Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Santé » pour 2024 me conduit à formuler une appréciation qui s'inscrit dans la continuité des observations de la commission ces dernières années : les actions financées manquent de lisibilité et il n'y a pas de vision stratégique pour la santé publique.
En 2024, le budget de la mission « Santé » diminue de 30 %, soit d'environ 1 milliard d'euros. Il est en réalité quasiment constant, si l'on exclut le troisième programme, créé lors du PLF 2023, qui fait transiter des crédits européens via le budget de l'État pour compenser à la sécurité sociale des coûts liés aux dons de vaccins et au Ségur investissement.
Parmi les trois programmes qui composent la mission, programme 183, « Protection maladie », qui concerne l'aide médicale d'État, concentre toutes les attentions. Plus de 50 % du budget total de la mission est ainsi consacré au financement des dépenses de l'AME. Depuis la création de ce dispositif en 2000, celles-ci n'ont cessé de croître, le nombre des bénéficiaires ayant augmenté de près de 63 % en dix ans.
Cependant, environ la moitié des individus éligibles à l'AME n'y ont pas recours. Cela nous conduit à un double constat : d'une part, l'effectivité des droits des personnes n'est pas pleinement garantie ; d'autre part, le coût des dépenses d'AME pourrait être très largement supérieur à celui que nous connaissons aujourd'hui.
L'évolution de son budget est pourtant suffisamment significative pour que nous nous interrogions sur la place que la solidarité nationale entend réserver à cette prestation non contributive, alors que la France offre le dispositif le plus couvrant et le plus généreux d'Europe.
Je tiens aussi, en tant que médecin, à souligner les difficultés que rencontrent régulièrement mes confrères pour obtenir le remboursement de leurs honoraires par l'assurance maladie. La solidarité doit s'accompagner des moyens nécessaires pour que les acteurs de terrain, qui sont en première ligne, puissent soigner sans distinction, sans être lésés individuellement dans leur pratique.
Le débat sur l'AME ne doit toutefois pas occulter les enjeux attachés au programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », auquel 220 millions d'euros sont consacrés.
L'insuffisance notoire de ce budget, au regard d'enjeux pourtant majeurs, témoigne de l'absence d'ambition de la politique gouvernementale en matière de prévention. Quelque 110 millions d'euros contribuent au financement de trois agences de santé : l'Institut national du cancer (INCa), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et l'agence de santé du territoire des îles Wallis-et-Futuna.
Si l'on y ajoute les dépenses juridiques et contentieuses de l'État, 68 % du budget du programme sont déjà consommés. Pour le reste, l'empilement des actions et le saupoudrage des crédits illustrent une incapacité à structurer une politique volontariste en matière de prévention.
Mes chers collègues, je souhaite enfin attirer votre attention sur la subvention de l'INCa, dont le montant est amputé de 6 millions d'euros, soit 15 % de ses crédits. Je rappelle que l'INCa est chargée de mettre en œuvre la stratégie décennale de lutte contre le cancer. Cette coupe budgétaire conduira l'Institut à reprioriser ses actions en 2024 et à réduire l'envergure de certaines d'entre elles.
Sous réserve de l'adoption d'un amendement assurant le maintien du montant de sa dotation, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur cette mission.