Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le logement touche à la dignité des Français et à leur pouvoir d’achat – il représente 40 % des dépenses contraintes des ménages modestes –, mais également à leurs conditions d’emploi, dans la mesure où 50 % des chômeurs hébergés dans les logements sociaux renoncent à une opportunité professionnelle leur imposant une mobilité géographique.
Or notre pays s’enfonce depuis six ans dans une crise durable du logement abordable.
Malgré les alertes répétées, l’immobilisme du Gouvernement n’est plus acceptable ; année après année, celui-ci passe à côté des propositions les plus indispensables qui pourraient donner un nouveau souffle et un nouveau cap à une politique du logement réduite à la survie depuis 2017 : encadrement du foncier, inversion de la fiscalité sur sa détention, soutien aux maires constructeurs et action plus efficace contre la précarité énergétique.
En cette année 2023, l’espoir était permis : vous sembliez enfin, monsieur le ministre, prendre la mesure de la bombe sociale que constitue la crise du logement que nous traversons.
Malheureusement, vous n’avez pu nous offrir qu’une nouvelle mauvaise mise en scène d’un triste spectacle, avec le Conseil national de la refondation (CNR) concernant le logement, qui s’est révélé être une sorte d’acte II de la Convention citoyenne, tant le sentiment de déjà-vu était saisissant.
Durant six mois, les acteurs du secteur se sont fortement mobilisés ; l’union sacrée que vous appeliez de vos vœux était à portée de main. Leur travail a permis de produire des centaines de propositions pour développer la production de logements sociaux, pour garantir l’accès à un logement durable et abordable, pour redonner de la vigueur aux territoires et pour en finir avec le mal-logement.
Bref, nous avons assisté à une séquence politique qui s’est soldée, une fois de plus, par un camouflet, car l’envers du décor, ce fut le Président de la République évoquant la politique du logement de notre pays en parlant de « surdépenses publiques pour de l’inefficacité collective ».
Nous faisons donc face à une crise structurelle, et la responsabilité des gouvernements successifs depuis 2017 est entière.
Lorsque l’on abandonne la politique du logement et que l’on retire plus de 8 milliards d’euros de recettes au logement social, les familles les plus modestes subissent directement le manque de logements abordables ; lorsque l’on encourage les bailleurs à sortir du marché locatif traditionnel au profit des plateformes de location, l’on assèche l’offre de logement dans de nombreux territoires en tension.
Ayons une pensée pour les salariés modestes, les travailleurs saisonniers, les étudiants et les jeunes ménages qui ne trouvent plus à se loger et qui sont contraints de s’éloigner de leur lieu d’activité, voire de renoncer à un emploi ou à une mobilité professionnelle. Tout cela va à l’encontre des impératifs de mobilité, de transition énergétique, de réindustrialisation et de plein emploi.
Mes chers collègues, s’il le fallait, les chiffres suivants achèveront de vous convaincre de l’abandon de la politique du logement par le Gouvernement.
Le logement représente 40 % des dépenses contraintes des ménages modestes ; l’offre de logement en location a diminué de 46 % depuis 2019 ; quelque 37 % des passoires thermiques sont occupées par des ménages vivants en dessous du seuil de pauvreté ; les mises en chantier de logements attendus pour 2025 se sont effondrées de 30 % ; plus du tiers des locataires en HLM disposent de ressources inférieures au seuil de pauvreté. La liste est longue !
Il faut donc prendre des décisions en urgence : revenir sur les choix budgétaires des dernières années, qui détruisent peu à peu le modèle du logement social en France, réguler le foncier, adapter la fiscalité, mieux prendre en compte les besoins exprimés localement, soutenir les maires constructeurs et assurer la mixité sociale.
Le budget consacré à la politique du logement pour 2024 ne traduit pas la volonté d’un changement de cap et reste insuffisant sur tous ces points. Notre pays a pourtant besoin d’un grand plan de mobilisation pour le secteur.
Ainsi, plusieurs voix s’élèvent pour faire de cette question une grande cause nationale.
L’accès au logement est devenu l’un des principaux facteurs d’inégalités menaçant la cohésion de notre pays, alors que l’activité économique de la construction est durablement touchée, ses entreprises et ses emplois menacés.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe SER votera contre les crédits de cette mission, non sans avoir défendu plusieurs amendements.