Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 4 décembre 2023 à 10h00
Loi de finances pour 2024 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, après une nouvelle année de records de températures et de catastrophes climatiques – il nous faudra, du reste, revoir nos financements pour répondre à cette nouvelle donne –, et alors que la COP 28 est tenue de reprendre la main, l'on sait à présent qu'il s'agit de se préparer à une augmentation des températures en France d'ici à 2100 de l'ordre de 3, 5 à 4 degrés.

Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz pointe l'ampleur des investissements nécessaires pour la transition écologique.

C'est donc en fonction de sa concordance avec ces enjeux qu'il s'agit d'apprécier le budget de la mission « Écologie ».

Or que constate-t-on ? Une fois mis à part le reflux des mesures de soutien aux consommateurs d'énergie, nettement moins coûteuses que l'an dernier, si les crédits de cette mission, tous programmes confondus, se révèlent globalement en hausse, ladite hausse est néanmoins inférieure à l'inflation.

Le fonds vert connaît une progression significative, réponse au nombre considérable de dossiers déposés en 2023 qui n'ont pas pu être financés. Ce fonds n'étant pas, comme promis, « à la main des collectivités », et afin de remédier à la faiblesse d'une animation territoriale pourtant indispensable pour accélérer et gagner en efficacité, mon groupe propose de basculer 200 millions d'euros du fonds vert en direction de l'ingénierie et du financement des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET).

Pour ce qui est des effectifs du ministère, ils augmenteront, mais cette augmentation mesurée doit être relativisée à l'aune d'une trajectoire de plus de vingt ans de réduction draconienne.

Pour l'Office français de la biodiversité (OFB), mobilisé sur la biodiversité, les aires protégées et le plan Eau, l'augmentation des effectifs est clairement insuffisante.

De même, l'Institut national de l'information géographique et forestière, qui voit son plafond diminuer, ne peut être ainsi laissé-pour-compte. Les mégafeux de l'été 2022 ont montré combien l'inventaire de l'IGN était précieux pour suivre les effets du changement climatique sur les écosystèmes.

Les défis climatiques et énergétiques, mais aussi ceux du pouvoir d'achat et de la santé, mettent au rang des urgences le traitement des 25 millions de passoires thermiques. La hausse de 1, 6 milliard d'euros des crédits alloués à MaPrimeRénov' est donc bienvenue, même si une part de cette augmentation est un peu en trompe-l'œil.

Je déplore toutefois que le gros milliard d'euros de crédits non consommés en 2023 ait été annulé, comme je déplore que le reste à charge demeure, pour les ménages les plus modestes, de l'ordre de 45 %.

Le rapport de notre commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique a bien mis en lumière les dysfonctionnements de MaPrimeRénov' et la nécessité de sortir de l'instabilité et de la confusion que ce dispositif suscite pour les usagers, compte tenu notamment de la complexité de la constitution des dossiers.

S'il convient d'abonder encore le programme budgétaire dédié – mon groupe présentera un amendement en ce sens –, il faut aussi s'assurer que les conditions de leur consommation soient remplies. Mon groupe propose donc de garantir la stabilité des modalités de ces aides en insérant cette stratégie et son volume financier dans une programmation pluriannuelle.

La sous-exécution des crédits de MaPrimeRénov' est symptomatique d'un dispositif qui s'essouffle dans sa montée en puissance, qui a besoin de clarté, mais aussi d'animation territoriale et de visibilité budgétaire.

Avec ce PLF, l'effort budgétaire pour les transports continue son augmentation. Pour autant, cette hausse des crédits ne décline pas de manière lisible l'engagement dans le scénario de planification écologique que l'on nous promet. Certes, des signaux sont envoyés : je citerai la réduction de moitié de l'enveloppe destinée aux routiers dans les contrats de plan État-région (CPER) et la part majeure, de 8 milliards d'euros sur un total de 13, 5 milliards, allouée aux mobilités durables que sont le train, le transport fluvial, le vélo ou les transports urbains.

Pour autant, ce PLF n'est pas ce qu'il aurait dû être, à savoir le premier acte de l'avancée dans la planification écologique. Vous affirmez qu'il y aura beaucoup moins de projets routiers à l'avenir, monsieur le ministre chargé des transports, mais le projet d'A69 n'est pas remis en cause et, les CPER mis à part, car ils relèvent encore de l'hypothèse, je constate, à la lecture des crédits ligne par ligne, que ceux qui sont consacrés au transport routier sont stables, voire qu'ils augmentent : aucun changement net !

Pour ce qui est du rail, chantier principal de la planification écologique, nous n'avons pas le début construit des éléments tangibles du plan d'avenir de 100 milliards d'euros d'ici à 2040 dont la Première ministre nous annonçait pourtant, en février dernier, qu'il serait opérationnel dès l'été venu. L'été est passé et, manifestement, le Gouvernement n'y est pas encore.

Les 300 millions d'euros supplémentaires alloués à la régénération et à la modernisation viendront exclusivement du fonds de concours du groupe SNCF. Ce sont autant de moyens en moins pour les trains de nuit, qui ont besoin de rames de qualité pour réussir comme en Autriche, sans compter que c'est la possibilité de réduire le coût des billets que l'on compromet ainsi.

Alors que l'essor du fret ferroviaire est lui aussi menacé, ce mode de transport est de surcroît fragilisé par la discontinuité imposée à Fret SNCF, qui sera dépecé.

Au regard de la planification écologique à engager, ce budget ne tient-il pas plutôt du budget d'attente ? Il y manque en tout cas les arbitrages déterminants nécessaires en vue d'une loi de programmation qui réponde aux besoins des AOM pour leurs services express régionaux métropolitains, qui fasse avancer la question du versement mobilité, qui débloque le frein des péages ferroviaires, qui actionne le principe du pollueur-payeur pour le kérosène ou la contribution poids lourds, qui mobilise effectivement les crédits issus de la mise aux enchères des quotas carbone, et qui atteigne, à terme, les 5 milliards d'euros par an indispensables à la régénération et à la modernisation du réseau.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, si ce PLF améliore bel et bien les perspectives pour cette mission, il n'est cependant pas le tournant budgétaire décisif en faveur de l'écologie auquel nous aspirons.

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