Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme cela a été indiqué précédemment, les crédits de la mission « Santé » sont principalement consacrés au financement de l'aide médicale de l'État.
Comme elle le fait depuis de nombreuses années, la commission des finances proposera, en cohérence avec la position du Sénat, un amendement de réduction des dépenses.
Dans le budget présenté par le Gouvernement, 1, 2 milliard d'euros sont prévus pour les dépenses de l'AME en 2024, soit une augmentation de 19 % par rapport à l'exécution budgétaire de 2022.
Comme notre collègue Florence Lassarade l'a souligné, le nombre de bénéficiaires de l'AME a augmenté de 63 % ces dix dernières années. Ce chiffre atteste d'une évolution non maîtrisée du dispositif, dont il doit nous conduire à réinterroger le format et l'ambition, mes chers collègues.
Je souhaite, pour commencer, rappeler quelques éléments susceptibles d'éclairer le débat qui nous occupe depuis plusieurs semaines.
La France s'est dotée du dispositif de prise en charge des frais de santé des étrangers en situation irrégulière le plus généreux d'Europe. C'est un choix, mais c'est la réalité.
L'ensemble des soins médicaux et dentaires, les frais d'hospitalisation et les interventions chirurgicales sont pris en charge gratuitement et sans avance de frais. Concrètement, les soins qui ne sont pas éligibles à l'AME sont très peu nombreux.
La comparaison du modèle français avec celui d'autres pays d'Europe conduit à observer que, chez bon nombre de nos voisins – l'Allemagne, le Danemark, l'Italie, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse –, seules sont garanties la prise en charge des soins urgents et essentiels, celle des femmes enceintes et celle des mineurs, ainsi que les principales vaccinations.
Toutefois, certains pays ont également institué un accord préalable des autorités sanitaires pour rembourser tout ou toute partie des soins engagés ou prévoient une participation financière des bénéficiaires.
On le voit, les modèles sont divers, mais la France conserve, probablement avec l'Espagne, le modèle le plus protecteur.
Je m'arrêterai un instant sur le cas de l'Espagne, trop souvent cité à mauvais escient dans le débat actuel. La limitation de l'accès aux soins urgents qui y a été mise en œuvre entre 2012 et 2018 n'est en effet pas comparable avec l'AMU proposée par le Sénat. La restriction de l'accès aux soins n'autorisait plus que la réalisation des seuls soins urgents. Tel ne serait pas le cas de l'AMU, qui prévoit un panier de soins plus large et qui inclut notamment les traitements de maladies graves, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.
Souvenons-nous que la vocation initiale de l'AME est de prendre en charge des personnes en situation irrégulière, pour prévenir une aggravation de leur état de santé ou la propagation de maladies contagieuses, dans l'attente du règlement de leur situation sur le plan administratif. Ce dispositif a donc vocation à prendre en charge les personnes irrégulières non pas dans la durée, mais de manière ponctuelle.
Il faut sans doute aussi indiquer que les demandeurs d'asile relèvent, non pas de l'AME, mais d'un autre dispositif, la protection universelle maladie (PUMa), dès lors qu'ils ont la possibilité d'exercer une activité professionnelle ou qu'ils résident en France de manière stable et régulière.
Le récent rapport Évin-Stefanini, plusieurs fois cité, montre que l'explosion budgétaire qu'emporte ce dispositif est principalement liée au nombre exponentiel de bénéficiaires et que l'AME doit être transformée.
Loin des caricatures, dans un débat budgétaire, il est légitime de vouloir marquer une différenciation entre le niveau de prestation accessible aux assurés sociaux du régime général, qui cotisent pour bénéficier d'une couverture maladie, et le niveau qui est accessible aux étrangers en situation irrégulière.
C'est dans cet esprit que le groupe Les Républicains soutiendra, par cohérence, l'amendement de la commission des finances.
Je souhaite enfin évoquer l'autre programme de la mission « Santé », « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
Je souscris aux propos de la rapporteure pour avis Florence Lassarade, qui déplore l'absence de propositions ambitieuses et regrette le manque de moyens alloués. Le budget de ce programme a certes été augmenté de 8 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, mais nous continuons de sous-investir dans la prévention en santé, mes chers collègues.
Je n'en donnerai qu'une illustration. Dans ce programme, à peine plus de 1 million d'euros est consacré à la santé mentale, un sujet ô combien d'actualité.
Lutte contre le tabac, mobilisation contre les addictions, prévention des troubles mentaux, promotion d'une nutrition équilibrée et de l'activité physique, attention portée à la santé sexuelle des jeunes : la multiplicité des champs d'action des intervenants et le modèle de financement de la prévention doivent nous amener à mener une véritable réflexion, afin notamment de coordonner le PLFSS et la mission « Santé » et d'intégrer tous les acteurs de la couverture maladie, y compris les organismes complémentaires.
Nous devons aussi imaginer un meilleur pilotage des politiques de prévention et une meilleure coordination des actions menées par les différents intervenants.
Enfin, compte tenu des enjeux essentiels associés à la lutte contre les cancers et du pilotage de la stratégie décennale que l'INCa doit assurer, mon groupe soutiendra l'amendement de la commission des affaires sociales visant à rétablir le montant de la subvention allouée à cet institut.
En dépit de ces remarques, et au bénéfice de l'adoption des différents amendements proposés par les commissions, que nous soutiendrons, mon groupe votera les crédits de cette mission.