Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en cinq ans, les crédits de cette mission ont progressé de plus de 45 %. Ce n'est donc pas la première année où les politiques de solidarité seront mises à contribution pour répondre à l'urgence sociale.
Cependant, le maintien dans le temps long d'une inflation élevée doit nous conduire à une vigilance accrue envers les plus vulnérables, mais également envers ceux qui leur portent assistance. Je pense plus particulièrement aux associations, mais aussi aux départements et aux communes. Ces acteurs sont pris en tenaille entre les demandes d'aide et d'accompagnement qui ne font que s'accroître et l'augmentation de leurs coûts de fonctionnement du fait de l'inflation – plus de 4 % sur les douze derniers mois –, qui touche particulièrement les denrées alimentaires et l'énergie.
C'est le cas de l'aide alimentaire, au sujet de laquelle nous partageons la satisfaction du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, Laurent Burgoa, quant au financement supplémentaire qui permettra de soutenir au plus vite la trésorerie des associations concernées.
Cependant, nous déplorons que les épiceries sociales et solidaires ne bénéficient que très marginalement de cet abondement. Aussi présenterons-nous un amendement de crédits visant à leur consacrer 2 millions d'euros supplémentaires.
Au sujet du programme « Handicap et dépendance », nous saluons l'engagement en faveur de l'autonomie des personnes handicapées. Cet engagement se matérialise par l'entrée en vigueur au 1er octobre 2023 de la mesure de déconjugalisation de l'AAH, longtemps soutenue par le Sénat contre l'avis du Gouvernement. Cette avancée pose néanmoins des questions pour l'avenir, notamment lorsque certains des bénéficiaires de l'AAH basculeront vers l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui demeure conjugalisée, comme les autres minima sociaux.
J'aimerais également souligner les évolutions intervenues concernant les établissements et services d'aide par le travail (Ésat). La mission finance en effet la garantie de rémunération de 120 000 travailleurs en situation de handicap. Les Ésat ont fait l'objet d'un plan de transformation, et plus récemment de mesures dans le cadre du projet de loi pour le plein emploi.
Ces évolutions ont permis de renforcer les droits sociaux des travailleurs en Ésat et de les faire converger vers ceux du milieu ordinaire, en leur donnant accès à la prise en charge des frais de transport, à la complémentaire santé, aux titres-restaurants et aux chèques-vacances.
Nous nous réjouissons de cet alignement des droits des travailleurs handicapés sur les dispositions du code du travail, qui contribue également à les déstigmatiser.
Cependant, ce rapprochement rend urgente l'évolution du modèle financier des Ésat. Laurent Burgoa a souligné dans ses travaux que la mise en place de la seule complémentaire santé représente pour eux une charge de 36 millions d'euros. Or 27 % d'entre eux sont déjà déficitaires.
Si rien n'est fait pour leur assurer un financement soutenable et pérenne, ces établissements seront obligés de sélectionner les travailleurs handicapés selon leur niveau de productivité, ce qui conduirait mécaniquement à exclure de cet accompagnement des personnes pour lesquelles ce lien avec le monde du travail est pourtant essentiel. Nous appelons donc vivement l'attention du Gouvernement sur ce point et serons vigilants quant aux développements qu'il connaîtra.
En somme, nous partageons la conviction d'un besoin de soutien des plus vulnérables face à l'inflation. Cependant, son poids dans les finances publiques doit nous conduire à suivre avec attention les chantiers qui s'ouvrent en la matière, notamment le déploiement effectif des politiques publiques dans l'ensemble des territoires, y compris dans la ruralité.
Dès lors, nous voterons pour les crédits de la mission, sous réserve de l'adoption des amendements du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.