Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 1er décembre 2023 à 9h00
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’exercice auquel nous nous livrons ce matin est particulièrement frustrant et pose la question de l’utilité du Parlement après quatre recours à l’article 49.3. Ce mépris des parlementaires et de la démocratie lors de l’examen d’un budget si important n’est pas acceptable.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas un gadget financier réservé aux seuls technocrates de Bercy et de Bruxelles.

L’examen du budget de la sécurité sociale devrait donner lieu à un débat sur les stratégies d’amélioration de la société au travers des prestations sociales financées par le salaire socialisé.

Au lieu de cela, année après année, les gouvernements successifs ont imposé leurs politiques d’austérité et réduit la part du financement de la sécurité sociale par les entreprises.

Pour 2024, les exonérations des entreprises atteindront le record de 87, 9 milliards d’euros. Ces exonérations de cotisations patronales compensées par l’État seront financées, à hauteur de 28 %, directement par des recettes de la TVA, soit 63 milliards d’euros, le reste le sera par la contribution sociale généralisée (CSG) et par des taxes diverses.

Notre crainte est de voir notre modèle de sécurité sociale complètement modifié à force de remplacer les cotisations des entreprises par des impôts payés par nos concitoyens. Le Gouvernement refuse d’augmenter les recettes et préfère réduire les dépenses, ponctionner les caisses de l’Unédic ou « faire les poches » des patients.

Vous refusez d’écouter l’ensemble des acteurs, des associations, des fédérations, des syndicats et des experts qui dénoncent l’insuffisance des moyens face à l’explosion des besoins.

En refusant d’entendre que le niveau des dépenses de santé est inférieur à l’évolution naturelle des coûts, vous appliquez la stratégie de l’autruche. En réalité, avec l’inflation, votre budget est en quasi-stagnation pour 2024.

La majorité sénatoriale, de son côté, a défendu les moyens insuffisants des hôpitaux, lors de la première lecture du projet de loi, et déposé une motion tendant à opposer la question préalable, à l’occasion de sa nouvelle lecture, au nom du risque de dérapage des dépenses.

Pour comprendre ce grand écart, je vous invite à lire l’interview du président Retailleau dans le journal l ’ Opinion en date du 23 novembre dernier, qui s’inquiète du « laxisme budgétaire généralisé ». Le déficit de la sécurité sociale serait le résultat non pas du marchandage entre la droite et le Gouvernement sur les mesures de compensation de la réforme des retraites, mais du « mythe de la gratuité » qui « a plombé notre système social ».

Toujours selon le président Retailleau, il faudrait donner « toute sa place au privé » dans le secteur de la santé et « supprimer le statut dans la fonction publique ».

On retrouve ici le programme de François Fillon de 2017 en faveur de l’austérité et de la remise en cause de l’ensemble des acquis sociaux. Cette clarification politique qui repose sur un libéralisme exacerbé démontre la proximité idéologique de la droite sénatoriale et du Gouvernement.

Pour notre part, nous défendons un modèle de société et un financement de la sécurité sociale totalement opposés.

Plutôt que de défendre les intérêts des puissants et des grands groupes financiers, nous visons l’émancipation de tous par un haut niveau de protection sociale.

Pour y parvenir, il faut augmenter les recettes et, pour cela, supprimer les exonérations de cotisations des entreprises, mettre à contribution les revenus financiers et taxer les établissements lucratifs qui s’enrichissent sur le dos de nos anciens.

Ainsi, nous aurons les moyens de lutter contre les pénuries de médecins, tout en augmentant ceux des universités et en développant les centres de santé.

Avec cet argent, nous pourrions lutter contre les pénuries de médicaments, en créant un pôle public du médicament.

Avec ces recettes nouvelles, nous pourrions revenir sur l’allongement de la durée de cotisation et sur le report de l’âge légal de départ à la retraite.

En bref, nous aurions véritablement un programme des « jours heureux », ce qui n’est pas le cas avec ce budget.

Pour toutes ces raisons, nous refusons ce PLFSS pour 2024 et nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable.

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