Intervention de Annick GIRARDIN

Réunion du 1er décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Annick GIRARDINAnnick GIRARDIN :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de cette mission nous permet, au-delà du budget de la recherche et de l’enseignement supérieur pour l’année 2024, d’aborder les importants enjeux de souveraineté et d’indépendance de notre pays.

Que ce soit dans les domaines de la santé, de l’industrie, de la transition écologique ou encore du numérique, nos scientifiques s’illustrent et sont reconnus. Je pense à Anne L’Huillier, à Pierre Agostini ou à Alain Aspect, tous trois récents lauréats du prix Nobel de physique.

Tout cela, nous le devons à notre stratégie en matière de recherche, qui s’appuie depuis quatre ans sur les engagements financiers de la loi de programmation de la recherche.

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du budget 2024 sont en augmentation de 1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Il s’agit d’un bon signal envoyé en direction de la communauté universitaire et scientifique, laquelle ne demande qu’à porter dans les meilleures conditions l’excellence française.

Nous saluons les efforts de cette mission tout en vous rappelant la nécessité d’inscrire enfin une clause de revoyure de la LPR et en vous alertant sur quatre points.

Premièrement, les effets des mesures dites Guerini de revalorisation salariale inquiètent. Je me réjouis de ces augmentations, qui étaient bien évidemment nécessaires, car le monde de la recherche mérite de la reconnaissance et doit être plus attractif encore, mais la question de leur financement se pose malgré tout.

Les universités sont invitées à recourir à la part mobilisable de leur fonds de roulement et craignent, de ce fait, de devoir reporter des investissements pourtant nécessaires à la rénovation et à la décarbonation des bâtiments universitaires.

Madame la ministre, vous avez assuré devant la commission que ces prélèvements n’amputeraient pas les projets en cours. Cette ambition est-elle tenable ?

Ne pensez-vous pas que cette inquiétude est renforcée par le manque de visibilité pluriannuelle dont souffre le monde universitaire, qui fait face à des problématiques immobilières, de recrutements de professeurs et de démultiplication des effectifs d’étudiants ?

Deuxièmement, la question de la précarité croissante des étudiants reste prégnante depuis quelques années – d’autres l’ont dit. Elle a été mise en lumière au moment de la crise sanitaire de 2020. Le coût de la rentrée étudiante est désormais de 3 000 euros. Les étudiants sont également les premières victimes de la rareté des logements accessibles. L’augmentation des prix alimentaires conduit plus d’un tiers des étudiants à sauter un repas par jour, et beaucoup d’entre eux tapent désormais à la porte des Restos du Cœur ou d’autres associations, dont je salue l’engagement.

Nous savons aussi que les jeunes ont des problèmes de santé. Le groupe RDSE a d’ailleurs déposé une proposition de résolution sur la nécessité de mieux prendre en compte leur santé mentale.

Si ce projet de loi de finances apporte quelques réponses à ces questions – gel des loyers, reconduction du dispositif du repas à 1 euro dans les Crous, augmentation des bourses –, nous attendons néanmoins une réforme systémique qui prenne en compte tous les paramètres de la vie étudiante. Comment mieux accompagner nos étudiants ? Comment leur offrir de meilleures conditions d’études dans leurs universités ou dans leurs nombreuses écoles ? Faut-il pour autant aller vers l’« allocation autonomie universelle » ? Le débat est ouvert ; ce qui est sûr, c’est que nous devons trouver la solution la plus équitable socialement.

Troisièmement, je m’inquiète de la situation spécifique de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), seul organisme national de recherche entièrement dédié à la mer, de la côte au large, de la surface aux abysses. Le budget de cet établissement est en très fort déséquilibre, ce qui s’explique surtout par l’accroissement des demandes nouvelles – nous en sommes tous responsables, moi comprise – sans octroi de recettes supplémentaires.

Les efforts financiers demandés à cet établissement sont incompréhensibles, alors que l’océan est au premier plan des priorités nationales, européennes et internationales, ce dont nous devons nous réjouir. Le Président de la République a exprimé, lors du sommet international de Brest Un océan, mais également, voilà quelques jours, aux assises de l’économie maritime, à Nantes, le souhait que l’Ifremer soit au centre de cette évolution. Il convient donc de mobiliser des ressources nouvelles pour régler cette situation insoutenable.

Quatrièmement, enfin, je veux évoquer la croissance forte de l’offre éducative privée des fameux Eespig, issus de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite Fioraso. Quel est l’impact de cette offre sur la mixité sociale ? Quelle évaluation est-elle faite de la qualité des formations qui y sont dispensées ? L’État ne doit-il pas rapidement renforcer ses relations contractuelles avec l’enseignement privé sous contrat ? C’est en tout cas ce que recommande la Cour des comptes. Ce qui est certain, c’est qu’il faut trouver un équilibre ; les Eespig doivent représenter une offre éducative complémentaire et non concurrente du système public.

Mes chers collègues, malgré ces quelques observations, le groupe RDSE est favorable à l’adoption des crédits de cette mission : si cette dynamique doit être ajustée, elle ne doit surtout pas être enrayée.

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