Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de présenter devant vous les crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2024.
Comme vous le savez, ces crédits, en lien avec le PLFSS pour 2024, dont nous venons d'achever l'examen, sont la traduction de la politique de santé que nous souhaitons mettre en œuvre.
Nous avons déjà eu de nombreux échanges lors du PLFSS pour 2024, mais, afin de répondre aux orateurs qui m'ont interpellée, je souhaite revenir sur un certain nombre de points qui sont loin d'être hors sujet.
Le premier a trait à la sécurité sanitaire.
Assurer la sécurité sanitaire et protéger nos concitoyens face à l'ensemble des risques épidémiologiques en lien avec la santé environnementale, conformément à la logique « une seule santé » – One Health pour les Anglo-Saxons –, constitue un enjeu majeur.
Il s'agit de l'épidémie de covid-19, qui n'est pas terminée, mais aussi, plus largement, de l'ensemble des autres risques, auxquels nos sociétés sont de plus en plus confrontées et qui génèrent des inquiétudes légitimes chez nos concitoyens.
Nous le savons, c'est bien la santé environnementale dans tous ses aspects qu'il nous faut considérer : qualité de l'air, qualité de l'eau, qualité de notre alimentation, santé animale, aucun aspect ne doit être laissé de côté, car tous ces paramètres interagissent et tous sont exposés aux conséquences du dérèglement climatique, qui suscite de nouvelles menaces pour le vivant. Nous devons nous y préparer et apporter des réponses.
À la COP28, où je me suis rendue ce week-end, pour la première fois une journée fut spécifiquement consacrée aux enjeux sanitaires du réchauffement climatique. C'est le signe d'une prise de conscience collective qu'il convient de saluer.
J'ai pu y porter la voix de la France dans un domaine qui constitue un axe au fort de notre politique et pour lequel notre pays doit être un moteur à l'échelle mondiale.
Le deuxième point est le virage préventif.
La volonté du Gouvernement est de franchir un cap, grâce à une politique de prévention ambitieuse qui doit faire basculer notre système de santé et, plus globalement, notre société dans une logique préventive avant d'être curative. Plus qu'une ambition, il s'agit d'une absolue nécessité au regard des enjeux sanitaires et démographiques qui se profilent pour les vingt prochaines années.
La majeure partie de notre politique de prévention est inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, nous devons prévoir l'accès à des soins de qualité, partout sur le territoire. Cette mission « Santé » y contribue pleinement. Vous le savez, c'est une priorité centrale de notre action et nous mobilisons tous les leviers pour apporter des solutions concrètes, en lien avec les acteurs du terrain.
Cela passe tout d'abord par la poursuite de l'effort massif d'investissement dans notre système de santé, que nous avons engagé via le Ségur de la santé et que nous avons de nouveau renforcé cette année.
Cela passe ensuite par le déploiement, partout sur le territoire, de solutions d'accès aux soins adaptées à la situation locale.
En juillet dernier, j'ai présenté à cet effet un plan d'action ambitieux et pragmatique autour de quatre piliers : le recrutement de 10 000 assistants médicaux, le développement de 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles, la généralisation sur l'ensemble du territoire des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et le déploiement de 100 médicobus pour le fameux dernier kilomètre qui est si difficile à faire. Ce plan doit permettre, d'ici à la fin du quinquennat, que 2 millions de Français de plus parmi ceux qui en sont privés pour l'instant aient accès à un médecin.
Cela passe enfin par une meilleure organisation de notre système de santé et par une meilleure reconnaissance des métiers du soin afin de fidéliser les professionnels de santé et de rendre ces magnifiques métiers de nouveau attractifs pour les jeunes générations.
Il s'agit de l'une de nos préoccupations majeures et les investissements inédits que nous avons engagés depuis 2017 en matière de revalorisation salariale le démontrent. Toutefois, ce travail va bien au-delà du seul aspect financier et touche à la fois à la formation, au management, à l'organisation du temps de travail, à la reconnaissance des compétences des professionnels ou encore à la sécurisation de leur lieu de travail et à l'attention que l'on porte à leur santé.
Nous faisons progresser, en parallèle, l'ensemble de ces chantiers, car c'est la seule manière de relever les défis qui se présentent à nous. Il n'y a pas de solution miracle, nous devons activer l'ensemble des leviers simultanément. Tel est le sens de la politique qui a été engagée depuis 2017 et que nous poursuivrons dans le cadre de l'exercice budgétaire 2024.
J'aurai d'ailleurs l'occasion de présenter dans les prochains jours une feuille de route globale sur le métier d'infirmier que les acteurs attendent depuis longtemps. Elle évoquera notamment le chantier de la refonte de ce métier qui constitue une brique importante pour l'avenir de cette profession.
J'en viens aux crédits de la mission « Santé » qui s'élèvent dans le PLF pour 2024 à 2, 34 milliards d'euros. Ils sont en baisse de 30 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.
Cette tendance est due à la réduction de 53 % par rapport à 2023 des crédits du programme 379. Comme la commission des finances l'a souligné, il s'agit d'un programme temporaire, qui contribue à améliorer la traçabilité du suivi des fonds européens. Ses crédits sont destinés, d'une part, au reversement des recettes du plan de relance européen au titre de la facilité pour la reprise et la résilience afin de financer le volet investissement du Ségur de la santé ; d'autre part, à assurer la compensation à la sécurité sociale des dons de vaccins aux pays tiers dans le cadre des campagnes de vaccination contre la covid-19.
Cette réduction de crédits est donc tout à fait normale.
J'ajoute que les crédits de la mission « Santé » sont quasiment stables – ils sont en légère diminution de 0, 3 % – sur le programme 183 « Protection maladie » et ils augmentent de 3, 4 % sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
Cette dynamique met en exergue notre volonté non seulement de poursuivre les efforts engagés en matière de maîtrise des dépenses liées à l'AME – j'y reviendrai dans un instant –, mais aussi d'investir davantage dans la prévention et la promotion de la santé.
Concernant le programme 183 et l'aide médicale de l'État, je veux souligner plusieurs points en lien avec les débats en cours à l'Assemblée nationale sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
Votre commission des finances souhaite revenir sur le périmètre de l'AME, en défendant un amendement visant à minorer les crédits de 410 millions d'euros. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui rendrait difficile, dès le 1er janvier 2024, la prise en charge des bénéficiaires de l'aide médicale de l'État, ce qui aurait pour conséquence un report non maîtrisé vers les urgences hospitalières.
À cet égard, j'ajoute – certains d'entre vous l'ont déjà rappelé – que les conclusions du rapport demandé à Claude Evin et Patrick Stefanini par la Première ministre, ainsi que par le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin, le ministre de la santé Aurélien Rousseau et moi-même, nous ont été rendues hier et sont désormais publiques.
D'ores et déjà, il faut souligner que les premiers enseignements de ce rapport indiquent que l'AME est un dispositif sanitaire utile et globalement maîtrisé.
Comme nous nous y étions engagés – je l'avais fait ici même devant vous –, les propositions formulées par les rapporteurs seront instruites dans les semaines à venir. Les mesures concernant l'AME étant irrecevables dans le cadre du projet de loi sur l'immigration, les éventuelles pistes qui seraient retenues pourront faire l'objet d'une évolution réglementaire ou législative dans un texte spécifique.
Je veux également revenir sur les conclusions de Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales concernant l'AME, pour indiquer que le Gouvernement partage pleinement son analyse : les prises en charge précoces permises par l'AME permettent bel et bien d'éviter des retards de soins, qui ont pour conséquences une aggravation de l'état de santé des personnes et une augmentation du coût des soins pour la collectivité dans son ensemble.
J'en viens aux crédits du programme 204 sur la prévention, la sécurité sanitaire et l'offre de soins. Les crédits inscrits dans le PLF 2024 sur ce programme sont en progression et s'élèvent à 220 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 223 millions d'euros en crédits de paiement. Ils progressent de 3, 4 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2023.
Comme je l'indiquais, ce PLF 2024 traduit bel et bien notre ambition de renforcer la prévention. Cette ambition est celle que porte le Gouvernement en faveur, par exemple, de la santé des femmes et des enfants, avec un effort renouvelé en matière de dépistage et de vaccination. Je pense bien sûr à la vaccination contre le papillomavirus dans les collèges ou à la double campagne de vaccination contre la grippe et la covid.
Je pourrais évoquer également notre ambition sur la santé sexuelle, la santé mentale ou la lutte contre les addictions, mais nous pourrons en discuter au cours de l'examen des crédits de la mission.
Je veux cependant revenir sur la diminution apparente – j'insiste sur cet adjectif – du montant de la dotation de l'INCa, qui fait l'objet de plusieurs amendements, dont l'un sera présenté par Mme la rapporteure pour avis.
Nous aurons l'occasion d'en débattre, mais je souhaite d'ores et déjà vous indiquer que l'évolution des crédits de l'INCa s'explique par un recalibrage de son fonds de roulement sans lien avec la mise en œuvre effective de la stratégie décennale de lutte contre le cancer, qui ne relève pas du programme 204. Cette stratégie, vous le savez, est une priorité et nous resterons vigilants quant à sa mise en œuvre.
Pour conclure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Santé », tels que proposés par le Gouvernement.