Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la révolution numérique n'a pas seulement bouleversé l'économie mondiale, elle a aussi accru la délinquance dont les auteurs savent tirer profit des réseaux informatiques. De nouveaux délits ont surgi, qui menacent tant les individus que les entreprises ou les Etats.
Avec la première convention internationale relative à la lutte contre la cybercriminalité, les pays membres du Conseil de l'Europe et leurs partenaires se sont engagés sur la voie d'une régulation juridique et éthique d'un domaine jusqu'alors abandonné, pour le meilleur comme pour le pire, aux seules règles du marché.
La cybercriminalité se décline selon trois modes différents : les infractions relatives au contenu, qui se définissent comme la diffusion intentionnelle par l'Internet de textes ou d'images illégaux ; l'atteinte à la propriété intellectuelle, illustrée par la mise en ligne illégale de fichiers musicaux gratuits ; les infractions liées aux technologies de l'information et de la communication.
L'Internet a été source d'abus : ainsi, en France, la cybercriminalité menace quelque 25 millions d'internautes, privés ou publics.
Par ailleurs, cette criminalité est transnationale et se développe, par définition, en dehors de toute considération de frontières. Sa répression se heurte au principe de territorialité de la loi pénale.
En France, des mesures ont déjà été prises : l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, créé en 2000 et rattaché à la direction de la police judiciaire, travaille en collaboration avec la brigade d'enquête sur les fraudes aux technologies de l'information, la DST, la Direction de la surveillance du territoire, les douanes et la gendarmerie et a pour fonction de participer à des enquêtes judiciaires et de coordonner l'action des services répressifs compétents dans le domaine des infractions informatiques.
Le G 8 s'étant saisi de cette question, les Etats-Unis, le Japon, le Canada et l'Afrique du Sud ont également signé la convention le 23 novembre 2001, aux côtés de trente-quatre des quarante-six membres du Conseil de l'Europe, ce qui porte à trente-huit le nombre d'Etats signataires.
Toutefois, sur les trente-huit Etats signataires, trente n'ont à ce jour pas déposé leurs instruments de ratification. Il importe donc que la France soit en mesure de le faire rapidement.
Cependant, lors des rencontres préalables, le comité d'experts n'avait pas adopté les propositions des délégations allemande et française concernant l'incrimination des comportements racistes et xénophobes sur l'Internet, en raison de l'opposition de diverses délégations, notamment celles du Canada, des Etats-Unis et du Japon, qui invoquaient le principe de la liberté d'expression.
Aussi le Conseil de l'Europe suggéra-t-il dès 2001 l'élaboration du protocole additionnel que vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d'Etat. Pour entrer en vigueur, il doit avoir été ratifié par cinq Etats. Une approbation rapide de ce protocole par la France s'impose d'autant plus que notre pays est à l'origine du texte ; elle constituerait en outre un signal en vue d'obtenir un plus grand nombre de signatures.
Il est essentiel de ratifier rapidement cette convention et ce protocole, car le récent rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'homme est très alarmant : en 2004, le nombre d'actes racistes et antisémites, passé de 833 à 1 565, soit une progression de 87, 8 % par rapport à l'année précédente, a atteint un niveau « exceptionnel et inquiétant ».
L'adoption de la convention de Budapest sur la cybercriminalité et du protocole additionnel sur la diffusion de propos et de matériels raciste et xénophobe par le biais de systèmes informatiques est donc d'une importance capitale. La France peut jouer un rôle exemplaire en ratifiant ces textes, ce qu'ont fait, pour l'heure, deux pays seulement, l'Albanie et la Slovénie.
C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite à adopter ce projet de loi dans la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.