Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 2 décembre 2023 à 10h30
Loi de finances pour 2024 — Remboursements et dégrèvements

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quatre ans, lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2020, M. Le Maire nous prédisait l'effondrement, indiquant que notre ratio de dette sur PIB approchait dangereusement de la barre des 100 %. Nous étions alors à 98, 5 %, je crois. Six mois plus tard, nous étions à 117 %, et la France ne s'est pas effondrée.

Surgit aujourd'hui une nouvelle barre fatidique, celle des 3 000 milliards d'euros de dette publique – 3 013 milliards au premier trimestre 2023, pour être précis –, accompagnée des habituels discours catastrophistes et culpabilisateurs. Il nous faut trouver 16 milliards d'euros d'économie, il en va de la survie de l'État, du pays ! C'est le ministre qui nous le dit : « sans les transformations indispensables de notre modèle économique et social afin d'inciter davantage au retour à l'emploi, la France ne réussira pas dans les prochaines décennies. » Il dit aussi : « Il faut être très ferme sur les comptes publics. » Mais nous ne savons ce que le terme de « réussite » recouvre. Surtout, il a déjà décidé d'emprunter 285 milliards d'euros l'an prochain et le total de notre dette a dépassé les 3 000 milliards d'euros !

Ce que nous savons, c'est que le temps de payer la facture est arrivé : en effet, le 15 avril 2020, le FMI nous rappelait qu'en période de pandémie, « la politique budgétaire est essentielle pour sauver des vies et protéger les populations ». Selon lui, « les pouvoirs publics doivent prendre toutes les mesures nécessaires, mais ils doivent veiller à en garder une trace » – conserver les factures, en d'autres termes. De fait, les politiques publiques sont essentielles pour sauver des vies et protéger la population, non seulement en période de crise, mais en tout temps !

Or l'état d'abandon de nos hôpitaux et les drames quotidiens de non-prise en charge de certains malades, voire de tri des patients, nous le rappellent cruellement, alors même que la pandémie est, fort heureusement, derrière nous. La population se paupérise, quoique notre pays soit encore la septième puissance économique mondiale.

Vos choix, madame la ministre, risquent d'approfondir ce phénomène de paupérisation, par exemple en alignant la durée d'indemnisation du chômage des plus de 55 ans sur celle des autres chômeurs, ce qui est à rebours des objectifs que devrait viser une politique publique et budgétaire véritablement adaptée aux besoins du pays.

Et pourtant, vous confirmez votre volonté de réduire la dépense publique à tout prix ; vous persistez dans vos choix dogmatiques en refusant d'agir sur la fiscalité des plus aisés de notre pays, alors que les dividendes explosent et que les patrimoines prospèrent. Ces options réduisent la capacité de l'État à agir pour répondre aux grands défis de notre temps.

De plus, le FMI nous recommandait aussi d'« apporter en priorité une aide aux ménages pour leur garantir un accès aux biens et services de base et à un niveau de vie décent ». Il ajoutait que, « pour éviter des séquelles permanentes », nous devions « privilégier un soutien aux entreprises viables, afin de limiter les licenciements et les faillites ».

Ainsi, s'il fallait intervenir massivement pour atténuer la crise de la covid-19 et la crise énergétique qui a suivi, il aurait sans doute fallu mieux cibler et contrôler les aides massives dont les entreprises ont bénéficié sans conditionnalité réelle ni suivi sérieux.

Le FMI nous appelait à « renforcer les principes de bonne gouvernance à la hauteur de l'ampleur des mesures prises » et à « avoir une comptabilité précise, divulguer l'information fréquemment, complètement et en temps opportun et adopter des procédures permettant une évaluation a posteriori et une responsabilisation ». En bref, les dirigeants devraient prendre toutes les mesures nécessaires, mais veiller à en garder une trace. Nous en sommes loin, au vu de l'opacité qui règne sur le bouclier tarifaire, de l'amortisseur et d'autres suramortisseurs, pour lesquels nous ne disposons pas d'une évaluation fine à ce jour.

Les programmes d'évaluation fixés par les dernières lois de programmation des finances publiques n'ont pas été respectés. Ainsi, sur les onze évaluations prévues dans le programme de travail pour 2022, aucune n'a été réalisée. Certains dispositifs, y compris à fort enjeu, n'ont en outre pas fait l'objet d'évaluation depuis dix ans. C'est la Cour des comptes qui le disait, en juillet dernier…

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