Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 5 décembre 2023 à 17h00
Loi de finances pour 2024 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans son rapport annuel État de la pauvreté en France 2023, le Secours catholique alerte : en France, la pauvreté s'étend, s'intensifie et se féminise.

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », en plus d'être notoirement insuffisants, prennent trop peu en compte les besoins financiers de la lutte contre la pauvreté, notamment celle des enfants, ainsi que de la réduction des inégalités entre femmes et hommes.

Le constat de l'intensification de la pauvreté et de son élargissement est alarmant. Selon l'Insee, en France, au début de 2022, la proportion de personnes en privation sociale et matérielle a atteint son plus haut niveau depuis 2013 ; cette situation affecte 9 millions de personnes, soit une personne sur sept dans l'Hexagone. Selon cette étude, un Français sur dix déclarait ne pas pouvoir payer à temps loyers et factures, ou chauffer suffisamment son logement. Une personne sur quatre ne pouvait se payer une semaine de vacances dans l'année.

Une partie de la population, plus importante d'année en année, n'a pas les moyens de s'acheter des vêtements neufs, de posséder deux paires de chaussures ou de retrouver régulièrement des amis ou de la famille autour d'un verre ou d'un repas. La pauvreté isole !

Après sept ans aux responsabilités, ces constats sont votre bilan, mesdames les ministres !

Dans le même temps, l'Unicef France publie un rapport sur l'état des droits des enfants dans les outre-mer, où il est indiqué que « la pauvreté endémique [y est] responsable de conséquences multidimensionnelles ».

Or, tandis que tous les besoins augmentent, les crédits ne suivent pas. Après une nette hausse du budget consacré à la protection de l'enfance, que nous avions saluée, nous regrettons que cette ligne connaisse cette fois une baisse de 5 %.

Le PLF 2024 acte également la fin de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, remplacée par un « pacte des solidarités » doté, semble-t-il, de sommes inférieures, malgré l'annonce d'une augmentation des crédits d'ici à 2027. En attendant, on a simplement réattribué d'anciens crédits sans les modifier. Notons que ces mouvements de crédits entre missions et programmes nuisent à la transparence et à la lisibilité pour le Parlement de cette politique.

Nous partageons le constat du collectif Alerte, qui rassemble trente-quatre fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, ainsi que des collectifs interassociatifs locaux, qui a qualifié le pacte des solidarités de « pauvre plan contre la pauvreté ».

Plutôt que de proposer des mesures structurelles afin de réduire durablement la pauvreté, telle l'augmentation des minimas sociaux, le pacte des solidarités propose un axe de « sortie de la pauvreté par l'activité et l'emploi », unique focale qui, dans un marché du travail dérégulé, fabriquera en grand nombre des travailleurs pauvres dont beaucoup le resteront durablement.

Face à cette pauvreté, l'augmentation des crédits consacrés à l'aide alimentaire ne suit ni l'explosion des besoins ni l'inflation alimentaire dopée aux surmarges des grands groupes – un effet de ciseaux qui asphyxie les associations d'aide alimentaire.

En France, un tiers de la population n'est pas en capacité de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour trois repas par jour ; les banques alimentaires accueillent 34 % de personnes en plus depuis 2020, année où vous étiez déjà au pouvoir !

Enfin, la hausse des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » est en trompe-l'œil, puisqu'elle intègre les crédits liés à la création de l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales – une mesure que nous saluons par ailleurs.

L'avis de la commission des affaires sociales le souligne : « à périmètre égal, c'est-à-dire sans la création de l'aide aux victimes de violences conjugales, les crédits seraient en baisse de 3, 65 % ».

Les crédits de la mission mériteraient une autre ampleur, mesdames les ministres ; le groupe écologiste votera donc contre votre proposition. §

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