Intervention de Philippe Tabarot

Réunion du 4 décembre 2023 à 10h00
Loi de finances pour 2024 — Immigration asile et intégration

Photo de Philippe TabarotPhilippe Tabarot :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen de la mission « Immigration, asile et intégration » intervient alors que les problématiques migratoires ont plus que jamais retenu l'attention des Français et du législateur.

Il y a moins d'un mois, nous discutions du projet de loi Immigration, actuellement en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Nous aborderons bientôt de nouveau cette question lorsque nous débattrons de la proposition de loi constitutionnelle déposée par le groupe Les Républicains.

Ce sujet se trouve donc au cœur de l'actualité.

Pourtant, au regard de l'ampleur de l'enjeu, l'effort budgétaire consenti pour cette mission demeure en deçà de nos attentes.

Comme l'ont souligné les rapporteurs pour appuyer leur avis défavorable sur les crédits de la mission, le compte n'y est pas.

Après la parenthèse de la pandémie, la tendance à la hausse des flux de personnes entrant sur le territoire depuis une vingtaine d'années, aussi bien légalement qu'illégalement, s'est confirmée.

C'est la problématique des étrangers en situation irrégulière qui soulève tout particulièrement des interrogations quant à notre capacité à mener à bien nos politiques en matière migratoire.

Par exemple, en 2022, la France comptait plus de 400 000 bénéficiaires de l'aide médicale de l'État (AME), soit une hausse de près d'un tiers par rapport à 2016.

Bien entendu, les négociations autour du pacte européen sur la migration et l'asile se poursuivent au sein des instances de l'Union européenne, de même que se prolonge l'examen du projet de loi Immigration en France. Attendre un retournement de tendance semble néanmoins peu raisonnable à court terme. Il est donc indispensable d'agir.

Pourtant, les crédits du programme 303 « Immigration et asile » consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière ne représentent qu'un volume assez faible des crédits de la mission : 12 %, soit 260 millions d'euros.

Cette faiblesse relative de l'effort financier contribue probablement à la faiblesse des indicateurs : ainsi, le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) s'établit en deçà de 7 % depuis 2020.

En outre, bien que nous saluions l'annonce de l'extension graduelle des capacités d'accueil des centres de rétention administrative (CRA), nous estimons que l'augmentation du nombre de places dans l'Hexagone, telle qu'elle est envisagée dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) – d'environ 1 850 places en 2023 à 3 000 places en 2027 –, est difficilement concevable si l'on s'en tient à la trajectoire actuelle.

Il y a un réel risque d'effet de ciseaux entre le nombre de places et celui des personnes mises en rétention, comme le laisse craindre la remontée des taux d'occupation des CRA.

J'en viens aux politiques en matière d'asile.

Commençons par saluer la réduction du délai de traitement des demandes, qui a atteint en moyenne 311 jours au mois de septembre dernier.

Cela étant, il ne faut pas oublier que cette réduction n'est pas sans lien avec le « trou » des arrivées observé durant la pandémie. En fait, les progrès réalisés pourraient rapidement être contrebalancés par la reprise rapide du nombre des demandes.

Concernant le versement de l'allocation pour demandeur d'asile, nous partageons le constat établi par les rapporteurs d'un manque de sincérité des prévisions. En effet, si les crédits dévolus à cette allocation affichent une baisse faciale et si les hypothèses concernant la progression des demandes d'asile sont prudentes, le Gouvernement exclut les versements effectués aux personnes déplacées d'Ukraine qui bénéficient de la protection temporaire. Pourtant, s'ils y figuraient, ces versements représenteraient une part substantielle de la dotation au titre de l'ADA.

Pour ce qui est du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », nous constatons qu'au vu des besoins notre pays reste en retard, malgré une hausse des crédits l'an passé, hausse qui n'a d'ailleurs pas été reconduite cette année.

Or l'intégration, notamment par la langue, est une composante essentielle de la politique migratoire. C'est du reste pourquoi le Sénat en a voté le renforcement le mois dernier.

L'évolution de ces crédits ne saurait être découplée de celle des flux eux-mêmes, au risque que l'on intègre mal, voire que l'on n'intègre pas du tout.

Sans entrer davantage dans le détail, nous dressons une fois de plus le constat d'une politique d'asile et d'immigration menée au fil de l'eau, qui ne se dote pas des moyens de maîtriser la situation, ce dont pâtissent à la fois les Français et les étrangers résidant en France.

La mission « Immigration, asile et intégration », telle qu'elle nous est soumise, n'est donc pas à la hauteur des enjeux politiques, humains ou encore administratifs inhérents à ces questions.

Pour l'ensemble de ces raisons, et comme l'an passé, le groupe Les Républicains suivra l'avis défavorable des rapporteurs et ne votera pas les crédits de cette mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion