, certains d'entre eux se trouvent à plusieurs centaines, voire à des milliers, de kilomètres des postes consulaires, et l'on devine les difficultés qu'ils rencontrent pour accomplir leurs démarches électorales, surtout lorsqu'ils sont âgés, handicapés ou malades.

Certes, les tournées consulaires sont bienvenues et de nombreux postes ont à coeur de les organiser aussi régulièrement que possible, mais il reste qu'elles sont loin de pouvoir régler tous les problèmes, compte tenu du fait que nos compatriotes ne sont pas facilement joignables, notamment dans les pays où les distances sont parfois considérables. D'où la nécessité de ne pas multiplier les conditions contraignantes, et ce afin qu'ils puissent exercer leur droit de vote.

D'ailleurs, le code électoral prévoit déjà pour les Français de l'étranger que les procurations peuvent être dressées pour une durée de trois ans.

Une fois de plus, monsieur le ministre, je me permets de souligner combien le vote par Internet représenterait un progrès considérable et nous simplifierait grandement la vie.

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