Intervention de Renaud Muselier

Réunion du 12 mai 2005 à 21h45
Convention sur la cybercriminalité — Adoption d'un projet de loi

Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours de ces dernières années, le développement rapide de l'utilisation privée de l'Internet a été source d'abus et a pu faciliter la commission d'infractions pénales de toutes sortes, sans considération de frontières.

La répression de telles infractions se heurtant au principe de territorialité de la loi pénale, une approche internationale concertée s'imposait. Dès 1997, le Conseil de l'Europe a exprimé l'ambition de mettre au point un instrument international contraignant pour lutter contre cette nouvelle forme de délinquance.

C'est ainsi qu'il a créé un comité d'experts chargé d'élaborer un projet de convention destinée à lutter contre les auteurs des infractions pénales commises dans l'univers des réseaux et qui serait proposée à la signature de tous les Etats, et non pas des seuls Etats européens.

Ce comité, qui regroupait des experts représentant les Etats membres du Conseil de l'Europe ainsi que des Etats observateurs, à savoir les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l'Afrique du Sud, a rédigé un projet de convention qui a été proposé à la signature des Etats lors d'une conférence organisée à Budapest le 23 novembre 2001.

Plus de quarante pays, dont la France, ont signé ce texte qui constitue la première convention pénale à vocation universelle destinée à lutter contre le cybercrime. Grâce à cet instrument, l'univers virtuel, dans sa dimension internationale, n'est pas un monde sans règles, sans police et sans juge ; les cyber-délinquants ne bénéficient pas d'une impunité.

La convention sur la cybercriminalité s'articule autour de trois axes.

Elle vise tout d'abord à harmoniser les législations nationales en matière d'incriminations dans le domaine du cyberespace. Dans cette perspective, elle fournit une liste des comportements pour la répression desquels chaque Etat partie s'oblige à instaurer des sanctions pénales dans son droit interne.

En outre, la convention tend à compléter l'arsenal juridique des Etats en matière procédurale, afin d'améliorer la capacité des services de police à mener en temps réel leurs investigations et à rassembler des preuves sur le territoire national avant qu'elles ne disparaissent.

Enfin, la convention s'efforce d'adapter les règles classiques des conventions du Conseil de l'Europe en matière d'extradition et d'entraide répressive de 1957 et de 1959.

Au total, la convention sur la cybercriminalité, entrée en vigueur le 1er juillet dernier, prend acte des développements technologiques ayant une incidence sur la matière pénale. Les autorités judiciaires pourront ainsi faire face aux nouveaux enjeux liés aux réseaux.

Un second instrument vous est également présenté aujourd'hui : le protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité, relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques.

En effet, lors du processus d'élaboration de la convention sur la cybercriminalité, le groupe de négociateurs n'avait pu parvenir à un consensus concernant l'incrimination des comportements racistes et xénophobes sur l'Internet, en raison de l'opposition de diverses délégations, qui invoquaient le principe de la liberté d'expression.

Aussi, pour pallier l'absence de prise en compte du discours de haine dans la convention sur la cybercriminalité, le Conseil de l'Europe suggéra, dès l'année 2001, l'élaboration d'un protocole additionnel consacré spécifiquement à l'incrimination des contenus racistes ou xénophobes sur les réseaux.

La France a eu un rôle déterminant dans l'élaboration de ce protocole, que sous-tendent trois grands axes.

D'abord, il pose une définition de l'expression « matériel raciste et xénophobe », qui conditionne largement l'application de la convention.

Ensuite, il énumère un certain nombre de comportements susceptibles d'être incriminés, notamment les insultes racistes proférées par le biais d'un système informatique ou les discours négationnistes. C'est une première dans un traité international.

Enfin, est prévue l'articulation du protocole avec la convention sur la cybercriminalité.

Au total, ce protocole, ayant actuellement été signé par vingt-trois Etats, reprend des formules très souples, susceptibles de préserver les spécificités de chaque ordre juridique national tout en élargissant la portée de la convention mère sur la cybercriminalité à des comportements contre lesquels la France se fait un point d'honneur de lutter.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent la convention sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001 et le protocole additionnel à la convention sur la cybercriminalité du 28 janvier 2003, relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.

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