Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, voilà peu, à cette tribune, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Vidal, déclarait que la loi de programmation de la recherche constituerait l’investissement dans la recherche le plus important consenti par l’État depuis la Libération.
En juillet de cette année, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, formé dans les grandes écoles, vouait aux gémonies les universités parce qu’elles auraient accumulé 3, 8 milliards d’euros de liquidités.
Ce chiffre jeté en pâture aux auditeurs d’une radio nationale contribue à entretenir une suspicion de principe contre l’université, qui serait en l’occurrence incapable d’utiliser correctement l’argent public. Les universités se plaignent du manque de moyens, mais dorment sur des matelas d’argent thésaurisé, voilà l’image détestable colportée par Bercy pour justifier sa ponction.
Cette petite forgerie budgétaire n’a d’autre projet que de réduire quelque peu, pour la seule année 2024, une hausse du déficit budgétaire structurel. Si Bercy estime que les universités bénéficient de moyens budgétaires trop importants pour satisfaire leurs missions de service public, le ministère de l’économie et des finances aurait dû alors avoir l’honnêteté de demander une baisse de leurs dotations.
La situation budgétaire des universités est tout autre. De nombreuses universités n’ont quasiment plus de fonds de roulement, et bientôt la majorité d’entre elles seront obligées de voter des budgets en déséquilibre. Pour certaines, il s’agira de leur deuxième année de déficit – madame la ministre, vous avez d’ailleurs demandé aux rectorats d’agir avec circonspection pour ne pas les placer sous tutelle.
In fine, il ne faudrait pas que les universités, privées de leur autonomie budgétaire, en viennent à demander aux rectorats de préparer leurs contrats d’objectifs, de moyens et de performance !
Plus sérieusement, madame la ministre, quelle sincérité accorder à ces contrats d’association avec votre ministère si Bercy peut, quand il le veut, soutirer la trésorerie des universités ? Il est regrettable de devoir rappeler que les universités n’ont pour seule solution que de financer leurs investissements avec leurs marges budgétaires.
En obligeant les universités à financer la totalité du glissement vieillesse technicité de leur masse salariale ainsi qu’une partie des mesures salariales nationales en faveur des fonctionnaires tout en les privant de leur capacité d’investissement, le Gouvernement les place sous curatelle budgétaire.
Par ailleurs, j’observe avec crainte la nouvelle affirmation d’une critique sur les formations délivrées par l’université, que d’aucuns considèrent comme insuffisamment adaptées au marché de l’emploi.
De nouveau, rappelons que l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur ne baisse pas et se maintient même à des pourcentages proches de 90 %. C’est d’ailleurs ce très haut niveau d’insertion qui explique l’attrait de l’université, notamment pour ceux qui sont en recherche de progression sociale.
Chers collègues, je le dis avec gravité : je pense que l’encadrement strict de la gestion budgétaire des universités et la contestation de leurs libertés pédagogiques constituent une révision insidieuse de leur autonomie. Vous avez défendu et vous défendez toujours la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, portée par Mme Pécresse, dont l’autonomie des établissements était l’objectif politique majeur. Comment ce principe peut-il continuer à être mis en œuvre si les universités sont contraintes de la sorte ?
Je regrette vivement que la commission des finances du Sénat participe à l’affaiblissement de nos capacités de recherche et de formation en déposant un amendement qui priverait les moyens généraux du CNRS de 100 millions d’euros.