Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les deux programmes que je rapporte et qui portent les crédits dédiés à l’enseignement supérieur bénéficient, cette année encore, d’une hausse importante. Ils atteignent 18, 5 milliards d’euros, ce qui représente près de 500 millions de plus que l’année précédente.
Si, habituellement, les universités sont les premières bénéficiaires de ces augmentations, l’année 2024 inverse la tendance en concentrant une grande part des moyens sur la vie étudiante. La réforme des bourses sur critères sociaux a entraîné une hausse de 9 % des crédits qui y sont consacrés.
Comme les années précédentes, je partage avec mon collègue Jean-François Rapin la satisfaction de voir que les engagements figurant dans la loi de programmation de la recherche (LPR) sont respectés dans ce budget, avec le recrutement supplémentaire de 525 doctorants et jeunes chercheurs. Mais, comme je l’avais également souligné en 2022, la forte inflation a largement érodé la trajectoire financière fixée en 2020.
Or l’inflation, vous le savez, a également entraîné la mise en place de mesures salariales générales pour la fonction publique. Et pourtant, le choix a été fait par le Gouvernement de ne compenser les établissements qu’à hauteur de la moitié de la hausse du point d’indice en 2024, sans d’ailleurs ajouter de moyens supplémentaires pour la moitié de 2023.
Les établissements doivent donc mobiliser leurs fonds propres, à hauteur d’environ 150 millions d’euros, pour exécuter une mesure pourtant décidée par l’État. En revanche, ils devraient disposer d’un report de 100 millions de crédits supplémentaires, votés en 2022, afin d’absorber une part de leurs surcoûts énergétiques. Nous aurons l’occasion d’y revenir, car plusieurs amendements portent sur ces questions.
Je voudrais revenir sur deux tendances de long terme, qui transforment progressivement l’enseignement supérieur public.
La première est liée au développement de l’apprentissage : le nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur a crû de 140 % depuis 2017. En deux ans, il a même plus que doublé dans certaines filières comme les écoles de commerce.
L’apprentissage constitue le plus souvent un atout de formation pour les étudiants, doublé d’une réponse économique à la poursuite de leurs études. Mais tout vertueux soit-il par construction, le développement de l’apprentissage constitue aussi, en quelque sorte, une forme d’externalisation du financement de l’enseignement supérieur.
La deuxième tendance est liée à l’enseignement supérieur privé, dont le développement se nourrit en partie des déceptions qu’a fait naître Parcoursup : le nombre d’étudiants y a augmenté de 68 % entre 2014 et 2023. Le secteur privé représente ainsi désormais 40 % des étudiants en écoles d’ingénieurs.
Ce développement accéléré doit être un signal pour l’enseignement public. L’enjeu est d’éviter que le public ne perde en attractivité. Il est donc crucial de veiller au contenu global des formations délivrées bénéficiant d’un agrément du ministère.
La loi de finances pour 2023 consacrait 35 millions d’euros à la mise en place expérimentale des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) avec certaines universités. Ce montant a été maintenu en 2024, mais sans moyens nouveaux. Si l’idée est intéressante, les montants concernés sont bien trop faibles pour constituer un véritable levier incitatif pour les universités.
J’en viens maintenant aux moyens consacrés à la vie étudiante, qui constituent l’autre pan de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Comme je vous l’ai indiqué, les bourses sur critères sociaux ont été réformées à la rentrée 2023. Cette réforme était plus que nécessaire, dans la mesure où les plafonds de ressources n’ayant pas été revalorisés depuis 2013, le nombre d’étudiants boursiers était en constante érosion. Entre 2021 et 2022, on dénombrait 80 000 étudiants boursiers de moins, alors même que la crise sanitaire avait accru les phénomènes de précarité étudiante. En conséquence, les montants ouverts au titre des bourses étudiantes ont été fortement sous-consommés au cours des deux dernières années.
La réforme des bourses prévoit, outre une revalorisation des plafonds qui devrait accroître le nombre d’étudiants éligibles, une augmentation de trente-sept euros par mois. Des mesures spécifiques sont prévues pour les étudiants en situation de handicap ou aidants, ainsi que pour les étudiants ultramarins. Le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024 au titre des bourses sur critères sociaux s’élève à 2, 5 milliards d’euros.
En parallèle, la subvention versée au réseau des œuvres universitaires progressera de 69, 8 millions d’euros. Il s’agit toutefois non pas de moyens nouveaux, mais d’un ajustement pour tenir compte de l’accroissement de l’offre de restauration des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), ainsi que du gel des loyers dans les résidences étudiantes. Le Gouvernement a cependant augmenté de 110 équivalents temps plein) le plafond d’emplois du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) à l’occasion du recours à l’article 49.3, ce qui devrait redonner une respiration à cet établissement, qui en a besoin.
Différents dispositifs à destination des étudiants précaires, notamment le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et le gel des loyers dans les résidences étudiantes, pèsent fortement sur les ressources des Crous.
Le modèle économique du réseau des Crous, qui a été très exposé pendant la crise sanitaire, est désormais fragile. La hausse des coûts des denrées alimentaires a engendré un effet ciseaux, le nombre de repas servis augmentant en parallèle du renchérissement des prix alimentaires. La fréquentation des restaurants universitaires croît, dans le même temps, très rapidement : l’activité à la rentrée 2023 était supérieure de 7 % à l’année précédente, alors qu’elle avait déjà augmenté de 20 % par rapport à 2021. Cela doit constituer un point de vigilance.
Au vu des efforts consentis dans ce budget, la commission des finances propose d’adopter les crédits de la partie de la mission consacrée à l’enseignement supérieur.