Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 5 décembre 2023 à 17h00
Loi de finances pour 2024 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'introduire mon propos par une citation d'Antoine de Saint-Exupéry qui fait appel à notre responsabilité collective : « Nous sommes solidaires, emportés par la même planète, équipage d'un même navire. »

Je tiens à remercier notre collègue rapporteur pour avis Laurent Burgoa pour son travail sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Cette mission est destinée à lutter contre la pauvreté, à réduire les inégalités et à protéger les personnes vulnérables.

La progression de ses crédits, en hausse de 4, 64 % par rapport à 2023, s'explique par la revalorisation des prestations sociales et de l'aide alimentaire pour faire face au défi de l'inflation. Nous y sommes favorables, puisque la crise inflationniste nécessite des mesures gouvernementales de soutien pour les ménages les plus précaires.

La mission comprend quatre programmes.

Le programme « Égalité entre les femmes et les hommes » ouvre les crédits nécessaires à la mise en œuvre de la loi du 28 février 2023 créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, dont notre ancienne collègue Valérie Létard est l'auteure.

Nous nous félicitons de l'entrée en vigueur de ce dispositif. J'ai eu le plaisir d'être rapporteure de ce texte et je suis heureuse de voir sa concrétisation : cette loi offre aux femmes victimes de violences conjugales l'espoir d'un nouveau départ.

L'amendement II-687 rectifié de Dominique Vérien et des membres du groupe Union Centriste vise à améliorer les modalités de remboursement de cette aide par les bénéficiaires.

Les associations œuvrant pour l'égalité entre les femmes et les hommes se réjouissent aussi du rétablissement à leur niveau de 2023 des crédits consacrés aux communications institutionnelles.

Deux prestations représentent 78, 5 % des crédits de la mission : la prime d'activité, inscrite dans le programme « Inclusion sociale et protection des personnes », et l'allocation aux adultes handicapées dans le programme « Handicap et dépendance ».

Compte tenu de l'augmentation sensible du nombre des bénéficiaires, la hausse des crédits permettrait de répondre à l'urgence sociale.

Nous saluons l'entrée en vigueur de la déconjugalisation de l'AAH, tant attendue par les personnes en situation de handicap et fortement soutenue par le Sénat. Cette avancée permettra à 40 000 bénéficiaires en couple de voir leur allocation augmenter et à 80 000 nouvelles personnes de bénéficier de cette allocation.

Nous resterons vigilants sur un point particulier : en effet, la déconjugalisation de l'AAH risque d'entraîner des décrochements de revenus dans les parcours de vie de certains bénéficiaires. C'est le cas notamment de ceux qui bénéficient de l'allocation de solidarité aux personnes âgées qui, elle, n'est pas déconjugalisée. Ce sujet est à approfondir pour l'avenir.

Nous sommes aussi favorables aux deux articles additionnels rattachés à la mission, retenus par le Gouvernement.

L'un permet aux bénéficiaires de l'AAH de continuer à percevoir leur allocation, s'ils décident de poursuivre leur activité après avoir atteint l'âge d'ouverture des droits à la retraite.

L'autre prévoit le maintien pour les bénéficiaires de l'AAH des prestations liées – majoration pour la vie autonome (MVA) et complément de ressources –, lorsqu'ils perdent le bénéfice de l'AAH du fait de la revalorisation de leur pension.

La mission contient également des mesures de transfert, notamment concernant les moyens dédiés aux prestations d'aide sociale à destination des personnes sans domicile fixe âgées ou en situation de handicap.

Les différentes associations de solidarité, mais aussi les départements, témoignent d'une augmentation des demandes d'aides et d'accompagnement. Cela mettra en péril l'autonomie financière des départements.

En ce qui concerne la compensation aux départements des frais relatifs à la mise à l'abri et à l'évaluation des mineurs non accompagnés, les crédits prévus sont en retrait de 22, 1 millions d'euros. Cette diminution est justifiée par l'impact du projet de loi sur l'immigration sur les flux de MNA. Cette estimation nous semble, à ce jour, pour le moins optimiste et une telle décision risque de mettre à nouveau en difficulté la trésorerie des départements.

Par ailleurs, l'obligation des départements d'accompagner les jeunes majeurs de moins de 21 ans sortant de l'aide sociale à l'enfance sera compensée par un abondement de 50 millions d'euros en faveur des collectivités. Ce montant paraît déconnecté de la charge réelle, puisque les départements constatent déjà une augmentation de 15 % de cette dépense.

Force est de constater que le manque de moyens alloués à la protection des personnes, majeures comme mineures, risque de poser de réels problèmes aux collectivités territoriales et aux associations concernées.

Concernant la prévention et la lutte contre la pauvreté, le pacte des solidarités succède à la stratégie nationale 2018-2022. Doté de 260 millions d'euros sur le périmètre de la mission, il comporte quatre axes pour réduire les inégalités dès l'enfance, amplifier l'accès à l'emploi pour tous, lutter contre l'exclusion grâce à l'accès aux droits et construire une transition écologique solidaire.

Nous saluons ces engagements, notamment parce que « le propre de la solidarité, c'est de ne point admettre d'exclusion », pour reprendre les mots de Victor Hugo. Nous nous interrogeons néanmoins sur la portée réelle de ce plan. En outre, nous regrettons le manque de lisibilité qui résulte de l'éclatement des financements de ce pacte entre plusieurs missions.

Cependant, nous sommes satisfaits de la poursuite de la pratique de contractualisation avec les collectivités territoriales pour lutter contre les pauvretés.

Les crédits consacrés à l'aide alimentaire connaissent une augmentation, mais cela ne répond qu'imparfaitement aux besoins liés à une inflation élevée sur les denrées alimentaires. Ces moyens financiers ne sont pas suffisants pour assurer la pérennité des actions menées dans nos territoires par les associations, comme les Restos du cœur.

Concernant les dépenses liées au RSA, plusieurs réformes sont prévues en 2024. Leur impact budgétaire reste encore à préciser et nous devrons être particulièrement vigilants quant à leur mise en œuvre.

Enfin, grâce au programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », les agences régionales de santé voient leur subvention pour compensation d'obligations de service public augmenter afin de financer de nouveaux recrutements dans les secteurs de l'autonomie et du handicap. Nous saluons ces créations de postes, mais nous nous interrogeons sur leur pérennité, compte tenu du déficit d'attractivité dont souffre le secteur social.

Vous l'aurez compris, le groupe Union Centriste soutiendra les crédits de cette mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement déposé par la commission des affaires sociales. §

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