Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, longtemps, la France a été très fière de son école. Notre modèle faisait une grande promesse : accueillir tous les enfants gratuitement, sans distinction, pour leur permettre de devenir des citoyens éclairés et éduqués.
De Charles Péguy à Albert Camus, l’école a fait émerger de grandes figures issues de milieux modestes, les arrachant au déterminisme social. Pour d’innombrables enfants, cette promesse d’ascenseur social a bien été tenue.
Je le sais d’autant mieux que j’en ai bénéficié moi-même et je veux le dire simplement, avec toute la reconnaissance de la jeune fille que je fus, élevée aux côtés de neuf frères et sœurs, issue d’un milieu modeste, élève boursière scolarisée dans un lycée alors en zone d’éducation prioritaire (ZEP), dans le Val-de-Marne.
Je sais ce que je dois à cette école républicaine : je lui dois tout. Elle m’a même appris le français, une langue que nous ne parlions pas à la maison.
J’en ai tiré la conviction que, dans la vie, tout est possible, rien n’est déterminé, rien n’est donné, rien n’est facile ; il faut savoir affronter les difficultés avec courage et, surtout, travailler toujours.
Je repense depuis cet hémicycle avec émotion et fierté aux professeurs dévoués qui m’ont accompagnée durant toute ma scolarité.
L’ascenseur social s’appuyait sur un principe fondateur : la méritocratie. Pourtant, monsieur le ministre, cet ascenseur social est maintenant bloqué. Les idéologues du progressisme et les apprentis sorciers du pédagogisme ont qualifié la méritocratie républicaine de « chimère », et lui ont préféré le nivellement par le bas.
Les résultats de l’enquête sur les collégiens montrent l’effondrement sans précédent de leur niveau, je ne reviens pas sur les chiffres qui ont été égrenés par notre collègue Max Brisson. La crise est systémique, elle touche aux performances mêmes de notre éducation.
De plus, les inégalités s’aggravent ; notre système est devenu, au sein de l’OCDE, celui où l’origine sociale pèse le plus sur la réussite éducative. En succombant au mirage de l’égalitarisme, nous avons creusé un gouffre entre élèves, séparant les plus favorisés des plus défavorisés.
La crise de l’école touche également les personnels. Les hussards de la République ont laissé place à des enseignants déconsidérés et trop souvent démotivés ; elle frappe aussi l’institution : le nombre d’écoles privées hors contrat a doublé en dix ans.
Monsieur le ministre, vous l’avez fort justement rappelé en commission : à l’école de la République, on n’hérite pas d’un destin, mais on se forge un avenir. Qu’avons-nous fait de ce principe ? L’heure est au sursaut.
Avec la laïcité, que vous avez défendue avec courage, et la lutte contre le harcèlement scolaire, le redressement du niveau doit être une priorité. Il nous faut prendre le mal à la racine : la crise de l’école est d’abord une crise morale causée par des années de renoncements et de fausse route.
Nous attendons donc que vous lui apportiez une réponse globale et ambitieuse, qui considère l’ensemble des difficultés du métier d’enseignant et la réalité du niveau des élèves.
Pour y parvenir, nous devons répondre aux besoins fondamentaux des élèves – lire, écrire et compter –, aux besoins de formation initiale et continue, à la crise d’autorité et au manque de reconnaissance ainsi qu’aux défis posés par le numérique, qui dégrade les capacités de concentration et d’apprentissage de nos enfants.
Monsieur le ministre, réhabilitons le travail, l’excellence, le mérite, sortons des approches homogènes, notamment des illusions du collège unique, pour rétablir l’équité grâce à des groupes de niveau et à des suivis personnalisés tenant compte des différents rythmes d’apprentissage.
Il y a urgence à refonder l’école républicaine pour rendre à la France sa fierté, aux familles, la sérénité à laquelle elles aspirent et aux nouvelles générations, l’avenir qu’elles méritent !