Ce travail a une actualité étonnante, non seulement parce que vous êtes le ministre qui met fin au dispositif Pinel, mais aussi parce que le cadre que vous esquissiez alors est celui de la crise du logement que nous traversons.
Pour ce qui est de l'économie, 300 000 emplois seraient menacés d'ici à deux ans en raison d'une construction qui s'effondre, dans un contexte d'inflation, de hausse des taux d'intérêt et de reprise du chômage.
Pour ce qui est du social, la demande de logements sociaux et le mal-logement n'ont jamais été aussi hauts dans notre pays, avec la réapparition de campements et de bidonvilles.
Pour ce qui est de l'écologie, le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) sur le collectif et les zones tendues, de même que les inquiétudes que suscitent les besoins de rénovation énergétique dans un parc locatif sous haute tension, sont autant de signaux d'alarme.
Toutefois, à examiner en silo chacune de ces questions, c'est la dimension proprement politique de la crise qui risque de passer sous silence. Il nous faut en effet prendre garde que cette crise du logement, que certains ont qualifiée de bombe, ne pousse nos concitoyens à chercher des solutions hors du champ républicain.
Les blocages et les tensions dont nous sommes les témoins dans le parcours résidentiel sont de puissants vecteurs de frustration et de ressentiment. Ne pas pouvoir accéder au logement social ou ne pas pouvoir en sortir, renoncer à un emploi ou à des études faute de logement, ne pas réaliser son rêve d'accéder à la propriété, ou même d'acheter une maison avec un jardin pour sa famille comme ses parents, constituent autant d'éléments qui alimentent un sentiment de déclassement, de relégation ou d'assignation à résidence.
À certains égards, la révolte des « gilets jaunes », les émeutes urbaines de l'été ou encore les réactions de plus en plus agressives contre Airbnb sont autant d'éruptions de violence face aux injustices dont le logement est la cause ou le symptôme.
Le logement est le cœur de la famille. Il n'y a pas de réindustrialisation ou de plein emploi sans logement. Le logement se conjugue aussi avec les questions de transport, de santé et d'éducation.
Le logement est au cœur du pacte social entre les Français, des solidarités intergénérationnelles et des solidarités entre catégories de revenus. Le logement, c'est aussi la manifestation d'une solidarité concrète de la société face aux accidents de la vie en cas de violence, de handicap, de divorce.
L'ensemble de ces solidarités qui s'étendent aux étrangers en situation régulière est en réalité l'un des socles de notre démocratie, liant droits et devoirs, impôts et services publics, citoyenneté et politique. La crise du logement abîme le contrat social.
Dans ce cadre, plutôt que de chercher à améliorer le solde national du logement en réalisant des économies sur le dos de ce secteur, comme cela semble être le seul objectif depuis 2017, je souhaite, monsieur le ministre, que vous retissiez ces liens.
Jean Monnet voulait des solidarités concrètes pour faire l'Europe. Ernest Renan affirmait qu'il faut des solidarités concrètes pour faire une nation et une démocratie. Dans notre assemblée, chambre des collectivités territoriales et des territoires, je veux souligner qu'il ne peut y avoir de maison commune si chacun n'a pas son toit.
Il va de soi que le groupe Les Républicains suivra l'avis du rapporteur spécial et rejettera les crédits de cette mission.