Madame la présidente, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame la rapporteure pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens à remercier les rapporteurs et les orateurs des groupes pour leur analyse précise et approfondie, comme c'est toujours le cas dans cette enceinte, des crédits des missions examinées.
Je m'efforcerai, dans le temps qui m'est imparti, de répondre aux principaux sujets soulevés, et structurerai mon propos autour des trois blocs de politiques publiques de cette discussion.
Je commencerai par les engagements financiers de l'État
Le Gouvernement partage naturellement la préoccupation exprimée par Albéric de Montgolfier sur l'évolution des taux d'intérêt.
Notre programmation budgétaire intègre déjà, comme vous le savez, une hausse des taux d'intérêt, dans le contexte de normalisation de la politique monétaire. Le scénario retenu est celui d'une remontée progressive des taux longs.
Ainsi, le projet de loi de finances repose sur l'hypothèse que le taux d'intérêt à dix ans s'établirait à 3, 40 % à la fin de 2023, puis à 3, 50 % à la fin de 2024, et à 3, 60 % à la fin de 2025. Actuellement, il évolue dans une fourchette comprise entre 3, 10 % et 3, 30 %. La situation sur les marchés, bien que volatile, est toujours cohérente avec les prévisions sous-jacentes au PLF 2024.
Le scénario de hausse progressive des taux d'intérêt est également cohérent avec le scénario macroéconomique du Gouvernement et avec la cible d'inflation de la Banque centrale européenne, dont le mandat est de maintenir l'inflation de long terme proche de 2 %.
Je souhaite rappeler ensuite que le calibrage du montant retenu pour les appels en garantie en 2024 des prêts garantis par l'État prend appui sur les calculs réalisés par la Banque de France pour la Direction générale du Trésor. Ces derniers sont actualisés au moins deux fois par an. L'évolution des appels en garantie dépend étroitement de l'évolution de la conjoncture économique et financière, de la dynamique des défaillances d'entreprises et de leur santé financière.
Sur la base des dernières modélisations de la Banque de France, le montant total de pertes brutes est estimé à 6, 4 milliards d'euros pour la période 2020-2028, soit 4, 44 % en proportion. Comme ces pertes seront en partie compensées par des recettes issues des primes perçues, les pertes nettes sont estimées à 3, 6 milliards d'euros.
En ce qui concerne la dette covid, que plusieurs d'entre vous ont mentionnée, son isolement dans un programme budgétaire dédié revêt avant tout des vertus pédagogiques. Le programme 369 vise principalement à retracer dans les comptes publics, de manière lisible et claire, le montant de la dette de l'État qui résulte de la crise sanitaire et à afficher une trajectoire de résorption de cette dette entre 2022 et 2042.
J'espère répondre aux observations du rapporteur général et du rapporteur spécial sur l'inscription de 6, 5 milliards d'euros au titre de la contribution au désendettement de l'État.
Le programme 369 permet de matérialiser le coût complet de l'effort national, dans un esprit de transparence, de lisibilité et de responsabilité quant à la gestion de nos finances publiques.
Il s'agit de pouvoir faire le point chaque année d'ici à 2042 sur l'état de remboursement de la dette de l'État liée à la crise covid, sachant que celle-ci se montait à 165 milliards d'euros à la fin de 2021 – je sais que vous êtes attentifs à ce sujet, même si nous n'avons pas d'accord en la matière.
J'en viens maintenant au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
Je souhaite revenir sur les observations du rapporteur spécial Claude Raynal, qui juge délicate toute analyse prévisionnelle des crédits inscrits sur ce compte spécial, en raison du caractère confidentiel de la majeure partie des opérations que ces crédits ont vocation à financer.
Puisque les opérations patrimoniales financées à partir de ce compte visent la défense des intérêts stratégiques de l'État, le caractère confidentiel de ces opérations doit être absolument préservé, afin de ne pas mettre en cause leur réalisation et de ne pas porter préjudice aux intérêts patrimoniaux de l'État, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises cotées.
Cela étant, le Gouvernement s'efforce de satisfaire de plusieurs manières l'obligation d'information et de transparence à l'égard du Parlement qui est la sienne : publication de la documentation budgétaire exigée par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), réponses aux sollicitations du Parlement tout au long de l'année budgétaire, audition du commissaire aux participations de l'État, contrôle de l'Agence des participations de l'État (APE) par plusieurs corps d'inspection.
Grâce à l'ensemble de ces dispositifs, la représentation nationale dispose d'un très haut niveau d'information et d'une forte capacité de contrôle sur les crédits inscrits au sein du compte d'affectation spéciale.
Toujours en réponse à M. Raynal, je tiens à dire que notre vision d'un État stratège existe bel et bien. Elle se concrétise par le recours à trois outils d'intervention en fonds propres, dont les doctrines sont complémentaires.
La Caisse des dépôts et consignations (CDC) investit sans horizon de temps, en tant qu'actionnaire stratégique d'influence ou de contrôle, dans des secteurs prioritaires, tout en restant attachée à certains niveaux de rentabilité.
La Banque publique d'investissement (BPI) investit par ailleurs en tant qu'actionnaire minoritaire actif au capital d'entreprises françaises, à l'occasion d'une évolution actionnariale et aux côtés d'un actionnaire majoritaire, ou de référence, pour assurer un actionnariat français dans ces entreprises, avec un horizon d'investissement qui s'apparente à celui d'un fonds d'investissement, même si la durée de détention n'est pas fixée ex ante.
L'APE est, pour sa part, un actionnaire stratégique sur les sujets les plus critiques. Son intervention conjugue un fort niveau de contrôle de l'État - l'État est majoritaire dans quarante-quatre des quatre-vingt-trois entreprises dans lesquelles il est actionnaire -, une priorité donnée aux objectifs stratégiques ou industriels sur les attentes de rendement, et des capacités financières pouvant être gérées sur le long terme et sans limite d'horizon d'investissement.
Par ailleurs, je souhaiterais préciser la doctrine d'emploi du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
La part des recettes du budget général dans le montant total de ses recettes qui est mentionnée dans le rapport de Claude Raynal est moindre qu'annoncé : tandis que le rapport avance une part de 98 %, celle-ci n'est que de 65, 7 % à la fin de novembre 2023 au sein des recettes totales du compte, hors prise en compte du report de solde de 2022 sur 2023.
La part des recettes du budget général au sein des recettes du CAS a sensiblement évolué ces dernières années : faible entre 2017 et 2019, cette part a augmenté sur la période 2020-2022, en raison des besoins de financement des opérations effectuées sur la période en lien avec la crise de covid-19 – Air France-KLM, SNCF, fonds sectoriels –, et d'opérations capitalistiques de grande ampleur, comme celles qui ont été menées avec le groupe EDF.
In fine, le CAS « Participations financières de l'État » est le seul instrument budgétaire permettant le financement des opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante. Dès lors qu'une opération patrimoniale s'impose, elle doit pouvoir être réalisée via ce compte, quelle que soit la nature de la recette.
Je termine avec la mission « Remboursements et dégrèvements ».
En premier lieu, la hausse marquée des remboursements de la TVA en 2023 et la poursuite anticipée de cette hausse en 2024 nécessitent, comme l'a fort justement relevé le rapporteur spécial Pascal Savoldelli, une vigilance accrue quant aux risques de montages frauduleux.
Cette vigilance doit permettre d'assurer la pérennité d'un dispositif apprécié des entreprises, qui contribue à leur liquidité dans un contexte d'incertitude. Compte tenu de la part majoritaire que représente ce dispositif dans les crédits dédiés aux remboursements et aux dégrèvements d'impôts de l'État – 58, 3 % –, la lutte contre la fraude à la TVA en particulier constitue l'un des objectifs prioritaires du Gouvernement.
En deuxième lieu, les moyens juridiques évoluent afin de moderniser les méthodes de contrôle et de mieux lutter contre les différentes formes de fraude. L'arsenal juridique s'est accru avec la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude et la loi de finances pour 2020, en même temps que la coopération entre les administrations sur le sujet. Celles-ci peuvent procéder à des croisements de données et d'applications. En outre, une nouvelle impulsion interministérielle à la politique de lutte contre la fraude est engagée, afin de donner la priorité aux partages opérationnels de renseignements et à la définition de stratégies communes d'action entre les différentes administrations partenaires.
Sur un plan opérationnel, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) a également engagé des actions spécifiques en ciblant des secteurs à risque, par exemple l'utilisation abusive du régime de TVA sur la marge dans le secteur du négoce des véhicules d'occasion.
La DGFiP s'est aussi engagée dans une démarche de généralisation de la facturation électronique aux personnes assujetties à la TVA.
L'augmentation de 15 % d'ici à la fin du quinquennat des effectifs du contrôle fiscal et de la lutte contre la fraude fiscale - 1 500 équivalents temps plein (ETP) en plus - et le doublement dès 2025 des effectifs d'officiers fiscaux judiciaires du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF) illustrent l'ampleur des moyens déployés en matière de lutte contre la fraude.
En ce qui concerne les remboursements liés à des politiques publiques, je souhaite rappeler que le crédit d'impôt recherche a pour objectif de stimuler les investissements des acteurs privés en recherche et développement.
Un mot enfin sur la suppression des parts communale et départementale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : l'enjeu est de poursuivre la baisse de la fiscalité de production, en supprimant intégralement l'impôt qui génère le plus d'effets économiques « distorsifs ». C'est une réforme essentielle au redressement productif de notre pays.
Mon propos ne sera pas plus long, afin de respecter le temps qui m'est imparti. J'espère avoir répondu à l'essentiel de vos questions.