Intervention de Yan Chantrel

Réunion du 1er décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Yan ChantrelYan Chantrel :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les propos tenus par le Président de la République en cette rentrée 2023 résonnent encore dans nos universités. Quelle ne fut pas leur stupeur en entendant le chef de l’État accuser les présidents d’université d’être de mauvais gestionnaires, responsables d’un « gâchis collectif » ! Ils ont été particulièrement meurtris de vous entendre renchérir, vous, madame la ministre, leur ancienne collègue, quand vous leur avez enjoint de puiser dans « un argent public qui dort » !

Non, nos universités ne sont pas assises sur un magot de 1 milliard d’euros ! Non, leurs fonds de roulement ne sont pas une manne financière pour un État qui voudrait se dégager de ses responsabilités vis-à-vis de nos futures générations.

Vous le savez très bien, la plupart de ces fonds de roulement ne sont pas mobilisables, car ils sont fléchés sur des plans pluriannuels, des projets de recherches ou sur la rénovation thermique des bâtiments. Que dire d’ailleurs des universités dont le fonds de roulement est négatif, parce qu’elles ont dû contrebalancer l’insuffisante compensation par l’État de l’inflation, des surcoûts de l’énergie et de l’augmentation de la masse salariale liées aux mesures Guerini, au GVT ou à la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) ? Ces universités ont déjà dû faire des sacrifices dans leur recrutement et dans leur offre de formation et vous leur demandez de se saborder !

Comment s’étonner que le privé progresse, dès lors que l’on s’obstine à affaiblir nos établissements publics ? Plutôt que de les pousser au déficit, vous devriez les aider à faire des économies de long terme, via une meilleure optimisation des surfaces, la rénovation énergétique des bâtiments et même la production d’énergie solaire ou de biomasse. Simplement, pour cela, elles auraient besoin d’un grand plan d’investissement. Nous avons déposé un amendement en ce sens.

Nos universités résonnent aussi des propos du Président de la République sur le personnel enseignant. Non, certaines formations ne sont pas maintenues « simplement pour préserver des postes d’enseignants » !

Quel mépris pour nos enseignants-chercheurs, eux qui souffrent de voir les tâches administratives ingrates, quand elles ne sont pas absurdes, prendre toujours plus de temps sur leurs activités de recherche, des tâches que même le sacrifice de leurs vacances ne vient pas rattraper.

Quel signal envoyé à nos doctorants, alors que nous vivons une véritable crise des vocations. D’ici à 2033, près de 50 % des agents du secteur partiront à la retraite. Or les métiers du supérieur souffrent d’un tel manque d’attractivité que nous risquons de ne pas pouvoir assurer les remplacements.

À l’inverse, la population étudiante a fortement augmenté ces dix dernières années, mais elle s’est aussi beaucoup paupérisée : 27 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté et 56 % affirment rencontrer des difficultés financières au point de réduire leur alimentation. Il y a urgence !

Nos étudiants attendent avec impatience la réforme des bourses tant promise. Nous saluons l’augmentation de 6 % des plafonds de ressources qui devrait rendre éligibles aux bourses 35 000 nouveaux étudiants et l’augmentation de trente-sept euros par mois pour l’ensemble des échelons. C’est particulièrement important devant la hausse de 15 % en un an des frais alimentaires et l’augmentation de plus de 5 % de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Ne les décevez pas avec une énième réforme paramétrique, qui ne répondrait ni à la grande précarité dont ils souffrent ni à leur absence de statut dans une société qui invisibilise encore trop leurs difficultés.

La poursuite du dispositif du repas à un 1 euro pour les boursiers et pour les précaires est heureuse, mais nous déposerons un amendement visant à l’étendre à tous les étudiants et à toutes les étudiantes, comme l’avait proposé notre collègue députée Fatiha Keloua Hachi.

Le logement est devenu inabordable : 38 % des étudiants peinent à payer leur loyer, lequel a augmenté de 9 % en moyenne sur un an. Le phénomène des étudiants vivant en camping ou en caravane se répand de façon inquiétante sur tout le territoire.

Le gel des loyers en résidence universitaire est une bonne nouvelle pour celles et pour ceux qui ont un logement Crous. Pourtant, ils sont trop peu nombreux : 15 % à Strasbourg et 8 % à Paris. Il est urgent de construire de nouveaux logements étudiants ; nous défendrons des amendements en ce sens.

Nous nous réjouissons aussi des 10 millions d’euros qui permettront de soutenir les étudiants en situation de handicap et les étudiants aidants. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire en matière de santé physique et mentale, dont nous savons qu’elle est le premier budget sacrifié.

Nos universités ont besoin de moyens et de soutien, mais surtout d’un discours positif, qui valorise leur contribution à la société. À l’heure où l’on parle de réindustrialisation, de souveraineté et de transition énergétique, l’enseignement supérieur représente un levier majeur pour l’économie française, à condition de lui en donner les moyens et d’investir dans notre jeunesse.

Ce gouvernement persiste à sous-estimer cet enjeu, c’est pourquoi nous voterons contre les crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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